L. latine 306.  >
À Johann Georg Volckamer,
le 1er août 1664

[Ms BIU Santé no 2007, fo 173 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johann Georg Volckamer, à Nuremberg.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Voici que je reçois par notre ami M. Picques, [2] ce 28e de juillet, votre dernier paquet, où j’ai trouvé tout ce que promettait votre liste. J’aurais souhaité que vous eussiez indiqué le prix de tout cela, je l’aurais réglé à M. Picques, pour qu’il vous le remboursât. Comme vous l’avez voulu, j’ai envoyé il y a deux mois à Lyon, à notre ami M. Charles Spon, [3] tous les livres de Guillaume de Baillou, [4] médecin de Paris. J’ai cherché, mais n’ai pas trouvé les Dædalmata de Chifflet et les Epistolæ d’Aristénète ; [5][6] si elles se présentent, je ne les laisserai pas passer. [1] Je vous sollicite à nouveau pour ce que je vous ai demandé le 16e de mai dernier. [2] J’ai ici le Theatrum sympatheticum qu’on a récemment publié chez vous, mais suis peiné qu’on y ait omis un chapitre distinct sur ce sujet, l’unguentum hopliatricum, dont traite le livre i de la Physica du très distingué Bartholomäus Keckermann. [3][7][8][9] Je salue vos illustres compatriotes, MM. Richter, [10] Felwinger, [11] Dilherr, [12] Conring, [13] Werner Rolfinck, [14] et autres lumières de notre siècle. Que Dieu tout-puissant protège W. Rolfinck, homme digne de louange, auteur si heureux et si savant, dont je tiens toutes les œuvres en haute estime. Mais qu’est-il advenu de votre Philippus Carolus après qu’il eut quitté votre pays ? [15] Où s’en est-il allé ? Je voudrais savoir s’il est devenu papiste, s’il s’est fait moine. [16] Qui sont cet Eckard Leichner [17] et ce Johann Theodor Schenk, auteur d’une Historia generalis plantarum ? [4][18] Si quelque chose de tel se publie dorénavant à Altdorf, Iéna, Leipzig, Helmstedt ou ailleurs, j’entends des thèses médicales ou philosophiques, ou des discours académiques, achetez-les-moi donc s’il vous plaît, je vous en rembourserai le prix de bon cœur ; [19][20][21][22] je les recevrai comme un grand bienfait et vous en serai reconnaissant. Les opuscules qu’a écrits Philippus Carolus ne me déplaisent pas, mais ceux de Rolfinck me plaisent énormément parce qu’il écrit avec élégance et précision. Je vous ai demandé si le très distingué Thomas Reinesius avait jadis publié un discours énonçant que licere Medico præparare medicamenta, ea sibi habere secreta, eaque divendere ægrotantibus[5][23] Ôtez-moi, s’il vous plaît, de ce doute ; néanmoins, quoi que vous me répondiez ou que ce grand homme ait conclu, Hippocrate, [24] entre autres demandes, dans son traité De la Bienséance, interdit l’apempolêsis, qui est le trafic et la vente des médicaments, etc. Voyez Foës, dans l’Œconomia Hippocratis[6][25] N’y a-t-il pas aujourd’hui quelque illustre professeur de Wittemberg qui enseigne la médecine dans la chaire qu’a occupée Daniel Sennert il y a 30 ans ? [26] Cette Université n’est-elle pas parmi les célèbres de votre Allemagne ? N’y imprime-t-on pas quelques thèses ou disputations médicales, comme à Iéna et à Helmstedt ? Un savant homme de chez nous possède le fragment de Pétrone récemment arrivé d’Italie ; s’il le fait imprimer, comme on l’espère, [7][27][28] je vous en enverrai quelques exemplaires, pour vous et [Ms BIU Santé no 2007, fo 174 ro | LAT | IMG] nos amis, savoir MM. Richter, Dilherr, Felwinger, Rolfinck, Conring. Récemment, est venu en cette ville un légat romain, cardinal et neveu du pape par son père, pour confirmer la paix entre le pontife et notre roi. [29][30][31] On ne sait rien des autres affaires, ce sont les arcanes du gouvernement et du siècle auquel Dieu nous a réservés. Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

De Paris, le 1er août 1664.

Vôtre de tout cœur, G.P.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johann Georg Volckamer, ms BIU Santé no 2007, fos 173 vo‑174 ro.

1.

V. note [5], lettre latine 283, pour la liste complète des ouvrages de Guillaume de Baillou, et [10], lettre 901, pour les « Épîtres [amoureuses] » d’Aristénète.

Guy Patin n’avait pas trouvé les Ioan. Iac. Chiffletii, Philosophi ac Medici Vesontini, Dædalmatum libri duo priores [Deux premiers livres des Daidalmata (Œuvres d’art) de Jean-Jacques Chifflet, philosophe et médecin natif de Besançon] (Paris, Jean Richer, 1611, in‑8o), recueil de 41 courts chapitres traitant de questions médicales et érudites très diverses.

2.

Dans sa lettre du 16 mai 1664, Guy Patin avait demandé à Johann Georg Volckamer de lui procurer divers ouvrages ; il l’y avait aussi déjà interrogé sur Philippus Carolus, Eckard Leichner et Johann Theodor Schenck (v. notes [3] et [4], lettre latine 295).

3.

V. la note [28] de L’homme n’est que maladie, pour la somme intitulée « Amphithéâtre sympathique » (Nuremberg, 1662) et pour l’« onguent hopliatrique » (censé guérir une blessure à l’aide de l’arme qui l’a provoquée), charlatanerie que Bartholomäus Keckermann (v. note [18], lettre 181) avait dénigrée dans le livre i de son Systema physicum [Système physique] (Hanau, 1623), avec la transcription et la traduction commentée du passage auquel se référait ici Guy Patin.

4.

V. notes [4], lettre latine 295, pour l’« Histoire générale des plantes » de Johann Theodor Schenck (Iéna, 1656), et [2] supra, pour Philippus Carolus, dont la conversion du luthéranisme au catholicisme intriguait fort Guy Patin.

5.

« il est permis au médecin de préparer des médicaments, de les tenir secrets et de les vendre aux malades » : v. note [4], lettre latine 127, pour ce propos de Thomas Reinesius dans sa Chimiatria (Gera, 1624).

6.

Dans son Œconomia Hippocratis [Lexique hippocratique, v. note [23], lettre 7], Anuce Foës définit ainsi le mot απεμπολησις (édition de Francfort, 1588, page 71) :

est nundinatio et venditio. […] Lib. Περι ευσχημοσυνης (pagina 15.34) αναγκαιων καθαρσιων απεμπολησις quibusdam sumitur, ut sit nundinatio ac venditio medicamentorum ad purgandum necessariorum, cuius cognitionem Medico necessariam esse velit. Interpretes tamen aliter απεμπολησιν sumunt. Cornarius alienitatem a mercimoniis dixit. Zuinggerus fugam mercimoniorum, ut turpem lucri quæstum, aut lucri cupiditatem Medico devitandam indicet Hippocrates, et ægrorum nundinationem. Calvus certe απεμπολησιν pro reiectione et aversatione cepit, et ακαθαρσιων aut ακαθαρσιης απεμπολησιν legit, cum non puræ et castæ rei aversationem dixit.

[c’est le trafic et la vente. (…). Dans le livre Περι ευσχημοσυνης (page 15.34), {a} certains comprennent αναγκαιων καθαρσιων απεμπολησις comme voulant dire « le trafic et la vente des médicaments nécessaires pour purger », dont il {b} voudrait que la connaissance fût nécessaire au médecin. Les traducteurs comprennent pourtant απεμπολησιν autrement : Cornarius {c} dit « aversion pour les marchandises » ; Zwinger {d} dit « fuite des marchandises », Hippocrate dénonçant la honteuse recherche du lucre ou le désir d’argent que le médecin doit éviter, et l’exploitation mercantile des malades ; Calvus {e} a certainement pris απεμπολησιν dans le sens de « rejet et aversion », et lit ακαθαρσιων ou ακαθαρσιης απεμπολησιν, puisqu’il dit « aversion pour ce qui n’est ni pur ni vertueux »].


  1. « De la Bienséance » ou « De la Bonne mine du médecin » (Littré Hipp, volume 9, pages 222‑245) : traité hippocratique qui distingue les médecins proprement dits des marchands ou des apothicaires.

  2. Hippocrate.

  3. Janus Cornarius, v. note [35], lettre 406.

  4. Theodor Zwinger, v. note [34], lettre 297

  5. Marcus Fabius Calvus, v. note [5], lettre latine 91.

7.

V. note [11], lettre 792, pour les éditions par Pierre Petit et Jacques Mentel (Padoue et Paris, 1664) du Satyricon de Pétrone, enrichi du fragment qu’on avait découvert en Dalmatie.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 173 vo.

Clariss. Viro D. Io. Georgio Volcamero, Noribergam.

Ecce tandem accipio, 28. Iulij, postremum tuum fasciculum, Vir Cl. per
D. Picques, amicum nostrum : in quo reperi quidquid promittebat tuus
Indiculus : et utinam apposuisses pretium singulorum, quod statim
redderem D. Picques, ut Tibi restitueretur. Ante mensem 2 Lugdunum
1 misi ad D. Car. Sponium, amicum nostrum, Opera omnia G. Ballonij,
Med. Paris.
qualia antehac voluisti. Chiffletij Dædalmata, et
Epistola Aristæneti
quæsivi, nec reperi : si prostent, non negligam.
Iterum Te rogo pro ijs quæ à Te petij 16. Maij, hujus anni. Hîc habeo
Theatrum Sympatheticum nuper apud vos editum, in 4. doleo tamen
quod illic omissum fuerit caput insigne de ea re, quod habetur de
unguento hopliatrico, lib. i. Physicæ Barth. Keckermanni, Viri Cl.
Illustres viros vestrates saluto, D.D. Richerum, Felwingerum,
Dilherum, Conringium, Guern. Rolfinkium
, et alia sæculi nostri
lumina. Dignum laude virum G. Rolf. sospitet Deus Opt. Max. qui tam feliciter
ac eruditè scribit : et cujus opera omnia maximi facio. Sed quid factum
est vestro illi Phil. Carolo, posteaquam vos deseruit : quónam
abijt ? an factus Papista, fecerit se Monachum, scire vellem : quis
ille Eccardus Leichnerus, et Io. Theod. Schenkius, qui scripsit Historiam
plantarum generalem.
Si quid tale in posterum edatur Altorfij, Ienæ, Lipsiæ,
Helmæstadij,
aut alibi : Theses intelligo Medicas aut Philosophicas, aut Orationes
Academicas,
si placet emantur mihi : totum pretium lubens refundam :
tantum beneficium per Te accipiam, et gratus ero : libelli à Phil. Carolo
scripti, non displacent : placent v. plurimum quæ scribuntur à Rolfinckio,
quoniam eleganter et accuratè scribit. Antehac à Te petebam, an Vir Clar.
Thomas Reinesius, olim edidit Orationem, quæ declaravit licere Medico præparare
medicamenta, ea sibi habere secreta, eáq. divendere ægrotantibus :
fac sodes ut
tale dubium mihi solvas : nihilominus tamen, quidquid responderis, aut vir
magnus concluserit, ab Hippocrate περι της ευσχημ. inter alia requisita,
vetatur απεμπολησις, medicamentorum nundinatio aut venditio, etc. Vide Foesium,
in Œconomia Hippocratis.
Estne aliquis hodie famosus Professor Vitebergæ,
qui doceat Medicinam, in eodem loco quo Daniel Sennertus, ante annos 30. estne
in Germania inter alias celebris illa Academia in vestra Germania ? nonne Theses
aut Disputationes Medicæ aliquot, ut Ienæ ac Helmstadij typis mandan-
tur ? Hîc habetur à quodam Erudito, fragmentum Petronij Arbitri, ex Italia
nuper adventum : si prælo suijciatur, ut spes est, mittam ad Te aliquot Exemplaria, pro Te et

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 174 ro.

Amicis, nempe D.D. Richtero, Dilhero, Felw. Rolf. Conringio. Nuper in hanc
Urbem venit Legatus quidam Romanus, cardinalis et Papæ ex fratre
nepos, ad firmandam pacem cum Pontifice, et Rege nostro : cætera nesciun-
tur : sunt arcana politica Imperij et Sæculi, ad quos nos reservavit
Dominus. Vale, Vir Cl. et me ama. Parisijs, 1. Aug. 1664. Tuus ex animo, G.P.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Georg Volckamer, le 1er août 1664

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(Consulté le 29/03/2024)

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