L. latine 310.  >
À Johann Daniel Horst,
fin août 1664

[Ms BIU Santé no 2007, fo 164 vo | LAT | IMG]

Au même.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Afin de {m’acquitter de mon devoir et mieux, pour} satisfaire à ma charge et eam quam nactus sum Spartam ornarem, étant donné l’importance de la cause, [1][2][3] je me suis récemment rendu au logis de votre fils Gregor < sicCharles > Horst, [4] qui demeure rue Saint-Jacques, près du Collège des pères jésuites, [5] chez M. Louis Gayan, maître chirurgien à Paris[2][6] qui est mon ami depuis de nombreuses années. Il est très expérimenté dans les dissections anatomiques, [7] ainsi que dans tout ce mystère anatomique de la circulation du sang, dont il exposera tous les arcanes aux yeux de votre très cher fils aussi longtemps qu’il le voudra durant les mois d’hiver, novembre, décembre, janvier et février. [3][8][9] J’ai vivement recommandé votre fils à ce M. Gayan et à son épouse, laquelle je connais depuis 32 ans ; il sera donc considéré comme mon absolu protégé. Je pense qu’il faut organiser ses études ainsi : pendant deux ou trois mois, qu’il lise chaque jour quelque bon livre de médecine et apprenne à parler le français ; ensuite, qu’il s’adonne à l’étude de l’anatomie pendant tout l’hiver ; cela fait, qu’il se consacre à celle de la pathologie et de la thérapeutique, sachant que vers le début de mars, je reprendrai mes leçons au Collège royal, si Dieu me prête vie jusque-là. [4][10] De novembre à avril, se tiennent aussi quantité de disputations publiques dans les Écoles de médecine de Paris : [11][12] les docteurs régents, chacun à leur tour, y débattent contre un bachelier qui répond en présence d’un nombreux auditoire ; votre fils pourra assister à tous ces actes. Au mois de mai, vers la fin du printemps, quand cette déesse parfumée tirera de son sein et déploiera ses fleurs, [5][13] sous la conduite et les auspices de deux docteurs en médecine, l’enseignement de la botanique reprendra, empli d’une agréable diversité, dans le Jardin royal, [14] au faubourg Saint-Victor, [15] et dans d’autres jardins, privés ou publics, dans les champs, dans les forêts, où l’on trouve chaque jour quantité de nouveautés admirables ; et tout cela sera à la disposition de votre fils, qui en verra et entendra autant qu’il voudra, du mois de mai jusqu’à l’automne. Vous voyez donc, très distingué Monsieur, que rien ne manquera à l’assouvissement de son zèle pour la médecine ; il verra même les manipulations de chimie sous la conduite de Christophe Glaser, [16][17] natif de Bâle, qui a un frère docteur en médecine, lequel exerce à Bâle et fut jadis mon auditeur au Collège royal[18] Cela étant établi, vous pouvez être convaincu et persuadé que votre fils ne manquera de rien, même pendant les mois de l’hiver, qui est habituellement très rude ici ; mais en attendant, je vous prie de m’aimer et de m’indiquer ce que vous souhaitez que je vous envoie de notre ville. {J’adresse mes plus déférents compliments au très distingué M. Lorentz Strauss.} [19] Quand il aura terminé son étude de l’anatomie, {etc. au petit billet}. [6]

a.

Brouillon autographe d’une lettre non datée et incomplète dont la position dans le ms BIU Santé no 2007 (fo 164 vo) et le contenu (projet pédagogique de Guy Patin pour Georg Horst, arrivé de fraîche date à Paris pour y étudier la médecine) établissent qu’elle est adressée à son père, Johann Daniel Horst (Eidem, « au même » [que la celle qui précède]), et que Patin l’a écrite entre le 22 août (date de la lettre latine qui précède) et le 1er septembre 1664 (date de celle qui suit).

1.

« de faire resplendir la Sparte que le sort m’a remise », adage érasmien, où Sparte est à prendre dans le sens de devoir (v. note [2], lettre latine 265).

Guy Patin a rayé les mots traduits entre accolades : officio meo defungerer, imo ut.

2.

Les mots en italique sont en français dans le manuscrit ; « rue Saint-Jacques » est la traduction que Guy Patin donnait de vicus Divi Iacobi [quartier de Saint-Jacques]. Par étourderie, il a prénommé Gregor, au lieu de Georg, le fils de Johann Daniel Horst.

Le Collège des jésuites de Paris (Collège de Clermont, v. note [2], lettre 381) se trouvait rue Saint-Jacques sur l’actuel emplacement du lycée Louis-le-Grand.

V. note [7], lettre 921, pour Louis Gayan, chirurgien de Saint-Côme.

3.

Comme en témoigne sa thèse du 18 décembre 1670, Guy Patin fut l’un des derniers médecins parisiens à s’afficher contre la circulation du sang, que William Harvey avait découverte en 1628. Il est surprenant de voir Patin confier le jeune Georg Horst, les yeux fermés, à Louis Gayan, chirurgien qui avait étroitement collaboré aux travaux de Jean Pecquet sur les voies du chyle (v. note [15], lettre 280).

Médecin et anatomiste novateur, Pecquet avait clairement déclaré son adhésion à la circulation de Harvey dans sa Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et motu chyli [Dissertation anatomique sur la circulation du sang et sur le mouvement du chyle] (Experimenta nova anatomica [Expériences anatomiques nouvelles…], Paris, 1654, pages 25‑50 ; v. note [4], lettre 360). L’insaisissable Patin, ami de Pecquet et de Gayan, n’en était vraiment pas à un paradoxe près.

4.

V. note [1], lettre latine 309.

5.

Mense Maio, sub finem Veris, flores suos extendet atque depromet de sinu suo fragrans illa Dea : style poétique auquel je n’ai pas trouvé de source.

Maia, déesse romaine de la fertilité et du printemps, a donné son nom au mois de mai.

6.

Guy Patin a biffé les passages mis entre accolades et n’a pas achevé sa lettre. Il semble avoir écrit la fin sur un petit billet que le ms BIU Santé no 2007 n’a pas conservé. Dans son dernier tronçon de phrase non barré, il revenait aux études du jeune Georg Horst.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 164 vo.

Eidem.

Vir Cl.
Ut officio meo defungerer, imò ut muneri meo satis-
facerem, et eam quam nactus sum Spartam, ornarem pro rei dignitate,
nuper me transtuli ad ædes Filij tui Gregorij Horstij, commorantis in
vico Divi Iacobi, ruë S. Iacques, prope Collegium Patrum Iesuitarum,
chez M. Loüis Gayan, Maistre Chirurgien à Paris, qui est amicus meus à
multis annis, et in dissectionibus Anatomicis peritissimus, ut et in toto illo
mysterio Anatomico, de Circulatione sanguinis, cujus arcana omnia Filij
tui carissimi quamdiu voluerit, oculis subijcientur, hybernis mensibus,
nempe Nov. Dec. Ianu. et Febr. Illius D. Gayan, et ejus uxori, ante
annos 32. mihi notæ, Filium tuum seriò commendavi, ideóq. commendatissi-
mus habebitur. De ejus studijs sic puto statuendum : ut quotidie legat
bonum aliquem librum Medicum, et discat Gallicè loqui, intra menses
duos aut tres : postea incumbat studio Anatomico per totam hyemem :
qua exacta totum se tradat lectioni Pathologicæ et Therapeuticæ :
Ego v. circa initium Martij novas Prælectiones inchoabo, in Schola
regia, si Deus vitam mihi proroget usque ad illum tempus. A mense
Nov. usque ad Aprilem, habentur quoque multæ Disputationes publicæ
in Scholis Medicorum Paris. in quib. Doctores Medici 2 ordine suo, 1 Scholæ, fortiter disputant
adversus Baccalaureum respondentem, in frequenti Auditorum concessu,
quibus singulis actibus interesse poterit Filius tuus. Mense Majo,
sub finem Veris, flores suos extendet atque depromet de sinu suo suavis fragrans
illa Dea : tuncq. duorum Medicinæ Doctorum ductu atque auspicio, re-
novabitur studium AnatomBotanicum, grata varietate refertum, in
Horto Regio, in suburbio S. Victoris, ut et in quibusdam hortis privatis,
et quibusdam publicis, in agris, in sylvis, ubi nova et miranda multa
quotidie occurrunt, et hæc omnia patebunt Filio tuo, qui quæ voluerit,
audiet et videbit à Maijo usque ad Autumnum : Ex his vides Vir Cl.
nihil quidquam illi defuturum ad studij Medici perfectionem : imò et
Chymicas operationes videbit sub peritissimo Chymista Chr. Glaser,
Basilensi, qui fratrem habet Med. Doctorem, Basilæ agentem, meum
olim in Schola regia auditorem. His positis, potes Tibi persuadere et
animum inducere, Filio tuo nihil quidquam defuturum, nequidem frigus hye-
mis mensibus, quod hîc 2 solet 1 esse acerrimum. Interea v. rogo Te ut me
ames, mihique indices, quid ex hac Urbe nostra cupias ut ad Te mittam.
Cl. virum D. Laur. Straussium quàm possum officiosissimè saluto.
Peracto studio Anatomico, etc. au petit billet.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Daniel Horst, fin août 1664

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1343

(Consulté le 24/04/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.