[Ms BIU Santé no 2007, fo 191 ro | LAT | IMG]
Votre lettre m’est parvenue de Genève, mais j’attends encore de jour à autre le fasciculus Meibomianus et Beyeranus. [1][2][3] Je n’ai pas vu M. Kornmann, mais il m’a laissé votre lettre en mon absence ; [2][4] si je lui mets la main dessus, je le tiendrai pour très recommandé de votre part. J’ignore entièrement qui est ce secrétaire du roi qui est venu vous voir de ma part et de celle de mes fils, [5][6] et vous a offert une histoire de la vie de Jean Verjus. [3][7] Je vous prie de ne pas vous laisser duper par quiconque en notre nom ; les fraudes règnent partout, tout comme les imposteurs qui les forgent ; je voudrais que vous ne fassiez confiance à personne que je ne vous aie recommandé par un écrit de ma propre main. Nous n’avons rien de nouveau sur les préparatifs de guerre entre les Anglais et les Hollandais ; on en attend la paix ou le combat avant la fin du mois. [4][8] Nous n’avons rien de nouveau en librairie. Durant les trois premiers mois de cette année, janvier, février et mars, on a imprimé et vendu ici un périodique, sous le nom de Journal des Sçavans, [9] dirigé par un conseiller du Parlement qui se nomme M. de Sallo ; [10] mais après trois mois, notre roi lui a imposé le silence, a révoqué son privilège et interdit que nul autre pareil ouvrage n’en prenne la suite ; ce qui fut dit fut fait et on a obtempéré à l’édit souverain. [5][11] Cette décision a déplu à beaucoup de gens, on l’a imputée au pape, [12] au nonce apostolique, [13] aux jésuites et autres moines, [14][15] bien qu’on en ignore la véritable raison. Beaucoup espèrent ici qu’on en relancera la publication, et ce avec due permission du roi. [16] [Ms BIU Santé no 2007, fo 191 vo | LAT | IMG] Si cette entreprise reprend et recommence comme elle avait commencé, je vous en aviserai sans tarder, de son auteur, etc. Il semble que quantité de gens qui ont de la curiosité et du zèle pour les lettres le souhaitent fort, et donc l’espèrent. Dieu fasse qu’il en soit ainsi ! J’ai ici à votre intention ce Dion Chrysostome, [17] grec et latin, in‑fo, que vous recherchez, bien relié, avec les notes de Frédéric Morel, Casaubon, etc. [18][19] Je vous le ferai parvenir par Sebastian Switzer, [20] dont j’ai entendu dire qu’il viendra bientôt ici. Dites-moi ce que vous désirez que je fasse de votre argent que j’ai en mains, savoir 14 thalers, etc. : [21] si vous voulez bien, je le remettrai au jeune Horst, [22] et son père vous le rendra à votre guise. [6][23] J’ai enfin retrouvé l’Index erratorum Casp. Hofmanni, de Medicamentis officinalibus, écrit de sa propre main, et je vous le joins. La semaine prochaine vous recevrez une lettre à ce même propos, qui vous aidera sur le même sujet. [7][24] Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi. Je salue votre épouse, [25] et votre petit garçon.
De Paris, le 4e de juin 1665.
Vôtre de tout cœur, Guy Patin.
Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite Eidem [Au même], c’est-à-dire à Sebastian Scheffer : dans le ms BIU Santé no 2007, elle occupe le fo 191 ro et vo, juste après celle du 24 mai 1665 à Scheffer (fos 190 ro‑191 ro), qu’elle complète.
Ce « paquet meibomien et beyerien », que Guy Patin attendait impatiemment de Genève, via Charles Spon à Lyon, contenait :
Première des deux apparitions dans la Correspondance de cet Allemand nommé Kornmann (prénom inconnu), que Sebastian Scheffer recommandait à Guy Patin, mais dont il n’a rien dit de plus. Peut-être était-il apparenté à Heinrich Kornmann, cité plus loin dans notre édition (v. note [1], lettre latine 428).
L’abbé Jean Verjus (vers 1631-1663), prêtre, docteur de Sorbonne (en théologie), aumônier et prédicateur du roi, était un savant polyglotte et un historien religieux. Sa brève existence ne lui permit de laisser que quelques discours et lettres latines. Je n’ai pas trouvé d’édition séparée de sa vie, mais elle occupe la longue préface (52 pages) qui ouvre l’édition posthume des Panégyriques de Monsieur Verjus. Dédiés à Monseigneur l’éminentissime cardinal de Retz (Paris, François Muguet, 1664, in‑4o, par François Verjus, prêtre de l’Oratoire et frère de Jean).
V. note [1], lettre 871, pour la bataille navale de Quatre jours (11‑14 juin 1665), qui ne mit pas fin au conflit, en dépit de la victoire des Hollandais sur les Anglais.
V. notes [6], lettre 814, [1], lettre 816, et [3], lettre 821, pour : les premiers numéros du Journal des Sçavans ; son fondateur, Denis de Sallo ; ses virulentes attaques contre les Familles romaines de Charles Patin (février-mars 1665) ; l’interruption de sa parution de mars 1665 à janvier 1666.
Ces 14 thalers (soit 42 livres tournois) représentaient sans doute la somme que Guy Patin avait reçue de Sebastian Scheffer pour l’achat du miroir qu’il destinait à son épouse (v. note [2], lettre latine 296), mais auquel Patin l’avait convaincu de renoncer, étant donné les difficultés du transport d’un objet si fragile depuis Paris jusqu’à Francfort.
V. note [3], lettre latine 322, pour les Orationes [Discours] de Dion de Pruse, dit Chrysostome (Paris, 1604), avec la discussion d’Isaac Casaubon et les annotations de Frédéric ou Fédéric Morel (1558-1630), imprimeur ordinaire du roi (1581-1602) et professeur royal d’éloquence gréco-latine (nommé en 1586).
V. note [88], lettre latine 351, pour l’« errata de Caspar Hofmann sur les Médicaments officinaux », ouvrage qui avait été publié à Paris en 1646. Ayant oublié que ce manuscrit d’Hofmann était en sa possession, Guy Patin avait entamé la longue liste de corrections qui forme l’essentiel de sa précédente lettre à Sebastian Scheffer ; il l’a datée du 24 mai 1665 (v. sa note [89]), mais il annonçait ici qu’il ne l’enverrait que vers la mi-juin, car mettre son brouillon au net exigeait sûrement de lui beaucoup de temps et d’attention.
V. note [2], lettre latine 368, pour la mésaventure postale, heureusement sans conséquence, qui attendait un des deux errata des Médicaments officinaux (celui de Patin ou, plus probablement, celui d’Hofmann).
Ms BIU Santé no 2007, fo 191 ro.
Eidem.
Literas tuas per Genevam accepi, sed fasciculum Meibo-
mianum et Beyeranum in dies expecto. Dominum Kornmannum non vidi, sed hîc
absenti mihi tuam reliquit : si illum deprehendam, erit mihi commendatissimus
tuo nomine. Quis sit ille Secretarius regius, qui meo et Filiorum nomine Te adijt,
obtulitque vitam Io. Verjusij, planè nescio : ne patiaris quæso nomine nostro
Tibi à quoquam fucum fieri : fraudes ubique regnant, et impostores fraudum
artifices : nemini credas velim, nisi meo nomine proprióque scripto Tibi eum commenda-
verim. De bellico apparatu Batavorum adversus Anglos nihil habemus novi ;
ante finem mensis expectatur aut pax aut certamen. De re literaria nihil
hîc habemus novi : Tribus primis hujus anni mensibus, Ianu. Febr. et Martio,
viguit hîc, et vænum fuit expositum quoddam Scriptum typis mandatum, sub
hoc titulo, le Iournal des Sçavans : promotore quodam Senatore Parlamenti
qui dicitur Dominus de Salo : sed post tres menses, silentium ei Rex noster imposuit,
privilegium suum revocavit, vetuitque nequis eoidem opus prosequeretur :
dictum factum, et jubenti Regi fuit obtemperatum : isthæc inhibitio
multis ingrata fuit, quæ imputatur Papæ, Nuntio Apostolico, Iesuitis, et
alijs quibusdam Monachis : quamvis vera ejus causa nesciatur : sed multi sunt
hîc qui sperant istud Opus renovatum iri, idque cum bona Regis venia.
Ms BIU Santé no 2007, fo 191 vo.
Quod si restituatur istud negotium, et recurrat ut antehac cœperat,
statim Te monebo de re, de auctore, etc. Videtur hoc à quammultis
in re libraria curiosis ac studiosis, admodum exoptari, unde fit ut à quam-
plurimis speretur : et utinam contingat. Hîc habeo Tibi destinatum,
Dionem illum Chrysostomum, quem requiris, GræcoLatinum, in fol. bene
compactum, cum versione et Notis Fed. Morelli, Casauboni, etc. Eum Tibi
transmittam per Seb. Switzerum, quem audio brevi huc venturum. De
pecunia illa tua quam hîc habeo, nempe 14. Thaleris, etc. nuntia quid
velis fieri : si velis eam tradam juniori Horstio, quam ab ejus Parente, prout
volueris, recipies. Hebdomada proxima spero ad Te missurum Tandem reperi Indicem Erra-
torum Casp. Hofmanni, de Medicamentis officinalibus, propria ejus manu scrip-
tum, quem ecce ad Te mitto : hebdomada proxima in eandem rem aliam Epistolam accipies,
quæ super eadem re Te juvabit. Vale, Vir Cl. et me ama. Uxorem tuam
saluto, cum Filiolo. Parisijs, 4. Iunij, 1665. Tuus ex animo, Guido Patin.