L. latine 398.  >
À Sebastian Scheffer,
le 9 avril 1666

[Ms BIU Santé no 2007, fo 207 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Sebastian Scheffer, à Francfort.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je veux répondre à votre dernière, que m’a remise votre compatriote Kormann. Je ne vous tiens certes pas rigueur pour l’argent que vos marchands m’ont indûment fait payer ; je ne m’en étonne guère, mais m’en indigne : ce ne sont que vils commerçants guidés par le seul appât du gain, ut faciant rem, si non rem, quocumque modo rem ; [2] ces mots de Cicéron, au livre ii de Officiis[3] me plaisent fort : Nihil ingenui habet officina[1] Quand vous aurez un courrier à m’envoyer, adressez-le à M. Du Clos, docteur en médecine, pour faire tenir à M. Patin, docteur en médecine à Paris ; [2][4] cette voie sera la plus sûre pour vous, et moi, pour vous répondre, j’en emprunterai une autre, qui n’est pas moins sûre. Je pense que M. Du Clos est de retour dans sa ville depuis quatre jours. Ce jeune médecin de Tours, M. Houssaye, va revenir de son voyage, ses parents l’attendent le mois prochain. [5] Beaucoup espèrent ici la paix avec l’Anglais. [6][7] Ce que vous écrivez des manuscrits d’Hofmann [8] me fait plaisir et je vous en remercie : à la condition pourtant que l’épître que l’auteur m’a dédiée reste telle qu’elle a été jusqu’ici. [3][9] J’attendrai l’été prochain pour exaucer le souhait de M. von Vorburg, [10] si j’en trouve le loisir et si nos malades le permettent, car ils me laissent à peine le temps de dormir ; [11] en outre, avant d’en écrire, j’aurai dû m’affranchir d’avoir lu entièrement cet énorme ouvrage, ce qui ne se peut faire en si peu de temps. [4][12] En attendant, vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

De Paris, le 9e d’avril 1666.

Vôtre de tout cœur, Guy Patin.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Sebastian Scheffer, ms BIU Santé no 2007, fo 207 vo.

1.

Succession de deux citations classiques latines :

Le nommé Kormann (Kormannus dans le manuscrit), porteur de la lettre mentionné dans sa première phrase, y apparaît pour la seule et unique fois dans la Correspondance.

Dans sa deuxième phrase, pour traduire de manière plus plausible le propos de Guy Patin, j’ai remplacé sed miror, nec indignor [et ne m’en indigne pas, mais m’en étonne] par nec miror, sed idignor [je ne m’en étonne guère, mais m’en indigne]. Au début de sa lettre du 17 décembre 1665, Patin avait demandé à Sebastien Scheffer s’il avait eu à payer le port de trois lettres qu’il lui avait envoyées, car le marchand à qui il les avait confiées lui avait promis de les délivrer sans frais.

2.

L’italique est en français dans le manuscrit ; dans l’adresse qu’il donnait à Sebastian Scheffer, Guy Patin a omis la ville de Metz, où demeurait Samuel Du Clos.

3.

Sebastian Scheffer travaillait alors à la réédition des deux livres de Medicamentis officinalibus [sur les Médicaments officinaux] de Caspar Hofmann, inclus dans ses Opuscula medica [Opuscules médicaux] (Francfort, 1667, v. note [14], lettre 150). Guy Patin voulait absolument qu’on y remît, sans la modifier, l’épître de la première édition qu’Hofmann lui avait dédiée (Paris, 1646, v. note [7], lettre 134). Non seulement Scheffer honora ce vœu, mais il le surpassa en ornant sa dédicace d’un portrait de Patin, agrémenté de quatre vers latins (v. note [2], lettre latine 344).

4.

Au début de sa lettre à Sebastian Scheffer du 29 janvier 1665, Guy Patin avait promis, « quand l’hiver sera terminé », de recommander Franz Johann Wolfgang von Vorburg auprès d’Hermann Conring.

On comprend ici qu’il s’agissait pour Patin de dire tout le bien qu’il pensait des 12 tomes in‑fo des Historiæ [Histoires] (romaine et germanique) de Johann Philipp von Vorburg, publiés entre 1650 et 1660 (v. note [3], lettre latine 206). Son neveu, Franz Johann Wolfgang, les avait offerts à Patin, qui en avait accusé réception dans sa lettre du 20 avril 1663, mais n’avait visiblement pas encore trouvé le temps (ou l’envie) de les lire entièrement.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 207 vo.

Cl. viro D. Seb. Scheffero, Francofurtum.

Postremæ tuæ per Kormannum vestrum mihi redditæ, sic responsum velim.
Vir Cl. De injusto illo pretio vestrorum Mercatorum, non equidem invideo, sed miror,
nec indignor : sunt Mercatores, etiam turpi lucro addicti : ut faciant rem, si non rem,
quocumque modo rem : placet admodum illud Tullij, 2. Offic. Nihil ingenui habet
officina. Quum opus fuerit, mitte à Monsieur du Clos, Docteur en Med. pour faire tenir
à Monsieur Patin, Docteur en Med. à Paris :
tutissima erit Tibi ista via, et ego ad Te scribam
per aliam viam non minùs tutam. Dominum du Clos puto reversum esse suam Urbem, à
quatriduo. Iuniorem illum Medicum Turonensem, D. Houssaye, ex sua peregrinatione
reducem, hîc expectant affines mense proximo. Plures hîc expectant pacem cum Anglo.
De Manuscriptis Hofmanni placet quod scribis, et ago gratias : ea tamen lege, ut Epistola ab ipso
Auctore inscripta Nomini meo maneat qualis antea hactenus fuit. De Domini Vorburgij voto, pro-
xima æstate videbo, si otium suppetat, et per ægros nostros liceat, qui vix me
dormire sinunt : adde quod ut sic scribam, totum illud magnum Opus erit mihi
persolvendum, quod exiguo tempore fieri non potest. Interea vale, et me ama, Vir Cl.
Parisijs, 9. Aprilis, 1666.

Tuus ex animo, Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Sebastian Scheffer, le 9 avril 1666

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(Consulté le 24/04/2024)

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