L. latine 458.  >
À Philippus Matthæus,
le 24 octobre 1668

[Ms BIU Santé no 2007, fo 225 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Matthæus, docteur en médecine et professeur à Franeker. [1]

Très distingué Monsieur, [a][2]

Pardonnez de bon cœur et souffrez avec mansuétude que je m’adresse à vous, quoique vous ne me connaissiez point : ainsi le très distingué M. Tronchin l’a-t-il voulu et m’a-t-il poussé à le vouloir aussi ; [1][3] je l’ai donc voulu et, comptant sur votre gentillesse, je vous écris de bonne grâce cette petite lettre pour vous saluer comme excellent et très savant homme. Je vous promets et offre toute sorte de services, en vous priant de me compter au nombre de ceux qui vous honorent et vénèrent de tout cœur. Je vous déclare cela au nom d’Esculape, [4] d’Hippocrate [5] et de Galien, [6] les trois déités de notre art si hautement salutaire ; si sciens fallo[2][7] qu’elles soient alors pour moi cruelles et malveillantes. Voilà ce que j’avais à vous écrire à la hâte. Pardonnez-moi donc, je vous prie, très distingué Monsieur, et si j’ai péché en quelque façon, reportez-en ou rejetez-en la faute sur M. Tronchin, qui m’a instamment incité à avoir l’audace de vous rédiger ce mot. Vive et vale, très distingué Monsieur, et aimez celui qui vous aime tant.

De Paris, le 24e octobre 1668.

Vôtre de tout cœur, Guy Patin, D.M.P et P.R. [3]


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Philippus Matthæus, ms BIU Santé no 2007, fo 225 ro.

1.

V. note [11], lettre 1032 (de même date que celle-ci), pour Jean-Antoine Tronchin, qui avait, semble-t-il, bien forcé la main de Guy Patin pour le faire écrire à son collègue frison Philippus Matthæus, dont il n’avait autrement jamais entendu parler.

2.

« si je me parjure sciemment » ; formule consacrée du serment chez les Romains, qu’on lit notamment sous la plume de Cicéron (Lettres familières, livre vii, épître 1) :

Is iurare cum cœpisset, vox eum defecit in illo loco : “ si sciens fallo. ”

[Comme il commençait à prêter serment, à ces mots, si sciens fallo, la voix lui manqua].

3.

« Docteur en médecine de Paris et professeur royal » ; comme pour dire : « Je ne sais pas dire non, mon très cher professeur de Franeker, mais sachez du moins à qui vous avez affaire ! »

La requête d’affection mutuelle qui clôt la lettre fait sourire, en même temps qu’elle nuance le sens du mot amor [amour, affection] que Guy Patin utilisait si souvent dans ses lettres latines (comme faisaient bien d’autres épistoliers) : le verbe amare a le double sens d’« être amoureux » et de « bien aimer » ou de « ne point haïr ».

Là s’arrête tout ce qui nous reste de la correspondance entre Patin et Matthæus (dont il semblait même ignorer jusqu’au prénom, si on en juge sur sa suscription).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 225 vo.

Cl. viro D. Matthæo, Med. Doctori et Prof. Franekeram.

Vir Cl. Ignosce lubens, et æquo animo patere ut Te compellem quam-
vis Tibi ignotus : sic voluit Cl. D. Tronchin, et author mihi fuit, ut
sic vellem : volui igitur lubens, et humanitate tua fretus, nec invitus
ad te scribo, ut Te tanquam virum optimum et eruditissimum Te
salutem hacce levi scriptione ; officiorum omne genus Tibi polliceor ac
offero, rogóq. ut in eorum numero me censeas qui Te ex animo colunt
ac venerantur. Hoc Tibi profiteor per Æsculapium, Hipp. et Gal.
saluberrimæ Artis nostræ tria Numina, quæ mihi sæva sint ac in-
fausta si sciens fallo. Hæc habui pauca quæ ad Te raptim scriberem :
Ignosce quæso, Vir Cl. et peccati mei si quid peccavi fuit, culpam totam
deriva aut reijce in D. Tronchin, qui ut hoc auderem et ad Te scriberem, non semel
me provocavit. Vive, vale, Vir Cl. et me ama Tui amantissimum.
Parisijs, 24. Oct. 1668.

Tuus ex animo, Guido Patin, D.M.P. et P.R.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Philippus Matthæus, le 24 octobre 1668

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(Consulté le 19/04/2024)

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