L. latine 467.  >
À Sebastian Scheffer,
le 26 février 1669

[Ms BIU Santé no 2007, fo 227 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Sebastian Scheffer, docteur en médecine, à Francfort.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je vous ai dernièrement écrit, ce 16e de février, mais reprends la plume pour vous faire savoir que j’ai reçu par le cocher, M. Le Fèvre, [2] ce que j’espérais et attendais venant de votre ville : j’ai trouvé là tout ce que vous aviez promis, savoir les Quæstiones medico-legales de Paolo Zacchias, [3] les disputations académiques d’Iéna reliées en deux tomes, [4] les Attica Bellaria de Jacobus Pontanus, [5] in‑8o ; j’ignore ce que sont les trois petits paquets dont je ne connais pas le destinataire, le temps et peut-être vous-même m’apprendront ce que je dois en faire ; avec aussi deux opuscules venant de M. Meibomius, [6] et celui de Kornmann de Virginitate[7] Libérez-vous donc de tout souci les concernant. J’écrirai à Strasbourg et les préviendrai que tout cela m’est bien parvenu. [1][8] Je vous demande que votre graveur ne se hâte pas pour mon portrait car l’un des nôtres en prépare un ici ; il sera terminé dans le mois et je vous l’enverrai sur-le-champ. [2][9][10] Je voudrais aussi vous prier d’écrire de ma part à M. Schenck [11] et de le prévenir que j’ai reçu ce qu’il m’a envoyé, avec sa lettre ; je lui répondrai pour le remercier. Je vous demande instamment de garder chez vous tout ce que vous aurez à m’adresser et de ne rien m’envoyer que vos lettres ; je vous l’ai déjà demandé et vous le demande encore : pas même l’Hofmannus de Humoribus, après qu’il aura été achevé.  [12] Le prix du transport a été de 17 livres tournois, somme que j’ai immédiatement payée ; mais souvenez-vous, je vous prie, de ne plus rien m’envoyer désormais, afin d’éviter de telles dépenses. Je salue de tout cœur MM. Schönwetter et Beyer. [13][14] Je vous expédie deux autres manuscrits de Caspar Hofmann, je les ai confiés au frère de Sebastian Switzer [15] que j’ai rencontré chez M. Coc, son associé ; j’y ai joint six calendriers. Je m’en remets à votre fidélité pour l’édition de ces manuscrits, et les recommande à vos soins. [4][16] Je vous demande à nouveau de ne rien m’envoyer, car cela disparaît dans les mains de sbires [5][17] qui cherchent à tirer profit du bien d’autrui. Vive et vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

De Paris, le 26e de février 1669.

Vôtre de tout cœur, Guy Patin.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Sebastian Scheffer, ms BIU Santé no 2007, fo 227 vo.

1.

Il s’agissait du second tonnelet décrit dans la note [1], lettre latine 443. Passé entre les mains du libraire strasbourgeois Johann Eberhard Zetzner (v. note [2], lettre latine 449) qui l’avait fait suivre par la poste ordinaire, il contenait :

En complément d’un premier lot reçu en janvier 1666, après longue errance d’un précédent tonneau allemand (v. note [1], lettre latine 388), s’y trouvaient aussi trois petits paquets, de destinataire inconnu, et deux opuscules médicaux envoyés par Heinrich Meibomius à Guy Patin, qui les avait repérés (en juillet-août 1664) sur le catalogue du libraire Henning Müller d’Helmstedt (v. note [2], lettre latine 311).

2.

V. note [2], lettre latine 466, pour le vain rêve que Guy Patin nourrissait ardemment de voir figurer un jour son portrait (que le graveur parisien Antoine Masson était en train de terminer, v. note [2], lettre latine 466) parmi les savants d’Europe dans la Bibliotheca chalcographica [Bibliothèque gravée].

3.

V. note [14], lettre 150, pour le traité manuscrit de Caspar Hofmann « des Humeurs », avec sa dédicace à Robert Patin (v. note [2], lettre latine 434), dont son père attendait l’impression depuis vingt ans, mais qui n’a jamais vu le jour.

4.

Probablement les manuscrits des traductions latines commentées par Caspar Hofmann des deux méthodes de Galien (Methodus medendi [Méthode pour remédier] et Methodus sanitatis tuendæ [Méthode pour préserver la santé]), que Sebastian Scheffer fit paraître en 1680 à Francfort sous le titre de Praxis medica curiosa [Pratique médicale méticuleuse] (v. note [15], lettre de Charles Spon, datée du 6 avril 1657).

5.

Je me suis permis de traduire excubiæ (vigile, garde) par « sbires », à cause de la nuance péjorative que ce mot a acquise ; il ne figure ni dans les lettres françaises de Guy Patin ni dans le dictionnaire de Furetière, mais Rabelais (que Patin prisait tant) m’a donné sa bénédiction avec la réponse de Panurge à Nazdecabre qui l’autorise à se marier (Tiers Livre, chapitre xx) :

« Grand merci (dit Panurge se tournant vers Nazdecabre) mon petit architriclin, mon comite, mon algousan, mon sbire, mon barizel. » {a}


  1. Mots que Mireille Huchon a modernisés en : « mon maître d’hôtel, mon commandant de chiourme, mon argousin, mon archer de police, mon capitaine de sbires ».

Bien que courtoise, cette lettre est la dernière qu’on ait de Guy Patin à Sebastian Scheffer. Il est permis de croire que les 50 exemplaires des Opuscula medica de Caspar Hoffmann (Francfort, 1667, v. note [14], lettre 150) avaient nui à leur bonne amitié, car Patin avait été le dindon de cette sombre farce (v. notes [2], lettre latine 434, et [6], lettre latine 466).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 227 vo.

Cl. viro D. Seb. Scheffero, Med. Doctori, Francofurtum.

Nuper ad Te scripsi, Vir Cl. hoc est 16. Febr. Ecce iterum scribo, ut scias me
singula accepisse quæ sperabam et expectabam, ex urbe vestra, per aurigam D. le
Fevre : Omnia promissa illic reperi, nempe Quæstiones MedicoLegales P. Zacchiæ,
Disput. Acad. Ienensis tomos duos compactos :
Iac. Pontani Attica Bellaria, 8.
tres exiguos fasciculos, quos non novi, nescio quid sint : quid de illis mihi faciendum
sit, tempus docebit, et forsan Tu ipse : et duos libellos ex D. Meibomio : cum libello
Kormanni de virginitate. Noli igitur quisquam laborare de illis, quos hîc habeo Omnem igitur curam de illis depone.
Scribam Argentoratum et monebo de singulis ; ut illis gratias habeantur. Rogo Te
Chalcographus vester ne festinet pro Icône mea, hîc enim unus è nostris eam adornat,
quam intra mensem perfectam habebimus, quam ad Te illico mittam : Te quoque
rogatum velim, ut scribas nomine meo ad D. Schenkium, moneásq. me quod misit, acce-
pisse cum ejus epistola, pro quib. ad eum scribam, et gratias agam. Quidquid habueris mihi
destinatum, enixè Te rogo, maneat apud Te, nec quidquam mittas præter epistolas tuas,
hoc antehac à Te petij, et iterum peto, nequidem Hofmannum de Humoribus, postquam
umbilicum perductus furtit. Vecturæ pretium fuit 17. libell. Turon. quas statim
persolvi : sed memento quæso, nihil mittas in posterum, ad vitandas tales im-
pensas. D. Schonwetterum et Beyerum saluto, ex animo. Ad Te mitto duo illa MS. Casp. hoari
Hofmanni, quæ tradidi fratri Seb. Switzeri, quem offendi apud D. Coc, ejus Socium : cum sex
Calendarijs : ejusmodi MS. editionem fidei tuæ commendo, et curis tuis committo. Iterum Te rogo,
ne mittas quidquam, latent enim in excubijs qui quærunt lucrum ex re aliena.
Vive, vale, Vir Cl. et me ama. Parisijs, 26. Febr. 1669. Tuus ex animo, Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Sebastian Scheffer, le 26 février 1669

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(Consulté le 18/04/2024)

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