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Leçons de Guy Patin au Collège de France (2) : sur la Manne

[Ms BIU Santé no 2007, fo 395 ro | LAT | IMG]

De la Manne [1][2]

Chez tous les auteurs, la manne est une substance fort équivoque. [1] 1o Il y a eu jadis la manne des Hébreux, [3] dont se lisent bien des choses dans l’Ancien Testament : on a appelé manne cette nourriture miraculeuse, avec laquelle Dieu a pendant quarante ans sustenté, nourri et restauré le peuple israélite, après qu’il l’eut conduit hors d’Égypte. 2o Il y a eu aussi la manne des Grecs, dont le genre est féminin, [2][4] dont ont écrit Dioscoride et Galien, [5][6] et celle-là n’est rien d’autre que du grain broyé d’encens, d’où sa dénomination commune de manne d’encens. On donne une 3e sorte de manne, qui est celle des Arabes ; c’était un médicament légèrement purgatif [7] qu’on ramassait aux heures matinales, ressemblant à une rosée solidifiée, sur les [Ms BIU Santé no 2007, fo 395 vo | LAT | IMG] feuilles de certains arbres, comme les ornes et les frênes ; [3][8][9] mais aujourd’hui on ne trouve nulle part dans le monde cette manne des Arabes que, dans son passage sur le miel, Théophraste appelle mel ex arborum frondibus collectum[4][10] Au sujet de cette véritable manne des Arabes, lisez l’Historia plantarum de Johann Bauhin, qui est le fruit d’un immense travail. [5][11][12] Cette manne des Arabes n’était pas inconnue de Galien ; il la cite en effet, mais sous un autre nom : c’est ce qu’il appelle δροσομελι ou αερομελι, c’est-à-dire miel aérien. [6] La manne des Arabes fait défaut aujourd’hui et, à sa place, les parfumeurs et les vendeurs de marchandises étrangères et exotiques nous débitent un autre médicament fabriqué et falsifié par maquignonnage, et c’est celui que par toute l’Europe on appelle manne. Nos commerçants la qualifient de calabraise, lui donnant ce nom pour tirer autorité et honneur de ce médicament frelaté. Simon Piètre, [13] médecin de Paris qui est mort à l’âge de 54 ans, [fo 396 ro] avait coutume d’appeler cette manne impure de nos contrées le pire des mauvais médicaments ; et non content de s’abstenir de le prescrire, il le tenait en profonde horreur. Je me souviens avoir appris cela de deux brillants hommes qui avaient parfaitement connu ce très grand personnage, qui fut l’égal d’Hippocrate et de Galien. Ces deux médecins furent mes très honorables précepteurs, Nicolas Piètre, [14] frère de Simon, et René Moreau, [15] professeur royal. Simon Piètre condamnait catégoriquement ce remède et nous devons suivre sa sentence, car il fut le plus grand des médecins de son temps, fort brillant et éminent, un homme vraiment incomparable et le plus fin connaisseur de l’art médical qu’on puisse imaginer. Je vous le déclare à nouveau, cette manne, qu’on vend aujourd’hui et que certains médicastres prescrivent trop souvent dans l’hydropisie [16] pour purger la sérosité, doit être condamnée à de nombreux titres et tenue pour suspecte par tout homme honnête et bon connaisseur de son métier : 1o parce qu’elle ne [Ms BIU Santé no 2007, fo 396 vo | LAT | IMG] purge pas, sinon par colliquation, [17] ce qui est la marque d’un médicament néfaste, et elle a cela de commun avec l’antimoine ; [18] 2o parce qu’elle évacue seulement la sérosité, sans toucher ni mobiliser les humeurs épaisses, visqueuses et glutineuses, fermement retranchées dans les intestins et dans le mésentère, qui sont pourtant les humeurs obstruantes et putréfiantes dont dépend la rigueur de la maladie ; 3o parce que la manne est altérante, elle provoque et stimule la soif, ce qui est le symptôme et la marque d’un médicament vicieux et excessif, et qui agit trop brusquement. J’attribue cette soif à la présence de miel, dont est en partie composée et façonnée cette manne frelatée qu’on importe d’Italie. Elle n’est en effet rien d’autre que de la scammonée [19] réduite en menue poudre et mélangée, ou bien plutôt fardée, avec miel et sucre. [20]

Le mot manne a donc quatre significations, ou plutôt recouvre quatre substances distinctes, dont la première est la manne des Hébreux ou des Chaldéens. Voyez à son sujet le chapitre 16 de l’Exode [7][21] [fo 397 ro] et les commentaires qu’en ont donnés divers écrivains, mais en particulier ceux de Cornelius à Lapide et Jacobus Bonfrerius, [22][23] très savants jésuites, qui contiennent bien d’excellentes choses sur cette manne, nourriture miraculeuse du peuple d’Israël errant dans le désert d’Arabie, après que Dieu l’eut fait sortir d’Égypte, pour être conduit en Terre promise par les frères Moïse et Aaron. [24][25] Il y a aussi plusieurs choses à voir sur cette manne dans les Annales ecclesiastici de Salian, tome ii, pages 110 et suivantes, à l’an 2544 du Monde, aux paragraphes nos 284, 285 et suivants, [26] dans Henri de Sponde à la même année, [27] et dans Libert Froidmont, au 5e livre des Meteorologica, chapitre 6. [28] D’autres choses se lisent dans Sebastião Barradas, auteur espagnol qui a très élégamment écrit sur le voyage du peuple d’Israël dans son Itinerarium, livre iii, chapitre xviii[29] et dans les annotations d’Hugo Grotius sur le chapitre 16 de l’Exode[8][30] Sur ce nom de manne, voyez Luis Ballester, de Valence, dans la 1re partie de son Onomatographia, [Ms BIU Santé no 2007, fo 397 vo | LAT | IMG] page 269, [31] et le Chronicon catholicum d’Edward Simson, 1re partie, page 43. [9][32][33]

La deuxième sorte est la manne des Grecs, principalement celle de Dioscoride et de Galien, et celle-là est la manne d’encens : voyez Galien au livre xiii, chapitre v de la Methodus medendi[10][34][35] et Dioscoride au livre i, chapitre lxxxiv[11]

La troisième est la manne arabe ou rosée syriaque, sur laquelle deux très savants auteurs ont écrit avec autorité des traités entiers : Antonio Donato da Altomari, médecin napolitain qui a établi diverses espèces de manne et reconnu sa falsification, [12][36][37] et Jean-Chrysostome Magnen, médecin français qui est professeur royal de médecine en l’Université de Pavie. [13][38] Voyez aussi là-dessus : Daniel Sennert, Epitome physicæ, livre iv, chapitre viii ; [14][39] Caspar Hofmann, livre i de Medicamentis officinalibus, chapitre xxiii ; [15][40] feu mon collègue et ami Pierre Gassendi, dans ses Animadversiones in decimum librum Diogenis Lærtii, sur la Meteorologia d’Épicure ; [16][41][42][43] Franciscus Vallesius, dans la Philosophia sacra, chapitre lvii ; [17][44] [fo 398 ro] Johann Bauhin, dans l’Historia universalis et nova plantarum, 2e partie, tome i, page 191 et suivantes ; [18] ainsi que Gerardus Johannes Vossius, dans son traité de Idolatria, livre iii, vers la fin du chapitre x, [19][45] et une infinité d’autres qui ont écrit sur la médecine ou sur les météores. [20][46] Cette troisième sorte est le miel aérien, appelé δροσομελι ou αερομελι par Galien, et αερι εκ του αερος par Théophraste dans son passage sur le miel, dont Galien semble s’être inspiré. [21] Mais cette manne-là ne se trouve plus nulle part aujourd’hui, ni à Rome ni en Calabre, d’où nos boutiquiers la disent venir quand ils nous la vendent ; non plus qu’à Briançon en Dauphiné, c’est-à-dire chez les Allobroges, [22][47] mais, quelque sornette que puissent sottement et impudemment conter les habitants de ces contrées, celle qui suit lui a été substituée et en tient lieu.

La quatrième espèce est ce qu’on appelle aujourd’hui communément manne dans les officines, mais ce n’est rien d’autre que du miel clarifié [Ms BIU Santé no 2007, fo 398 vo | LAT | IMG] et du sucre, fardés et frelatés avec de la scammonée réduite en fine poudre ou avec du suc de tithymale, [48] ou d’autres purgatifs. Il n’y a aucune sécurité en son emploi parce que, comme j’ai dit plus haut, ce n’est qu’un médicament orrhagogue : [23][49] il ne fait que chasser la sérosité et provoquer la soif, effets qui sont les marques d’un remède exécrable. Abstenez-vous-en donc tant que vous pourrez et employez à sa place la casse, [50] le séné, [51] la rhubarbe, [52] de sirop de roses laxatif et de fleurs de pêcher, [53][54] qui sont les médicaments les plus incontestables, les plus sûrs et les plus sains, pourvu qu’on les prescrive en temps et lieu opportuns. L’occasion favorable est en effet l’âme de la guérison, et son importance est inestimable pour bien remédier ; comme dit ce vers d’Ovide, le plus pénétrant des poètes : [55] [fo 399 ro]

Temporibus Medicina valet, data tempore prosunt :
Et data non apto tempore vina nocent
[24]

Sur la manne, tant des Hébreux que des Grecs et des Arabes, voyez le Lexicon philologicum etymologicum et sacrum de Matthias Martini, théologien de Brême ; [25][56][57] André Rivet dans ses scholies sur l’Exode ; [26][58] et celui qui, par sa singulière érudition, a surpassé tous les commentateurs, le très grand M. de Saumaise, dans le tome 2 de ses Exercitationes Pliniani in Polyhistora Solini[27][59][60]

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1.

En écrivant Το Manna, Guy Patin voulait signifier que manna est un mot latin du genre neutre (comme l’indique, en grec, l’article το), alors qu’on lui a donné le genre féminin en français.

La leçon de Patin s’inspire des sept articles que Caspar Hofmann avait écrits sur la manne dans ses deux livres de Medicamentis officinalibus [des Médicaments officinaux] (Paris, 1646, v. note [16], lettre 95).

2.

En grec, η μαννα, au féminin, a le sens général de poudre.

V. note [26], lettre latine 351, pour la manne des Grecs (sarcocolle), assimilée à l’encens.

3.

V. note [15], lettre latine 109, pour ce « miel de rosée », dont Galien a décrit le recueil, au Liban, sur les feuilles des arbres.

4.

Dans la traduction latine de l’Historia plantarum [Histoire des plantes] de Théophraste d’Érèse (Amsterdam, 1644, v. note [7], lettre 115), ce « miel recueilli sur les feuilles des arbres » est une interprétation discutable du phénomène évoqué, à propos du chêne, sans faire mention de la manne (livre iii, début du chapitre ix, page 146) :

Sed et viscum taceo : quippe cum in aliis quoque proveniat, sed nihilominus (ut dictum est) ferax hæc arbos habetur plurimarum. Sin aute, autore Hesiodo, mella, apesque ferat, magis quoque illud confirmatur. Ergo nascitur et hic melleus humor cœlo cadens, nec aliis magis insidens frondibus.

[Je ne dirai rien non plus du gui car il vient aussi sur d’autres arbres ; on dit néanmoins que cet arbre le produit en quantité. Au contraire, d’après Hésiode, s’il abrite du miel et des abeilles, il s’en trouve aussi grandement affermi. Voilà pourquoi y naît seulement une humeur mielleuse tombant du ciel, sans se déposer sur le feuillage des autres arbres]. {a}


  1. V. infra note [21].

5.

Les vingt grandes pages du chapitre xi, livre viii, seconde partie du tome i de l’« Histoire des plantes » de Johann Bauhin (Yverdon, 1650, v. note [13], lettre 297), sont consacrées aux diverses sortes de mannes (v. infra note [18]). Il commence par une longue section De Melle aero, manna, tereniabin et saccharo Alhuzar in genere [Sur le Miel aérien, la manne, le téréniabin, et le sucre alhuzar (ou alhasur) en général] (pages 180‑188), avec cette introduction qui donne son sens historique à la notion de miel aérien :

Diu multumque cogitavimus, quonam loco esset collocanda Manna : quam nostram dubitationem iniecerunt potissimum ii, qui Mel aërum existimant. Sed experientiæ tandem Clarissimorum Medicorum cedentes, atque potissimum insignis illius Altomari, statuentis ac docentis Mannam esse liquorem seu Lachrymam Fraxini et Orni, libuit hoc loco de ea in genere et specie tradere.

Incipiemus a verbis summi Philosophi Aristotelis sic scribentis de apibus : Construunt favos e floribus, cera ex lachryma arborum fingunt : Mella ex rore aëris, syderum ortu potissimum, et arcus cœlestis incubitu contrahunt. Omnino ante Vergiliarum exortum mel non fit. Favos itaque, ut dictum est, ex floribus faciunt, Mel ipsas non facere apes, sed rorem candentem deferre, argumento est, quod uno aut altero die cellas cera repletas inveniunt Apiarii.

[J’ai longtemps et beaucoup réfléchi sur l’origine de la manne, et ceux qui l’estiment être le miel aérien sont ceux qui m’ont inspiré le plus de doutes. Convaincu par les observations des médecins les plus célèbres, et surtout celles de l’illustre Altomari, {a} qui a établi et enseigné que la manne est le suc ou la larme du frêne et de l’orne, {b} j’ai trouvé bon d’en traiter ici de manière générale et particulière.

Je commence par les mots de l’éminent philosophe Aristote, écrivant à propos des abeilles : elles construisent leurs rayons de la cire qu’elles tirent des fleurs et les emplissent avec la larme qui provient des arbres ; elles recueillent surtout le miel au lever des étoiles, au coucher du soleil, en le tirant de la rosée de l’air ; elles n’en font aucun avant l’apparition des Pléiades ; {c} elles extraient des fleurs, peut-on dire, la substance de leurs rayons ; elles ne fabriquent pas le miel, mais transportent la rosée luisante ; la preuve en est que les apiculteurs trouvent d’un jour à l’autre que les rayons de cire s’en sont remplis].


  1. V. infra note [12].

  2. Orne : « nom vulgaire du frêne orne (oléacées), espèce qui produit un peu de manne, ainsi que plusieurs autres frênes [v. note [63], lettre latine 351]. On le nomme aussi frêne à fleurs » (Littré DLF).

  3. Les six ou sept Pléiades apparaissent dans la constellation du Taureau au début du printemps.

Aristote et les naturalistes de l’Antiquité croyaient bel et bien que les fleurs fournissaient seulement aux abeilles la cire de leurs rayons ; le miel qu’elles recueillaient tombait tout formé du ciel, quand sa configuration était favorable. Cette rosée était en même temps à l’origine du miel et de la manne dite des Arabes.

Dans sa définition du miel, Thomas Corneille (1694) le tenait surtout pour une base de médicament et s’aventurait seulement à mettre en doute cette explication céleste :

« Suc doux que les abeilles font de ce qu’elles recueillent sur les fleurs ou sur les feuilles des plantes et des arbres. Pline dit que le miel est toujours bon quand il est cueilli sur de bonnes et odorantes fleurs, tel que celui d’Athènes et de Sicile, des montagnes Hymettus et Hybla, et de l’île de Calydna. {a} Le bon miel, selon Dioscoride, doit être doux, aigu, odorant, roussâtre, matériel, pesant, gluant quand on le manie, et il ne doit point couler hors des mains. Il est abstersif, apéritif et attractif ; ce qui fait que l’on s’en sert aux ulcères sales et caverneux, et aux fistules. Il ajoute que le miel de Sardaigne est amer parce que les mouches à miel s’y paissent d’aluyne, {b} et qu’il est bon néanmoins à faire partir toutes sortes de taches du visage ; mais qu’en Héraclée du Pont, {c} en certains temps de l’année, les abeilles recueillent de quelques fleurs particulières une sorte de miel qui résout tout le corps en sueur et fait perdre le sens aux personnes qui en mangent. Il est fort aigu et fait éternuer seulement à le sentir. On appelle miel vierge, celui qu’on recueille des jeunes abeilles. Il est de couleur jaune tirant sur le blanc et on l’estime le meilleur de tous. Le miel rosat, {d} que les Grecs appellent rhodomeli, et les Arabes Celebiabin, déterge et restreint en quelque façon, à cause que l’astriction des roses tempère la chaleur et l’acrimonie du miel. Le miel violat sert à adoucir et à rafraîchir, et humecte davantage que le rosat. Le Miel anthosat, que l’on nomme ainsi à cause qu’il est fait de la fleur de romarin, appelée anthos par excellence, c’est-à-dire, fleur, corrige par sa chaleur toutes les intemperies froides des parties, déterge et incise la pituite, et dissipe les ventosités ; mais il faut que la fleur de romarin qu’on y emploie soit toute récente, parce qu’étant sèche, elle est sans odeur et ne peut, par conséquent, avoir aucune vertu. Il y a encore le miel mercurial, qui se fait du suc de mercuriale pris avec du miel en égale portion. Il déterge et purge la pituite crasse et on s’en sert seulement dans les lavements, surtout lorsqu’il s’agit d’irriter la faculté expultrice. Quant au miel commun, on l’emploie en le cuisant seul comme dans les suppositoires, où l’on s’en sert à confire certains médicaments, à cause qu’il est fort propre à conserver les électuaires et les antidotes où il entre.

Gassendi parle d’une espèce de miel qui se trouve quelquefois à la pointe du jour sur les feuilles de plusieurs sortes d’arbres, et qui semble n’être autre chose que de la rosée mêlée avec une certaine humeur visqueuse, semblable à du miel, qui transpire des feuilles des arbres comme une sueur, en sorte que la rosée soit comme la matière, et que ce qui transpire des feuilles tienne lieu de présure. {e} Il semble même, dit M. Bernier dans l’abrégé qu’il a fait de la doctrine de ce philosophe, que ce n’est point ce que les abeilles transportent dans leurs ruches, parce que nous ne les voyons point le matin, qui est le temps de cette rosée, avoir de l’empressement pour ces feuilles ; si bien que je croirais plutôt que ce miel, dont les abeilles sont amoureuses, s’engendrerait dans la surface des fleurs, sinon qu’on ne les voit point fort s’arrêter aux feuilles des fleurs, mais qu’elles pénètrent plutôt avec leur petite trompe dans le cœur et dans le centre des fleurs, où d’ordinaire il se trouve quelque chose qui tient de la douceur du miel. Mais quel que soit ce suc qu’elles rapportent, il est croyable qu’elles le sucent et le transmettent dans leur estomac, qu’une partie est changée en aliment, qu’une autre partie se convertit et se perfectionne en miel dans quelque endroit du corps propre et destiné pour cela, de la même façon que ce qui reste de l’aliment dans les animaux qui font du lait est converti en lait, et qu’enfin elles s’en déchargent chaque jour dans leurs petites maisons.

Selon Pline le miel vient de l’air, et surtout au lever de certains astres, même aux jours caniculaires, comme aussi un peu avant que les Pléiades paraissent, et toujours avant l’aube du jour ; {f} de sorte qu’en ce temps-là on trouve les feuilles des arbres toutes arrosées et chargées de miel. Même si quelqu’un se trouve à la campagne dans ce même temps, il sentira ses habits et ses cheveux comme engraissés de miel ; soit que cette sorte de miel soit quelque excrément des astres ou une sueur du ciel, ou le jus de l’air qui se purifie. »


  1. Ces montagnes correspondent au mont Hymette, en Attique, et à l’Etna, en Sicile. Calydna est l’une des îles Sporades en mer Égée, mais dont l’identité géographique exacte est aujourd’hui incertaine.

  2. Absinthe.

  3. Ville de Bithynie, sur la rive méridionale du Pont-Euxin (mer Noire).

  4. Ce miel et ceux qui suivent ne tiraient pas leur nom de la fleur où les abeilles les avaient butinés, mais des sucs de fleurs auxquels on les mélangeait pour en moduler les vertus pharmaceutiques : rose, violette, romarin, mercuriale (genre d’euphorbe).

  5. Ferment.

  6. Les jours caniculaires couvraient la période du 24 juillet au 26 août.

6.

Le « miel de rosée » ou « miel aérien » de Galien (v. note [15], lettre latine 109) était ce que Guy Patin et ses contemporains appelaient la manne des Arabes (ou du Liban) et, pour celle qu’on recueillait en Europe, la manne calabraise (v. infra note [12]).

7.

Le livre 16 de l’Exode (La manne et les cailles) parle longuement de la manne divine qui nourrit les Israëlites dans le désert : ce que tout le monde en sait, et ce que beaucoup en ont (comme moi) oublié (ou jamais su).

8.

Dans la Bible, Aaron, premier grand prêtre d’Israël, a porté à son peuple la parole de Dieu, que son frère Moïse avait reçue (v. note [56] du Borboniana 7 manuscrit).

Guy Patin citait sept ouvrages d’histoire sacrée :

9.

Ces deux références, comme dit la Bible au chapitre 16 de l’Exode (verset 15, v. supra note [7]), donnent deux mots hébreux, Man hu, signifiant « Qu’est-ce que cela ? », comme origines du mot manne :

10.

« Méthode pour remédier » de Galien sur l’évacuation des abcès (Kühn, tome x, pages 887‑888, traduit du grec) :

Post excisam cutem medicamento manna vocato affectam partem implebimus ; est autem id purgamentum thuris levi adstrictione præditum, atque hoc nomine etiam thure ipso ad nonnulla utilior. Thus enim illud puris tantum movendi facultatem obtinet, utpote nullius adstrictionis particeps, magisque id facit quod pinguis ex eo fit et magis albicans, ut etiam quod flavum ex eo magis est validius siccat. Mannæ vero etiam corticis thuris paululum est admixtum, unde adstringendi vim habet. Id autem ipsum medicamentum cortex thuris tum adstringit tum siccat insigniter.

[Après avoir incisé la peau, nous remplirons la partie affectée avec le médicament qu’on appelle manne ; ce sont des raclures de l’écorce d’encens, {a} qui est douée d’une légère vertu astringente ; mais même sous cette dénomination, elle n’est en rien aussi profitable que l’encens lui-même. Cette résine possède seule en effet la faculté d’écarter le pus : étant donné qu’elle ne provoque aucune astriction, elle agit ainsi en rendant le pus épais fort blanc, tout en asséchant beaucoup plus puissamment celui qui est jaune. On a mélangé un peu d’écorce d’encens {b} à la manne, ce qui lui confère un pouvoir astringent. Ainsi, dans ce remède, l’écorce d’encens est rendue à la fois astringente et remarquablement asséchante]. {c}


  1. Kühn a choisi purgamentum thuris pour traduire υποσεισμα λιβανωτου, où libanôtos est l’encens (thus en latin) et uposeisma, le « petit éclat qui se détache à la suite d’un choc » (Bailly), rendu en latin par purgamentum, « immondices, épluchures » (Gaffiot).

    L’encens étant la résine qui s’écoule par incision de certains arbres (burséracées) qui poussent en Arabie, j’ai choisi « raclures de l’écorce d’encens », en me référant au dictionnaire de Chomel qui dit de l’encens :

    « On en distingue deux sortes, l’encens commun, qui n’est point si recherché parce qu’il est mêlé avec l’écorce de l’arbre ou quelque autre impureté ; et l’oliban, qui est belles larmes de couleur blanche tirant un peu sur le jaune, d’un goût amer, et qui se brise facilement. »

  2. Cortex traduit ici φλοιος (phloïos), écorce.

  3. V. note [26], lettre latine 351, pour le nom de sarcocolle qu’on donnait à la manne, pour son pouvoir cicatrisant ; mais Galien jugeait ici l’encens plutôt astringent, c’est-à-dire capable d’astreindre (contracter ou mûrir) favorablement le pus collecté dans une plaie ou dans un abcès.

11.

Dans l’édition bilingue, grecque et latine, des œuvres de Dioscoride (Francfort, 1598, v. note [6] de la leçon de Guy Patin sur le laudanum et l’opium), c’est le court chapitre lxxxiii (et non lxxxiv) du livre i (pages 46‑47) qui traite de Manna thuris [la Manne d’encens] :

Manna thuris probatur candida, pura et granosa. Vim habet eandem quam thus, sed aliquanto remissiorem. Sunt qui admixtis resina pini cribrata et polline, aut etiam thuris contusi cortice ipsam adulterent. Sed hæc quoque maleficia ignis arguit. Neque enim incesa æque ac pari vigore aëris modo purum vaporem, sed fuliginosum et impurum emittet. Quin et odori grato permixta graveolentia comperietur.

[L’authentique manne d’encens s’avère blanche, pure et grenue. Elle a les mêmes vertus que l’encens, mais quelque peu atténuées. Certains la falsifient en y mêlant de la résine tamisée et du pollen de pin, ou même de l’écorce d’encens concassée. Le feu dévoile néanmoins ces duperies : quand on la brûle, elle produit une vapeur fuligineuse et sale, et non pas semblable à la transparence de l’air pur, dégageant, bien au contraire, une odeur agréable].
12.

Donati Antonii ab Altomari de Mannæ differentiis ac viribus, deque eas dignoscendi via ac ratione [Des différentes espèces de Manne et de leurs effets, et la raison et manière de les reconnaître, par Antonio Donato da Altomari (v. note [12], lettre 401)] (Venise, Marcus de Maria, 1562, in‑4o), ouvrage que l’Encyclopédie méthodique, Médecine a commenté en ces termes :

« Il est essentiel de remarquer, dit Kestner, qu’Altomare fut un des premiers de ceux qui ont cru que la manne de Calabre n’était point une espèce de rosée, opinion jusqu’alors reçue de tout le monde, mais le suc d’un arbre ; {a} ce qu’il s’est efforcé de démontrer dans cet écrit. Claude Saumaise, néanmoins, a fait de grands efforts pour défendre l’ancienne opinion. » {b}


  1. La manne de Calabre était un purgatif végétal équivalent à la manne des Arabes (ou du Liban) et au miel aérien ou miel de rosée de Galien.

  2. V. infra note [27].

Le traité sur la manne a été réimprimé à la fin des Donati Antonii ab Altomari… omnia, quæ hucusque in lucem prodierunt, Opera… [Toutes les œuvres d’Antonio Donato da Altomari… qui ont été publiées à ce jour…] (Lyon, Guillaume Rouillé [ou Roville, v. note [5], lettre de Charles Spon, datée du 5 mars 1658], 1565, in‑fo). Guy Patin y faisait allusion à ce passage (page 1011) :

At si quispiam dixerit quandoque observatum esse, ex eius saltem mannæ usu, quæ primo arboribus iam dictis incisis emanat, superpurgationes, intestinorum abrasiones, seu tormina et alia quoque mala supervenisse : nos facile obiectionem hanc delebimus, afferentes hæc non huius arboreæ mannæ ratione provenisse, sed quia minus recte medicus quispiam ea usus fuerit intempestive, aut morbis, seu corporibus quibus non competit, exhibens : vel coniectura male eius quantitatem assequutus, aut forte deceptus, putans eam aeream esse, vel quippiam aliud adulteratum, seu factitium, pro manna hac exhibens : quamobrem frustra non animadvertimus nos prius quando diximus quod absque noxa semper hac arborea manna uti poterimus : ubi ut decet ea utamur. Cæterum quis unquam eiusdem usum impedire audeat, si nonnulli alii arborum, fruticum, seu herbarum succi, humores, lachrymæ, resinæ, seu gummi, in medicinæ usu admittuntur, quamvis eorum aliqui violentiores, calidiores, acrioresque fuerint, et quiddam venenosa etiam qualitate participent, ut scammonium, elaterium, euphorbium, et alii similes : sunt et præter hæc humores alii, gummi seu resinæ, quorum in arte medica usus admittitur, ut aloë, bdellium, sagapenum, opoponax, Hammoniacum, myrrha, mastiche, thus et reliquæ resinæ omnes, præsertim therebentina, nonnullaque alia, quæ brevitatis causa consulto prætermittimus. Admittenda itaque est hæc nostra manna, quæ ex fraxino et orno duntaxat quovis modo colligitur, tanquam mortalibus magnopere ad iam dictos usus conferens.

[Il arrive que quelqu’un dise avoir observé que la manne provoque des purgations excessives, des abrasions de l’intestin, des coliques ou d’autres méfaits. Si, du moins, il a utilisé celle que produit primitivement l’incision des arbres susdits, {a} nous écarterons sans peine sa remarque en objectant que cette manne d’arbre n’était pas en cause, mais bien plutôt le médecin qui soit l’aura prescrite de manière inopportune dans des maladies ou chez des malades auxquels elle ne convenait pas, soit en aura mal conjecturé la dose, soit aura été trompé, car nous pensons qu’il a prescrit, au lieu de la bonne manne, une manne éventée, ou quelque autre remède frelaté ou falsifié. Notre remarque n’est donc pas vaine quand nous disons avoir toujours pu utiliser cette manne d’arbre sans inconvénients, en la prescrivant quand et comme il convient. Du reste, qui oserait jamais en interdire l’emploi, quand la médecine permet celui de quelques autres sucs, sèves, larmes, résines ou gommes d’arbres, d’arbrisseaux ou d’herbes, bien que certains d’entre eux soient plus drastiques, plus chauds et plus âcres, et possèdent même quelque qualité vénéneuse, tels que la scammonée, l’élatérium, l’euphorbe et autres semblables ? {b} En outre il existe d’autres sucs, gommes ou résines, que nous omettons à dessein, par souci de brièveté, tels que l’aloès, le bdellium, le sagapénum, l’opoponax, l’ammoniac, la myrrhe, le mastic, l’encens, et toutes les résines, en particulier la térébenthine, et quelques autres encore. {c} Il faut donc admettre que la manne dont nous disposons, celle qu’on recueille, d’une manière ou d’une autre, du frêne et de l’orne, est fort utile aux mortels dans les indications que nous avons dites].


  1. Le frêne et l’orne.

  2. V. notes [4], lettre 172, pour la scammonée, [5], lettre 882, pour l’élatérium, et [6], lettre latine 75, pour l’euphorbe.

  3. V. notes [8], lettre 169, pour l’aloès, [25], lettre latine 351, pour le sagapénum, [3], lettre 436, pour la myrrhe et le bdellium, [73], lettre latine 351, pour le mastic, et [4], lettre 220, pour la térébenthine.

    L’opoponax est la gomme d’une plante dénommée panaces heracleum.

    L’ammoniac (ou armoniac) est celle que produit l’arbre de même nom, qui pousse en Afrique du Nord.

13.

Le chapitre xix (pages 105‑106) du livre de Manna [sur la Manne] de Jean-Chrysostome Magnen (La Haye, 1658, v. note [4], lettre latine 121) est intitulé De Mannæ adulteratione [L’Adultération de la manne]. Il y dénonce les additions de sucre, de farine d’amande, de scammonée, de miel, de suc de séné, et conclut en disant : Plures fingendi mannæ rationes exponere animi esset omnem nequitiam intelligentis [Exposer plus en détail les raisons de frelater la manne n’aurait pas de sens].

14.

Le chapitre viii, livre iv, de l’Epitome Scientiæ naturalis [Abrégé de la Science naturelle (que Guy Patin appelait ici Physica)], intitulé De Nebula, Rore, Pruina, Melle, Manna [La Brume, la Rosée, le Givre, le Miel, la Manne] (tome premier des Opera omnia [Œuvres complètes] de Daniel Sennert, édition de Lyon, 1650, pages 69‑70 ; v. note [20], lettre 150), assimile la manne au miel aérien (ou miel de rosée) en disant que les abeilles en font leur miel commun, que la meilleure vient d’Orient, mais aussi de Calabre. Sans parler de son adultération, Sennert remarque (page 70, première colonne) :

Ideoque estsi omne mel ex se dulce est : quandoque tamen eius cum sapor tum odor variatur, pro plantæ ratione, in qua colligitur ; unde etiam interdum, si a venenatis plantis colligatur, venenatum existit.

[Même si, en soi, le miel est toujours doux, son odeur et son goût peuvent varier selon la plante sur laquelle on l’a recueilli ; ce qui fait qu’il peut s’avérer venimeux quand il vient de plantes vénéneuses].

15.

Déjà mentionné plus haut, dans la note [1], ce chapitre xxiii De Manna [Sur la manne] du premier des deux livres de Caspar Hofmann « sur les Médicaments officinaux » (Paris, 1646) est analysé dans la note [16] de la lettre 95 ; je n’y ai rien lu de remarquable sur l’adultération de la manne.

16.

Dans ce chapitre intitulé De Rore, et pruina ; itemque de melle et manna [De la rosée et du givre, ainsi que du miel et de la manne] (pages 1119‑1120), tome ii des « Remarques de Pierre Gassendi sur le dixième livre de Diogène Laërce » (Lyon, 1649, v. note [1], lettre 147), sur la « Météorologie » d’Épicure, Gassendi (qui avait été, comme Guy Patin, professeur au Collège de France) assimilait la manne au miel des arbres (comme l’a remarqué Thomas Corneille, v. supra note [5]). Gassendi ajoutait ensuite :

Nihil dico de Tertia illa apud Theophrastum mellis specie, constare enim satis videtur, illud nihil esse aliud, quam quod nos Arabica voce Saccharum vulgo dicemus.

[Je ne dis rien de cette troisième sorte de miel, qui est dans Théophraste, car il semble assez évident que ce n’est rien d’autre que ce que nous appelons communément du mot arabe saccharum]. {a}


  1. Pour Littré DLF, le mot latin saccharum (sakkaron en grec) vient du persan shakara et de l’arabe sukkar, ce qui explique la transformation du a en u dans notre mot sucre.

17.

Le chapitre lvii (pages 333‑336) du De sacra Philosophia, sive de iis quæ physice scripta sunt in libris sacris, Francisci Vallesii, Covarrubiani, Doctoris Medici celeberrimi, liber singularis. Theologis, Medicis, Philosophis, ob variam quam continet, doctrinam, perutilis ac necessarius, noviter et correctè editus [De la Philosophie sacrée, ou de ce qui est écrit d’histoire naturelle dans la Bible ; livre unique de Francisco Valles, natif de Covarruvias (v. note [23], lettre 242), très célèbre docteur en médecine ; fort utile et nécessaire aux théologiens, médecins, philosophes, en raison des connaissances diverses qu’il contient ; nouvellement corrigé et édité] (Francfort, Romanus Beatus, 1600, in‑8o, pour la 4e édition) porte sur le psaume 77 ; son commentaire sur la manne qui tombe du ciel en distingue deux sortes, selon qu’elle se dépose sur le feuillage des arbres ou sur les pierres du sol.

18.

Outre le mel aerum [miel aérien], ce chapitre xiii (pages 180‑200), livre viii, de l’« Histoire universelle et nouvelle des plantes » de Johann Bauhin (Yverdon, 1650, v. supra note [5]) recense onze autres sortes de mannes :

  1. Man sive manna sacrarum Literarum, sive Israelitarum [Man (v. note [8], lettre latine 272) ou la manne des Écritures sacrées, ou des Israélites] (pages 188‑190) ;

  2. Mel cedrinum [Miel de cèdre] (pages 190‑191) ;

  3. Manna Laricea sive Briansona [La manne de mélèze ou de Briançon] (pages 191‑192) ;

  4. Manna Calabrina fraxini et orni [La manne calabraise de frêne et d’orne] (pages 192‑198) ;

  5. Manna Orientalis mastichina [La manne orientale masticihine (de mastic)] (pages 198‑199) ;

  6. Siracost et manna xirquest Indica ex arbore quest [Le siracost et la manne xirquest (lait du quest) qui vient de l’arbre quest] (page 199) ;

  7. Manna Indica Tiriamiabin aut Trungibim [La manne indienne de Triamiabin ou Trungibim] (pages 199‑200) ;

  8. Manna Indica Calabrinæ persimilis [La manne indienne très semblable à la calabraise] (page 200) ;

  9. Manna Indica melli candido similis [La manne indienne semblable au miel blanc] (page 200) ;

  10. Mannæ adulterinæ [Les mannes frelatées] (page 200), dont la principale était dite bombicyna [soyeuse ou luisante], par addition de mastic (manna mastychina) ou de sucre, et pouvait venir d’Orient ou de Calabre ;

  11. Mannarum æquivoca [Les synonymes de la manne] (page 200), manne d’encens (manna thuris) et sucre (saccharum).

19.

V. note [10], lettre 950, pour l’édition complète des neuf livres de Gerardus Johannes Vossius sur l’« Idolâtrie » (Amsterdam, 1668, première édition en 1641). Le long sommaire du chapitre xi (et non x), livre iii tome i (page 387), s’y termine par :

Manna non vulgare modo, sed etiam quo Israëlitæ in deserto pascebantur rori debere originem ; nec hoc et illud manna, discrepasse natura, sed tantummodo accidentibus : eamque diversitatem fuisse ab angelis sic materiem ejus subigentibus ; unde et in Scripturis panis angelorum dicatur.

[La manne commune, mais aussi celle dont les Israélites s’étaient nourris dans le désert, tire son origine de la rosée ; ces deux mannes se distinguent non par leur nature, mais seulement par leur survenue ; cette diversité est conséquence de la manière dont les anges les ont pétries ; d’où vient qu’elle est appelée pain des anges ailleurs dans les Écritures].

Pour Vossius, la manne des Arabes (miel aérien de Galien) n’était donc pas fondamentalement distincte de la manne biblique ; toutes deux avaient une origine céleste (météorique, v. infra note [20]).

20.
Météore avait le sens restreint de phénomène atmosphérique (Furetière) :

« mixte inconstant, muable, imparfait, qui s’engendre des exhalaisons et vapeurs de la terre élevée dans l’air, comme les pluies, les vents, les neiges, grêles, feux ardents et volants, l’éclair, le tonnerre, la foudre. On y met aussi l’arc-en-ciel, le miel, la manne, la rosée, etc. On a vu des météores en forme de clochers ardents, de lances flamboyantes, de javelots brûlants, de traits de feu volants, de chevrons de feu, de chèvres sautelantes, des étoiles volantes, etc. La génération des météores est merveilleusement expliquée dans un traité exprès qu’en a fait Descartes. Aristote et Gassendi en ont aussi écrit. Il y a des comètes qui sont de simples météores ; d’autres qui sont corps fixes et permanents, qu’on observe dans la région des planètes. Les Grecs les ont nommé meteores, c’est-à-dire “ sublimes ” ou “ haut élevés ” ; les Latins impressiones, parce qu’ils font plusieurs signes et impressions en l’air. »

21.

Passage déjà cité de Théophraste sur le miel des chênes (v. supra note [4]) dans le chapitre ix (page 146), livre iii, de son Histoire des plantes (dont Guy Patin, ou son copiste, écorchait le grec jusqu’à le rendre inintelligible) :

Ergo nascitur et hic melleus humor cœlo cadens, nec alijs magis insidens frondibus.

[Et donc naît ce suc mielleux qui tombe du ciel, {a} sans se déposer sur le feuillage des autres arbres]. {b}


  1. μελιττωδης ουτος χυλος εκ του αερος.

  2. V. note [15], lettre latine 109, pour le miel aérien (aéroméli) et le miel de rosée (drosoméli) de Galien (iie s. de notre ère). Il avait pu s’inspirer de Théophraste d’Érèse (ive s. av. J.‑C.).

22.

On donnait le nom d’Allobroges à « un peuple de l’ancienne Gaule, occupant ce que nous appelons Dauphiné et Savoie » (Littré DLF).

La sixième silve des Septem miracula Delphinatus [Sept merveilles du Dauphiné] de Denys Salvaing de Boissieu (Grenoble, 1656, v. note [6], lettre 539) est intitulée Larix sive Manna Brigantense [Le mélèze ou Manne de Briançon]. Sa préface commence par ces phrases (page 131) :

Memoratu quoque dignum est Manna, quod ex larignis foliis apud Brigantienses colligitur, in vico præsertim, d’Arvieu, qua vallis Quadracensis ad occasum obversa est. Venit hoc ex aere siderum exortu, præcipue ipso Sirio explendescente : Affatim quidem si ferventior æstas fuerit, parcius si frigidor. Idque noctibus serenis et omni aura quiescente, quoniam neque in nube, neque in flatu cadunt rores. Hinc observata frugum sterilitas, quo anno copiosius depluit. Colligunt id prima aurora stramineis canistris, exorto enim sole in stillas abit. Mirari vero succurrit unius laricis frondibus insidere, in illis frigore nocturno contrahi et densari, ex aliis arboribus tametsi picei generis diffluere, et in subjectas herbas humumque diffundi. Sive id vi quadam occulta uni larici concessum ; sive larix densior et humidior est, ideoque rores e cælo cadentes illi magis insident. Nam, ut ait Theophrastus libro de Melle, ubi de arboribus ad humorem illum retinendum aptis differit.

[Il convient aussi de célébrer la manne qu’on recueille sur le feuillage du mélèze dans le pays de Briançon, principalement dans le village d’Arvieu, à l’ouest de la vallée du Queyras. {a} Elle naît de l’air au lever des étoiles, principalement quand brille Sirius, {b} en abondance si l’été est fort chaud, mais en moindre quantité s’il est plus froid ; et ce, durant les nuits claires et sans brise, parce que les rosées ne se déposent pas quand le temps est nuageux ou venteux. De là vient aussi la faible fécondité des fruits quand l’année a été très pluvieuse. Ils la récoltent à la pointe du jour dans des corbeilles de paille car, une fois le soleil levé, elle s’y écoule en gouttes. Il est vraiment admirable de constater qu’elle se dépose seulement sur les épines des mélèzes, où le froid de la nuit l’attire et l’agglutine, tandis qu’elle glisse sur celles des autres conifères pour tomber à leurs pieds, sur les herbes et sur le sol. Cela tient soit à quelque pouvoir occulte particulier au mélèze, soit au fait qu’il est plus touffu et plus humide, ce qui mènerait les rosées tombant du ciel à se déposer surtout sur lui. De fait, en son livre sur le miel, Théophraste dit que les arbres diffèrent les uns des autres dans leur capacité à retenir cette liqueur].


  1. Arvieux dans l’actuel département des Hautes-Alpes.

  2. Au moment de la Canicule (v. note [8], lettre 1019).

Dictionnaire des sciences médicales de Panckoucke :

« Le mélèze, pinus larix, L., {a} arbre toujours vert, de la famille des conifères, qui croît dans les hautes montagnes d’Europe, fournit une exsudation sucrée, commue sous le nom de manne de Briançon, laquelle découle de ses grosses branches ; elle est de peu ou point d’usage en médecine, à moins que ce ne soit dans les lieux où on la récolte, ce qui n’arrive que dans les années sèches et chaudes ; car, quand elles sont pluvieuses et froides, il n’y a pas d’exsudation sucrée : les feuilles de l’arbre adhèrent fortement à la manne. Lobel et Pena, {b} pour prouver que cette espèce n’est pas le résultat de la rosée du ciel, comme quelques-uns le voulaient de leur temps, en serrèrent des branches dans un cellier, en été, et le lendemain, ils y aperçurent de la manne. »


  1. Linné.

  2. Botanistes du xvie s., v. note [3], lettre 42.

23.

Orrhagogue (ou orrhagogon) : substance qui a le pouvoir de chasser (agein en grec) la sérosité (orros), ce qui revient à dire qu’elle agit par colliquation (v. note [15], lettre 468), comme avait dit Guy Patin plus haut dans sa leçon, en comparant la mauvaise manne à l’antimoine.

Avec sa quatrième sorte de manne, Patin accusait les apothicaires de vendre un purgatif composé auquel ils donnaient le nom de manne, mais qui ne contenait pas trace de ce remède végétal recueilli sur les feuilles de certains arbres. Telle était la justification profonde de sa leçon.

24.

« La médecine tire sa valeur des circonstances : l’utile est ce qu’on donne quand il faut, et les potions sont néfastes si on ne les donne pas au moment opportun » (v. note [55] de l’Autobiographie de Charles Patin).

25.

V. note [9], lettre 238, pour le « Lexique philologique étymologique et sacré » de Matthias Martini (réédition de Francfort, 1655, v. note [2], lettre 408). L’entrée sur la manne en ajoute d’autres variétés polonaises :

Manna autem Polonicum, etiamsi ex foliis herbarum aut arborum enasci aut crescere videatur, tamen 1. cum ex foliis divelli aut dejici facile queat, 2. cum nullum semen habeat, aut alio deferri plantarique possit ; ex rore gigni Poloni certo affirmant ; sed medicamenti nullum habet usum, sed tantum alimentnti ; vocatur die Schwaden. Ante annos vero paucos Poloni aliud etiam preciosius et dulcius mannæ genus invenerunt, quod ruri prostratum subtile est ac saccaro simile, quod butyro modicoque saccaro decoctum, cum Italorum delicatissimis ferculis et jusculis certare facile potest. Est etiam aliud manna rusticorum, der Mehldaw, quod potius vitium roris est, et ex putrefacto crassoque rore in frugibus nascitur, instarque telæ araneæ frugibus adhæret, intra quam telam generatur vermiculus noxius et perniciosus frugibus et arboribus ; et sic per antiphrasin dicitur Rusticorum manna.

[Il existe encore une manne polonaise. Elle semble venir sur les feuilles des plantes et des arbres, ou y pousser, mais 1. parce qu’on l’en enlève et arrache facilement, et 2. parce qu’elle n’a pas de graine et ne peut être transplantée ailleurs, les Polonais affirment avec assurance qu’elle provient de la rosée. Ils ne l’utilisent pas comme médicament, mais seulement comme aliment et l’appellent die Schwaden. {a} Il y a quelques années, les Polonais ont trouvé une autre sorte de manne, qui est encore plus douce et précieuse ; tombée à terre dans la campagne, elle est fine et semblable au sucre ; cuite avec du beurre et un peu de sucre, elle peut aisément rivaliser avec les mets et les bouillons les plus délicats d’Italie. Il y a en outre une manne des paysans, der Mehldaw, {b} qui est plutôt une perversion de la rosée : elle apparaît dans les fruits par pourrissement et épaississement de leur humidité, et y adhère comme une toile d’araignée ; un petit ver, nuisible et pernicieux pour les fruits et les arbres, y prend naissance ; on lui donne ironiquement le nom de manne des paysans].


  1. La brume.

  2. Mehl est la farine en allemand, mais je n’ai pas trouvé le sens de daw.

26.

V. note [27], lettre latine 88, pour le commentaire d’André Rivet sur l’Exode (Leyde, 1634). La manne divine y est commentée dans le chapitre xvi, page 439‑440, en insistant sur le fait qu’elle a nourri les Israélites pendant quarante ans, jusqu’à leur arrivée dans le Pays de Chanaan (v. note [19], lettre 309), et en concluant que :

Neminem desperare debere de Dei potentia, multo minus de ipsius misericordia, cum eos qui quotidie eum offendebant non privaverit solito victu. Quod si impiis etiam de necessariis providerit, multo magis expectandum esse benignitatem suam piis non defuturam.

[Nul ne doit perdre espoir en la puissance de Dieu, et moins encore en sa miséricorde, puisqu’il n’a pas privé de leur nourriture coutumière ceux qui l’offensaient tous les jours. Et comme il a fourni le nécessaire même aux gens impies, il faut plus encore attendre que sa bienveillance ne fera pas défaut à ceux qui sont pieux].

27.

V. note [6], lettre 52, pour les « Essais pliniens sur le Polyhistor de Solin » de Claude Saumaise (Paris, 1629). Les deux épais tomes de ce livre ont la redoutable particularité de n’être divisés ni en sections ni en chapitres. L’index du second (Pars altera) contient onze entrées principales concernant la manne, dispersées dans le volume, dont aucune ne renvoie à un propos particulier de Guy Patin. Il est intéressant de remarquer qu’il n’a pas recommandé à ses auditeurs le commentaire particulier de Saumaise de Manna et saccharo [sur la Manne et le sucre], qui n’a paru qu’en 1663 à Paris (v. note [16], lettre 95), car cela autorise à penser qu’il a dicté sa leçon avant la parution de cet ouvrage.

Comme dans sa leçon sur le laudanum et l’opium, la manière et les idées de Patin se retrouvent dans celle-ci et ne laissent guère planer de doute, à mon avis, sur son authenticité.

w.

ms BIU Santé 2007, fos 398 vo et 399 ro.

et saccarum, scammonio in minutum
pulverem redacto, vel succo tithyma-
li, aut aliis purgantibus fucatum et
adulteratum, et ex cujus usu nulla
est certa securitas, propter causas
supra allatas, quòd nimirum sit medi-
camentum duntaxat orrhagogum,
et serum tantummodo educat : quòd sitim
post se relinquat ; quæ omnia sunt
argumenta pessimi medicamenti. Ab
eo igitur, quantum in vobis erit, abs-
tinete et ejus loco usurpate Cassiam,
Senam, Rheum barbarum, syrupum de
rosis solutivum et de floribus mali
Persicæ, quæ sunt medicamenta certis-
sima, tutissima et omnigenæ securita-
tis plenissima, modo tempore et loco
exhibeantur. Est enim Anima curationis
ipsa έυκαιρία, et in medendo inæstima-
bile occasionis momentum. Juxta
illud ingeniosissimi Poëtarum, Ovid. scilicet.

[399 ro]

Temporibus Medicina valet, data tem-
pore prosunt :
Et data non apto tempore vina
nocent.

De Manna tam Hebræorum
quàm Græcorum et Arabum, videte
Lexicon Etymologicum, Philologicum
sacrum Mathiæ Martini, Theologi
Bremensiæ ; Andream Rivetum, Com-
mentariis suis in Exodum ; et qui omnes
singulari eruditione superavit Interpre-
tes, virum maximum Claud. Salma-
sium, tomo 2. suarum Exercitationum
Plinianarum in Solinum Grammati-
cum
polyhistora.

s.

Ms BIU Santé 2007, fo 394 vo.

De Manna

Το Manna est admodum
æquivocum apud omnes Auctores. 1o o-
lim fuit Manna Hebræorum, de quo
multa leguntur in Veteri Testamen-
to : fuit enim Manna dictus mi-
raculosus ille cibus, quo Deus per
annos 40. pavit, nutrivit et re-
creavit Populum Iraëliticum, post-
quam eum eduxit è terra Ægypti.
2o est et Manna Græcorum fœmi-
nini generis, de qua scripserunt Diosco-
rides et Galenus, et ipsa Manna nihil
alius quam Micæ Thuris elisæ, unde vul-
go appellabatur Manna Thuris. 3o da-
tur species Mannæ, et illa est Man-
na Arabum. Erat medicamentum le-
viter purgans collectum horis matu-
tinis instar roris concreti ex floribus

t.

Ms BIU Santé 2007, fos 395 vo et 396 ro.

frondibus quarumdam arborum ut Or-
ni et Fraxini, sed hodie nullibi terra-
rum prostat ista Manna Arabum, quæ apud
Theophr. in fragm. de Melle, vocatur
Mel ex arborum frondibus collectum.
De qua vera manna Arabum legite
Joan. Bauhini de Plantarum Historia
librum elaboratissimum. Ejusmodi Man-
na Araborum non fuit ignotum Galeno. Ejus
enim meminit, sed sub alio nomine : illud namque
est, quod vocavit
δροζομελι, vel αερομε-
λι, id est, Mel aërium. Hodie nobis de-
est Manna Arabum, et in ejus locum
substituerunt Nobis seplasiarii et ins-
titores mercium peregrinarum et exoti-
carum aliud medicamentum arte mangonia
confectum et adulteratum, et illud est quod
hodie per totam Europam Manna vocatur,
quæ etiam à Mercatoribus nostris nun-
cupatur Calabrina ; sic ab illis ap-
pellata ut ejusmodi medicamento adul-
terato aliquam conciliarent auctoritatem et
dignitatem. Simon Pietreus Med Par.
doctiss. mortuus annos natus 54. ejusmo-

[396 ro]

di Manna nostrum impurum solebat
vocare pravum et pessimum medicamen-
tum, et ab eo præscribendo non tam abs-
tinebat quam abhorrebat. Quod olim Me
didicisse memini à duobus viris clarissi-
mis, qui tantum virum Hippocrati et
Galeno parem apprime noverant. Illi
autem duo fuerunt præceptores mei Colen-
dissimi Nicolaus Pietreus Simonis fra-
ter et Renatus Moreau Professor re-
gius. Vere sanciebat de tali medica-
mento Simon Pietreus, et ejus sen-
tentiam sequi debemus ; fuit enim Me-
dicorum sui temporis maximus, illust.
et eminentissimus, vir vere incompara-
bilis et Medicæ artis tantum intel-
ligens quantum humana mente capi
potest. Iterum vobis renuntio ejusmo-
di Manna, quod prostat vænale ho-
dieque et à Medicastris quibusdam nimis
sæpe in hydrope præscribitur ad serum
expurgandum, multiplici nomine damnari
et omni viro bono in arte sua perito
suspectum haberi debere. 1o quia non

u.

Ms BIU Santé 2007, fos 396 vo et 397 ro.

purgat, nisi per colliquationem, quod
est argumentum pravi medicamenti et
hoc habet commune cum Antimonio.
2o quia serum tantummodo eduxit, præ-
termissis et intactis crassis humoribus
viscidis et glutinosis, firmiter impactis
intestinis et Mesenterio, à quibus glutino-
sis humoribus obstruentibus et putren-
tibus pendet morbi magnitudo. 3o quia
Manna est Medicamentum siticulosum, facit
et relinquit sitim, quod est symptoma
et argumentum improbi et intempera-
ti medicamenti, nimisque properat. Illam
sitim ego refero in Mellis substantiam,
ex quo partim compositur et conficitur
ejusmodi Manna adulteratum, quod de-
vehitur ex Italia. Nihil enim aliud est,
quam Scammonium in minutum pulverem
redactum et permixtum sive potius
fucatum melle et saccaro.

Igitur το Manna 4or significat,
aut saltem diversas res 4or includit,
quarum prima est Manna Hebræorum vel
Chaldeorum, de qua videte Exodum c. 16.

[397 ro]

et variorum scriptorum Commentaria
in illum locum, præsertim vero Cornel.
à Lapide et Jacobum Bonfrerium, doc-
tissimos Jesuitas, qui multa habent
optima de illo Manna, miraculoso ci-
bo Populi Israëlitici errantis in deser-
tis Arabiæ, postquam eduxit eum Deus
è terra Ægypti et à Mose et Aa-
rone fratribus deduceretur in terram
Promissionis. Plura quoque de illo Man-
na videre est apud Salianum, in Anna-
libus Ecclesiasticis, tomi 2. pag. 110. et
sequentibus ad annum Mundi 2544, nu-
mero 284. et 285. et sequentibus. Hen-
ricum Spondanum ad eumdem annum, et Li-
bertum Fromundum, 5. l. Meteorologicorum,
c. 6o. Alia etiam leguntur apud Sebas-
tianum Barradium, Hispanum, qui de itinere
Populi Israël. scripsit elegantiss. in
suo Itinerario l. 3. c. 18. et in Annota-
tionibus Hugonis Grotii ad c. 16um Exodi.
De ipso nomine τò Manna videte Ludo-
vicum Balester, Valentinum, in Onomatographiæ

v.

Ms BIU Santé 2007, fos 397 vo et 398 ro.

parte 1a pag. 269, et Eduardi Simpso-
nis Chronicon Catholicum parte ja pa-
gina 43a.

2o est Manna Græcorum, præsertim
Dioscoridis et Galeni, et illa est Man-
na Thuris de qua videte Galenum l. 13.
Meth. med. c. 5. et Dioscorides l. 1. c. 84.

3o est Manna Arabum sive Ros
Syriacum, de qua ex professo scripserunt
integros tractatus duo viri doctiss.
nimirum Donatus Antonius ab Alto-
mari Med. Neapol., qui varias Man-
næ species constituit et ejus adulte-
rationem agnoscit, et Joan. Chrysos-
tomus Magnenus Medicus Gallus
in Academia Ticinensi Medicinæ Pro-
fessor regius. De ea quoque videte Dan.
Sennertum in Epitome Physicæ l. 4. c.
8., Casparus Hofmannus l. 1. de medi-
camentis officinalibus c. 23 ; amicum olim
et collegam Petrum Gassendum in suis
animaversionibus in librum 10. Diogenis
Laërtii de Meteorologia Epicuri ; Fran-
ciscum Valesium de sacra Philosophia c. 57. :

[398 ro]

Joan. Bauhinum in Historia Plantarum
universali et novâ, parte 2. tomi i., pag.
191. et sequentibus, ut et Gerardum
Joan. Wossium l. 3. de Idololatria c.
10o sub finem et alios infinitos, qui de
Medica materia scripserunt, vel de Me-
teoris. 3a illa species est Mel aë-
rium Galeni
δροζομελι, αερομελι
ab eodem nuncupatum, et à Theophras-
to in fragmento de Melle
αερι εκ
του αερος appellatum. Unde a Gal. de-
sumptum fuisse videtur. Sed 3a illa
species hodie nullibi prostat, ne Ro-
mæ quidem et in Calabria, unde advectam
et ad Nos allatam putant nostri se-
plasiarii : neque Briançonæ in Delphi-
natu, id est, apud Allobroges, quicquid
illorum tractuum Incolæ stulte et im-
pudenter nugentur, sed ejus loco suc-
cessit atque substituta fuit.

4a illa species, quæ vulgo et in offi-
cinis hodiernum Manna nuncupatur, quæque
nihil est aliud quam Mel filtratum


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Leçons de Guy Patin au Collège de France (2) : sur la Manne

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(Consulté le 29/03/2024)

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