[Ms BIU Santé no 2007, fo 241 ro | LAT | IMG]
Précaution contre la peste
[mémorandum non daté] [a][1][2]
La précaution contre la peste repose sur deux moyens : rendre le corps capable de résister, et l’agent incapable de faire impression. [1] La pureté et la résistance du corps satisfont le premier objectif : la pureté s’obtient par l’évacuation des humeurs excrémentielles à l’aide de la saignée, [3] des médicaments et de la transpiration modérée ; [2][4] la résistance se procure par un régime sain [5] qui stimule les forces et attaque la contagion. [3][6] L’agent est rendu incapable de faire impression en modifiant l’air ambiant par les feux, la fumigation et les douces senteurs. [4][7][8]
> Retour au sommaire des 21 consultations et mémorandumsManuscrit autographe de Guy Patin ; Pimpaud, Document 8, pages 33‑34.
Traduction d’agens debile ad imprimendum : le mot agent ne sous-entend pas, bien sûr, le qualificatif de microbien (apparu au xixe s.) ; il est à prendre dans son sens absolu de « ce qui agit sur les corps, et qui cause toutes les corruptions et les générations [changements] ; les agents naturels agissent toujours de la même sorte ; l’agent et le patient sont des termes opposés » (Furetière).
V. note [3], lettre de François-Philippe Boullanger, datée du 29 août 1654, pour la méthode dite des « airements » dans la prévention de la peste.
Guy Patin a extrait ce mémorandum des 20 livres d’Epistolæ medicinales [Épîtres médicales] de Giovanni Manardi (Bâle, 1549, v. note [6], lettre latine 61) : il en a abrégé et copié presque mot à mot (v. notre transcription) ces deux fragments de la lettre iii, livre v, datée du 27 juillet 1518, ad magnificum D. Alexium Turzum [au généreux Alexej Turzo (noble hongrois du xvie s.)], intitulée Præservatio et curatio Pestiletiæ [Préservation et traitement de la peste] (pages 65‑71).
Præservatio ergo in duobus præcipue consistit, in reddendo corpus aptum ad repugnandum, et agens debile ad imprimendum. Horum primus perficietur corporis mundificatione et roboratione. Mundum et purum corpus redditur, si quæ adsunt superflua vacuentur, cautioque adhibeatur, ne in futurum generentur. Vacuantur superflua variis auxiliis, ut sanguinis missione, medicamentis tam per ventrem quam per urinam purgantibus : exercitio, sudore, inedia, necnon ea quæ obtutum effugit difflatione.
[La protection contre la peste repose donc principalement sur deux moyens : rendre le corps capable de résister, et l’agent incapable de faire impression. La purification et la fortification du corps satisfont le premier objectif : un corps pur et propre s’obtient en évacuant ce qui est superflu et en prenant des précautions pour qu’il ne s’en reforme plus dans l’avenir. Le superflu s’évacue divers moyens, comme la saignée, les médicaments purgatifs agissant tant par voie intestinale qu’urinaire, l’exercice, la sudation, la diète, ainsi que par la transpiration invisible].
Ad remota spectant, habitatio, quæ munda esse debet a latrina, cloacis et fœtidis locis semota, aperta ad septentrionem et occidentem, ad meridiem et orientem clausa, quæ igne lignorum odoratorum, in apto ardentium, non in fornace clausorum, etiam si æstas fuerit, debet calefieri, suffumigiis, inspersionibus et odoratis herbis ac fructibus, boni odoris reddi.
[Pour ce qui regarde l’environnement, l’habitation doit être : propre, à l’écart des latrines, des égouts et autres lieux nauséabonds ; ouverte sur le nord et l’ouest, mais fermée au sud et l’est ; chauffée, même pendant l’été, en y brûlant du bois odorant, dans l’âtre ouvert et non dans un fourneau fermé, et en y maintenant une bonne odeur à l’aide de fumigations, d’aspersions, et d’herbes et de fruits parfumés].
Ms BIU Santé 2007, fo 241 ro.
De pestis præcautione.
Præcautio pestis in duobus posita est ; ut corpus reddatur aptum ad
resistendum, agens debile ad imprimendum : illud perficitur corporis puritate
et robore, puritas a. fit excretorum vacuatione per venæ sectionem,
pharmaciam, spirationem mediocrem : robur paratur salubri diæta, quæ
et vires confirmet, et contagionem oppugnet. Agens debile ad imprimendum
reddetur æris alteratione per ignes, suffitus, odorum suavitatem.