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[Ms BIU Santé no 2007, fo 242 ro | LAT | IMG]

Colique néphrétique suivie de saignement hémorroïdaire
[consultation, 1630]

Défécation sanglante venant immédiatement après une colique néphrétique, ou saignement hémorroïdaire. [a][1][1][2][3][4][5][6]

La défécation sanglante qui afflige ce très honnête homme, n’appartient à aucune espèce de dysenterie avérée, [7] car elle survient sans ulcère, sans douleur ni colique de ventre, [8] qui sont requises pour en établir l’authenticité ; [2] il n’y a pas non plus de ténesme, [9] puisqu’aucune lésion n’affecte le rectum. Cet écoulement n’est pas colliquatif ; [3][10] ce n’est pas non plus le flux qu’on appelle hépatique, en raison de sa cause propre, qui est un affaiblissement du foie, puisque, dans cette variété, le sang n’est pas pur, mais dilué et très semblable à la lavure de viande fraîche. [4][11] On n’observe rien de tel chez notre malade : à intervalle presque fixe, l’intestin expulse un sang véritable, qui est clair, éclatant, rouge et pur ; soit ce que je pense être un flux issu d’une hémorroïde ouverte, suivant la sentence de Fernel, qui a distingué ces déjections de la modalité susdite. Ici, outre le sang, s’écoulent aussi de temps en temps des caillots rouges, quand le sang hémorroïdal suinte dans la cavité du rectum, où il coagule entièrement ; ce que j’estime être très vrai, parce que les autres parties de l’intestin ne peuvent produire un tel sang vermeil, car celui qui en provient est desséché et noir comme de la poix, ou semblable à la lavure de viande fraîche. [5][12]

Cette déjection sanglante survient quelques jours après une atroce colique néphrétique, dont ce très distingué personnage a pâti. Je n’en ai pourtant pas moins bonne opinion de l’issue de sa maladie ; et même bien mieux, j’espère qu’il en sera délivré puisque, d’après Hippocrate, aphorisme xi, 6e section, Melancholicis et nephreticis hæmorrhoïdes supervenientes, sint salutares ; [6][13][14] Il met mieux en valeur leur profit dans la 3e section du livre vi de ses Épidémies, et vers la fin de son livre de Humoribus[15][16] où il dit que les hémorroïdes résolvent non seulement les affections mélancoliques et les maladies des reins, mais aussi la pleurésie, [17] la péripneumonie, [18] la folie, les furoncles, les vitiligos, [19] etc., parce qu’elles détournent la matière < morbifique > depuis les reins jusque dans l’intestin. [7][20] Nous savons bien, par expérience, qu’il s’est trompé en soutenant que seul un sang mélancolique peut induire la formation d’hémorroïdes : le fait est qu’elles purgent parfois un sang pur et liquide ; tout bien considéré, la matière qui est évacuée par les règles [21] peut être la même que celle qui l’est par les hémorroïdes, et cette déjection hémorroïdaire a la valeur d’une évacuation générale puisque, grâce à elle, le corps tout entier est purgé[22] mais principalement les reins, les organes génitaux et les autres parties voisines. Cela est corroboré par l’observation d’Houllier, dans son commentaire de l’aphorisme xi, livre 6, disant qu’il a vu un malade torturé par une atroce douleur des reins, qui n’a pu être soulagé par aucune phlébotomie, [23] aucune purge, [24] aucun topique, [25], par aucun remède enfin ; mais qui l’a été par l’incision et l’ouverture de la veine hémorroïdale où s’était arrêtée quelque espèce de matière, qui s’est écoulée quand on lui a donné une issue, avec soulagement immédiat de la douleur. Au même endroit, Houllier conseille judicieusement de ne jamais faire sortir les hémorroïdes, sauf nécessité impérieuse, ou si elles en ont spontanément coutume, puisque leur mauvaise habitude est alors de suinter tant soit peu. [8][26][27]

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Je ne m’occupe [9] pas ici de la colique néphrétique, que les saignées répétées, de nombreux lavements, [28] des fomentations [29] et le bain ont apaisée. [30] J’estime qu’il vaut mieux songer à interrompre cette défécation sanglante, de sorte qu’elle ne finisse pas par devenir excessive, et n’aille pas bouleverser ou terrasser les forces du malade, déjà suffisamment débilitées et érodées en raison de ses maladies passées. J’estime donc qu’à cause de la diminution des forces et de l’absence d’indication formelle, il faut cesser de saigner comme de lavementer, pour ne pas remuer l’intestin plus qu’il n’est de raison. Durant trois jours consécutifs, deux fois par jour, le matin et le soir, il faut faire boire une potion constituée de 4 onces d’eau de plantain, [31] où on aura dissous une once de cotignac [32] avec un demi-gros de bol d’Arménie [33] qui, étant légèrement astringent, arrêtera cet écoulement. Ensuite votre très distingué Monsieur prendra un opiat [34] astringent [35] et purgatif [36] fait de catholicon double, [37] d’électuaire lénitif, [38] une once de chaque, une demi-once de manne de Calabre, [39] un gros et demi de poudre de rhubarbe, [40] avec une once et demie de sirop de chicorée [41] mêlé de rhubarbe, dont le malade prendra une once le matin, trois heures avant un bouillon. [10] Le lendemain il se mettra au lait d’ânesse et en prendra pendant 15 jours ; [42] après quoi, l’emploi du lait de chèvre, jusqu’au mois suivant, sera très salutaire. [43] Pendant tout ce temps, qu’il vive sobrement, se contentant de bouillons maigres, [44] d’œufs frais, de gelée, [45] de coings et de vin étendu d’eau ; [46] qu’il s’abstienne de tout effort important et se mette à l’abri des émotions vives. [47]

Voilà ce que je conseillais, avec M. Brayer, médecin de Paris, [48] pour M. de Hurles, ce 27e de décembre 1630. [11]

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a.

Manuscrit autographe de Guy Patin ; Pimpaud, Document 11, page 38‑43.

1.

L’émission de sang rouge par le rectum, aujourd’hui appelée rectorragie (ou hématochézie), traduit (sauf exception) une hémorragie provenant du tube digestif bas (jéjunum, iléon, côlon, rectum, anus).

Elle se distingue aisément du méléna, qui est une défécation de sang digéré, c’est-à-dire noir (comme du boudin), provenant des parties plus hautes du tube (œsophage, estomac, duodénum) et parfois précédée par une hématémèse (v. note [5], lettre 410).

Au sens strict, le saignement hémorroïdaire (v. note [11], lettre 253), d’origine anale, est une rectorragie. Sa banalité et sa bénignité mènent néanmoins à le distinguer des autres rectorragies, où le sang accompagne la selle, du début à la fin, et se mêle à la matière fécale ; tandis que le sang hémorroïdaire (v. infra note [5]) s’écoule séparément, et plutôt en fin d’exonération, « arrosant la selle » (selon l’expression consacrée).

2.

La dysenterie (v. note [8], lettre 147) est l’une des nombreuses causes de rectorragie, en lien avec une ulcération de la muqueuse digestive. La défécation sanglante la distingue de la diarrhée simple (flux de ventre).

3.

Colliquatif est l’adjectif dérivé de colliquation (v. note [15], lettre 468), pour dire : « qui épuise promptement les malades, et semble être le résultat de la liquéfaction des parties solides du corps : flux colliquatif, sueur colliquative, dévoiement colliquatif » (Littré).

La forme la plus grave du flux colliquatif était le choléra morbus (v. note [24], lettre 222).

4.

En lien avec la notion, aujourd’hui assez vague, d’atonie (affaiblissement, imbécillité, débilité ou insuffisance) du foie, le flux hépatique ou hépatirrhée est ainsi défini par François Boissier de Sauvages (Nosologie méthodique…, édition française, Lyon, Jean-Marie Bruyset, 1771, in‑12, tome huitième, pages 155‑160) :

« Les anciens ont entendu par le flux hépatique toute diarrhée, lienterie et passion cœliaque, qui provient d’un vice du foie […] ; mais les modernes donnent ce nom à toutes les déjections indolentes d’un sang qui est à l’ordinaire délayé et semblable à la lavure de chairs, de quelque cause que vienne la matière du flux. »

En pathologie contemporaine, la présence de chair mal digérée dans les fèces fait penser à une insuffisance de la sécrétion pancréatique externe (contenant les enzymes qui digèrent les viandes), telle qu’on l’observe dans les pancréatites chroniques (v. note [6], lettre latine 119).

5.

La consultation résumait ce passage (pages 454‑455), toujours remarquable aujourd’hui, de la Pathologie de Jean Fernel (traduction française, Paris, 1655, v. note [1], lettre 36) :

« Le flux de sang qui se fait sans dysenterie et sans ténesme, vient rarement de l’imbécillité du foie, et souvent de l’ouverture des hémorroïdes internes. Celui qui provient de la débilité du foie n’est pas un vrai sang, mais un sang clair et semblable à de la lavure de chair fraîche. {a} La raison pourquoi cela n’arrive guère est parce que cette sanie tombe rarement du foie dans les intestins, par les veines du mésentère. {b} Quant à celui qui sort à part, pur et vermeil, il vient des hémorroïdes, où il s’était déchargé de la veine cave prochaine, {c} et sort tantôt au commencement de la déjection, tantôt à la fin, tantôt à l’effort même que l’on fait en étant à la selle. Il tombe aussi quelquefois du fondement un grumeau rouge, {d} < fait > du sang que les hémorroïdes avaient distillé dans la capacité de l’intestin droit, {e} où il s’était entièrement caillé. Ce n’est donc pas de l’ouverture des veines du mésentère que vient le sang que l’on rend en quantité par les selles ; et celui qui coule des parties supérieures n’est pas liquide et vermeil, mais semblable à de la poix, brûlé et noir, {f} comme j’ai dit ci-devant. »


  1. V. supra note [4].

  2. V. notes [4], lettre 69, pour les hémorragies digestives dites mésentériques, et [11], lettre de François Rassyne, datée du 27 décembre 1656, pour la sanie.

  3. La veine cave, qui fait remonter le sang des parties inférieures vers le cœur, se forme à l’entrée du petit bassin, par la réunion des deux veines hypogastriques (ou iliaques internes), derrière le rectum.

  4. Caillot.

  5. Rectum.

  6. Méléna (v. supra note [1]).

6.

« Les hémorroïdes venant aux mélancoliques et aux néphritiques seraient salutaires », aphorisme no 11 (et non no 2, comme il est écrit dans le manuscrit) de la 6e section (Littré Hip, volume 4, pages 566‑567) :

Τοισι μελαγχολκοισι, και τοισι νεφριτικοισιν αιμορροιδες επιγινομεναι, αγαθον.

[Dans la mélancolie et dans les maladies des reins, l’apparition d’hémorroïdes est favorable].

7.

Guy Patin citait deux passages d’Hippocrate, auxquels j’ai ajouté les commentaires de Galien.

8.

La consultation reprenait ici, presque mot pour mot (en en changeant seulement la syntaxe), la fin du commentaire que Jacques Houllier (pages 335 vo‑336 ro, Genève, 1620, v. note [12], lettre 503) a donné de l’aphorisme d’Hippocrate no 11, 6e section (v. supra note [6]) :

Hippoc. multo plenius notavit utilitatem hæmorrhoidum lib. 6 Epid. comm. 3. et ad finem lib. de humoribus ubi dicit hæmorrhoides non solum solvere melancholicos affectus, et renum passiones, sed etiam pleuritidinem, et peripneumoniam, et maniam, et phagædenica, et tubercula, terminthos, furunculos, vitiligines, denique omnia quæ habent melancholicum humorem permixtum aliis humoribus. Ob id lib. 6. Epidem. ubi legitur αλλοις, videtur legendum αλφοις et sane ratio ipsa suadet. Nam cum vitiligo sit a pituita falsa et melancholiæ permista, verissimile est hæmorrhoidas hanc materiam repurgare. Itaque hæmorrhoides non solum melancholicos affectus et renum passiones liberant, sed etiam vindicant a pleuritide, vitiligine etc. Præterea cum hæmorrhoidibus certum est, quod etiam repurgatur pars quædam pituitæ falsæ, et alia sanguinis vitia. Id dico quia Galen. asserit impossibile esse hæmorrhoidas fieri, nisi à sanguine melancholico, quod etiam falsum esse experimur. Siquidem aliquando liquidus et purus sanguis repurgatur : denique qualis materia per menses excernitur, talis potest evacuari per hæmorrhoidas. Si ergo ea materia quæ per hemorroidas expurgari solet, sursum feratur ad cerebrum, fient maniæ : si ad alias partes corporis, alij dolores et morbi. Quod si ea materia ad sedem divertat, solvetur mania, et alii morbi inde contracti, quia hæmorrhoides sunt generalis evacuatio, et per eas repurgatur corpus universum, licet partes eæ magis, quæ cum hæmorrhoidibus consentiunt, quales sunt, renes, pudendum, quæ cum hæmorrhoidibus exterioribus communicant. Sunt enim hæmorroides exteriores et interiores. De interioribus dubitatio est, et aiunt esse ramos quosdam à vena porta, qui communicantur intestinis, et purgant fæcem hepatis. alij volunt venulas esse à liene ad intestinum rectum. Sed de exterioribus non est dubium quin sint soboles venæ cavæ ab explantatione post venas emulgentes, et distribuunt in renes, vesicam, sedem, pudendum uterum. propter quem consensum suppressis mensibus (ut in mulieribus viduis) videmus sæpe mensium loco fluere hæmorrhoides, vidimus quendam qui intollerabili cruciatu renum affligebatur : is nulla phlebotomia, nulla purgatione, nullis remediis topicis potuit levari : nisi hæmorrhoide aperta. quod enim materia restitabat in renibus, id urgebat. Simulatque aperta est via, quievit morbus. Nec tamen sequitur quod hæmorroides statim movere oporteat, si quis ita afflictetur. Verum si intumuerint, audatius aperiemus. Melancholicos ergo affectus et renum mala curant hæmorrhoides succedentes, hoc est sponte naturæ prodeuntes. Neque enim sunt excitandæ, nisi sit consuetudo. Earum namque consuetudo mala est, sive multum, sive parum fluant.

[Hippocrate a fort bien remarqué l’utilité des hémorroïdes à la 3e section du livre vi des Épidémies et vers la fin du traité des Humeurs : {a} il y dit qu’elles résolvent non seulement les affections atrabilaires et les maladies des reins, mais aussi la pleurésie, la péripneumonie, la folie, les ulcères phagédéniques, les tubercules, les terminthes, {b} les furoncles, les alphos, soit tout ce qui relève de l’atrabile, mêlée à d’autres humeurs. Dans ce livre vi des Épidémies, il me semble qu’il faille lire alphos au lieu de autres, car le sens s’éclaircit alors : {c} puisque l’alphos résulte d’une pituite fausse et mêlée d’atrabile, les hémorroïdes purgent très vraisemblablement cette matière. Voilà pourquoi elles délivrent non seulement des affections atrabilaires et des maladies des reins, mais aussi de la pleurésie, des alphos, etc. Il est en outre certain qu’avec les hémorroïdes se purge aussi une partie de la fausse pituite, ainsi que d’autres vices du sang. Je dis cela car Galien soutient que les hémorroïdes ne peuvent apparaître en l’absence de sang atrabilaire ; ce qui est faux, comme nous l’enseigne l’expérience. Du sang liquide et pur s’évacue parfois : tout comme cette substance forme l’écoulement menstruel, elle peut se purger par les hémorroïdes. Si donc cette matière, qui a coutume de s’épancher par les hémorroïdes, remonte vers le cerveau, alors surviennent des états de folie, mais aussi d’autres maux et douleurs si elle gagne d’autres parties du corps. Si on l’en déloge, la folie et les autres désordres qu’elle crée disparaîtront, car les hémorroïdes sont un moyen général d’évacuation et, grâce à elles, le corps tout entier se purge, et en particulier les parties qui sont en communication avec elles, comme les reins ou les organes génitaux, qui communiquent avec les hémorroïdes externes. Il existe en effet des hémorroïdes externes et internes. Il y a des doutes sur les internes, certains disant que ce sont des branches de la veine porte qui sont en relation anatomique avec les intestins et qui drainent les déchets du foie ; mais d’autres veulent que ce soient des veinules allant de la rate au rectum. Pour les externes, par contre, il n’est pas douteux que ce soient des ramifications de la veine cave : elles en naissent par branchement, sous les veines rénales, et se distribuent dans les reins, la vessie, le siège, les organes génitaux, l’utérus. {d} C’est en raison de cette dernière irrigation que, quand les règles sont supprimées (comme chez les femmes veuves), {e} nous voyons souvent l’écoulement hémorroïdal remplacer celui des menstrues. Nous avons vu un patient qui était torturé par une douleur intolérable des reins ; ni la saignée, ni la purgation, ni quelque remède topique que ce soit, ne l’ont soulagé, tant qu’on ne lui eut pas incisé les hémorroïdes ; ce qu’il était urgent de faire car la matière était bloquée dans les reins. Aussitôt la voie ouverte, la maladie a guéri. Nous n’en inférons pourtant pas qu’il convient de se précipiter sur les hémorroïdes chez tous ceux qui sont ainsi affectés ; mais si elles sont enflées, nous les incisons hardiment. Les hémorroïdes proéminentes, c’est-à-dire qui font saillie d’elles-mêmes, guérissent les affections atrabilaires et les maladies des reins. Néanmoins, il ne faut pas provoquer leur saillie, à moins qu’elles n’en aient spontanément l’habitude ; mais il s’agit là d’une mauvaise disposition, car elles saignent alors toujours tant soit peu].


  1. V. supra note [7].

  2. Terminthe : « tubercule inflammatoire, sur lequel s’élève une pustule noire, ressemblante en quelque façon au fruit du térébinthe » (Académie).

  3. Houllier pensait à une confusion possible entre allois [autres] et alphois [alphos] dans la transcription du passage où Hippocrate écrivait (premier extrait cité dans la note [7] supra) « ni peut-être de lèpre, ni peut-être d’autres affections [oudé alloisin] ». V. note [2], lettre 950, pour l’alphos (équivalent du psoriasis).

  4. Tout cela n’avait de sens qu’avant la découverte de la circulation sanguine (1628). Dans l’anus, les veines hémorroïdales (ou rectales) forment deux plexus : l’un, interne, tapisse le canal anal et l’autre, externe, entoure son orifice extérieur. Leur principal caractère anatomique commun est d’être drainées par les deux systèmes veineux abdominaux, cave et porte (i>v. notule {b}, note [18] de Thomas Diafoirus et sa thèse), qui transportent respectivement le sang vers le cœur et vers le foie (d’où il monte ensuite vers le cœur). Les hémorroïdes forment ainsi une anastomose entre les deux systèmes, dite porto-cave. Le même phénomène se produit autour de la partie inférieure de l’œsophage. La dilatation des anastomoses porto-caves, avec risque de rupture et d’hémorragie, est une conséquence de l’hypertension portale (augmentation de la pression dans la veine porte qui s’observe notamment dans les cirrhoses).

    La rate et le rectum appartiennent au système porte, mais il n’existe pas de « veinules » qui réunissent l’une à l’autre.

  5. L’adjectif vidua a le double sens de « veuve » et de « dépouillée » ; il faut ici, je pense, le prendre dans celui de « ménopausée ».

Repris ici par Guy Patin et Nicolas Brayer (v. infra note [11]), les propos d’Hippocrate et de ses commentateurs (Galien et Houllier) considéraient le gonflement et le saignement des hémorroïdes comme des phénomènes bienfaisants, permettant l’évacuation naturelle ou provoquée d’un sang gâté, dont la rétention était tenue pour responsable de diverses maladies, rénales, génitales, cutanées et même cérébrales. Tout cela n’a absolument plus aucun sens aujourd’hui : les hémorroïdes sont une affection certes gênante, mais banale et bénigne dans l’immense majorité des cas ; leur saignement ne contribue en rien à l’amélioration de la santé.

9.

Surprenante conjugaison des verbes à la première personne du singulier (ago, censeo) : la consultation portant deux signatures, on aurait attendu la première personne du pluriel (agimus, censemus) ; cela fait penser que Guy Patin menait la discussion et tenait apparemment pour insignifiante la contribution de son collègue Nicolas Brayer (v. infra note [11]) ; il avait cinq ans de moins que lui, mais n’avait été reçu docteur régent que neuf mois après lui.

10.

Électuaire lénitif (Thomas Corneille) : « électuaire mou, purgatif, où l’on fait entrer outre le sucre, le séné, le polypode, les raisins damas, l’orge mondé, la mercuriale, la semence des violettes, l’adianthe noir, les sebestes, les jujubes, les pommes, la réglisse, les tamarins, la conserve de viole, la pulpe de casse, et l’anis. On l’appelle lénitif [v. note [13], lettre 95], à cause qu’il ouvre le ventre en adoucissant et lénifiant, et qu’il évacue fort doucement l’une et l’autre bile. Cet électuaire est fort propre aux fièvres engendrées par des humeurs corrompues, ainsi qu’à la pleurésie. »

Guy Patin revendiquait clairement (v. supra note [9]) la prescription de ce purgatif compliqué, composé d’une imposante variété de remèdes végétaux, incluant la manne de Calabre (v. note [12] de sa leçon sur ce médicament). Plus tard, pourtant, cette prodigalité devint étrangère à ses pratiques : l’expérience semblant l’avoir transformé en ennemi, convaincu et militant, d’une telle polypharmacie, il prôna résolument les remèdes simples (séné, casse, rhubarbe, sirop de roses et de fleurs de pêcher).

11.

V. note [2], lettre 111, pour Nicolas Brayer (reçu docteur régent en 1628) ; s’il s’était agi de son père, Gaspard i, reçu en 1612 et mort en 1639, ou de son frère aîné, Gaspard ii, reçu en 1619 et mort en 1630 (v. note [9], lettre 126), Guy Patin, reçu en 1627, eût signé en second.

Celle-ci est la seule apparition d’un M. de Hurles, éminente personnalité beauvaisienne qui ne nous est donc connue que pour sa colique néphrétique et ses instructives hémorroïdes.

s.

Ms BIU Santé 2007, fo 242 ro.

De cruenta alvi dejectione, nephriticum dolorem insequente :
sive, de fluxu sanguinis ab aperta hæmorrhoïde.

Cruenta illa deiectio, de qua conqueritur vir honestissimus, nullam dys veram
dysenteriæ speciem constituit, cùm sit absq. ulcere, absq. dolore et ventris
torsione, quæ ad veræ dysenteriæ naturam requiruntur ; nec est tenesmus,
cùm nullus sit in intestino recto affectus : nec est fluxus ille colliquativus,
neque is, qui à propria causa, nimirum hepatis imbecillitate, hepaticus
dicitur, cùm in eo fluxu hepatico, qui ex imbecillo iecore dimanat, verus
cruor non sit, sed dilutus, et recentis carnis loturæ persimilis : hîc a.
in ægro nostro nihil tale percipiatur comperiatur cùm verus sanguis, rutilus, floridus
ac rubicundus purúsq. absq. ullo dolore, stata ferè periodo per alvum
profundatur, quem fluorem ex aperta hæmorrhoïde, ex doctiss. fernelij
sententia esse censeo, qui cruentas illas deiectiones modo supradicto distinxit.
Hîc etiam præter sanguinem interdum et grumus rubens procidit, dum
hæmorrhois stillat in recti intestini capacitatem, in qua omnino coit : quod
quidem verius ideo esse existimo, quod ex alijs alvi partibus sanguis
eiusmodi rutilus non possit descendere, sed picis instar niger ac retor-
ridus, vel loturæ carnium recens mactatatrum similis.

Succedit hæc deiectio sanguinea atrocissimo dolori nephretico, quo à paucis
diebus acerrimè laboravit Vir clariss. neq. tamen de morbi eventu sequiùs
opinor, quinimò melius ei cessurum spero, cùm ex Hipp. aph. ii. sect. 6. Melan-
cholicis et nephreticis hæmorrhoïdes supervenientes, sint salutares :
quarum utilitatem multò pleniùs commendat 6. epid. comm. 3. et ad finem
libri de humorib.
ubi dicit hæmorrhoïdes non solùm solvere melancholicos
affectus, et renum passiones, sed etiam pleuritidem, peripneumoniam,
maniam, furunculos, vitiligines, etc. propter diversionem materiæ à renibus
in alvum : unde falsum esse experimur, quod asserit Gal. impossibile esse
hæmorrhoïdas fieri, nisi à sanguine melancholico : purus n. et liquidus
sanguis aliquando repurgatur : denique, qualis materia per menses excernitur,
talis per hæmorrhoïdas potest evacuari : habétq. ea deiectio hæmorrhoid.
rationem generalis evacuationis, cùm per eam universum corpus repurgetur, præ-
sertim .v. renes, pudenda, vicinæque ceteræ. Ad hoc facit quod refert
Hollerius, comm. in aph. ii. sect. 6. se quendam vidisse gravi renum cruciatu
distortum, qui nulla phlebotomia, nulla catharsi, nullis topicis, nullis
denique remedijs, quàm ex scalpello divisa hæ et aperta hæmorrhoïde
potuit levari, per quam quidquid restitabat materiæ, qua data porta
effluxit, unde statim dolor conquievit : quò loci le rectè consulit idem
Hollerius, numquam nisi urgente necessitate, aut consuetudine, excitandas esse
hæmorrhoïdes, cùm earum consuetudo mala sit sive multum, sive parum
fluant.

t.

Ms BIU Santé 2007, fo 242 vo.

De nephretico dolore qui multiplici venæ sectione, plurib. enematis,
fomentis et balneo conquievit, iam non ago, sed de cruenta illa deiectione
coercenda cogitandum esse censeo, ne tandem nimia evadat, virésq. iam
satis ex sup superiorib. morbis debiles et infirmas, omnino deijciat atque
prosternat : censeo itaq. ratione imbecillitatis virium, et propter absentiam
indicantis, venæ sectioni parcendum esse : enematis item, præsertim crebris,
ne plus æquo moveatur alvus ; sed trib. continuis dieb. bis per diem,
mane nimirum et sero, hauriendum esse potum confectum ex aquæ planta-
ginis, ℥iiij. in quib. dissolv. syrup. cydonior. ℥j. cum boli armenæ Ӡß.
quo levi adstringente nimius ille fluxus compescatur : postea vir clariss.
utetur opiata adstringente et purgante ex catholic. duplic. elect. lenit.
an. ℥j. mannæ calabr. ℥ß. pulv. rhei Ӡjß. cum syrup. de cichor.
compos. cum rheo ℥jß. de qua sumet ℥j. mane, trib. horis ante iusculum ;
sequenti die ad lac asininum se conferet, eóq. per xv. dies utetur ; quo
derelicto, caprilli lactis usus usq. in alterum mensem erit saluberrimus.
Interim parcè vivat, paucis iusculis, ovis recentib. gelatina, cydoniato,
vel vinóq. lymphato contentus : ab omni gravi motu abstineat, et immo-
dicis animi pathematis sibi caveat.

Hæc consulebam cum D. Brayer, Med. Paris.
pro D. de Hurles, 27. Dec. 1630.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Consultations et mémorandums (ms BIU Santé 2007) : 11

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(Consulté le 28/03/2024)

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