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Consultations et mémorandums (ms BIU Santé  2007) : 20  >

[Ms BIU Santé no 2007, fo 253 ro | LAT | IMG]

Observation d’un homme souffrant d’hémispasme de la face
[mémorandum, 1595] [a][1][2]

La maladie dont souffre ce très distingué trésorier de France [3] ne semble ni évidente à diagnostiquer ni très simple à soigner, ce qui n’est pourtant pas impossible. D’abord, contrairement à ce que disent presque tous les anatomistes, elle fait voir qu’un seul pannicule charnu (qu’en conséquence ils appellent muscle large et peaucier) [4] ne procure pas le mouvement à la face tout entière. L’observation qui suit m’en a fourni la preuve, fondée sur l’ordonnancement même d’un mouvement involontaire et perverti, qui a en vérité la nature d’un spasme. [1] La moitié droite de la face ne présente aucune lésion visible et se comporte tout à fait selon l’ordre de la nature ; mais la partie gauche bouge anormalement et de manière fort désordonnée : d’abord, survient inopinément une secousse involontaire de la paupière supérieure ; puis l’aile du nez du même côté se tord pareillement ; puis vient le tour de la lèvre supérieure. La paupière en premier, l’aile du nez en deuxième, la lèvre supérieure en troisième, sont ainsi attaquées tour à tour. Hors de toute volonté du patient, le mouvement atteint parfois la paupière seule, par où la crise commence toujours ; parfois elle est suivie par les deux autres parties ; et parfois, comme à la manière d’un coup de foudre, les trois parties se mettent toutes ensemble en mouvement. Il faut donc que divers muscles, dont les actions diffèrent à ce point, entrent individuellement en action, et non qu’ils se tordent d’une seule et même manière et sous une seule et même impulsion. Et voilà pour les muscles. La plupart du temps, mais moins constamment, le malade est aussi tourmenté par des tintements, des bourdonnements et des sifflements de l’oreille gauche. Il arrive encore que l’appareil et le sens de l’odorat soient obstrués, vers le processus mamillaire [5] ou vers la partie gauche de l’os ethmoïde, [6] avec perception brouillée des odeurs et écoulement bloqué de l’excrément muqueux par le nez. [2] Voilà de quoi se plaint ce très distingué personnage. Pour le reste, il se porte fort bien, s’acquittant parfaitement de toutes ses autres fonctions corporelles. Les causes d’une si pénible maladie sont exclusivement à chercher dans le domaine nerveux. Comme tout le monde sait, [Ms BIU Santé no 2007, fo 253 vo | LAT | IMG] le cerveau est divisé en deux parties, d’où naissent tous les nerfs qui transmettent les sensations et les mouvements ; [3][7] c’est ici la partie gauche, et non droite, du cerveau qui est atteinte, et seul le mouvement est corrompu, sans nulle atteinte de la sensation. Les médecins pensent depuis longtemps que par les nerfs s’écoulent non seulement l’influx destiné aux muscles, mais aussi les esprits vitaux. [8] Je dirai donc que l’altération vient d’esprits perturbés qui s’agitent en grand désordre. Voilà probablement la raison pour laquelle le matin, pendant de nombreuses heures, et par moments dans le cours de la journée, quand le patient est à jeun, il a le côté gauche de la face si calme que nul ne peut se persuader qu’il ne jouit pas d’une entière santé. Ensuite, sous l’effet d’un léger facteur déclenchant, comme quand il s’applique à des tâches difficiles, tant d’écriture que de calcul, ou quand lui vient le désir de manger, ou quand il lui arrive de parler fort longtemps, alors, comme pour donner l’alarme, la grimace de son aura commence à frétiller, [4][9] avant d’exciter la contorsion difforme et hideuse. Il faut donc en conjecturer que s’est alors accumulée cette humeur subtile qui engendre des ventosités contre nature et sème le trouble parmi les esprits natifs. En s’éparpillant jusqu’à rétrograder entièrement, ces ventosités cèdent ensuite leur place aux influences légitimes du mouvement. Mais d’où de si fougueuses ventosités peuvent-elles provenir ? Certains diront qu’elles naissent de la rate, qui est la fabrique des flatuosités et des esprits néfastes, d’où elles s’échappent vers le haut ; [10][11] d’autres affirmeront qu’elles sont transportées depuis le cerveau, qui est la source de la pituite excrémentielle, [12] par les nerfs qui traversent les orifices des os du crâne et de la face ; d’autres feront valoir qu’elles sont causées par le mauvais tempérament et la surcharge de la seule partie affectée. Ayant soigneusement palpé les deux hypocondres, [13] je les ai trouvés souples, mous et en condition satisfaisante à tous égards, sinon que le gauche était confusément tendu, ce qui est de peu d’importance : de fait, bien des gens qui ont la rate indurée sont tourmentés par des borborygmes, [5][14][15][16] mais chez eux, pourtant, rien de semblable à ces spasmes ne survient : même si leur visage est plombé, il reste harmonieux dans son mouvement naturel. La maladie avait d’abord attaqué la tête, en la frappant de douleurs intenses et prolongées ; mais cette céphalée s’étant apaisée puis ayant disparu, il semble [Ms BIU Santé no 2007, fo 254 ro | LAT | IMG] que les déversoirs en aient, d’une manière ou d’une autre, libéré le crâne en ouvrant un passage par les orifices dont j’ai parlé plus haut. L’humeur subtile qui progresse dans le cerveau doit y engendrer la production persistante de ventosités, qui alimente le mal : la principale raison pour laquelle le patient reste longtemps le matin sans être incommodé par son mouvement désordonné, est que durant la nuit qui a précédé, grâce au repos de la faculté animale, cette humeur s’est comme amollie et dissipée. Le désordre survient pourtant, non de manière continue, mais par intermittences, plus ou moins longues, parce que l’humeur subtile persiste et que des flatuosités ininterrompues en résultent. Il faut néanmoins porter grande attention aux causes prédisposantes que j’ai dites : études prolongées ou travail trop intense des yeux, prise de nourriture, parole, qui précèdent la trépidation contre nature. Qu’est-ce là d’autre, dis-je et dira-t-on, qu’une intempérie de la partie affectée avec accumulation en son sein d’un esprit malfaisant, qui se fraierait un chemin pour sortir à l’occasion du petit effort que font les maxillaires pour bouger ou les yeux pour fixer attentivement quelque objet, et qui s’échapperait alors sous la forme d’un mouvement trémulant et maladroit, jusqu’à renaître ensuite, et qui, une fois régénérée, produirait les mêmes effets ? Étant donné le nombre et la diversité des causes possibles, et les difficultés qui se présentent à moi, je pense qu’il me faut en venir au traitement, car cette maladie nous ouvre de vastes choix. Avant cela, je dirai d’abord un mot du pronostic : le malade appartient à une famille prédisposée aux apoplexies et aux paralysies ; [17] lui-même souffre ainsi depuis quelque temps de céphalées et a été attaqué par des tortures du bras gauche ; bien qu’il ait été entièrement libéré de tout cela, est resté ce qui ressemble à cette torsion périodique de la bouche dont les auteurs étrangers modernes disent que si elle ne s’est pas résolue au bout de six mois, elle finira par se transformer en paralysie. [6] Ce tourment a affligé le malade depuis bientôt deux ans, et il est à craindre qu’il ne l’accable encore longtemps s’il n’est pas secouru de manière plus efficace. Il faut surtout redouter, je pense, que les manifestations, qui intéressent à présent les structures superficielles, ne se communiquent à l’œil et n’engendrent une baisse de la vision.

Pendant trois semaines, les médecins, dont, entre autres, le très savant Dalibuzius, [18] avaient vainement prescrit tout ce qui se peut rencontrer en matière d’évacuants et de ce qu’on appelle vulgairement le régime ; [7][19] mais absolument sans la moindre utilité. Bien au contraire, le malade avait empiré, une fois arrivé au bout de ces remèdes, pris pour satisfaire au caprice [Ms BIU Santé no 2007, fo 254 vo | LAT | IMG] des prescripteurs (qui lui avaient ordonné, jusqu’à l’en dégoûter, des médicaments purgatifs[20] des apozèmes, [21] des pilules, [22] etc.). Cela prouve sans ambiguïté que les remèdes trop chauds lui font du tort ; et il est vraisemblable que les rafraîchissants modérés pourraient lui être utiles car je pense volontiers, comme Fernel [23] (et Rondelet pourra le contredire autant qu’il voudra), [24] que la paralysie peut parfois provenir d’une humeur bilieuse. [8][25] J’en prendrai pour témoins toutes ces douleurs coliques [26] que la bile engendre dans cette affection ; elle a pour compagne constante une fièvre, dont l’évaporation [27] finit par attaquer les membres supérieurs ; et quand la cruelle torture des muscles qui meuvent les bras s’est assagie, vient leur déplorable paralysie, que seul l’emploi de l’eau et des rafraîchissants peut amender et guérir. J’affirme donc avec force que c’est la bile qui engendre les spasmes, mais qu’il s’agit d’une bile extrêmement âcre et, pour ainsi dire, fort nitreuse. Je ne voudrais donc pas que, sous prétexte de donner satisfaction à ceux qui mettent en cause la rate (dans la région de laquelle le malade ressent, mais très rarement, des flatuosités piquantes), nous perdions plus de temps à employer tous ces remèdes spléniques, qui n’ont pas réussi jusqu’ici ; mais qu’à la première occasion qui se présentera, le malade soit conduit vers le refuge des esprits minéraux, savoir les eaux de Pougues, [28] car elles lui procureront plus de secours en huit jours que tous les autres remèdes nouveaux en huit mois et même, oserais-je dire, en huit années. Par leur effet, il y a très grand espoir de dégager la rate de ce qui l’embarrasse, mais aussi d’humecter le cerveau avec des vapeurs plus favorables, en réprimant la malice des esprits morbifiques qui rendent ce mal si opiniâtre. Un médecin a doctement écrit au sujet de ces eaux : [9][29] il conclut que les esprits de vitriol [30] ou de colcotar y imprègnent l’eau élémentaire, [10][31] parce qu’elles impriment immédiatement leur acidité à ceux qui les goûtent. Ceux qui ont été formés aux arts chimiques [32] affirment tous unanimement qu’elles présentent pourtant quelque acidité dans leurs esprits, étant donné que presque tous les sels, tant minéraux que de métalliques, y ont été suprêmement exaltés. Il est évident, pour quiconque les goûte et les consomme, qu’en vérité, elles tirent aussi leur aigreur du fer brut. L’usage le plus répandu [Ms BIU Santé no 2007, fo 255 ro | LAT | IMG] chez ceux qui pratiquent la médecine, les Italiens en particulier, enseigne que c’est un remède approprié pour les rates chargées d’ordure. Ceux qui, en France comme en Lombardie, la destinent à leurs hypocondriaques, [33] dont le nombre est immense, leur donnent pareillement à boire du fer, si bien que vous auriez raison de les appeler sidérophages. [11][34] Les vapeurs ferrugineuses, dont ces eaux de Pougues sont sans aucun doute remplies et imprégnées, assurent cela beaucoup plus efficacement et sans danger. Il se trouve en effet dans ce voisinage de nombreux gisements ou mines de fer ; s’étant infiltrées dans ces montagnes, les eaux émergent par une source qui se situe dans une vallée qu’on appelle en français le Morvent (parce que le vent y est comme mort à cause de l’épaisseur des forêts et de l’encaissement des vallons). [12] Le cerveau tirera très probablement profit de vapeurs d’une si grande pureté, une fois qu’on aura levé l’obstruction de la rate, ce que ces eaux accomplissent très commodément en provoquant l’urine ; qu’on aura revigoré toutes les parties du ventre inférieur, ce que ces exhalaisons avantagent prodigieusement (car, étant fort amies de la nature, elles s’attachent intimement à l’eau élémentaire [35] qui neige dans le corps et y est retenue pendant plusieurs mois) ; et qu’on sera parvenu à pousser dehors la grande intempérie qui a agité ces humeurs subtiles et ces esprits flatulents.

De l’avis de nombreux médecins et chirurgiens, il restait (pour qu’un retard ne rendît pas le danger plus grand) à extraire cet esprit venteux en lui ouvrant une issue à l’aide d’un pyrotique. [36] Étant donné qu’il n’y avait pas d’accord entre eux sur le lieu où l’appliquer, je rends compte maintenant de la façon dont, pour ma part, j’ai accompli cela : il n’est pas douteux que ces muscles pervertis, qui mettent anormalement en mouvement la paupière, le nez et la lèvre supérieure, reçoivent leur force motrice des nerfs, comme font tous les autres ; peu de rameaux émanant de la deuxième paire se distribuent aussi dans le visage, et c’est à la troisième que revient la principale responsabilité de ces mouvements ; avant de se consacrer à véhiculer le goût, cette paire se répand largement sur les muscles de la face ; en outre, elle est connectée par de nombreux lacis à la cinquième paire, auditive, parce qu’elle tire son origine du cervelet et même du tout début de la moelle épinière, juste avant qu’elle ne sorte du crâne ; elle est la plus postérieure des paires crâniennes qui, toutes les cinq, [Ms BIU Santé no 2007, fo 255 vo | LAT | IMG] naissent l’une après l’autre depuis la face inférieure du cerveau, pour la première, jusqu’au cervelet, d’après l’exacte description qu’en a donnée Constantius Varolius, très éminent anatomiste de Bologne. [13][37] Étant donné la partie du cerveau d’où naît la troisième paire, j’ai donc estimé devoir appliquer le cautère vers la région médiane de la suture lambdoïde, [14][38] de façon que transpire insensiblement cette flatuosité qui provoque les mouvements anormaux et le bourdonnement de l’oreille. La libération de cette voie montrera ses effets dans quelques mois. N’aurait-on pas dû fixer le cautère à l’insertion des muscles eux-mêmes, près du grand angle de l’œil, à côté du cartilage tarse, ou près de la pommette, d’où naissent aussi les muscles de la paupière supérieure, du nez et de la lèvre supérieure, en l’étendant vers l’articulation de la mâchoire, laquelle, aussitôt qu’elle se meut pour mastiquer ou pour parler, provoque le spasme des dits muscles ? Tel sera pour moi le recours ultime, mais je ne voudrais pas m’y résoudre sans avoir d’abord essayé les autres moyens. Je souhaiterais aussi, si possible, que l’endroit fût assez profond pour y placer, avec art et convenablement, une pilule d’or de la taille d’un grain de mil, [39] à recouvrir d’un petit emplâtre. En attendant, pour le tintement de l’oreille, dû au plissement des nerfs et des parties ténues, je voudrais dispenser quelque médicament qui renforce les nerfs ; l’huile de sapin y tient la première place, [40] en suc ou tempérée avec de l’eau de bétoine, [15][41] à introduire dans l’oreille principalement la nuit, sur un petit morceau de coton propre et musqué.

Ayant achevé mon récit, j’y ai négligé le régime alimentaire, car cet homme est très modéré dans sa manière de vivre : il ne boit presque pas de vin et n’abuse pas des plaisirs vénériens, mais il sait par expérience que leur privation trop poussée lui nuit. À cette retenue, je voudrais qu’il associât celle des si nombreux jours qu’il consacre aux affaires royales ; mais comment m’y prendrais-je avec un personnage si occupé ? Je dirai, pour finir, que si ces remèdes n’ont pas mis fin au mal, que ma faute me vaille alors l’opprobre des médecins.

Mœlantius.

Le 9e d’août 1595.

[Ms BIU Santé no 2007, fo 256 vo | LAT | IMG]

Conseil pour Monsieur
de Beaumarchais, [42]
conseiller du roi et trésorier de son Épargne.
Meslant. [16][43]

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a.

Mémorandum manuscrit (d’une autre plume que celle de Guy Patin et rédigé six ans avant sa naissance) relatant une observation originale ; commenté par Pierre Suë, en 1797, dans son mémoire sur le ms BIU Santé no 2007 (notes [59][68]), mais que Pimpaud n’a pas inclus dans son édition des Consilia.

Des déchirures du bord droit des trois feuilles rendent quelques mots illisibles ou incomplets. Chaque fois que possible, j’ai comblé ces lacunes.

1.

Sit enim involatarius et depravatus motus, ut vere spasmodes est, regularis tamen sui vera præ se fert indicia, ut ex hac mihi apparuit historia : j’ai librement interprété cette phrase, dont la syntaxe latine est tortueuse, sinon fautive, et où j’ai pris l’adjectif involatarius pour une erreur de transcription, à la place d’involuntarius [involontaire].

Muscles superficiels du corps, les peauciers ou peaussiers s’insèrent à la couche profonde de la peau (derme), pour la mettre en mouvement. Au mot pannicule, le Dictionnaire de Trévoux a résumé les discussions qui ont eu cours à leur propos :

« Tous les anciens anatomistes appellent pannicule charnu, ou membrane charnue, un tégument commun de tout le corps humain, qui en est la quatrième enveloppe après l’épiderme, la peau et la graisse. Ce pannicule charnu, selon eux, est une membrane épaisse qui couvre tout le corps et qui devient même musculeuse en quelques endroits. Mais les anatomistes plus récents prétendent que ce pannicule charnu ne doit point être compté pour une partie contenante, qu’il ne se trouve point dans l’homme, que ce que l’on prend pour le pannicule charnu n’est autre chose que la membrane de la graisse. Les anciens ont donné à ce pannicule l’usage de rider la peau ; mais partout où la peau se ride, il y a des muscles particuliers pour cet effet, ce sont ceux que l’on nomme cutanés. {a} Ils ont dit qu’à la vérité ces muscles faisaient des mouvements particuliers, mais non pas par tout le corps, et qu’on ne les remarquait qu’aux endroits où il n’y avait point de graisse entre le pannicule charnu et la peau, ce qui est faux. D’ailleurs, dans les animaux mêmes qui remuent leur peau, ce pannicule charnu est un muscle cutané, aussi bien que le dartos. » {b}


  1. Peauciers.

  2. Muscle cutané du scrotum chez l’homme.

Le livre cinquième de l’Anthropographie de Jean  Riolan (traduction française, Paris, 1629, v. note [25], lettre 146) n’envisageait même pas l’idée d’un muscle peaucier unique de la face, en consacrant quatre chapitres distincts aux muscles du front (vii), de la paupière (ix), des lèvres (xi) et du nez (xii).

L’observation qui suit allait étayer les justes conceptions des anatomistes modernes en montrant que dans l’hémispasme facial, une moitié du visage (gauche, en l’occurrence) ne se contorsionne pas d’un seul tenant, mais de proche en proche, suivant une séquence où des muscles à fonctions distinctes se contractent l’un après l’autre. Liée à une atteinte du nerf facial (viie nerf crânien), cette maladie évolue par crises, généralement brèves, qui ne s’accompagnent pas de douleurs. Elle peut être idiopathique (v. note [2], lettre 509) ou survenir comme séquelle d’une paralysie faciale périphérique (c’est-à-dire par atteinte du nerf, et non des structures pyramidales, qui sont les centres moteurs hémisphériques cérébraux et leur faisceau de transmission).

2.

Le nerf facial principal (viie paire crânienne, v. infra note [3]) est moteur, mais il possède un rameau sensitif accessoire, dit intermédiaire de Wrisberg et numéroté vii bis, qui innerve en partie le conduit auditif externe et le tympan. Cela pouvait expliquer les symptômes acoustiques ressentis par le patient.

Les désordres olfactifs et l’obstruction nasale étaient probablement d’ordre végétatif, liés aux connexions sympathiques et parasympathiques du nerf facial avec le système nerveux autonome (v. notule {e}, note [6] de la Consultation 12).

Le processus mamillaire (excroissance en forme de mamelon, processus mamillaris) est l’ancien nom du bulbe olfactif (premier nerf crânien), qui capte les odeurs et les transmet au cerveau. Au nombre de deux (un de chaque côté), les bulbes reposent sur la lame criblée de l’ethmoïde (ou os cribriforme, v. note [13], lettre latine 98) que traversent leurs rameaux pour gagner les fosses nasales.

3.

Les nerfs crâniens naissent de chaque côté du cerveau pour animer les muscles (nerfs moteurs) de la tête et du cou, et pour recevoir les informations, sensorielles et sensitives, qui en proviennent ; certains assurent en outre des fonctions végétatives dont le ressort peut être plus étendu. Arrangés par paires symétriques (un de chaque côté), ils émergent ou pénètrent par un trou percé dans la base du crâne. On en compte aujourd’hui douze paires, numérotées en chiffres romains :

Au xviie s., on ne distinguait que sept paires. Jean ii Riolan les a énumérées dans ces deux vers latins, à la page 256 de son Encheiridium anatomicum et pathologicum [Manuel anatomique et pathologique] (Paris, 1648, v. note [25], lettre 150) :

Optica prima, Oculos movet altera, tertia gustat,
Quartaque, quinta audit ; sexta est vaga, septima linguæ
.

[La première est l’optique, {a} la deuxième bouge les yeux, {b} la troisième et la quatrième donnent le goût, {c} la cinquième assure l’ouïe, {d} la sixième est le vague, {e} la septième est pour la langue]. {f}


  1. iie paire actuelle.

  2. iiie, ive et vie paires.

  3. viie et ixe paires.

  4. viiie paire.

  5. xe paire.

  6. xiie paire ; les ire, ve et xie paires n’étaient pas encore considérées comme des nerfs crâniens.

Pour comprendre la phrase qui suit dans l’observation, il faut encore savoir que les nerfs crâniens appartiennent à la périphérie du cerveau : ils sont en relation avec l’hémicorps du même côté qu’eux, contrairement aux structures centrales, dont les connexions sont croisées.

4.

Le verbe motillare n’appartient pas au vocabulaire latin classique ; je l’ai traduit par « frétiller », en me fiant au contexte.

L’aura (« léger souffle » en grec et en latin) est le signe annonciateur d’une crise nerveuse : « sensation d’une sorte de vapeur qui semble sortir du tronc ou des membres, avant l’invasion des attaques d’épilepsie et d’hystérie » (Littré DLF).

5.

Borborygme (de borborizein, sentir la bourbe) : « c’est un bruit qui se fait entendre dans les gros intestins par des vents ou flatuosités qui les distendent et courent de cellules [compartiments] en cellules, dans leurs circonvolutions » (Trévoux). V. notule {b}, note [12] du Naudæana 4, pour le même mot pris dans le sens de sa conséquence, le pet.

L’auteur de l’observation donnait ici un témoignage rare et explicite du fait que les anciens médecins pratiquaient la palpation de l’abdomen, pour chercher des signes marquant l’atteinte d’un organe. Fienus (Thomas Feyens) en a fait état dans sa Simiotice [Sémiotique] (Lyon, 1663, v. note [2], lettre 776), au § xiii, de Hypochondriis [Les Hypocondres (v. note [4], lettre 514)] du chapitre iii, Signa a partibus externis [Signes provenant des parties externes] (pages 172‑173) :

Porro quia magni momenti est scire, quid Hypochondriorum tensio in morbis significet, sciendum est duplicem observari hypochondriorum tensionem ; una species tensionis est, quando sentiuntur quidem præcordia esse tensa et renitentia, sed tamen non sentiuntur sub illis aliqua durities, aut durus tumor ; talis tensio vocatur a Galen. tensio vacua, tensio submollis, et tensio sine duritie ; et de tali tensione etiam agit Hippoc., in Epidemicis loquens de hypochondriis ; et hæc tensio ut non habet coniunctum tumorem, ita etiam non habet coniunctum notabilem dolorem. Alia species tensionis est, quando sic hypochondria tensa sunt, ut vere dura sentiantur, vel sub ipsis sentiatur magna durities ac tumor durus. Prima tensio, quæ est sine tumore, potest aliquando causari a flatu præcordia contendente ; aliquando a copioso sanguine circa præcordia congregato, et sursum a natura protruso, sicut fieri potest, quando crisis per hæmorrhagiam facienda instat, sicuti iam dictum est ; vel potest etiam fieri a siccitate magna præcordiorum, ex qua quædam sit tensio, quæ quodammodo est convulsiva, quæ tensio ab Hippoc. aliquando sublimia hypochondria vocatur […]. Secunda vero tensio, quæ est cum dolore et tumore interdum sit ex inflammatione et quidem magna, et præcipue cum gibba iecoris est inflammata ; talis tensio in acutis non est tam mala, si contingat ob musculorum inflammationem ; sed si contingat ob inflammationem viscerum, tum est mala et lætalis ; quia viscerum inflammatio est periculosissima […]. Sed tamen non necessario citam mortem indicat, sed sæpe inflammatio in suppurationem solum convertitur, quæ etsi sæpe etiam mortem inferat, tamen nec semper, nec necessario, nec cito : nam si talis inflammatio diu durat, et non cito mortem inferat, suppurationem minatur : sic Hipp. 2. Prognost. ita inquit : Si febris tertium diem transcendat, et tumor non desistat, in suppurationem verti contingit.

[Puisqu’il est extrêmement important de discerner ce que signifie la tension des hypocondres dans les maladies, il faut savoir que s’en observent deux sortes. La première se caractérise par la perception d’un épigastre tendu et rénitent, {a} mais sans, pour autant, qu’on y sente de fermeté profonde ni de tumeur indurée. Galien l’appelle tension molle, souple ou sans dureté ; Hippocrate en a aussi parlé dans les Épidémies, là où il traite des hypocondres. {b} De même qu’elle n’est pas associée à une tumeur, cette tension ne s’accompagne pas de douleur notable. Dans la seconde sorte, la tension des hypocondres résiste franchement à la palpation, qui peut percevoir en profondeur une grande dureté ou une tumeur très ferme. La première tension, sans tumeur, peut parfois être provoquée par une flatuosité qui tend l’épigastre ; parfois, par du sang qui s’est accumulé en abondance autour de l’épigastre et que la nature a chassé vers le haut, comme il peut se faire quand une crise menace de se produire en lien avec une hémorragie, ainsi que j’ai déjà dit ; elle peut aussi être la conséquence d’une grande sécheresse de l’épigastre, ce qui crée une tension qui est en quelque sorte spastique, et c’est ce qu’Hippocrate appelle parfois des hypocondres sublimes {c} (…). La seconde sorte de tension, qui s’accompagne de douleur et de tumeur, résulte parfois d’une inflammation importante, principalement quand elle affecte la convexité du foie. Dans les maladies aiguës, une telle tension n’est pas très grave si elle est provoquée par l’inflammation des muscles ; mais si elle est due à celle des viscères, alors elle est grave et mortelle, parce que leur inflammation est extrêmement dangereuse (…). Toutefois, elle n’annonce pas nécessairement un décès rapide : souvent, l’inflammation se transforme seulement en une suppuration, qui peut fréquemment entraîner la mort, mais ni constamment, ni nécessairement, ni rapidement ; car si elle dure longtemps, sans promptement tuer le malade, une telle inflammation menace de suppuration, comme le dit Hippocrate au deuxième livre du Pronostic : Si la fièvre ne dépasse pas le troisième jour et si la tumeur ne se résout pas, il arrive qu’elle se transforme en suppuration. {d}


  1. L’épigastre est la partie supérieure de l’abdomen, entre les côtes et le nombril. J’ai employé ce mot pour traduire præcordia qui, au sens anatomique primitif, désigna la région du diaphragme (cloison musculaire médiane du tronc séparant le thorax de l’abdomen). La rénitence est une résistance élastique perçue à la palpation.

  2. Épidémies, livre ii, troisième section, § 5 (Littré Hip, volume 5, page 109) :

    « Les gaz dans les hypocondres produisent un gonflement mou, sans tension d’aucun côté : tantôt le gonflement est rond à droite en haut, comme une tumeur arrondie suppurante ; tantôt il est ovale ; tantôt diffus ; tantôt il se porte en bas avec de la tension, deçà, delà, jusqu’à l’ombilic, dans toute la région supérieure ; il y a des roulements, des circonscriptions arrondies. Sont-ce des gaz ? la chaleur dissipe cela sans crise ; si ce moyen ne réussit pas, le cas marche vers la suppuration. »

  3. Dans le sens de « qui s’élèvent », sublimes est une référence probable au huitième malade du livre i des Épidémies (Littré Hip, volume 2, pages 703‑705), chez qui Hippocrate décrit des υποχονδρια μετεωρα (hypochondria météôra), où μετεωρα a ce même sens de sublimes, adjectif que Littré a platement traduit par « gonflés ».

  4. Citation que je ne suis pas parvenu à trouver dans le Pronostic d’Hippocrate. La suppuration était tenue pour favorable car elle marquait la circonscription du foyer inflammatoire et laissait espérer son évacuation prochaine.

6.

En introduisant un nouveau phénomène, cette digression pronostique remet en question le diagnostic d’hémispasme facial pur, si élégamment décrit dans la première partie de l’observation : les « tortures », ou tourments (cruciatus), du bras (brachium) gauche (du même côté que les contorsions de la face) pourraient être interprétées comme des spasmes (convulsions), et non comme des douleurs, ce qui conduirait à évoquer une épilepsie partielle du membre supérieur et du visage (v. note [68] de l’annexe sur le ms BIU Santé no 2007) ; mais l’histoire perdrait alors toute sa séduisante cohérence.

Néanmoins, un indice diagnostique notable est qu’à aucun moment l’observation ne fait état de douleurs de la face, pendant ou entre les accès.

7.

La date de l’observation, la qualité de trésorier de France attachée au patient décrit, et le prestige médical de ce Dalibuzius, patronyme latin des plus improbables, mènent à penser qu’il s’agissait de d’Albosius (Jean d’Ailleboust, v. note [7], lettre 159). Pierre de L’Estoile a aussi écorché son nom en Daliboust dans ses Mémoires-journaux (édition de Paris, 1879, tome 6, pages 218‑219), en date de juillet 1594 :

« Ce jour même, on eut nouvelles à Paris de la mort de M. Daliboust, premier médecin du roi, auquel on disait qu’une parole libre qu’il avait dite à Sa Majesté, touchant son petit César, lui avait coûté la vie ; non de la part du roi, qui ne connaît point ces bêtes et monstres de poisons, mais de la part de celle (comme tout le monde tenait) qui s’y sentait intéressée, à laquelle le roi, contre sa promesse, l’avait redit, et ne pensait qu’il en dût coûter la vie à ce bon homme de médecin, fidèle serviteur de Sa Majesté. {a} En sa place, succéda La Rivière, médecin de M. de Bouillon, qui le donna au roi. » {b}


  1. Allusion à la rumeur qui circulait sur Gabrielle d’Estrées (v. note [7], lettre 957), maîtresse du roi : un jour qu’elle était souffrante, Henri iv lui envoya son premier médecin ; Dalibourt reconnut le début d’une grossesse, ce qui mit le souverain fort en colère car il niait farouchement que ce fût possible ; mais six mois plus tard naquit César de Vendôme (fils aîné légitimé du Vert Galant, v. note [17], lettre 54) ; le roi avait commis l’imprudence de confier la révélation de son médecin à la belle Gabrielle, qui se serait perfidement vengée de lui parce que son diagnostic ruinait, comme mère d’un bâtard, son espoir de jamais devenir reine de France.

  2. Janus de La Rivière, v. note [11] du Borboniana 10 manuscrit.

Pour la logique de la narration (car il va être question de purgatifs et d’autres remèdes dans la phrase suivante), j’ai pris sudorifici dans le sens général d’« évacuants » plutôt qu’en celui, particulier, de « sudorifiques ».

8.

Référence au chapitre iii, Les symptômes du mouvement et du sentiment (page 329), livre cinquième de la Pathologie de Jean Fernel (traduction française de 1655, v. note [1], lettre 36) :

« Au reste, cette cause qui interrompt l’influence et distribution des esprits est pour l’ordinaire une pituite crasse {a} fortement attachée au nerf, qu’elle bouche, et empêche par ce moyen que les esprits animaux ne soient distribués à la partie dans laquelle ce nerf est étendu. Voire même, toute autre sorte d’humeur attachée en la moelle de l’épine {b} peut causer la paralysie ; et souvent, elle provient de la bile jaune qui s’est jetée sur l’épine du dos et sur les sources des nerfs, au déclin des fièvres intermittentes. »


  1. Épaisse.

  2. Moelle épinière, d’où naissent et où arrivent les nerfs, moteurs et sensitifs, des membres et du tronc.

Guillaume Rondelet (v. note [13], lettre 14) a directement condamné ce propos de Fernel dans le chapitre xxxiii, De paralysi in Fernelium [De la paralysie dans Fernel] (page 149) du premier livre de sa Methodus curandorum omnium morborum corporis humani, in tres libros distincta… [Méthode pour soigner toutes les maladies du corps humain, divisée en trois livres…] (Genève, Jakob Stoer, 1609, in‑8o, première édition à Paris, 1574) :

Paralysim a pituita crassa nervo tenaciter inherente fieri omnium medicorum est sententia. Ego vero a tenui, sed multa, quæ a cerebro defluit, et ob tenuitatem, totam nervi substantiam irrigat, mollioremque efficit, in quo idem nervis, quod in apoplexia cerebro accidit. Ex illa neim nervi remollitione sequitur nervi extensio, constructioni naturali contraria, quæ efficit, ut partem, cui inseritur nervus movere non possit. Quare non est audiendus Fernelius qui flavam bilem paralysim posse excitare scribit.

[Au jugement de tous les médecins, la paralysie est engendrée par une pituite épaisse fortement attachée au nerf ; mais, à mon avis, il s’agit d’une pituite déliée, mais abondante, qui s’écoule du cerveau. En raison de sa fluidité, elle irrigue la substance tout entière du nerf et le ramollit. Elle tombe sur les nerfs comme elle fait sur le cerveau pour y engendrer l’apoplexie. Au ramollissement du nerf qu’elle provoque, succède son extension, qui est contraire à la constitution naturelle du nerf et fait qu’il ne peut plus provoquer le mouvement de la partie à laquelle il s’attache. Il ne faut donc pas écouter Fernel quand il écrit que la bile jaune peut provoquer la paralysie].

9.

V. notes :

Avant La Vertu et les usages des fontaines de Pougues en Nivernais… (Poitiers, 1597, v. note [32] de L’ultime procès de Théophraste Renaudot…), Jean Pidoux avait publié Les Fontaines de Pougues en Nivernois, Discours qui peut servir aux Fontaines de Spa et autres acides de même goût, et un Avertissement sur les bains chauds de Bourbon l’Archambaud (Paris, 1584, Nicolas Nivelle, in‑8o).

10.

Dans le vocabulaire paracelsiste, le colcotar était « le marc qui reste dans la cornue après la distillation du vitriol [v. note [13], lettre 336] ; on l’appelle aussi terre damnée, ou caput mortuum [tête de mort] » (Furetière).

11.

Sidérophage était alors un néologisme grec, utilisé ici pour désigner ceux qui mangent (phagein, manger) du fer (sidêros). On emploie à présent ce mot pour désigner les cellules (monocytes) qui ont la capacité de fixer le fer. En physiologie moderne, le fer est le principe actif de l’hémoglobine, protéine principale des globules rouges, qui assure l’hématose (échanges gazeux permettant la respiration des tissus).

Chomel (1741) a résumé les vertus thérapeutiques du fer en médecine chimique (ce qui explique que Guy Patin, qui exécrait la chimiatrie, n’en ait jamais parlé) :

« Quelques esprits acides, qui servent au même usage que ceux du vitriol ordinaire, et sa terre, {a} styptique et astringente, {b} guérissent le flux de ventre et les ulcères malins. Son safran {c} apéritif ôte les obstructions du foie et de la rate ; par conséquent, est propre à la jaunisse, à l’hydropisie et à la rétention des mois ; {d} celui qui est astringent est bon aux gonorrhées {e} et aux flux hépatiques ; sa rouille empêche la femme de concevoir et arrête la perte de sang ; mêlée avec du vinaigre, elle ôte les bourgeons qui viennent sur le corps, guérit les ulcères des paupières et mange la chair superflue. L’eau dans laquelle on aura éteint du fer rouge est bonne aux flux de sang, aux rateleux {f} et aux bilieux. […] Le mâchefer {g} est encore fort en usage en médecine […]. C’est un remède excellent contre les obstructions et les pâles couleurs. » {h}


  1. Dans l’extraction des minéraux par les chimistes, la terre était le « second principe passif qu’ils admettent, et qui se trouve à la fin des distillations et des calcinations, après qu’on en a tiré les sels » (Furetière).

  2. Styptique et astringent (v. note [30], lettre 222) sont deux synonymes qui qualifient la capacité d’un remède à resserrer.

  3. Le safran (ou rouille) de fer, crocus Martialis (comme celui de l’antimoine, v. note [52], lettre 211), était une préparation de couleur jaune ressemblant à celle des stigmates que porte la fleur homonyme.

  4. Des règles (aménorrhée).

  5. Chaudes-pisses (v. note [14], lettre 514).

  6. Malades de la rate.

  7. « Écume de fer, scorie qui sort des forges et fourneaux, et du fer quand on le bat sur l’enclume » (Furetière).

  8. Le fer médicinal était appelé Mars : v. notule {h}, note [6], lettre 791. Sa principale indication aujourd’hui est le traitement, dit martial, des anémies dues à la carence de ce métal, le plus souvent provoquée par les saignements chroniques ou par une alimentation défectueuse.

12.

Orthographe et étymologie fantaisistes du Morvan (Morvinus pagus, dénomination d’origine obscure), région où se situe Pougues-les-Eaux. Toutes ces élogieuses mentions géographiques poussent à croire que le malade et son médecin vivaient dans le pays de Nevers.

13.

V. supra note [3] pour l’ancienne numérotation des nerfs crâniens :

V. note [50], lettre latine 154, pour Varole (Constanzo Varolio) et son Anatomie. Il y parle certes des cinq nerfs crâniens, mais en s’attachant plus à leurs fonctions qu’à leur anatomie proprement dite.

14.

Suture (Furetière) :

« jointure de quelques os du corps de l’animal, semblable à une couture qui se fait en deux façons : l’une en forme de scie ou de dents de peigne, quand le bord des os est fait en scie, dont les dents entrent l’une dans l’autre ; la seconde en forme d’ongle, dont l’un monte sur l’autre. Celles-ci s’appellent fausses sutures ; celles-là, les vraies. Le crâne a d’ordinaire trois sutures vraies : la coronale, qui est arquée et sur le devant, au lieu où se mettent les couronnes ; la seconde sagittale, qui est droite ; la troisième la lambdoïde, qui est sur le derrière et de la figure d’un lambda ou d’un gamma. {a} Il a aussi deux sutures fausses ou squameuses, en forme d’écailles ou de tuiles, qu’on nomme aussi temporales, parce qu’elles bornent les os des tempes ». {b}


  1. La suture coronale unit l’os frontal, en avant, aux deux os pariétaux, en arrière. La sagittale soude les pariétaux l’un à l’autre. La lambdoïde joint l’os occipital, en arrière, aux deux pariétaux, en avant.

  2. V. note [31] d’Une thèse de Guy Patin : « L’homme n’est que maladie », pour les fontanelles, orifices qui, dans l’enfance, s’ouvrent aux angles, antérieur et postérieur, de jonction entre les trois sutures du crâne.

En anatomiste bien instruit, l’auteur de l’observation décidait donc d’appliquer le cautère (v. note [3], lettre 375) en haut et au milieu de la nuque du patient. La suite (v. infra note [15]) fait comprendre qu’il s’agissait d’un cautère potentiel, avec intention d’y placer une pilule d’or afin de favoriser et entretenir l’évacuation de l’humeur morbifique.

15.

La pilule (v. notule {a}, note [37], sur la triade 67 du Borboniana manuscrit) insérée sous la peau, pour faire office de cautère potentiel (v. note [3], lettre 375), n’est pas sans rappeler les implants qu’on utilise de nos jours pour assurer une administration continue prolongée de certains médicaments.

Le tarse est le cartilage qui forme la charpente de chaque paupière (tarsos en grec).

V. première notule {a}, note [75], lettre latine 351, pour le sapin et son huile (lacrima).

La bétoine est une « herbe qui, étant pulvérisée, fait éternuer, dont se servent ceux qui ne veulent pas faire la dépense du tabac, car elle fait le même effet » (Furetière). Chomel (1741) en faisait une sorte de panacée :

« Ses vertus sont admirables presque pour tous les maux intérieurs du corps. Prise en quelque manière que ce soit, elle est bonne contre le venin, jaunisse, épilepsie, paralysie et sciatique. De la bétoine dans du vin blanc apaise les douleurs des reins. Ses feuilles, pilées et appliquées en forme de cataplasme, consolident subitement les plaies de la tête ; un cataplasme de ses feuilles avec graisse de porc fait suppurer les furoncles et autres apostèmes ; {a} ses feuilles pilées avec peu de sel guérissent les ulcères profonds et les chancres. »


  1. Abcès.

16.

La souscription de cette brillante observation (qualifiée de « conseil », au sens large de « consultation ») éclaire sur ses deux acteurs.

En dépit des allusions à des contractions du membre supérieur gauche qui semblaient avoir précédé celles de l’hémiface (v. supra note [6]) et après avoir considéré les autres diagnostics possibles (v. note [68] de l’annexe sur le ms BIU Santé no 2007), le seul envisageable est celui d’atteinte du nerf facial gauche (alors iiie paire, aujourd’hui viie), responsable d’un hémispasme typique.

s.

Ms BIU Santé 2007, fo 253 ro.

Clarissimi huius viri Quæstoris Galliæ summi affectus […]
diagnosi, sic et curatione non ita facilis, et obvius videtur : ideoq. tamen
non impossibilis. Præclarè hic imprimis contra omnes ferè
Anatomicos docet : faciem totam ab uno solo panniculo carnoso
(quem propterea latum et cuticularem musculum vocarunt) non
moveri. Sit enim involatarius et depravatus motus, ut verè
spasmodes est, regularis tamen sui vera præ se fert indicia, ut
ex hac mihi apparuit historia. Illæsa, et omnino ex præscripto
naturæ se habente parte faciei dextra, depravatè admodum [verò]
sinistra, inordinatéq. movetur : Mox enim inopinantem ador[itur]
palpebræ superioris motio illa involuntaria : Iam ala naris
eiusdem lateris similiter contorquetur : Mox labij superioris
simul regio convellitur. Primo palpebra, secundo naris
pinna, tertio labrum superius consequenter vellicantur.
Quandoque palpebra sola, quæ semper initium facit, quandoq.
duobus alijs subordinatè sequentibus, et aliquando fulguris
instar tribus unâ concurrentibus motus fit illi involenti.
Musculi ergo sint diversi opportet, quorum motus ita variè, nec
uno et eodem modo, et momento torquentur. Atque hæc de
musculis. Auris et sinistræ tinnitibus, rugientibusque flatib
plerunq., sed non ita assidue vexatur. Obstruitur et
instrumentum sensus odoratus, ad processum mammillarem,
vel ossis ethmoidis sinistram partem : cum obscura illi sit
odoramentorum perceptio, et mucosi excrementi fiat interceptio.
Hæc sunt de quibus conqueritur vir Clariss. Cætera bene se
admodum habens, cùm omnibus præterea probè fungatur corporis
functionibus. Causarum tam difficilis affectus investigatio
uno in genere nervoso reponenda est. Bipartitum est

t.

Ms BIU Santé 2007, fo 253 vo.

ut omnes norunt cerebrum, a quo nervi omnes scaturiunt sensus, et
motus delatores : pars igitur sinistra, non altera male habet :
in qua sensu omnino illæso motus tantùm depravatur. Non solam
autem facultatem per nervos in musculos influere, sed cum facultate
spiritus ratum est apud medicos iampridem. Spiritus igitur dicam,
depravatos, qui tam depravatè movent. Idq. potissimum exinde
conijciendum est, quòd multis horis mane, aut alias jeiunus, interdum
semidiem ita pacatè se habeat facies ad lævam, ut non nisi integra
valetudine frui ne quisquam sibi aliter persuadeat. Mox leni præ-
eunte procatartica causa ; veluti cùm arduis negotijs tam in scribendo,
quàm computando incumbit, vel cum edendi cupido eum mandere
cogit, vel diutius loquendi se offert occasio, tunc primùm dato
quasi signo motillare incipiet auræ illius depravatio, quæ difformem
et indecoram excitat motionem. Congeri igitur subinde subtilem
hunc humorem, qui flatus innaturales pariat, ideóq. spiritus
nativos interturbet conijcere opportet. Qui quidem flatus disparentes
partem legitimis spiritibus movendam relinquunt, donec rursum re-
vertantur. At unde flatus tam petulantes ? Quidam a liene
flatuum, et pravorum spirituum officina oriri sursumq.
κατιξιν evehi
dicent : alij a cerebro excrementosa pituitæ fonte per cranij et
faciei ossium foramina nervos progredientes advehere affirmabunt
Alij rursum a partis solius affectæ prava dispositione et congerie
causari illos arguent. Contrectato diligenter utroque hypo-
chondrio, lenia, molliaque et omni ex parte bene se habere hæc ferè
deprehendi : si obscure sinistrum reniti excipiatur, quod levis est
momenti. Etenim vastis, et induratis lienibus multos videre
licet, et borborismis divexatos, quibus tamen nihil tale accidat : sed
horum facies etsi lividior, in genuino tamen motu conquiescit.
Caput, quod antequam hic affectus invasisset diuturnis insignibus
doloribus affligebatur, cùm quieverit, in huncq. desierit, videtur

u.

Ms BIU Santé 2007, fo 254 ro.

quodammodo data porta per antedicta foramina ab emissarij[s]
liberatum. Perennem igitur flatuum à subtili humore prodeunti
generationem fieri in cerebro opportebit, quæ huic malo det fomitem :
eóq. potissimum, quòd præcedente noctu per somnum animalis
facultatis quiete, et veluti mitigato et discusso istiusmodi humore,
diu mane absq. huius irregularis motus insultu permaneat.
Verum enimvero quid est quod non continuè, sed per intervalla eaq.
interdum longiora malum hoc prehendit, si perennis ille humor
subtilis, et inde flatus affluant continui : cum a prædictis causis
procatarecticis urgeri [o]porteat, studijs scilicet, vel oculorum intuitu
intentiori, esu, aut loquela, antequam in scenam prodeat eiusmodi
trepidans, et morbosus motus. Quid hoc inquam aliud est dicet aliquis
quàm pravus spiritus à prava partis dispositione ibidem congest[us]
qui levi negotio pulsantibus maxillis, vel oculis attentius in
rem aliquam defixis, foras viam affectat, et tremulo inco[n]cinnoq.
motu fugiat, donec alius exoriatur, qui talia patrare sit natus ?
In tot causarum varietate, et difficultatibus versanti mihi, censeo
ad curationem confugiendum, quæ nobis patulam faciet huius
mali occasionem : si primùm quid de prognostico dixero.
Gentis est in apoplexias, et paraplegias pronæ. Neque ita dudum
cum doloribus capitis divexatur, brachij sinistri cruciatibus
est tentatus : quibus etsi omnibus integre liberatus, remane[tu]r
hæc oris veluti tortura periodica, quam dicunt Barbari recentiores
intra semiannum ni cesset tandem in paralysim cedere. At quamvis
iam ferè biennium huic affectui assueverit, ingravescente tamen
ætate verendum est ne molestijs illis opprimatur, nisi presentibus
occurerit facilioribus. adde quòd, ne quæ forinsecus nunc se obvertunt,
intus in oculum communicentur, hebetudinemque visus pariant, non
leviter metuendum esse autumam.

Frustra per tres septimanas quæq. fit sudorificis, quæq. vulgo dicitur
diæta, a medicis, interq. alios Doctissimo Dalibuzio est præscripta.
Tantum enim abest ut profuerit, quin completa illa pro jubentium

v.

Ms BIU Santé 2007, fo 254 vo.

libitu (præmissis multis ad nauseam usq. medicamentis catharticis
Apozematibus, pillulis, etc.) multo peius inde habuerit. Quæ
quidem demonstrant non obscurè calidioribus illum lædi :
verisimiléq. est moderate refrigerantibus potius iuvari posse :
Ut libere cum Fernelio sentiam (contradicat quantum
velit Rondeletius) Quandoq. paralysim a bilioso humore provenire.
Testes erunt mihi qui in hunc affectum degenerant tot colici
dolores a bile, febre semper comite : cuius tandem Anathimiasis
in artus superiores contendit, et lacertorum brachijs inservientium
crudeli sopita carnificina, misera eorumdem sequitur resolutio :
quæ non nisi aquæ et refrigerantium usu mitescit, et sanatur.
Fateor et spasmos a bile progigni, sed quæ sit multo acutior,
et ut ita dicam nitrosior. Igitur ut eis qui lienem
accusant satisfieret (in cuius regione pungentes flatus sed
rarissimè persentit) vellem ne in usu tot splenicorum remediorum,
quæ huc usq. irrita fuerunt, moras traheremus. Sed prima quaq.
oblata commoditate ad spirituum mineralium asylum se conferret
nempe ad Pougenses aquas, quæ plus octiduo præstabunt
auxilij, quàm cætera omnia nupera remedia octimestri, imò ausim
dicere octannio : Quibus et præpeditum lienem expeditum iri
non solum spes summa est, sed etiam benignioribus vaporibus irroratum
iri cerebrum, qui morbosorum spirituum malitiam compescant,
qui afectum hunc committunt tam pervicacem. Scripsit quidam
medicus doctè de his aquis : et vitrioli, seu calchnati calchanti
spiritibus, quòd aciditatem gustantibus representent, imbui aquam
elementarem concludit. Sed qui sunt in Chymicis exercitati,
tam mineralium quam metallorum sales ferè omnes supremè ext
exaltatos, spiritibus suis acidum quid præbere affirmant unanimiter
omnes. Ferrum verò etiam crudum, acorem depromere fortiter
mandenti, et gustanti cuivis est obvium. Quod quam saburratis
lienibus est sit accommodum remedium, docet usus creberrimus

w.

Ms BIU Santé 2007, fo 255 ro.

medicinam factitantium, præsertim Italorum : qui in Gallia[m tan-]
quam Lombardiam vocant suis hypochondriacis, quorum [ingens]
est numerus, propinant identidem deglutiendum : ut jurè
Syderophagos appellaveris. Longe quid melius, sineq.
periculi metu prestant id ferrei spiritus, quibus refertæ, et
imbutæ procul dubio sunt Pougenses illæ aquæ. frequentes
enim in vicinia illa extant ferri mineræ seu fodinæ, quæ
fatiscentibus illis Alpibus, a valle quæ vulgo Morvent (quod
quasi mortuus ibi sit ventus ob convallium et sylvarum densitatem)
ducunt scaturiginem. Liberata igitur splenis obstructione,
quod fit per urinas ab istis aquis commodissimè : et roboratis
omnibus ventris inferioris partibus, quibus ad miraculum usq.
conducit ille spiritus (qui relicta aqua elementari, quæ ningitur,
plurimos menses in corpore, quasi retinaculo quodam remanet,
quòd naturæ sit familiarissimus) verisimile admodum est,
optimè se à tam puris vaporibus habiturum cerebrum :
forasq. propulsandam iri talem intemperiem ; quæ humores
illos subtiles flatulentosq. spiritus egerit.

Restabat ex medicorum, chirurgorúmque multorum sententia, ut per
pyroticum data porta (ne periculum maius esset in mora) spiritus
ille flatuosus egrederetur. Quòdque inter eos non ita conveniebatur
de ipsius affigendi loco : ego, quomodo id prestiterim reddo iam
rationem. Perversos illos musculos palpebram, nasum, et
labrum superius illegitimè moventes, non dubium est a nervis,
ut et cæteros omnes vim motricem accipere. Nervi autem à
secunda coniugatione, et si in faciem excurrant quodammodo pauci,
maiorem tamen sibi istorum motus vendicat causam tertia ; quæ antequam
gustet late se per faciei musculos diffundit : imò etiam audienti
quinto pari multis plexibus connectitur, quod a cerebello imò
ab exoriente statim spinali medulla priusquam cranium pervadat
ducit originem : omnium parium magis posticum : quæ omnia quinq. prima

x.

Ms BIU Santé 2007, fo 255 vo.

paria à postrema parte cerebelliri versus cerebellum scaturiunt : ex veraci
illa Constantini Varolij præstantissimi apud Bononienses Anatomici
autopsia. Existimavi igitur, qua parte cerebri oriretur tertium
illud par, hoc est ad mediam suturæ lambdoidis regionem cauterium
applicandum : ut per insensilem transpirationem transpiraret ille flatus,
qui motus eiusmodi irregulares et auris rugitum efficit. Docebit
ad aliquot menses apertio illa quid possit. An vero in ipsorummet
musculorum origine tandem tandem infigendum sit ad angulum oculi maiore[m]
versus tarsum : Aut ad Mali regionem a qua cilij superioris, nasi et
labri summi musculi etiam oriuntur. + cumquid et ad/ maxillæ articu-/lationem conduceret ?/ qua, in masticatione/ vel locutione mota/ illico illico et dicti/ moventur perverse/ musculi. Extremum mihi hoc erit remedium,
ad quod nolim intentatis alijs refugere. Optarem etiam affabre, et
decorè illud fieret, ut grani milij instar pillulæ aureæ locus satis
profundus esset, emplastro pusillo tectus. Auri interea tinnienti
propter dictam nervorum complicationem medicamento aliquo nervos
roboranti, et tenuium partium provideri velim : inter quæ primas tenet
oleum abietinum succo, aut aqua Betonicæ temporatum : imposito
noctu præsertim pauco bombace mundo, et moscato.

Victus rationem data opera pertransivi. Homo enim est vitæ
rationis temperatissimæ, fere abstemius, et veneris temperans,
cuius si nimium ieiunus, peius se inde habere experitur. Istis
temperantijs vellem et tot Regiorum negotiorum ferias quandoq. copulari :
sed quid agas cum tam occupatissimo ? Summatim dicam
nisi istiusmodi remedijs cessarit malum, per me licet vertatur in
medicorum opprobrium.

Mœlantius.

quinto idus Sextiles
1595.

y.

Ms BIU Santé 2007, fo 256 vo.

Conseil pour Monsieur
de Beaumarchez.
Conseiller du Roy et
Thresorier de son espargne
Meslant


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Consultations et mémorandums (ms BIU Santé 2007) : 20

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(Consulté le 24/04/2024)

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