La poudre de perles, et comme quoi que [1] les perles soient préparées ou données, n’ont aucune vertu particulière en la médecine et ne méritent pas qu’on en parle du tout. J’en ai néanmoins fait mention à cause du diamargariton que les apothicaires vendent comme une poudre fort cordiale parce qu’ils la vendent bien cher, et à cause du sucre perlé qu’ils extollent si haut qu’ils osent bien, avec autant d’impiété que d’impudence, l’appeler la main de Jésus-Christ. [2][3][4] J’en dis autant de tous les autres remèdes où il entre des perles.
Mais je ne puis omettre ce qu’ils disent pour montrer que les perles ont grandes vertus en la médecine, à savoir que le vinaigre [5] le plus fort dissout les perles et, à même instant, il est adouci et perd toute son acrimonie, ainsi que, dans les fièvres, le sang, étant échauffé et rendu âcre, et même presque converti en bile [6] par la chaleur étrangère, sera adouci et recevra sa première température par l’usage des perles. Bien que telle objection soit impertinente et plus digne de pitié que de réponse, pour détromper le peuple à qui de telles apparences peuvent faire quelque impression, je dis qu’il n’<en> est pas du sang comme du vinaigre et que les perles ne peuvent être surmontées par la chaleur naturelle, pour participer de la nature de la pierre. [3][7][8][9] Et, de plus, quand je leur accorderais ce qu’ils disent, voyez<-vous>, en une fièvre maligne, [10] où toute la masse du sang est corrompue, la quantité qu’il faudrait de perles pour l’adoucir ? Tous les beaux colliers de perles des dames de Paris ne suffiraient pas pour adoucir six poêlettes [11] de sang dans une fièvre continue ; [12] ce que la pointe d’une lancette [13] fait en même instant.
> Retour au sommaire des 11 observationsMéthode d’Hippocrate, Observation v, pages 69‑70.
Extoller est un latinisme : extollere, louer, vanter.
V. note [32], lettre 203, pour le diamargariton, électuaire dont les perles formaient la base et [5], notule {a}, lettre 527, pour son autre nom de main du Christ.
Jean Fernel a parlé des perles en trois endroits de sa Thérapeutique universelle (édition française de Paris, 1655, v. note [1], lettre 36).
« La saveur aigre pénètre aussi le goût et le frappe par sa ténuité ; {a} mais sans aucun sentiment de chaleur. Telle est celle que l’on trouve au vinaigre, au suc de citron, de quelques pommes de grenade et de quelques coings. Elle coule d’une matière déliée et sèche, de laquelle ou la chaleur naturelle s’est évaporée par la pourriture, comme dans le vinaigre, ou la froide intempérie, dès son origine, accompagne sa ténuité, comme aux autres dont j’ai fait mention. C’est pourquoi ce qui est aigre ne cède point à ce qui est âcre {b} en force de pénétrer et d’inciser, voire n’y a-t-il rien de plus puissant à cela que le vinaigre, principalement s’il est vieux ou fait par distillation, car il dissout les métaux, comme le suc de citron, les perles ; mais étant mis extérieurement, il ne dissout ni ne dissipe pas, comme fait ce qui est âcre ; au contraire, il repousse et retient les fluxions plus puissamment que ce qui est froid et astringent, car il porte plus avant la force de la froideur. »
- La ténuité est le caractère de ce qui est mince et délié ; elle caractérise le goût agréable du vinaigre, en dépit de son aigreur.
- Nuance entre le goût en bouche de ce qui est aigre (acide) et de ce qui est âcre (piquant, brûlant).
« Les médicaments froids qui fortifient le cœur sont tels. L’os qui se trouve au cœur du cerf fortifie le cœur de l’homme par quelque ressemblance de substance ; il est particulièrement utile à l’affection cardiaque et à la syncope ; en sa place, on use de la corne du cerf pour les mêmes usages. On tient que la corne de licorne est excellente pour la conservation du cœur, qu’elle émousse toute la force du venin et qu’elle adoucit le ravage des maladies pestilentes. L’ivoire, froid et sec au premier degré, conserve la force du cœur et aide à la conception. L’or est extrêmement tempéré, ses feuilles sont efficaces pour fortifier la nature propre aux affections mélancoliques, aux faiblesses d’estomac, maux de cœur et tristesses sans sujet. L’argent est froid et humide modérément, il suit les forces de l’or, mais il a toutefois quelque malignité métallique. Les perles sont froides et sèches ; celles qui sont entières valent le mieux ; elles ont la propriété de fortifier le cœur, font passer la syncope, résistent à la pourriture qui assiège le cœur, à la peste et aux venins. »
« Prenez corne de cerf et de licorne, perles luisantes, limaille d’ivoire, de chacun six grains ; soit faite poudre fort déliée, pour prendre avec la cuiller, étant délayée dans eau de buglose {a} et vin blanc. Avec deux drachmes de cette poudre, que l’on met dans trois onces de sucre blanc délayé dans eau de rose, on forme des tablettes qu’on appelle manus Christi ; on y mêle aussi quelquefois un peu d’électuaire de gemmis ou d’ambræ, quelquefois aussi un peu d’ambre. »
- V. note [2] de l’observation ix.