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Ana de Guy Patin :
Naudæana 1  >

Paris, 1701, pages 1‑31 [1]


1.

Cet article est de deuxième du manuscrit de Vienne (v. note [12] de l’Introduction aux anas) ; le premier fournit cette précieuse indication :

« Monsieur Naudé, ayant été douze ans en Italie, est enfin revenu à Paris l’an 1642, le 12 mars, et le 19, m’étant venu voir, il m’a appris ce qui s’ensuit. »

En mer Égée, proche de la côte turque, l’île de Chio (Chios en grec) est réputée (entre autres contrées) avoir vu naître Homère. Elle était turque depuis 1566.

Leonis Allatii de Patria Homeri [La Patrie d’Homère, de Leo Allatius] (Lyon, Laurent Durand, 1640, in‑8o) contient une longue et virulente attaque contre Jules-César Scaliger (v. note [5], lettre 9). Gabriel Naudé en extrayait le mot decoctor, qui s’insère dans ce passage (pages 71‑72) :

Ipse enim lib. 5. Poët. cap. 2. ut argumenta Homericorum poëmatum non esse ab ipso Homero excogitata probaret, ad famam vulgi, qua circumferebantur, refert. Ideoque tantum Homero tribui, ait, quod antiquorum monumenta non extant, quæ si extarent, non primum sibi locum in omnibus vindicasset. Ferenda hæc licet pro libidine furentis, insanientisque hominis dicta : qui non quod est probat, sed aliud sibi fingit, quod ita vellet esse, ut sibi probata, aliis comprobaret. Quæ sequuntur bruto potius, quam homine digna, qui in hac rerum luce vel senserit, et in rationis ductu omnino ratione non fuerit destitutus. Audi decoctoris argumenta ; […].

[Au livre v, chapitre 2, de ses Poetices, {a} pour prouver qu’Homère n’a pas lui-même conçu la matière des hymnes homériques, il la rapporte aux récits qui circulaient dans le peuple. « J’ai donc seulement concédé à Homère, dit-il, que les Anciens n’ont pas laissé de mémoires écrits, et que s’ils existaient, il n’aurait pas à les revendiquer pour siens devant tous les autres. » Qu’un homme se permette de tenir de tels propos ressortit à la fantaisie d’un fou furieux : il approuve ce qui n’est pas, mais s’imagine autre chose, en voulant cela tel que tout le monde y agrée puisque lui-même l’a reconnu pour vrai. Ce qui suit est plutôt digne d’une bête sans esprit que d’un être humain, capable de voir ici la lumineuse clarté des faits et dont la manière de réfléchir ne serait pas entièrement dépourvue d’intelligence. Écoutez donc les arguments de ce dissipateur ; {b} (…)].


  1. V. note [5], lettre 407, pour les sept Poetices libri [Livres de Poétiques] de Jules-César Scaliger (Genève, 1561), dont le ve est intutlé Criticus [Critique].

  2. Decoctor, en latin, désigne à la fois le banqueroutier et le prévaricateur, selon qu’il a dilapidé son bien ou celui d’autrui.

Leo Allatius (Chio 1586-Rome 1669), Leon Allatios ou Allatzis en grec, Leone Allacci en italien, est un théologien, médecin et érudit grec. Né dans la religion orthodoxe, il s’était converti tôt au catholicisme. Entré au service de la papauté et de la curie romaine (v. note [8] du Borboniana 1 manuscrit), il obtint une charge de conservateur à la bibliothèque du Vatican en 1661. Il a laissé de nombreux ouvrages d’érudition et de critique littéraire, historique et religieuse.

V. note [7], lettre 112, pour le cardinal Barberin, Francesco Barberini.


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 133‑135 :

« Leo Allatius. Leone Allazzi ou Allacci est si connu parmi les savants que nous nous dispenserons volontiers de nous étendre sur son éloge. Deux ou trois remarques suffiront pour redresser l’auteur du Naudæana.

I. Il dit qu’Allatius a fait un livre de patria Homeri : ajoutez que ce livre fut imprimé à Lyon en 1640, et que M. Gronovius vient de l’insérer dans le xe tome des ses Antiq. grecques, page 1553. {a} C’est la moindre injure qu’il y dise à Scaliger que de l’appeler decoctor : voyez les pages 71, 72, 73, 74, 75, 76, etc. où il est traité de furibundus, fatuus, furens, insaniens, delirans. {b} Ailleurs, on lit ces paroles : quæ sequuntur bruto potius quam homine digna, qui in hac rerum luce ven senserit aliquid, vel viderit, vel in rationis ductu omnino ratione non fuerit destitutus. {c} Voyez encore les pages 273 et 274, où l’on tâche fort de tourner ce critique en ridicule. {d} Remarquez aussi qu’Allatius cite à la page 279 de ce traité un passage tiré ex lib. 2 cap. 8 Analectorum tum antiquorum tum recentiorum de Naudé. Je ne sache point que ces Analectes aient été imprimés jusqu’à présent. » {e}


  1. Jakob Gronovius (1645-1716, fils et émule de Johann Friedrich, v. note [5], lettre 97) : Thesaurus Græcarum antiquitatum… [Trésor des antiquités grecques…] (Leyde, Petrus vander Aa, 1701, in‑4o, volume x, colonnes 1719‑ 1852, la pagination fournie par Vitry, fondée sur l’index du livre, est inexacte).

  2. Qualificatifs employés par Allatius aux pages 71‑76 (Lyon, 1640) : « furibond », « supide », « égaré », « insensé », « délirant ».

  3. Passage de la page 72 cité et traduit plus haut dans ma note.

  4. Pages 273‑274 (ibid.) :

    Quando vero huiusce Ionis mentio incidit, minime prætereunda est Iulii Scaligeri immanis oscitantia, et stupor, qui Poetices lib. i. cap. 46. vult hunc esse Ionem Chium poetam. Multum opera in hoc genere poematis, Dithyrambici scilicet, posuit Ion Chius, cuius nomine scripsit Dialogum Plato. Perbellam hominis eruditionem. Ut multa novit iste vir. Ut commode, ac sincere tractat antiquitatem. En quomodo Ion ex Chio, et Poeta Tragico, Ephesius, et Rapsodus de repente, vel una Scaligeri desidia factus est. Apage ineptiarum. Ion, qui Dithyrambicum carmen excoluit, fuit patria Chius, et Tragici nomen sibi vindicavit, at cum quo in Platonis Dialogo de furore poetico disputatur, fuit arte, sive professione rapsodus. […] Argumentare mecum, Lector, vel Scaliger legit Ionem Platonis, vel non ; si legit, vel intellexit, vel non. Nefas est Scaligerum, Platonem non intellexisse ; si intellexit, vel quæ intellexit per summum nefas male aliis tradit. Si non legit, ut quid iudicium fert ? Quare etiam in eo viro ipse culpat, quæ in eo non legit, vel lecta in alium sensum distorsit ? memoriæ tantum lapsus esse non potuit, nisi etiam mitam ανιστορησιαν addas. Si alius crimen hoc commisisset, quantas ipse Scaliger turbas cieret ?

    [Mais quand on en vient à mentionner Ion, il faut passer sous silence la négligence et l’engourdissement insondables de Jules Scaliger, lui qui, au livre i, chapitre 46, de ses Poetices veut que ce poète soit Ion de Chio : « Ion de Chio, sous le nom duquel Platon a écrit un dialogue, a composé beaucoup d’œuvres dans ce genre poétique » (c’est-à-dire dithyrambique). Admirez la parfaite érudition de ce Scaliger, comme il s’y connaît, comme il traite convenablement et fidèlement de l’Antiquité, et comment sa seule incurie fait tout à coup d’Ion, poète tragique natif de Chio, un rapsode natif d’Éphèse ! Foin de ces inepties ! l’Ion qui a cultivé le chant dityrambique était originaire de Chio et s’attribuait la qualité de poète tragique, tandis que celui qui débat sur le délire poétique dans le dialogue de Platon se disait rapsode de métier ou de profession. {i} (…) Prouve-moi donc, lecteur, si Scaliger a lu ou non l’Ion de Platon ; et s’il l’a lu, s’il l’a ou non compris : malheur à Scaliger s’il n’a pas compris Platon ; et sinon, pire malheur à lui s’il a transmis de travers aux autres ce qu’il en a compris ! S’il ne la pas lu, pourquoi en juge-t-il ? Pourquoi aussi blâme-t-il chez cet auteur ce qu’il n’a pas lu, ou défigure-t-il le sens de ce qu’il a lu ? Ce n’a pu être qu’un défaut de mémoire, à moins que tu n’y ajoutes comme une légère ignorance de l’histoire. S’il avait commis ailleurs ce genre de forfait, que de désordres Scaliger n’aurait-il pas créé ?]

    1. Ion est un dialogue de Platon sur le délire poétique, qui donne la parole à Socrate et à un certain Ion, rapsode (chanteur d’épopées qui allait de ville en ville), originaire d’Éphèse. Scaliger le confondait avec Ion de Chio, poète lyrique (dithyrambe) du ve s. av. J.‑C.

  5. Page 279 (ibid.), Allatius se réfère en effet au livre 2 des « Analectes [anthologie] tant des anciens que des modernes », que le Catalogue des livres de M. Naudé (publié à la suite du Naudæana de 1702-1703, page 248) range en effet parmi ses ouvrages inédits.

V. infra note [3] pour la suite des remarques de Vitry sur Allatius.

2.

Johannes Meursius (Jan van Meurs, 1593-1652), imprimeur à Anvers, devait sa célébrité à sa production d’une monumentale Biblia sacra cum Glossa ordinaria [Bible sacrée avec la Glose ordinaire] (1617, 6 volumes in‑fo) et à ses nombreuses éditions grecques d’ouvrages d’érudition et de patrologie. Il était homonyme du philologue hollandais Johannes Meursius (v. note [9], lettre 443), mais sans lien de parenté avec lui.

V. note [9], lettre 443, pour l’historien et helléniste hollandais de même nom (mais sans lien de parenté avec lui).

3.

Il ne s’agissait pas ici du pape Grégoire xiii (1572-1585, v. notes [2], lettre 430), comme imprimé dans le Naudæana, mais de Grégoire xv (Alessandro Ludovisi), élu en février 1621, mort le 8 juillet 1623.

En 1622, pendant la première phase de la guerre de Trente ans, Johan t’Serclaes van Tilly, général en chef de la Ligue catholique impériale, avait pris et ravagé Heidelberg, dont l’Université (v. note [31], lettre 342) abritait la très riche Bibliothèque palatine. Maximilien ier, duc électeur de Bavière (v. note [54], lettre 150), dut céder à la volonté du pape, qui commanda le transfert de la plus belle partie de ses collections au Vatican, confiant à Leo Allatius le soin de leur transfert. Portées par un convoi de 200 mules, les 184 caisses, contenant 3 500 manuscrits et 12 000 ouvrages imprimés, étaient arrivés à Rome en août 1623, mais Grégoire xv venait alors de mourir et Urbain viii (v. note [19], lettre 34) lui avait succédé le 6 août. Allatius eut l’indélicatesse de garder pour lui une douzaine des précieuses caisses qui avaient été remises à sa garde.

V. note [14], lettre 79, pour Scioppius.


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 135‑136 :

« II. On dit que Grégoire xiii envoya Allatius en Allemagne, etc., il fallait dire Grégoire xv. Le Ghilini se trompe aussi quand il dit que ce fut Urbain viii qui l’y envoya. {a}

III. Nous ajouterons enfin à ce que l’on rapporte ici d’Allatius qu’Alexandre vii le nomma garde de la Bibliothèque du Vatican après la mort d’Holstenius, {b} et qu’il mourut à Rome, âgé d’environ 83 ans, en 1669 ou, selon d’autres, en 1670. Je ne sais si on ne devrait point préférer le premier sentiment : Lambecius, dont le témoignage me paraît décisif en cette occasion, dit expressément dans le iie tome de la Bibliothèque de Vienne, imprimée et cette même année 1669, Leo Allatius avunculi mei Lucæ Holstenii in Præfectura Bibliothecæ Vaticanæ successor, qui hoc anno 1669 obiit. » {c}


  1. Girolamo Ghilini (1589-1668), prêtre et historien italien : Teatro d’huommi letterati [Théâtre des hommes de lettre] (Venise, Guerigli, 1647, in‑4o), article sur Leone Allazio, tome second, pages 173‑175. V. note [19], lettre 340, pour le pape Urbain viii (1623 à 1644).

  2. V. notes [3], lettre 399, pour le pape Alexandre vii (1655-1667), [22], lettre 318, pour la Bibliothèque vaticane, et [2], lettre 593, pour Lucas Holstenius.

  3. Petri Lambecii Hamburgensis, Sacræ Cæsareæ Maiestatis Consilarii, Historiographi ac Bibliothecarii, Commentariorum de Augustissima Bibliotheca Cæsarea Vindobonensi Liber secundus.

    [Deuxième livre des commentaires de Peter Lambeck, natif de Hambourg, {i} conseiller, historiographe et bibliothécaire de Sa Sainte Majesté impériale, sur la très auguste Bibliothèque impériale de Vienne]. {ii}

    Page 861, note marginale 1 :

    « Leo Allatius, successeur de mon oncle maternel Lucas Holstenius à la direction de la Bibliothèque vaticane, mourut en cette année 1669. »

    1. En 1628, mort en 1680.

    2. Vienne, Matthæus Cosmerovius, 1669, in‑4o illustré de 1 012 pages.

4.

« il est en effet débauché et extrêmement lubrique » […] « mais de la vive et verte vieillesse d’un homme » (Virgile, v. note [6], lettre 97).

Césène (Cesena), ville d’Émilie-Romagne, appartenait alors aux États pontificaux.

5.

Scipio Claramontius (Scipione Chiaramonti, Césène 1565-ibid. 1652), philosophe et astronome italien, s’est surtout fait connaître comme piteux adversaire de Galilée (v. note [19], lettre 226) et de Tycho Brahe (v. note [28], lettre 211). Bien qu’il ne fût pas docteur en médecine, il a consacré deux ouvrages à cette matière :


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 136‑137 :

« Scipio Claramontus. Ce philosophe a écrit contre Tycho Brahe, Galilée, Liceti, Glorioso et quelques autres. Il prétendait prouver que les comètes, entre autres celles de 1572, 1600, 1604 et 1618, étaient des corps sublunaires et non des corps célestes. {a} Dans son histoire de Césène, imprimée en 1641, {b} il dit qu’il y a 59 ans qu’il sert sa patrie dans les charges publiques. Après avoir perdu sa femme, Virginia de Abbatibus, il se fit prêtre, âgé de 80 ans, et mourut le 7 octobre 1652, âgé de 88. {c} De six fils qui lui restèrent, il y en eut quatre qui se firent capucins. Le traité de atra bile quoad mores attinet, dont il est parlé dans cet article, est dédié à M. Naudé et fut imprimé à Paris en 1641. On peut regarder cet ouvrage comme une suite du fameux traité qu’il publia en 1625 de conjectandis cujusque moribus et latitantibus animi affectibus, qui est rare. »


  1. V. note [4], lettre 63, pour le médecin, philosophe et astronome Fortunio Liceti. Le mathématicien et astronome italien, Giovanni Camillo Glorioso (1572-1643) fut le successeur de Galilée à Pise puis à Padoue.

    Furetière qualifie de sublunaire « ce qui est sous la Lune, c’est-à-dire la Terre et les autres corps qui font partie de son globe et qui en dépendent. Nous sommes assurés que toutes les choses sublunaires sont sujettes aux changements et aux vicissitudes. »

  2. Cæsenæ historia, authore Scipione Claramontio, ab initio Civitatis ad hæc tempora, in qua totius interdum Italiæ universæ fere semper Provinciæ communis status describitur [Histoire de Césène par Scipio Claramontius, depuis la fondation de la cité jusqu’à aujourd’hui, dans laquelle est au passage décrit l’état de l’Italie tout entière, qui a presque toujours été un pays uni] (Césène, Carolus de Neris, 1641, in‑4o).

  3. Le latin traduit dans la note [4] supra serait donc pure médisance du Naudæana.

6.

La Rhétorique (ou Poétique) d’Aristote (v. note [15], lettre 80), composée de trois livres, en distingue trois genres : le délibératif, le judiciaire et le démonstratif.

V. notes [12], lettre 59, pour le cardinal Gianfrancesco Guido di Bagno (mort en 1641), dont Gabriel Naudé avait été le bibliothécaire à Rome, et [7], lettre 73, pour Pierre Charron et sa Sagesse (1601).

7.

« des mots aux coups » (locution latine classique).

Lodovico Castelvetro (Modène, vers 1505-1571), écrivain partisan de l’expression en langue italienne, est surtout connu pour son Poetica d’Aristotele vulgarizzata et sposta [La Poétique d’Aristote vulgarisée et dépaysée] (Vienne, Autriche, Gaspar Stainhofer, 1570, in‑4o), édition bilingue, grecque et italienne, richement commentée.

Castelvetro a grandement contribué au renouveau de la poésie européenne, mais l’intransigeance et l’âpreté de ses critiques contre le style classique latin (v. note [41] du Borboniana 8 manuscrit) lui valut une vive querelle avec le poète italien Annibal Caro (1507-1566), traducteur de La Rhétorique d’Aristote et de L’Énéide de Virgile, et influent commandeur de l’Ordre de Malte. La dispute en vint à de graves voies fait entre les deux parties et aboutit à un procès devant l’Inquisition : accusant Calvestro d’avoir traduit en italien un livre du réformé Melanchthon (v. note [12], lettre 72), elle prononça une sentence d’hérésie contre lui et il s’enfuit à Bâle. Il mourut à Chiavenna (Chiavenne), petite ville alpine de Lombardie qui appartenait alors à la fédération calviniste des Grisons (v. note [28], lettre 240).


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 137‑140 :

« La querelle que Louis Castelvetro eut avec le Commandeur Annibal Caro vint de ce que ce dernier, ayant fait à l’honneur de la Maison de France, La Canzone de’ Gigli d’oro, par ordre du cardinal Farnese, {a} le Castelvetro en publia son sentiment en 1554, qui fut suivi d’une réplique à quelques réponses du Caro. Comme ce critique ne put s’empêcher d’y mêler des termes trop durs et même injurieux au commandeur, les amis de ce dernier publièrent une apologie du poème et de l’auteur sous le nom de gli Academici di Banchi di Roma. {b} Elle parut à Parme en 1558. Le Castelvetro, qu’on y traitait fort mal, crut qu’il lui serait honteux de céder. Il fit donc paraître un assez gros ouvrage qu’il intitula Ragioni d’alcune cose segnate nella Canzone di Messer Annibal Caro, etc., {c} qui parut première in‑4o sans nom d’auteur, ni lieu d’impression, ni année, mais qui ne demeura pas longtemps anonyme : on le réimprima à Venise en 1560, et on y mit à la tête le nom du Castelvetro. Le commandeur ne voulut plus répondre aux injures sanglantes que la mauvaise humeur de son adversaire lui vomissait. Je ne sais de quelle voie il se servit pour procéder contre lui et lui imposer silence. On voit seulement par une de ses lettres qu’il en vint en partie à son honneur, {d} ce qui m’empêche de croire que l’auteur du Naudæana avance qu’Annibal Caro fut bien battu par son antagoniste ; outre qu’il n’y a guère de vraisemblance qu’un homme à qui on reproche publiquement la bassesse de sa fortune {e} osât songer à se servir de manières violentes envers un commandeur de Malte, qui avait pour patron le cardinal Farnèse, chez lequel il vivait. Quoi qu’il en soit, le Castelvetro ne se crut pas en sûreté dans sa patrie, il erra dix années entières de pays en pays, et ne revint à Modène qu’après la mort de Caro. Il y mourut le 20 février 1571, âgé de 66 ans. Je sais que les sentiments sont partagés touchant le lieu de sa mort, que les uns disent que ce fut à Bâle, et d’autres, dans le Pays des Grisons ; mais il me semble que cette dispute devrait être décidée par l’épitaphe que son frère fit mettre sur son tombeau, et que le Ghilini rapporte ; {f} or, il y est dit expressément qu’il vint mourir dans sa patrie. Pour Annibal Caro, il avait cessé de vivre à Rome en 1566, âgé de 59 ans, cinq mois et deux jours. »


  1. « Le Chant des lys d’or » a paru en 1545. Caro fut le protégé de deux cardinaux Farnèse Alessandro (1520-1589, cardinal en 1534) et son frère Ranuccio (1530-1565, cardinal en 1545).

  2. Apologia de gli academici di Banchi di Roma contra M. Lodovico Castelvetro da Modena, in forma d’uno Spaccio di Maestro Pasquino. Con alcune operette del Predella, del Buratto, di Ser Fedocco. In difesa de la seguente Canzone del Commendatore Annibal Caro. Appertenenti tutte à l’uso de la lingua toscana, et al vero modo di poetare.

    [Apologie des académiciens des Bureaux de Rome contre M. Lodovico Castelvetro de Modène, sous la forme d’une lettre de Maître Pasquin. {i} Avec quelques opuscules du Predella, du Buratto, du sieur Fedocco. Pour la défense du second chant du Commandeur Annibal Caro. Tout cela regarde l’usage de la langue toscane et la véritable manière de poétiser]. {ii}

    1. V. note [5], lettre 127.

    2. Parme, Seth Viotto, 1558, in‑4o de 268 pages. La lettre de Pasquin est suivie par :

      • la reprise du Canzone del Caro, in lode de la Casa du Francia [Chant du Caro, à la louange de la Maison de France] (les « lys d’or » cités dans la notule {a} supra) ;

      • la Censura del Castelvetro sopra la canzone precedente [Censure du Castelvetro sur le chant qui précède] ;

      • la Replica del Castelvetro contra la medesima canzone del Caro [Réplique du Castelvetro contre le même chant du Caro] ;

      • puis les trois opuscules cités dans le titre.
    3. « Raisons de quelques remarques sur le chant de M. Annibal Caro ».

    4. Vitry renvoie au De le Lettere familiari del Commendatore Annibal Caro volume secondo [Second volume des Lettres familières du Commandeur Annibal Caro] (Venise, Paulo Ugolino, 1603, in‑8o, page 260) : lettre à Leonardo Salvati de Florence, datée de Rome, le 19 janvier 1566.

    5. « Dans l’apologie des Banchi [v. supra notule {b}], on reproche au Castelvetro cé défaut » (note de Vitry).

    6. Teatro de Girolamo Ghilini (Venise, 1647, v. supra seconde notule {a} de la note [3]), tome premier, page 147.

    8.

    Friper se disait alors des « auteurs qui dérobent des autres qui ont écrit devant eux des pensées, des vers qui ont déjà servi, ou qui sont usés. Ce poète nous donne cette épigramme comme sienne, mais elle est fripée de Martial » (Furetière).

    Plusieurs critiques littéraires du xviie s. (notamment Gilles Ménage et Jean-Louis Guez de Balzac) ont glosé sur les opinions et les mésaventures de Castelvetro. Naudé parlait ici du Poitevin Hippolyte-Jules Pilet de La Mesnardière (1610-1663), poète et dramaturge, membre de l’Académie française (1655), mais aussi médecin, qui a éreinté Castelvetro dans le Discours de sa propre Poétique (Paris, Antoine de Sommaville, 1639, in‑4o, tome premier, pages G‑I) :

    « Parmi les écrivains modernes qui ont attaqué la grandeur et maltraité des appas de cette charmante princesse, le savant Castelvetro a paru des plus remarquables, comme des plus ingénieux. Et certes, si l’on regarde qu’après avoir employé presque sa vie tout entière à examiner la poésie et à considérer ses grâces, il lui donne pour objet le divertissement du peuple, il n’y aura point d’esprits qui n’aperçoivent, comme nous, que les traits qu’il lance contre elle sont d’autant plus dangereux qu’il semble être de son parti et embrasser ses intérêts. Ce procédé est fort nouveau ; et la plupart des personnes ne croiront pas facilement qu’un écrivain judicieux traite si mal une science, après lui avoir consacré les meilleurs moments de sa vie. Mais encore qu’il paraisse un grand défaut de jugement dans une semblable action, et qu’un auteur sérieux ne puisse mieux faire connaître l’aveuglement de son âme qu’en donnant toutes ses veilles à un art qu’il n’estime pas, rien ne me semble si étrange dans cet injuste sentiment que de voir qu’il s’est rencontré dans un bel esprit d’Italie et, davantage, en un homme qui a travaillé tant d’années sur la Poétique d’Aristote. Cependant, nous apprenons avec beaucoup d’étonnement que cet illustre écrivain, originaire d’Italie, mère de la politesse, et interprète d’Aristote, paranymphe {a} de la poésie, soutient qu’elle a été formée non seulement pour divertir, mais pour divertir le peuple ; et non seulement le peuple, mais la vile populace, grossière, ignorante et stupide. La materia, dit-il, delle Arti per un’ altra ragione piu manifesta al senso non puo essere soggetto della Poësia, conciosa cosa che la Poësia sia stata trovata solamente per dilettare et per ricreare ; io dico per dilettare et ricreare gli animi della rozza moltitudine, et del commune Popolo, il quale non intende le ragioni, etc. {b} Voilà sans mentir un emploi qui est bien digne d’Uranie ! {c} et une belle occupation pour le langage des dieux ! Ne faut-il pas avouer que le prince des philosophes a été peu judicieux de quitter des spéculations si nécessaires à son roi, {d} pour donner tant de bonnes heures à un métier vil et infâme, de qui la plus noble intention est de plaire à la multitude ? Et combien ces hommes illustres, qui ont délassé leurs esprits par la douceur de la poésie en sortant des grandes charges, ont-ils fait une élection indigne de leurs qualités et de la gloire de leur vie ? En effet, il faut confesser que tant d’empereurs et de rois, d’amphictyons {e} et de consuls, d’orateurs et de philosophes, qui ont exercé ce bel art, avaient l’esprit bas et rampant ; ou bien que Castelvetro commet une grande faute dans l’objet qu’il lui attribue. Mais il y a grande apparence que toute l’Antiquité n’a pas eu le goût si mauvais que d’estimer une science dont la fin serait méprisable ; et nous devons ce respect à la vertu de ces grands hommes, de croire que, par la seule amour qu’ils ont eue pour la poésie, qu’elle n’a rien que d’excellent, d’auguste et de majestueux. » {f}


    1. V. note [8], lettre 3, pour le sens étymologique du mot paranymphe.

    2. « La matière de l’Art ne peut être le sujet de la Poésie, pour une autre raison plus manifeste : c’est que la Poésie n’a été inventée que pour distraire et pour divertir ; je veux dire pour distraire et divertir les esprits de la foule grossière et du vil peuple qui n’entend pas les raisons, etc. »

    3. Muse de l’astrologie et de l’astronomie (v. notule {b}, note [6] du Borboniana 7 manuscrit), ici opposée à ses trois sœurs que la mythologie vouait aux arts : Érato (poésie), Terpsichore (danse) et Thalie (comédie).

    4. Aristote servait Philippe de Macédoine (v. note [61], lettre 336) et fut le précepteur de son fils, Alexandre le Grand.

    5. Députés des villes et des peuples de la Grèce antique.

    6. Le Discours de La Mesnardière se poursuit (jusqu’à la page BBBB) sur la même conception élitiste de la poésie, en continuant d’épancher poliment sa rage contre le parti vulgarisateur de Castelvetro.

    Les Œuvres mêlées (La Haye, Adrian Moetjens, 1697, in‑12) d’Urbain Chevreau (écrivain français, Loudun 1613-ibid. 1701) contiennent un « billet » non daté, écrit à La Mesnardière, qui commence par ces quelques lignes (première partie, page 330) :

    « Je viens d’achever de lire votre Poétique où vous traitez Castelvetro d’une étrange sorte ; et peut-être qu’autrefois vous n’y eussiez pas trouvé votre compte, {a} s’il est vrai ce que ce Pasquin {b} lui a reproché en quelque endroit, Qu’il passait de la langue aux mains, de la plume au fer, de l’encre au sang ; et qu’il ait fait assassiner un fort galant homme qui avait pris la liberté de lui contredire. » {c}


    1. Pour dire « vous ne vous seriez pas hasardé à dire du mal de lui ».

    2. V. supra notule {b}, note [7].

    3. On a accusé Castelvetro d’avoir été impliqué dans l’assassinat d’un certain Alberigo Longo, qui avait dit du mal de ses ouvrages.

    Pour aller plus loin dans ces prémices de la « querelle des Anciens et des Modernes », Georges de Scudéry, {a} autre membre de l’Académie française (1650), s’en est aussi pris à Castelvetro dans la Préface de son Alaric, {b} quand il réfute l’opinion du Tasse {c} « que la morale n’est pas l’objet du poète, qui ne doit songer qu’à divertir le peuple » (page b vo‑ b ij vo) :

    « Mais le Tasse n’a pas été le seul dans une erreur si peu raisonnable. Castelvetro, quoique grand homme, a porté la disparate {d} bien plus loin que lui : et après avoir usé la moitié de sa vie sur la Poétique d’Aristote, et mis dans cet ouvrage tout son grec et tout son latin, il nous a dit que la poésie n’a été inventée que per dilettare, et per ricreare gli animi della rozza moltitudine, et del commune popolo. {e} Voilà véritablement un art qui mériterait bien, si telle était sa fin, qu’Aristote se fût amusé à nous en donner des règles ; et Castelvetro lui-même aurait bien employé son temps si son labeur n’était propre qu’à mieux divertir la canaille.

    De même l’araignée, en filant son ordure,
    Use toute sa vie, et ne fait rien qui dure,

    a dit un de nos plus fameux poètes. {f} Mais ce n’est pas la seule hérésie de cet auteur qui, peu de lignes après, dit qu’Empédocles, Lucrèce, Nicandre, Hésiode, Virgile, et plusieurs autres qu’il nomme, ne sont pas poètes parce que les sciences sont traitées dans leurs ouvrages. Il devait donc regarder Homère comme les autres, et plus que les autres, puisqu’à peine y a-t-il un art ni une science en toutes les connaissances des hommes que l’on ne trouve dans L’Iliade et dans L’Odyssée. Pour moi, je suis bien loin d’avoir des sentiments si bas de la plus sublime façon d’écrire ; et je tiens, au contraire, que, pour être véritable poète, il faudrait ne rien ignorer ; et que plus on voit de savoir dans un poème, plus l’auteur en mérite de louange. »


    1. V. note [68], lettre 336.

    2. Paris, 1654, v. la même note [68].

    3. V. note [5] du Faux Patiniana II‑1.

    4. « Ce mot est espagnol, mais plusieurs s’en servent pour expliquer de grandes inégalités d’esprit, des choses dites ou faites mal à propos. Cet homme a de l’esprit et du mérite, mais il a quelquefois de grandes disparates, il dit et fait bien des choses à contretemps et extravagantes » (Furetière).

    5. V. la citation de Castelvetro dans la première notule {b} supra.

    6. Théophile de Viau (v. note [7], lettre de Charles Spon, datée du 28 décembre 1657), Élégie à une dame, contre certains poètes de son temps :

      « J’en connais qui ne font des vers qu’à la moderne,
      Qui cherchent à midi Phébus à la lanterne,
      Grattent tant le français qu’ils le déchirent tout,
      Blâmant tout ce qui n’est facile qu’à leur goût,
      Sont un mois à connaître, en tâtant la parole,
      Lorsque l’accent est rude, ou que la rime est molle,
      Veulent persuader que ce qu’ils font est beau,
      Et que leur renommée est franche du tombeau,
      Sans autre fondement, sinon que tout leur âge
      S’est laissé consommer en un petit ouvrage ;
      Que leurs vers dureront au monde précieux,
      Pour ce que, les faisant, ils sont devenus vieux. »

    9.

    Le Th. Campanellæ de Monarchia Hispanica Discursus [Discours de Th. Campanella {a} sur la Monarchie espagnole] {b} est une analyse historique, géographique et politique des territoires placés sous domination espagnole en 32 chapitres. Il s’y ajoute un long Appendix final (pages 456‑560), intitulé Utrum sit optandum, universum orbem Christianum ab uno solo Capite ac Monarcha regi ac gubernari ? [Faut-il souhaiter que tout le monde chrétien soit régi et gouverné par un seul chef et monarque ?]. Le roi d’Espagne était alors Philippe iv, {c} dont l’empire sur la chrétienté déclinait d’année en année.


    1. Tommaso Campanella, v. note [12], lettre 467.

    2. Amsterdam, Louis Elsevier, 1640, in‑12 de 560 pages.

    3. V. note [4], lettre 47.

    Les écarts religieux, philosophiques et astrologiques de Campanella, brillant et fantasque érudit revêtu de la bure dominicaine, lui avaient valu maints déboires. En 1600, jugé hérétique par l’Inquisition, il avait échappé de peu au bûcher pour être condamné à la prison perpétuelle. Libéré en 1629 sur l’intervention de Philippe iv et du pape Urbain viii, il se réfugia à Paris en 1634 et y mourut en 1639.

    10.

    « Le pouvoir ne sera pas éternellement délectable. »

    Jusqu’à la naissance de Louis xiv (1638), la hantise de Richelieu (muni du plein pouvoir en 1630) était de voir son pire ennemi, Monsieur, le duc Gaston d’Orléans, s’emparer du trône de son frère Louis xiii, dont la fragilité politique et la santé précaire laissaient constamment prévoir le pire.


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 140‑141 :

    « Campanella prenait la qualité de sæculorum excubitor : c’est le titre qu’il se donne à la tête de l’Églogue qu’il fit imprimer en 1639 in portentosam Delphini nativitatem. {a} Il ne faut que ce poème pour faire voir quel était à peu près le génie du personnage. Il naquit un dimanche 5e de septembre 1568, comme dit M. Baillet : {b} on apprend cette particularité d’une des notes ajoutées à cette Églogue, d’où il est aisé de conclure qu’il n’avait que 70 ans, ou tout au plus 71, quand il mourut à Paris en 1639. C’est aussi l’âge que lui donne lde Sr Poisson, Angevin, qui traduisit son Églogue en vers français et y inséra une paraphrase de sa façon ; cette traduction parut en cette même année 1639. » {c}


    1. Ecloga Christianissimis Regi et Reginæ in portentosam Delphini, orbis christiani summæ spei, nativitatem. F. Thomæ Campanellæ Ord. Præd. sæculorum excubitoris cantus. Cum annot. discip. [Églogue à la reine et au roi très-chrétiens (Anne d’Autriche et Louis xiii) sur la miraculeuse naissance du dauphin (le 5 septembre 1638, futur roi Louis xiv), immense espoir du monde chrétien. Chant de Frère Thomas Campanella de l’Ordre des prêcheurs, la sentinelle des siècles. Avec annotations séparées] (Paris, Jean Du Bray, 1639, in‑4o).

    2. Adrien Baillet (v. note [35], lettre 347) : Des Enfants devenus célèbres par leurs études ou par leurs écrits. Traité historique (Paris, Antoine Dezallier, 1688, in‑12, pages 227‑231) ; mais il devait s’agir d’une autre édition de ses biographies critiques, car dans celle-ci (et dans sa réédition de 1722, Jugements des savants sur les principaux ouvrages des auteurs, tome 6, page 118), Baillet dit que « Campanella était né dans la petite ville de Stilo, dans la Calabre ultérieure, vers l’an 1564. […] Il mourut en cette ville [Paris] l’an 1639, âgé d’environ 75 ans. »

    3. Jean-Baptiste Poisson (ou Poysson), avocat d’Angers : Imitation et amplification de l’Églogue faite en latin par le Père Campanelle sur la naissance de Monseigneur le Dauphin (sans lieu, ni nom, ni date, in‑4o).

    11.

    « est homme fort lubrique parce qu’on le croit être triorchide, la nature l’ayant pourvu de plus de deux testicules. Tels ont aussi été le faux roi d’Éthiopie, Philelphus… »

    La polyorchidie est une anomalie très rare, dont Guy Patin a évoqué l’existence dans deux de ses lettres : v. notes [7], lettre 364, et [27], lettre latine 154. Gabriel Naudé établissait ici un lien entre la triorchidie et la lubricité et la prétendait présente chez cinq personnages connus.

    12.

    Benedictus Theocrenus est le nom latin de l’humaniste italien Benedetto Tagliacarne (Benoît Théocrène en français ; Sarzana, Ligurie, vers 1480-Avignon, 1536). Secrétaire ou chancelier de la République de Gênes en 1514, il avait suivi, en 1522, l’archevêque de Salerne, Frederico Fregoso, dans son exil en France. Theocrenus y devint précepteur des enfants de François ier, qui le combla de ses largesses.

    Une fois veuf, Theocrenus fut nommé abbé de Nanteuil, puis évêque de Grasse en 1534. Il a laissé quelques ouvrages de poésie latine (Nicéron, tome xxxiii, pages 322‑328).


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 141‑143 :

    « Benedictus Theocrenus s’appelait en sa langue maternelle Benedetto Tagliacarne. Il était de Sarzana, petite ville de l’État de Gênes. Après avoir fait pendant quelque temps la fonction de greffier de cette République, {a} dont il composa une Chronique, il passa en France, où son mérite lui fit avoir la place de précepteur des enfants de François ier. Cet emploi lui ouvrit le chemin aux dignités ecclésiastiques. On lui donna l’abbaye de Fontfroide, diocèse de Narbonne, dont il prit possession le 2 janvier 1532, à laquelle fut peu de temps après ajoutée celle de Nanteuil-en-Vallée dans le Poitou. Enfin on le nomma à l’évêché de Grasse : MM. de Sainte-Marthe disent qu’il l’était en 1548, < mais > puisqu’ils ont négligé d’indiquer les preuves qu’ils pouvaient avoir de ce fait, nous proposerons ici nos doutes. Premièrement, il semble qu’ils veuillent insinuer que Theocrenus n’était évêque de Grasse qu’en cette année 1548 ; cependant, rien n’est plus certain qu’il possédait cet évêché en 1536, puisque dans l’édition de ses poésies faite à Poitiers par les Marnef en cette même année, on lui donne cette qualité, et que là-dessus roule principalement l’épigramme de Macrin, {b} que ces illustres jumeaux ont rapportée. 2. Je ne vois pas quel inconvénient il y aurait à croire que le cardinal Trivulce, qu’ils disent l’avoir précédé dans l’administration de l’évêché de Grasse, lui succéda au contraire et eut après lui cette prélature, aussi bien que ses abbayes. Or il est sûr, selon eux, que ce cardinal possédait en 1537 l’abbaye de Nanteuil, qu’en 1546, il jouissait de celle de Fontfroide, et qu’en 1541, il avait l’administration épiscopale de Grasse. Peut-être se trouvera-t-il quelqu’un assez zélé pour la mémoire de ces Messieurs, qui nous rpivera clairement que Theocrenus et le cardinal Trivulce étaient en même temps l’un évêque et l’autre administrateur de l’évêché de Grasse. » {c}


    1. « Reip. Genuensis Tabularius » (note de Vitry).

    2. Benedicti Theocreni, Episcopi Grassensis, Regis Francisci liberorum Præceptoris, Poemata, quæ juvenis admodum lusit [Poèmes que Benedictus Theocrenus, évêque de Grasse et précepteur des enfants du roi François, s’est fort amusé à composer dans sa jeunesse] (Poitiers, frères Marnef, 1536, in‑4o).

      Une épigramme du poète latin français Jean Salmon Macrin (Salmonius Macrinus, Loudun 1490-ibid. 1557) tient lieu d’épître au bienveillant lecteur :

      Qui Theocreneæ præludia læta juventæ
      Hocque novum voluis candide lector opus :
      Unguibus e teneris fulvum metire leonem,
      Et tibi sint posthac qualia danda puta.
      Nam si adeo pulchros tulit ætas primula flores,
      Serior ô quantis fructibus uber erit ?
      Et meus (ut fama est) etiamnum munera vates
      Quæ sint sacrifico Præsule digna, parat.
      Ergo hæc luxurie herbarum spem concipe lætam,
      Dum maiore fluat proxima messe seges
      .

      [Toi, bienveillant lecteur, qui as voulu ce nouvel ouvrage, où sont les heureux préludes à la jeunesse de Théocrène, juge le fauve lion dès son âge le plus tendre, et pense à ce qu’ils doivent te donner plus tard. Si la prime jeunesse a produit de si belles fleurs, que de fruits ne donnera-t-elle pas quand elle aura mûri ? Et mon cher évêque se dispose à des charges qui seront dignes d’un prélat. Que cette profusion de pousses nourrisse en toi l’espérance d’une plus riche récolte lors de la prochaine moisson].

    3. Le P. de Vitry fustigeait vertement les jumeaux Scévole ii et Louis de Sainte-Marthe, auteurs de la Gallia Christiana [France chrétienne], {i} où, dans leur liste des Grassenses episcopi [Évêques de Grasse], ils ont mis le cardinal Trivulce {ii} au 50e rang chronologique, en tant que Grassensis Administrator 1541 [administrateur de Grasse en 1541], devant Theocrenus, Episcopus Grassæ an. 1548 [évêque de Grasse en l’an 1548].

      Dans l’impressionnante liste des épiscopats de Trivulse, The cardinals of the Holy Roman Church disent Trivulce abbé de Nanteuil et de Fontfrède en 1540, et administrateur du siège de Périgueux de 1541 à sa mort, mais sans fonction liée à celui de Grasse. Toutefois, la liste fournie par Wikipedia donne raison à Vitry en comptant Trivulce parmi les évêques de Grasse (1537-1548, ce que confirme la notice du Wikipedia italien), à la suite de Theocrenus (1534-1536). La notice épiscopale de Theocrenus cite l’épigramme de Macrin. {iii}

      La liste des abbés est dans le tome iv de la même Gallia Christiana :

      • Theocrenus y figure comme le 60e abbé de Fontfroide (Fonsfrigidus) de 1532 à 1546, et Trivulce comme 61e, de 1546 à 1548 (page 437, 1re colonne, repères A‑B) ;

      • Theocrenus, Episcopus Grassensis, y est désigné comme abbé de Nanteuil-en-Vallée (Nantolium in Valle) en 1534, suivi par Trivulce en 1537 page 680, 2e colonne, repères C‑D.

        1. Édition de Paris, Edmond Pepingué, 1656, in‑4o, tome ii, page 602 vo.

        2. Agostino Trivulzio (Milan vers 1485-Rome 1548), reçu en 1517.

        3. V. notule {b} supra.

    13.

    « par delà la huitième sphère, il n’y a rien » : l’ancienne astronomie de Ptolémée (v. notes [22], lettre 151, et [24] infra) voyait l’Univers comme un empilement de sphères centrées sur la Terre (géocentrisme) ; la huitième et plus extrême, à laquelle s’accrochaient les étoiles, marquait la limite du monde matériel.

    Hieronymus Borrius est le nom latin du philosophe, théologien et médecin italien Girolamo Borri (ou Borro, Arezzo 1512-Pérouse 1592), ami de l’Arétin (v. note [26], lettre 405) et protégé par le grand-duc de Toscane, François ier de Médicis, qui dirigea Florence de 1547 à 1587 (v. note [9] du Borboniana 9 manuscrit).

    Borrius enseignait à l’Université de Pise (Toscane) ; le livre qui lui valut le plus de renom est son dialogue Del Flusso, et Reflusso del Mare, et dell’Inondatione des Nilo [Sur le flux et reflux de la mer (v. note [4], lettre 483), et sur l’inondation du Nil] (Florence, Giorgio Marescotti, 1577, in‑8o de 248 pages ; première édition à Lucques en 1561).

    14.

    « Ayant prononcé ces paroles, il jugea préférable pour son salut de s’enfuir précipitamment. » Cela se passait en 1586 : Borrius se réfugia à Pérouse, en Ombrie, où il continua d’enseigner jusqu’à sa mort.

    Le « plat de macarons » était un macaroni (v. note [19], lettre 488).


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 143‑144 :

    « Hieronymus Borro. Il était d’Arezzo. {a} J’ai vu deux ouvrages de ce philosophe. Le premier a pour titre Hieronymus Borrius Arretinus de motu gravium et levium. Il est dédié à François ii, duc de Toscane, et imprimé à Florence en 1576. Dans la permission de l’inquisiteur, Borrius est appelé Philosophus et Medicus ac Theologus præstantissimus. {b} L’autre ouvrage est intitulé Hieronymus Borrius Arretinus de Peripatetica docendi atque addiscendi methodo ad Franciscum Mariam Feretrium Urbanitium Ducem. Florentiæ 1584. {c} Ces deux traités avaient été dictés à ses écoliers. Il en promettait plusieurs autres ; je ne sais s’ils ont été imprimés. »


    1. C’est-à-dire Arétin (Arretinus), v. note [35] de l’Autobiographie de Charles Patin.

    2. Hieronymus Borrius Arretinus de Motu Gravium et Levium. Ad Franciscum Medicem Magnum Etruriæ Ducem ii..

      [Hieronymus Borro, du Mouvement des objets lourds et légers. À François de Médicis, {i} 2e duc de Toscane]. {ii}

      1. François ier de Médicis (v. supra note [13]) fut le 2e grand-duc de Toscane, après Côme ier ; François ii, que Vitry désignait ici par erreur, régna longtemps après (1737-1765).

      2. Florence Georgius Marecottus, 1576, in‑4o de 272 pages.

        La permission de l’inquisiteur général de Florence, le Frère Franciscus de Pisis, qui qualifie Borro de « philosophe, médecin et très éminent théologien », figure à la dernière page du livre.

    3. « Hieronymus Borrio, natif d’Arezzo, sur la Méthode péripatétique à suivre pour enseigner et apprendre, dédié à François Marie della Roverre, sérénissime et duc d’Urbino » (Florence, Bartholomæus Sermartellius, 1584, in‑8o).

    15.

    « assujettissant notre pensée à l’obéissance de la foi » : avec les progrès du savoir humain, seule une foi humble et modeste permet de continuer à croire en l’existence de Dieu.

    Adaptation de saint Paul (Deuxième épître aux Corinthiens, 10:4‑5) :

    Nam arma militiæ nostræ non carnalia sunt, sed potentia Deo ad destructionem munitionum, consilia destruentes, et omnem altitudinem extollentem se adversus scientiam Dei, et in captivitatem redigentes omnem intellectum in obsequium Christi.

    [Car les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas charnelles ; elles sont puissantes devant Dieu pour renverser des forteresses. Nous renversons les raisonnements et toute hauteur qui s’élève contre la science de Dieu, et nous assujettissons toute pensée à l’obéissance du Christ].

    16.

    Lointain descendant de Nicolas Machiavel (1469-1527, v. note [64], lettre 150), Francesco Maria Machiavelli (1608-1643), reçu cardinal en 1641, était fils de Maria Maglotti, dont la sœur, Costanza, avait épousé Carlo Barberini, frère du pape Urbain viii (Maffeo Barberini, v. note [19], lettre 34).

    17.

    Quoiqu’en dît ici Gabriel Naudé, cet ouvrage de Scioppius semble n’avoir jamais été imprimé. Interdit par la censure ecclésiastique, il s’est limité à un manuscrit, dont plusieurs copies ont apparemment circulé dans les mains des érudits, intitulé Machiavellica, hoc est Apologia duplex. Quarum priore Rom. Ecclesiæ decreta de Machiavelli libris defenduntur. Posteriore innocentia ejusdem Machiavelli, adversus Calvinistas præcipue Italici nominis hostes, propugnatur [Machiavéliques, qui sont une double apologie, dont : la première repousse les décrets de l’Église romaine sur les livres de Machiavel ; la seconde défend l’innocence du même Machiavel contre les calvinistes, principalement ennemis du renom italien] (selon Hermann Conring, dans ses Notæ et animadversiones [Notes et remarques] sur l’édition qu’il a donnée de la Pædia politices Casparis Scoppii [Théorie politique de Caspar Scioppius], Helmstedt, Henning Müller, 1663, in‑4o, page 159).

    Les livres de Machiavel avaient été mis à l’Index de l’Église romaine en 1556. Les protestants l’attaquèrent aussi après la Saint-Barthélemy (1572) car ils pensaient que ses préceptes politiques avaient inspiré ceux qui avaient ordonné le massacre.


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 144 :

    « Meilleur livre qu’ait jamais fait auteur : je crois qu’il faut qu’ait jamais fait cet auteur ; {a} autrement, l’expression serait un peu trop générale. Le Gaddi dit aussi que Machiavel était d’une illustre famille. » {b}


    1. « C’est ainsi qu’on a mis dans cette édition » (note de Vitry) : c’est-à-dire à la page 9 du Naudæana de 1702-1703.

    2. « Gaddius in Scriptor. non ecclesiast. p. 2 » [Gaddius dans les Écrivains non ecclésiastiques, 2e partie] (note de Vitry) :

      Iacobi Gaddii de Scriptoribus Tomus Secundus. In hoc haud pauca continentur ad Politicam et Naturalem Philosophiam ; ad Theologiam tum Christianam, tum Ethnicam, ad Historiam multiplicem, cuius casus memorabiles referuntur, citatis m.ss. quorum nonnulla multis ignota delitescunt ; ad Criticam et Poëticam Artem spectantia, ita ut Opus curiosum, et utile sit non modo Philologis, ses etiam Philosophis, Theologis, et Concionatoribus.

      Second tome de Jacopo Gaddi sur les Écrivains. Il contient bien des choses qui touchent : à la politique et la philosophie naturelle ; à la théologie, tant chrétienne que payenne ; à l’histoire en tout genre, dont les faits mémorables se réfèrent à des manuscrits qui ont en partie échappé à beaucoup de gens ; à la critique et à l’art poétique. Cela en fait un ouvrage curieux et utile aux philologues, ainsi qu’aux philosophes, aux théologiens et aux prédicateurs]. {i}

      1. Lyon, Ioan. Pet. Chancel, 1649, in‑fo de 386 pages.

        Le copieux chapitre bilingue (italien et latin) sur Machiavel y occupe les pages 9‑23).


    18.

    V. notes [9], lettre 72, pour Jean-Pierre Camus, évêque de Belley, sa vive aversion pour les ordres monastiques et sa plume extrêmement féconde dans des genres littéraires divers, et [37] du Naudæana 2 pour la traduction italienne de deux de ses livres.

    19.

    « Si j’étais athée, je serais à Rome ».

    Epistola clxxix (page 230) à l’humaniste allemand Georg Michael Lingelsheim (v. notule {b}, note [30] du Grotiana 1), datée de La Bretonnière (près de Chailly-en-Brie) le 29 août 1606 (Isaaci Casauboni Epistolæ [Épîtres d’Isaac Casaubon] (La Haye, 1638, v. note [7], lettre 36) :

    Spero non fuisse ingratum neque tibi neque aliis bonis hoc velut δειγμα nostrarum in eo genere lucubrationum. Equidem illud certe sperarem me assecuturum, si quæ meditati sumus, ederentur, ut qui me Atheum vocat, Aposta ille τρισκαταρατος Scorpius, Romanæ Meretricis leno impudentissimus, alium esse me cogeretur fateri. Enimvero si essem Atheus, Romæ essem, quo fuisse me optimis conditionibus invitatum, ne ipse quidem ignorat.

    [Dans ce témoin de mes veilles, {a} j’espère ne pas avoir été ingrat envers vous ni envers les autres honnêtes gens. Je souhaiterais pareillement obtenir la publication de ce que je prépare, de façon que celui qui me traite d’athée, cet apostat trois fois maudit, ce Scorpius, {b} très impudent maquereau de la putain romaine, {c} comprenne que ma foi n’est pas celle qu’il croit. À vrai dire, si j’étais athée, je serais à Rome où, comme il ne l’ignore sûrement pas, j’ai été invité par les plus hauts prélats].


    1. Le dernier livre alors publié par Casaubon était sa traduction en latin, avec annotations, de la :

      B. Gregorii Nysseni ad Eustathiam, Ambrosiam et Basilissam Epistola. Isaacus Casaubonus nunc primum publicavit, Latine vertit, et illustravit Notis.

      [Lettre de saint Grégoire de Nysse {i} à Eustathia, Ambrosia et à Basilissa. Isaac Casaubon l’a éditée pour la première fois, traduite en latin et éclairée de notes]. {ii}

      1. V. notule {b}, note [25] du Borboniana 7 manuscrit.

      2. Paris, Robert Estienne, 1606, in‑4o de 140 pages ; v. notule {b}, note [25] du Borboniana 7 manuscrit, pour l’édition donnée par Pierre i Du Moulin (Hanau, 1607).

    2. Jeu de mots sur Scioppius et Scorpius, « Scorpion ». Fervent calviniste Casaubon résista toute sa vie aux séductions de ceux qui désiraient le voir se convertir au catholicisme, comme avait fait Scioppius (vers 1599), devenant alors un des ennemis les plus acharnés des protestants.

    3. La papauté.

    20.

    « Il y a une extraordinaire profusion de ce genre de Théodores en Italie » (avec Theodorum pour Theodororum) : Théodore est à prendre dans son sens étymologique de « don de Dieu » (Théou dôron, Dieudonné) ; et, pour Gabriel Naudé, « ce genre de Théodores » était ici les athées, par antiphrase.

    21.

    « chez cette mère affairée des oisifs. {a} Il mourut à Londres le 1er juillet 1624. {b} Il eut un fils prénommé Augustin, moine capucin, remarquable pour sa piété et son savoir qui, voilà quelques années, périt empoisonné par crime abominable de certains habitants de Calais, à ce que raconte Ogier en son Iter Danicum de 1635. »

    La relation du « Voyage au Danemark » que Charles Ogier {c} fit en 1634-1635 n’a été publiée qu’en 1656 dans ses Ephemerides [Journaux]. {d} Il faut donc croire que Gabriel Naudé avait eu connaissance du manuscrit ou que cette citation a été tardivement ajoutée au Naudæana : elle correspond en effet aux pages 11‑12 du livre de 1656.

    Parti de Paris le 11 juillet 1634, comme secrétaire de Claude Mesmes, comte d’Avaux, {e} Ogier était à Calais le mercredi 19 juillet suivant :

    Interfuimus sacris in æde Diuæ Mariæ, quæ Ecclesia Parochialis est […] Ad Capucinos exinde iuimus, à quibus didicimus, Eleemosynas, quas in liberationem votorum periclitantes in mari faciunt, non solum sufficere illis ad suos usus, sed etiam ad Monasteriorum, quæ in Provincia sunt, subsidia redundare : Certior etiam ab iis factus sum de impio facinore, quod ante paucos annos Calesij patratum fuisse nimis inconstanti fama acceperam, duodecim nimirum Capucinos nefario quorundam ciuium scelere, medicato vino necatos fuisse, inter quos erat insignis pietate pariter atque doctrina Augustinus Casaubonus, doctissimi illius Isaacij Casauboni filius. Immane factum ! nulla hactenus neque priuata, neque publica vindicta expiatum.

    [Nous assistâmes à la messe à Sainte-Marie, qui est l’église paroissiale. {f} (…) Nous nous rendîmes ensuite au couvent des capucins, lesquels nous apprirent comment les offrandes de ceux qui ont été exposés aux périls de mer, pour exaucer leurs vœux, leur procurent une abondance de subsides, qui suffisent à couvrir non seulement leurs propres dépenses, mais aussi celles des monastères de la région. Ils m’ont aussi mieux renseigné sur l’attentat impie que les Calaisiens ont perpétré, voilà peu d’années, et dont je n’avais eu qu’une relation infidèle : par crime abominable de certains habitants, douze capucins furent tués par l’absorption d’un vin empoisonné ; l’un d’eux fut Augustin Casaubon, remarquable pour sa piété et son savoir, et fils du très savant Isaac Casaubon. {g} Monstrueux acte que, jusqu’à ce jour, nulle punition, privée ou publique, n’a expié !]


    1. Joseph Scaliger, v. note [9], lettre 53.

    2. Sic pour 1614.

    3. V. note [2], lettre 330.

    4. V. note [6], lettre 378.

    5. V. note [33], lettre 79.

    6. Aujourd’hui l’église Notre-Dame de Calais, la plus grande et la plus ancienne de la ville, édifiée à partir du xiiie s.

    7. Jean Casaubon (1599-1624) était entré dans l’Ordre des capucins en 1619-1620, en prenant le prénom d’Augustin. Il était l’aîné des trois fils d’Isaac qui survécurent à leur père (v. note [13], lettre latine 16).

      La France protestante (volume 3, pages 234‑231) a parlé de sa conversion et de la peine que son père en éprouva :

      « Enfin, ne pouvant vaincre sa constance, les jésuites se tournèrent du côté de son fils aîné, dont la conduite était pour lui, depuis quelque temps, un grave sujet d’inquiétude ; et ils réussirent à le séduire. L’apostasie de cet enfant, qui n’avait pas encore atteint sa vingtième année, causa un grand chagrin à Casaubon : O Satanæ insidias ! s’écria-t-il en apprenant cette triste nouvelle. Qui non potuere me impellere ut imagines adorarem, ut doctrinam diabolorum amplecterer, ii filium natu maximum mihi corripuerunt et corruperunt. Γενηματα εχιδων, qui nos movit, ut hanc fraudem adversus me excogitaretis ! Adolescentem imperitum rerum, imperitum disputationum theologicarum in retia vestra compulistis me inscio, me invito. {i} Du Pin raconte, sur la foi de Cotelier, que le jeune Casaubon se fit capucin et qu’avant de prononcer ses vœux, il alla demander sa bénédiction à son père, qui lui aurait répondu : “ Je vous la donne de bon cœur, je ne vous condamne pas, ne me condamnez pas non plus. Jésus-Christ nous jugera. ” Si cette anecdote était vraie – car comment la concilier avec le passage des Ephemerides que nous venons de citer ? – nous verrions dans ces paroles vraiment chrétiennes une preuve, non pas du penchant de Casaubon pour le catholicisme, mais de son respect pour les convictions religieuses. »

      1. Ephemerides Isaaci Casauboni [Journal d’Isaac Casaubon] édité par John Russell (Oxford, University Press, 1850, in‑8o, tome ii), entrée datée du 14 août 1610 (page 756) :

        « Pièges de Satan ! […] Ne pouvant me pousser à adorer des images ni à embrasser la doctrine des diables, ils m’ont arraché mon fil saîné et l’ont corrompu. Engeance de vipères ! qu’est-ce qui vous a incités à manigancer cette fourberie contre moi ? À mon insu et contre mon gré, vous avez acculé dans vos filets un jeune homme qui ne connaît rien aux affaires ni aux disputes théologiques. »

    M. Lefebvre, prêtre de la Doctrine chrétienne, a daté cette troublante affaire de 1624 et l’a mieux expliquée dans son Histoire générale et particulière de la ville de Calais… (Paris, Guillaume François Debure le jeune, 1766, tome second, in‑4o, pages 497‑498) :

    « La peste n’était pas le seul mal qui affligeât la ville de Calais ; elle était de plus troublée par des dissensions qu’occasionnait la différence de religion parmi les citoyens. L’annaliste de cette ville rapporte, sur la foi de la tradition, que les démêlés à ce sujet devinrent cruels et que, des reproches, les deux partis passèrent à des procédés meurtriers ; que quatorze capucins furent les vicimes de cette animosité ; qu’un seigneur allemand de la Maison de Brandebourg, venu pour s’embarquer dans ce port et pour passer en Angleterre, sous prétexte d’exercer la charité envers ces religieux, leur envoya du vin dans lequel il avait mis secrètement du poison ; un seul frère résista à la violence de cette liqueur, et eut le temps de prendre du contrepoison. On lit aussi dans un manuscrit de ce temps que ce fut le duc de Brunswick {a} qui fit aux capucins le perfide présent d’un tonneau de vin empoisonné. L’on crut d’abord qu’ils étaient morts pour s’être trop exposés en soulageant les pestiférés, ce qui est assez vraisemblable, {b} mais on crut avoir assez de preuves du contraire, et qu’ils avaient péri de la manière dont je le rapporte. L’auteur de la Franciade ajoute à ce détail ces circonstances-ci : que ce fut par une bouteille de vin empoisonné que ce malheur arriva, et que parmi ceux qui en moururent étaient le Père Florentin, le plus zélé à la conversion des hérétiques, et le fils du célèbre Casaubon. {c} Ils furent tous inhumés comme des pestiférés, hors des murs de la ville, dans le cimetière de la paroisse du faubourg Saint-Pierre. L’endroit de leur sépulture est encore remarquable par une croix de pierre, auprès de laquelle l’on a gravé sur une pierre le genre et le temps de leur mort. »


    1. Friedrich Ulrich von Brunswick-Wolfenbüttel (1591-1634), faible prince, était adonné à la boisson, son règne fut profondément calamiteux ; mort sans descendance, il a été suivi par le duc Auguste le Jeune (v. note [1], lettre 428).

    2. « Plus vraisemblable, sans doute, que l’empoisonnement. De quelle utilité était-il de faire périr tout un couvent de capucins, qu’il est aisé de remplacer pour remplir les mêmes fonctions ? L’antipathie entre les catholiques et les protestants a occasionné bien des fausses anecdotes dans les mémoires de ce temps » (note de l’abbé Lefebvre).

    3. Lefebvre cite ici ces mauvais vers de La sainte Franciade, contenant la vie, gestes et miracles du bienheureux patriarche saint François… de Jacques Corbin (Paris, Nicolas Rousset, 1634, in‑12) :

    4. « Il voit aussi mourir tous ses fils si dévots,
      À Calais dévoués comme pures victimes,
      Pour vaincre les erreurs des peuples maritimes.
      Entre autres est le fils du docte Casaubon,
      Des lettres le génie, et de plus a de bon
      La piété, la foi, rentré comme fidèle
      en l’Église romaine et seule universelle,
      Vêtu, mort dans l’habit des pères capucins,
      Et maintenant reluit entre les plus hauts saints.
      Martyr de Jésus-Christ, comme sont tous les autres,
      Pour la conversion envoyés comme apôtres,
      Le Père Florentin, d’une puissante voix,
      Convainquit l’hérésie et la mit aux abois ;
      De là vint l’attentat, pour lui fut la partie
      De la fausse bouteille à eux tous départie,
      Confite en un poison si vif et violent,
      Qu’ils en moururent tous chacun en avalant. »


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces).

    22.

    V. note [30], lettre 1019, pour Agostino Mascardi, dont Gabriel Naudé déclinait ici quelques titres officiels, en le comparant à Jean-Louis Guez de Balzac (v. note [7], lettre 25), pour sa plume, et sans doute aussi pour ses mœurs (v. infra note [23]).


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 146 :

    « Aug. Mascardus. Agostino Mascardi, professeur d’éloquence à Rome et camérier d’honneur d’Urbain viii, {a} était de Sarzana dans l’État de Gênes. Il mourut dans sa patrie en 1640, âgé de 49 ans. Le Rossi nous apprend que, quoiqu’il eût 500 écus d’appointements, il était toujours chargé de dettes et ne se vit jamais en état de se pouvoir choisir une demeure fixe. » {b}


    1. Un camérier est un officier de la chambre d’un prélat romain, pape ou cardinal. V. supra note [16] pour Urbain viii, pape de 1623 à 1644.

    2. La Ianis Nicii Erithræi Pinacotheca imaginum illustrium doctrinæ vel ignenii laude, Virorum, qui, auctore superstite, diem suum obierunt [Galerie des portraits d’hommes qui ont brillé par la gloire de leur érudition ou de leur génie, et qui sont morts du vivant de son auteur, Janus Nicius Erythræus (Giovanni Vittorio Rossi, v. infra note [23])] (Cologne, Cornelius ab Egmond, 1643, in‑8o) contient une courte biographie de Mascardi, avec cette conclusion (page 113) :

      Sed homo in re familiari negligens, profusus, nulla pecuniæ accessione suppeditare suis sumptibus poterat, in suis nummis nunquam, in ære alieno semper : et, quod mireris magis, nunquam certis ac conductis ædibus habitavit, sed incertis atque precariis. Postremo tabe confectus, sua in patria non ita longum vitæ suæ cursum confecit.

      [Mais cet homme négligeait les affaires domestiques, il était prodigue, incapable de subvenir à ses dépenses, quelque fût son revenu : il ne payait jamais avec son argent, toujours avec celui qu’il empruntait aux autres ; et, ce qui vous étonnera fort, il n’a jamais loué un logis fixe et, mais toujours habité dans dans des lieux précaires et instables. Sa santé ruinée, il a finalement regagné sa patrie pour y terminer rapidement ses jours].


    23.

    Janus Nicius Erythræus (« en italien » Giovanni Vittorio Rossi ; Rome 1577-ibid. 1647) a laissé de nombreux ouvrages d’érudition rédigés en latin. Le plus utile aujourd’hui est sa Pinacotheca imaginum [Galerie de portraits] (Cologne, 1643, v. supra notule {b}, note [22]).

    Avec sa remarque sur le célibat (qu’il a lui-même respecté toute sa vie), Gabriel Naudé sous-entendait que Rossi était homosexuel (v. infra note [72]), à l’instar d’Antonio Mascardi et Jean-Louis Guez de Balzac, cités dans la note [22] supra.


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 146‑149 :

    « Janus Nicius Erythræus, Gio. Vittorio Rossi : il a fait plusieurs autres ouvrages dont on peut voir la liste dans la Bibliothèque romaine de Mandosio. {a} Celui qu’il a intitulé Pinacotheca virorum illustrium est le plus considérable, quoiqu’il ne paraisse pas avoir toujours été fort judicieux dans le choix de ses héros. On peut trouver dans le traité auquel il a donné le nom d’Eudemia l’idée d’une république bien policée. {b} Il mourut dans une maison de campagne près de Rome le 13 novembre 1647, {c} âgé de plus de 70 ans. Il prenait les qualités de Civis Romanus Aquæ Marnæ. Comme ce dernier emploi nous est peu connu, il ne sera pas inutile de l’entendre dire lui-même ce qu’il en savait : Ego autem ad meum officium quod attinet, nunquam scivi quænam esset hæc Aqua Marana, unde oriretur, qua flueret, quid utilitatis ex ea Populus Romanus acciperet : tantum audivi extra portam Cœlimontanam non procul ab urbe illam excurrere, molasque aliquot frumentarias suo cursu versare. Sed quoniam hæc officia annuam pecuniam habet adnexam, alia majorem, alia minorem, ideo pro ratione illius pecuniæ, alia carius, vilius alia venduntur. {d} Barth. Nihusius se chargea du soin de faire imprimer toutes les œuvres du Rossi. L’édition s’en fit non < pas > à Cologne, comme le titre le porte, mais à Amsterdam, par Blaeu, ainsi qu’on le découvre par plusieurs lettres d’Erythræus, dans lesquelles il est parlé de ce libraire sous le nom de Cæsius. {e} Tout le monde sait aussi que Fabio Chigi, nonce à Cologne et depuis pape, est le Tyrrhenus à qui sont adressés deux volumes de lettres écrites par le même Erythræus. » {f}


    1. Bibliotheca Romana seu Romanorum scriptorum Centuriæ. Authore Propsero Mandosio, nobili Romano Ordinis Sancti Stephani Equite. Volumen secundum [La Bibliothèque romaine, ou les Centuries des écrivains romains. Par Prospero Mandosio (1643-1724), noble romain, chevalier de l’Ordre de Saint-Étienne. Second volume] (Rome, 1692, Franciscus de Lazaris, in‑4o) : centurie 9, pages 251‑255.

    2. Iani Nicii Erythræi Eudemiæ libri decem [L’Eudemia de Janus Nicius Erythræus, en dix livres] (Cologne, Iodocus Kalcovius et associés, 1645, in‑8o, avec le portrait de l’auteur ; première édition en 8 livres, en 1637). L’Argumentum [Argument] éclaire le propos de l’ouvrage :

      Cum Sejani conjuratio, contra Tiberium inita, palam esset, Flavius Vopiscus Niger, et Paulus Æmilius Verus, ejusdem conjurationis conscii, veriti ne indicarentur, statuunt, fuga sibi consulere ; quamobrem conscenso navigio, quod in Africam solvebat, post longam ac prosperam navigationem, adversa tempestate abrepti, ab eaque diu multumque exagitati, in unam ex insulis Mauritaniæ, Edemia nomine, aliis etiam Mauris incognitam, abstrahuntur ; ubi naufragi et incerti vagantes, a Gallonio, cive Romano, qui quinquennium ante eodem tempestate delatus fuerat, excipiuntur, et partim ab eo, partim suis ipsi oculis, de eorum hominum moribus multa percipiunt.

      [Quand la conjuration de Séjan, fomentée contre Tibère, fut mise au jour, Flavius Vopiscus Niger et Paulus Æmilius Verus, {i} qui en avaient connaissance, dans la crainte d’être dénoncés, se décidèrent à prendre la fuite. Étant donc monté à bord d’un bateau en partance pour l’Afrique, après une longue et heureuse navigation, ils furent assaillis par une fâcheuse tempête qui les malmena longuement et sévèrement, et les entraîna sur une des îles de la Mauritanie, nommée Eudemia, {ii} dont les autres Maures ignoraient même l’existence. En y errant à l’aventure, les naufragés furent accueillis par Gallonius, citoyen romain qu’une semblable mésaventure avait jeté là cinq ans auparavant ; et de lui, comme de leurs propres yeux, ils apprirent quantité de choses sur les mœurs de ces hommes]. {iii}

      1. Ces deux comparses sont imaginaires : la fiction d’Erythræus brode sur les exactions de Séjan, favori de l’empereur Tibère au ier s. (v. note [21], lettre 417).

      2. Erythræus a emprunté le nom de cette île à Pline l’Ancien (Histoire naturelle, livre iv, xxiii), qui ne l’a pas située en Mautitanie (Maghreb), mais dans le golfe Thermaïque (ou de Thessalonique) en mer Égée (Littré Pli, volume 1, page 196).

      3. La fable politique d’Erythræus figure parmi celles que quelques auteurs du xviie s. ont imaginées dans le sillage de l’Utopia de Thomas More (1512) : v. note [19] du Patiniana II‑2.
    3. « Moréri dit le 15, mais c’est une faute. Les ides de novembre, qui sont le jour de sa mort, tombent assurément sur le 13 de ce mois » (note de Vitry) : Grand dictionnaire de Moréri (1698, tome 4, page 292).

    4. « Quant à ma charge, je n’ai jamais su ce qu’était cette Aqua Marana, d’où elle provenait, où elle s’écoulait, quelle utilité en tirait le peuple romain. J’ai seulement ouï dire qu’elle sortait de la ville non loin de la Porte Cælimontane et que son cours faisait tourner quelques moulins à farine ; mais parce qu’une rente annuelle, tantôt élevée, tantôt minime, est annexée à ces charges, elles se vendent plus ou moins cher. »

      Sur le plan de la Rome antique reconstitué par Rodolfo Lanciani (1870), l’Aqua Marana est une petite rivière qui coule d’est en ouest pour se jeter dans le Tibre au sud du centre historique de la ville.

    5. Vitry voulait dire que Bartholdus Nihusius (v. note [4], lettre de Thomas Bartholin, datée du 17 juillet 1647) a édité la plupart des ouvrages d’Erythræus, en les faisant imprimer à Amsterdam par Jan Blaeu (v. note  [13], lettre 428), sous les faux noms de Coloniæ Ubiorum, apud Jodocum Kalcovium et socios [Cologne (Colonie des Ubiens), chez Jodocus Kalcovius et associés].

      Cæsius est le qualificatif latin qui désigne la couleur bleu-vert des yeux pers, et bleu se dit blauw en néerlandais.

    6. Iani Nicii Erythræi Epistolæ ad Tyrrhenum [Lettres de Janus Nicius Erythræus à Tyrrhenus] (Cologne, Jodocus Kalcovius et associés, 1645, in‑8o) et tomus posterior [second tome] (ibid. et id. 1649) ; v. note [3], lettre 399, pour Fabio Chigi, pape de 1655 à 1667 sous le nom d’Alexandre vii.

    24.

    Exact abrégé de la vie de Marco Antonio (Markantun en croate) de Dominis (île de Rab en Croatie 1560-Rome 1624) : jésuite en 1579, archevêque de Split en 1602, gagné par l’esprit de la Réforme, il s’exila en Angleterre en 1616, se convertit au protestentantisme et se consacra aux travaux d’écriture ; expulsé d’Angleterre en 1622, il rentra à Rome et se refit catholique ; d’abord dans les faveurs du pape Grégoire xv (v. supra note [3]), il fut emprisonné au château Saint-Ange (v. notule {d}, note [46] du Naudæana 3) en 1624 ; mort la même année, il échappa à l’exécution capitale qui avait été prononcée contre lui.

    Gabriel Naudé citait ici son Euripus seu de fluxu et refluxu maris sententia… [Euripe ou jugement sur le flux et le reflux de la mer…] (Rome, Andreas Phæus, 1624, in‑4o de 72 pages), question de géographie maritime qui captivait alors les naturalistes (v. supra note [13] pour le livre de Girolamo Borri paru en 1592 sur le même thème) et inspirait les ennemis de la circulation harvéenne du sang (v. notes [18], lettre 192, et [4], lettre 483).

    En Méditerranée, les marées de grande amplitude ne s’observent que dans les estuaires de certains fleuves (comme l’Euripe). Dominis rattachait ce phénomène au mélange des eaux douces et salées, plutôt qu’à l’attraction exercée par la Lune (qui expliquait les marées océaniques). Une autre hypothèse le liait aux différences de température des eaux provoquées par les vents.

    25.

    V. note [21], lettre 408, pour Abraham Bzovius, dominicain polonais, l’un des continuateurs des Annales ecclesiastici de Baronius (v. note [6], lettre 119).

    26.

    V. note [15], lettre 604, pour le duc d’Ossone (Osuna), qui fut vice-roi de Naples de 1616 à 1620.

    François de Bonne de Lesdiguières (1543-1626), militaire protestant originaire du Dauphiné fut le plus fidèle compagnon d’armes du roi Henri iv, puis servit la reine régente, Marie de Médicis. La Couronne le combla d’honneurs : maréchal de France en 1609, duc et pair en 1611, et connétable en 1621, après sa conversion au catholicisme.


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 149‑150 :

    « Il fallait dire Ossuniana conjuratio. J’en ai vu deux éditions : la première a pour titre Ossuniana conjuratio […], anno 1623, in 4. Allatius, qui dit que cet ouvrage est de Bartolomeo Tortoletti, ajoute que, quoique le lieu de l’impression ne soit pas marqué, ce fut cependant à Venise qu’elle se fit ; {a} l’autre édition est intitulée Motus Neapolitanus ob tergiversationem Ducis Ossunæ in Regni præfectura cardinali Borgiæ successori designato tradenda, anno 1623, in 4, {b} cette dernière est d’un caractère plus menu et plus serré que la précédente. Tortoletti devait retoucher à cette relation et en donner une histoire complète, si nous en croyons l’auteur cité ci-dessus, {c} mais je ne crois pas qu’elle ait paru. »


    1. « Allatius Ap. Urban. pag. 60 » (note de Vitry) : v. infra première notule {a} de la note [68] pour les Apes urbanæ [Abeilles citadines] de Leo Allatius (Rome, 1633) : la bibliographie de Bartolomeo Tortoletti et son commentaire y occupent les pages 59‑62.

    2. Le titre de cet ouvrage anonyme (lui aussi attribué à Tortoletti par Allati) se traduit par : « L’Émeute napolitaine provoquée par les tergiversations du duc d’Ossone pour céder la direction du royaume au cardinal Borgia, son successeur désigné. »

    3. « Allatius ibid. » (note de Vitry).

    27.

    « Les poissons n’ont ni cou ni poumon ; les reptiles n’ont pas non plus de poumon. Aucun n’animal n’a de poumon s’il n’a pas de cou ; et ces oiseaux marins du genre des foulques, vulgairement appelés macreuses, ont un poumon : ce ne sont donc pas des poissons. »

    Ce coq-à-l’âne de zoologie comparée (que le P. de Vitry n’a pas commenté) tombe au beau milieu d’une prosopographie italienne. Sans m’attarder sur l’appareil respiratoire des poissons et des reptiles, j’emprunte à Gilles Ménage (Dictionnaire étymologique, Paris, 1694, page 324) sa définition de la foulque :

    « oiseau de mer ; de fulica, mot ancien. Isidore livre xii, chap. i, parle ainsi de l’étymologie de ce mot latin : Fulica, dicta quod caro ejus leporinam sapiat ; lagos enim lepus dicitur ; unde et apud Græcos lagos dicitur ; {a} ce que je n’entends pas, n’y ayant guère de rapport de fulica avec lagos. M. de Caseneuve dérive fort bien fulica, de fuligo, à cause de la noirceur de cet oiseau, pour laquelle nous l’appelons diable de mer. » {b}


    1. « La foulque est ainsi nommée parce que sa chair a le goût de celle du lièvre, lagos en grec, lepus en latin. » Ce passage se trouve dans le livre xii, mais au chapitre vii (De avibus [Les oiseaux]), des Etymologiæ (édition de Venise, 1483, page 64 ro, au bas de la 2e colonne) d’Isidore de Séville (v. note [22], lettre 101).

    2. Pierre de Caseneuve (1591-1652) est l’auteur des Origines françaises que Ménage a reprises dans son Dictionnaire.

      Ces savants étymologistes rapprochaient le nom latin fulica [foulque] de fuligo [suie].

      La description évoque le cormoran (corbeau marin) ; mais les autres dictionnaires anciens donnent à foulque le sens d’oiseau d’eau douce, autrement appelé poule d’eau.


    Dans sa définition de la macreuse, Furetière explique les hésitations de Naudé :

    « Oiseau maritime qui ressemble à un canard, et qui passe pour poisson, à cause qu’il a le sang froid, de sorte qu’on permet de le manger en carême [v. note [10] du Naudæana 3]. Une macreuse en ragoût est un manger délicieux. On a cru que les macreuses s’engendraient de l’écume de la mer, ou du bois pourri des vieux vaisseaux, où on les trouvait attachées par le bec, d’où elles se détachaient quand elles étaient bien formées. Mais le Sr Childrey dans son Livre des merveilles d’Angleterre {a} soutient qu’elles viennent d’un œuf couvé comme les autres oiseaux, et que ce sont de vrais canards ; et qu’il y en a si grande quantité en Écosse qu’elles obscurcissent le soleil en volant, et qu’elles y apportent tant de branches pour faire leurs nids que les habitants en ont assez pour faire leur provision de bois. M. Graindorge, médecin de Montpellier, a fait aussi un traité de leur origine, {b} et dit qu’il y en a une furieuse quantité dans le Nord jusque dans le Groenland. Il y a aussi un poisson nommé macreuse, qu’on appelle autrement diable de mer, en latin fulica, qui est une espèce de poule de mer fort noire. »


    1. Joshua Childrey (1623-1670), Histoire des singularités naturelles d’Angleterre, d’Écosse et du Pays de Galles… Traduite de l’anglais de Monsieur Childrey par M.P.B. (Paris, Robert de Ninville, 1667, in‑12).

    2. Le Traité de l’origine des macreuses… (Caen, Jean Poisson, 1680, in‑8o) est un ouvrage posthume d’André Graindorge (v. note [3], lettre 546).

    28.

    « Mais, comme quantité de choses sont inconnues et inaccessibles au genre humain, il a conté des sornettes en maints endroits, et il a brillamment témoigné de la faiblesse des hommes, tout comme de sa propre inconstance. »

    V. note [30], lettre 6, pour Jérôme Cardan (Gerolamo Cardano).

    29.

    « Il a plus écrit qu’il n’a lu, et plus enseigné qu’il n’a étudié. Une fois bien vieux, il a satisfait aux lois de la nature [en mourant] l’an 1576 ».

    30.

    « étant alors lui-même âgé de 76 ans. Il a laissé quantité d’anecdotes, principalement dans son livre de Arcanis æternitatis »

    V. note [2], lettre 430, pour le pape Grégoire xiii (1572-1585).

    Le De arcanis æternitatis Tractatus [Traité sur les arcanes de l’éternité] figure dans le Hieronymi Cardani Mediolanensis Philosophi ac Medici celeberrimi Operum tomus decimus, quo continentur Opuscula miscellanea… [Tome dixième des Œuvres de Jérôme Cardan, très célèbre philosophe et médecin, natif de Milan, qui contient des opuscules divers…] (Lyon, 1663, v. note [8], lettre 749) : écrit en 1530, il est composé de 21 chapitres, pages 1‑46 ; je n’en ai pas trouvé d’édition antérieure.


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 150 :

    « Il n’est rien sur quoi les auteurs varient davantage que sur la naissance et la mort de Cardan. Le sentiment le plus plausible est qu’il naquit à Pavie le 24 septembre 1501, {a} et mourut vers le mois d’octobre 1576. Le traité de Arcanis æternitatis a été depuis imprimé avec ses autres ouvrages en 1663. »


    1. V. notule {a}, note [96] du Faux Patiniana II‑7, pour l’autobiogrphie de Cardan, où il se dit né le 1er octobre 1508.

    31.

    Louis de Thomassin d’Eynac (Aix-en-Provence 1619-Patis 1695), prêtre de l’Oratoire, a publié un grand nombre d’ouvrages de théologie et d’histoire religieuse.

    Carlo Emmanuele Pio (Ferrare 1585-Rome 1641) avait été nommé cardinal en 1604.

    32.

    « de Subtilitate adversus Cardanum, relève soigneusement partout ses erreurs, et dit que, par endroits, il a une intelligence surhumaine, mais qu’ailleurs il s’y entend moins que les petits enfants. » {a}


    1. V. note [5], lettre 9, pour les Extericæ exercitationes [Essais publics] (Paris, 1557) de Jules-César Scaliger, où il attaquait le 15e des 21 livres de Jérôme Cardan De Subtilitate [Sur la Subtilité] (Nuremberg, 1550, v. note [30], lettre 6).

    33.

    « de la situation des âmes après la mort ». V. note [40] du Naudæana 4, pour le livre de Cardan de Immortalitate animorum [sur l’Immortalité des esprits] (Lyon, 1545).

    Le scepticisme indécis et changeant de Cardan a dérouté tous ceux qui se sont penchés sur ses œuvres, et Gabriel Naudé n’y faisait pas exception.

    34.

    V. supra note [6], pour La Sagesse de Pierre Charron (Bordeaux, 1601), que Gabriel Naudé comparait ici aux Hieronymi Cardani Medici Mediolanensis, de Sapientia libri quinque… [Sept livres de Jérôme Cardan, médecin natif de Milan, sur la Sagesse…] (Nuremberg, 1544, v. note [6], lettre 901).

    35.

    V. note [6], lettre 901, pour le « Courtier, ou [livre] sur la Compétence civique » de Cardan (édition de Leyde, 1627).

    36.

    V. note [7], lettre latine 371, pour Cælius Rhodiginus.


    Les Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 150‑151,
    m’ont ici tiré d’embarras pour Bonifacius :

    « Cælius Rhodiginus s’appelait Ludovicus Richerius ; son surnom de Rhodiginus lui fut donné à cause de sa patrie, Rovigo, ville de l’État de Venise, dans laquelle il naquit en 1450. Il mourut à Padoue en 1520. Le discours dont il est parlé dans cet article est de Joannes Bonifacius, qui mourut le 24 juin 1635, âgé de 88 ans. Je crois qu’il n’a jamais été fait qu’en italien ; en voici le titre : Oratione del Signor Giovanni Bonifaccio Giureconsolto, et Assessore al Consiglio di Rovigo per dirizzare una statua a Celio Ricchiero Rodigino ; in Rovigo appresso Danieli Bissucio, 1624, in 4. {a} Il y a quelque apparence qu’il ne persuada pas ses compatriotes de rendre cet honneur à la mémoire de Cælius, puisqu’il fut obligé de lui en faire élever une à ses propres dépens. »


    1. « Discours du Sieur Giovanni Bonifaccio [Johannes Bonifacius], jurisconsulte et assesseur au Conseil de Rovigo pour ériger une statue à Celio Ricciero Rodigino ; imprimé à Rovigo par Daniele Bisuccio, 1624, in‑4o. »

    37.

    « Il a beaucoup écrit. »

    Augustinus Origius (Agostino Oreggi, Santa Sofia, Émilie-Romagne 1577-Bénévent, Benevento en Campanie 1635) était de modeste origine mais bien plus savant que ne laissait entendre Gabriel Naudé : titulaire de trois doctorats (philosophie, théologie, et droit civil et canon), il avait aussi étudié le grec et les langues orientales. Théologien de haute renommée à Rome, le saint cardinal Bellarmin (v. note [16], lettre 195) l’appelait il suo teologo [son théologien], et le pape Urbain viii (Maffeo Barberini), il suo Bellarmino [son Bellarmin]. L’un des accusateurs de Galilée, Origius fut nommé cardinal en 1633 et, la même année, archevêque de Bénévent. Le site The cardinals of the Holy Roman Church mentionne un canonicat à Faïence (v. note [41] du Naudæana 3) en 1605, et non à Spolète (Ombrie), évêché dont Maffeo Barberini avait été titulaire de 1608 à 1617.

    Les trois Barberins, neveux de Maffeo, étaient le « cardinal Barberin », Francesco (v. note [7], lettre 112), Taddeo (v. note[8], lettre 132), et le « cardinal Antoine », Antonio (v. note [4], lettre 130).

    Les bibliographies recensent neuf ouvrages de philosophie et de théologie qu’il a publiés en latin, mais je ne les ai pas trouvés réunis en un seul volume.

    38.

    Gian Vincenzo Pinelli (v. note [20], lettre 77) est surtout connu aujourd’hui pour avoir été le mentor de Galilée et avoir assemblé l’une des plus riches bibliothèques privées d’Europe au xvie s.

    Gabriel Naudé citait la :

    Vita Ioannis Vincentii Pinelli, Patricii Genuensis. In qua studiosis honorarum artium, proponitur typus viri probi et eruditi. Auctore Paulo Gualdo, Patricio Vicetino.

    [Vie de Gian Vincenzo Pinelli, {a} de souche génoise. Elle offre aux amoureux des arts nobles l’image d’un homme probe et érudit. Par Paolo Gualdo, {b} de souche vicentine]. {c}


    1. Avec son portrait.

    2. Paolo Gualdo (Vicence 1553-Padoue 1621), érudit italien, archiprêtre de la cathédrale de Padoue, fut ami de Galilée et secrétaire de Pinelli. Il est curieux qu’il ait eu besoin d’aide pour écrire en latin, car il devait être suffisamment savant pour le faire tout seul.

    3. Augsbourg, Christophorus Mangus, 1607, in‑4o de 140 pages. Je n’y ai vu nulle part le nom d’Origius.


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 151‑153 :

    « Augustinus Oregius. Cet article mériterait sans doute une critique plus sévère si l’on n’appréhendait que de telles minuties n’ennuyassent le lecteur. On ne peut cependant s’empêcher de le renvoyer, pour ce qui regarde ce cardinal, à ce qu’en ont dit Allatius et le Rossi, {a} et de remarquer que la vie de Pinelli fut imprimée en 1607 et non en 1608. Ajoutons que puisque l’auteur du Naudæana est le premier, que l’on sache, qui ait dit cette particularité de la traduction de cette vie par Oregius, il n’eût pas été inutile d’appuyer ce fait de quelque preuve ; mais il ne serait peut-être pas facile d’en trouver, et je ne doute point que ce ne soit une méprise de celui qui a eu soin du manuscrit du Naudæana, qui a attribué au cardinal Oregio ce que M. Naudé avait voulu dire de Pignorius, dont il est parlé dans l’article suivant, car on sait que c’est à ce dernier qu’on croit être redevable de la traduction de la vie de J. Bapt. Pinelli : v. Placcius de Auct. suppos. et anonym. {b} Le Card. Oregio mourut à Bénévent le 12 juillet 1635, âgé de 58 ans. »


    1. Articles sur Augustinus Oregius dans :

      • les Apes urbanæ [Abeilles citadines] de Leo Allatius (Rome, 1633, v. infra première notule {a} de la note [68]), pages 56‑57 ;

      • la Pinacotheca de Rossi (Erythræus, Cologne, 1643, v. supra notule {b}, note [22]), pages 40‑41.

    2. Très ingénieuse remarque de Vitry, qui cite à l’appui le Catalogus Auctorum qui suppresso vel ficto nomine prodierunt, quem Petrus Scavenius Designationi librorum Bibliothecæ Regis Daniæ sua cura additorum, Hafniæ 1665 in 4to editæ subjecit [Catalogue des auteurs qui ont publié anonymement ou sous un nom fictif, que Petrus Scavenius (Peder Lauridsen, v. note [1], lettre latine 46) a joint à la Description des livres dont ses soins ont enrichi la Bibliothèque du roi de Danemark, parue à Copenhague, 1665, in‑4o], transcrit dans le De scriptis et Scriptoribus anonymis et pseudonymis Syntagma [Traité sur les écrits et les écrivains anonymes et pseudonymes] de Vincent Placcius (v. note [2], lettre latine 360), Hambourg, Christianus Guthius, 1674, in‑4o (article 49, page G3 vo) :

      Vitam Pinelli in Latinum traduxit Laurentius Pignorius.

      [Lorenzo Pignoria (v. supra note [40]) a traduit en latin la Vie de Pinelli].


    L’alinéa séparant cet article de celui qui le suit aurait dû être mis juste avant le Multa scripsit qui est commenté dans la note [37] supra. Cette erreur n’est pas un mastic de l’imprimeur : elle figure à la page 13 du manuscrit de Vienne (v. note [12] de l’Introduction aux ana de Guy Patin). Néanmoins, je n’ai pas non plus trouvé d’édition romaine en un volume des œuvres de Pignoria : Giacomo Filippo Tomasini les a seulement recensées avec le plus grand soin dans le long éloge qu’il lui a consacré (v. infra note [40]).

    39.

    « qui a beaucoup écrit ».

    L’église Saint-Laurent de Padoue (chiesa di San Lorenzo) a été démantelée au début du xixe s.

    40.

    Laurentius Pignorius (Lorenzo Pignoria ; Padoue 1571-ibid. 1631) a bénéficié d’une longue notice dans le Supplément au Dictionnaire de Bayle (Jacques Georges de Chauffepié, Amsterdam et La Haye, association de libraires, 1753, in‑4o, tome troisième, pages 177‑179), auquel j’emprunte cet extrait :

    « En 1602, il entra dans les ordres sacrés, et Marc Cornaro, évêque de Padoue, {a} instruit de son mérite, le prit pour son secrétaire. Ce prélat ayant fait le voyage de Rome en 1605, y mena Pignorius avec lui : il s’y occupa deux ans à visiter les antiquités de cette ville, à fréquenter les bibliothèques, à conférer les anciens manuscrits, et il acquit l’estime des savants, particulièrement des cardinaux Baronius et Cobelluccius ; {b} on voulut même l’arrêter à la cour de Paul v, {c} mais […] son attachement pour l’évêque, son patron, le déterminèrent à revenir à Padoue […] ; il fut ensuite confesseur des religieuses de Sainte-Claire ; celles de Saint-Étienne le prirent après cela pour le leur, et le nommèrent curé de l’église de Saint-Laurent. Dans ces différents postes, il donnait tous ses moments de loisir à l’étude de l’Antiquité, qui faisait tous ses délices, et dans laquelle il se rendit très habile, comme ses ouvrages en font foi. {d} Tout ce qu’il pouvait épargner de ses revenus servait à former un riche cabinet de curiosités de l’art et de la nature, et de manuscrits, tant latins que grecs et italiens. Galilée lui offrit une chaire de belles-lettres et d’éloquence dans l’Université de Pise, mais l’amour de la patrie et du repos la lui fit refuser. En 1630, le cardinal François Barberin {e} lui procura un canonicat de l’église de Trévise, mais il n’en jouit pas car, dans le temps qu’il se disposait à en aller prendre possession, il fut attaqué de la peste qui régnait à Padoue et mourut […]. Il était de l’Académie des Ricovrati {f} de Padoue, dont il faisait un des principaux ornements. Dominique Molino, noble vénitien, le mécène des gens de lettres et grand protecteur de Pignorius, {g} lui fit mettre cette inscription sous le portique de l’église de Saint-Laurent :

    D.O.M. Laurentio Pignorio, alteri hujusce Ecclesiæ primum Parocho, deinde Tarvisii Canonico, pietate ac morum sanctitate spectatissimo, vero candoris et pudoris exemplo, litterarum omnium, cum graviorum, tum politiorum peritissimo, penitioris Antiquitatis, non minus certo, quam curioso indagatori, Patriæ, Amicorum, et sui ipsius memoriæ, luculentissimis scriptionibus propagatori, Musarum denique et Gratiarum Corcuculo, et Ocello. Dominicus Molinus Sen. Ven. Amico ac hospiti carissimo et jucundiss. P. Ob. anno 1631. Idibus Junii, vixit annos 59, menses 8. » {h}


    1. Marco Cornaro, évêque de Padoue de 1594 à 1625.

    2. V. note [6], lettre 119, pour le cardinal Baronius (Cesare Baronio), et [43] infra, pour son collègue Cobelluccius (Cobelluzzi).

    3. Camillo Borghese, élu pape en 1605, v. note [5], lettre 25 ; « arrêter » : attacher.

    4. Pignorius a publié de nombreux livres, en latin et en italien, principalement consacrés à l’histoire antique et à la linguistique.

    5. Le cardinal Barberin, v. note [7], lettre 112.

    6. V. note [165] des Déboires de Carolus.

    7. Gabriel Naudé qualifiait Domenico Molino de provéditeur, « grand officier d’armée qu’on nomme ainsi en Italie, et particulièrement à Venise » (Furetière).

    8. « À Dieu tout-puissant, pour Laurentius Pignorius, d’abord l’un des deux curés de cette église, ensuite chanoine de Trévise ; tout à fait remarquable pour sa piété et la sainteté de ses mœurs, véritable exemple de candeur et de délicatesse ; très fin connaisseur des lettres, tant pesantes que raffinées ; explorateur, non moins fiable que curieux, de la haute Antiquité, dont les très brillants écrits ont perpétué la mémoire de sa patrie, de ses amis et de sa propre personne ; adorateur et perle des Muses et des Grâces. Dominicus Molinus, sénateur de Venise, et son très cher et agréable ami et bienfaiteur. Pignorius mourut le 13 juin 1631, il a vécu 59 années et 8 mois. »


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 153 :

    « Jac. Phil. Tomasini fit imprimer en 1632 l’éloge de Laurenti Pignoriosic >, avec le catalogue des ouvrages et des raretés du cabinet de ce fameux curieux. Depuis, il l’inséra tout entier dans la seconde partie de ses Éloges d’hommes illustres. {a} Pignorius était né le 12 octobre 1571 et mourut le 15 juin 1631. Il avait obtenu quelque temps avant sa mort un canonicat à Treviso. »


    1. Iacobi Philippi Tomasini Patavini Episcopi Æmoniensis Elogia virorum Literis et Sapientia Illustrium ad vivum expressis imaginibus exornata. Ad Sacram Maiestatem Christianissimæ Reginæ Annæ Galliæ et Navarræ Regentis.

      [Éloges d’hommes illustres par leurs écrits et leurs sagesse, illustrés de gravures qui les représentent sur le vif. Par Giacomo Filippo Tomasini, évêque d’Æmonia, {i} qui les a dédiés à Sa Majesté Anne, {ii} très-chrétienne reine régente de France et de Navarre]. {iii}

      1. V. note [28], lettre 277.

      2. Anne d’Autriche.

      3. Padoue, Sebastianus Sardus, 1644, in‑4o de 393 pages.

      L’éloge de Pignoria occupe les pages 199‑222, avec son portrait.

    41.

    « le Soleil est fixe et la Terre se déplace ».

    V. notes [9], lettre 61, et [19], lettre 226, pour les deux concepteurs de l’héliocentrisme, Nicolas Copernic, au xvie s., et Galilée, au xviie s.


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 153‑155 :

    « Il n’est personne qui ne sache que le célèbre Galilée a grossi de son nom le catalogue des savants malheureux. Après avoir langui dans les prisons de l’Inquisition et avoir été obligé, pour en sortir, de se dédire publiquement d’un sentiment qui, peut-être, {a} n’avait eu aucun autre défaut que celui d’avoir déplu aux inquisiteurs. Pour comble de malheur, il se vit sur la fin de ses jours privé de la vue: rien n’empêche même qu’on ne regarde comme une suite de cette mauvaise fortune le peu de soin qu’ont pris ses compatriotes de faire passer à la postérité les principales actions de sa vie. Ne méritait-il pas que quelque savante plume d’Italie travaillât à l’histoire d’un homme qui, sans exagérer, a fait plus d’honneur à sa patrie que n’en ont fait à la leur les Guarini, les La Galla, {b} et tant d’autres dont le plus grand mérite a été d’avoir eu des amis jaloux de leur réputation ? Du moins devrait-on se mettre en peine de fixer l’âge et la mort de cet illustre mathématicien. En attendant, nous nous contenterons de dire avec le Crasso, le P. Mabillon, {c} etc., qu’il mourut le 9 janvier 1642, âgé de 78 ans. »


    1. Admirable circonspection jésuitique.

    2. Giovanni Battista Guarini (Ferrare 1538-Venise 1612) est un poète et diplomate italien dont les ouvrages ont connu un grand succès ; à moins qu’il ne s’agît ici du religieux théatin Camillo Guarino Guarini (Modène 1624-Milan 1683), qui s’illustra dans les mathématiques et l’architecture.

      V. note [6], lettre latine 194, pour le médecin et astronome Giulio Cesare La Galla, mort en 1624.

    3. « Crasso Elog. d’huom. Illustri, Mabillon It. Italic. p. 166; » (note de Vitry).

      • Le poète et bibliophile Lorenzo Crasso a composé (en italien) des biographies d’hommes illustres : celle de Galilée est aux pages 243‑245 de ses Elogii d’huomini letterati [Éloges de savants hommes] (Venise, Combi et La Noù, 1666, in‑4o). À la fin, il l’y dit simplement mort en 1642, sans indication de mois ni de jour.

      • Le bref témoignage que Dom Jean Mabillon (v. note [2], lettre de Hugues ii de Salins datée du 3 mars 1657) a laissé sur le tombeau de Galilée se lit à la page 166 de son Iter Italicum litterarium annis m dc lxxxxv et m dc lxxxvi [Voyage savant d’Italie, en 1685 et 1686] (sans lieu, ni nom, ni date, in‑4o) :

        Extra basilicam sanctæ Crucis, ad ædes Novitiorum sepultus est celebris ille mathematicus Galilæus Galilæi Florentinus, qui obiit anno m dc xlii, die ix Januarii, ætatis suæ anno lxxviii.

        [À l’extérieur de la basilique Santa Croce, près de l’église des Novices, est enterré Galileo Galilei, ce célèbre mathématicien florentin qui mourut le 9 janvier 1642].

        La basilique de la Sainte-Croix à Florence abrite aujourd’hui le somptueux tombeau de Galilée, achevé en 1737.


    42.

    « et il a beaucoup écrit. »

    V. supra notes [26], pour Bartolomeo Tortoletti, et [31], pour le cardinal Carlo Emmanuele Pio.


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 155‑156 :

    « Barth. Tortoletti était de Vérone et prenait le titre de docteur en théologie. Il nous apprend lui-même qu’il entrait dans la lxxve année de son âge au mois de juin 1643. {a} La plus grande partie de ses ouvrages sont des pièces déloquence, et des poésies latines et italiennes ; entre lesquelles il y en a quelques-unes sur la naissance du roi, {b} sur la mort de Louis xiii, et autres sujets semblables, dont il ne faut pas s’étonner puisque nous apprenons par le Mascurat que le Card. Mazarin lui faisait pension de 200 écus. Il vivait encore en 1648. »


    1. « In Epist. dedicat. Vaticanæ Petræ [Dans l’épître dédicatoire de sa Vaticana Petra] » (note de Vitry) :

      Sacro Sancta, admirabilis, inconcussa Vaticana Petra. Auctore Bartholomæo Tortoletto Sacræ Theologiæ Doctore.

      [La sacro-sainte, admirable et indestructible basilique Saint-Pierre du Vatican. Par Bartholomæus Tortolettus, docteur en théologie sacrée]. {i}

      1. Rome, Ludovicus Grignanus, 1644, in‑8o de 100 pages.
      Épître dédicatoire, page A2 ro :

      quintum post septuagesimum meæ annum vitæ ineo.

      [j’entre dans la 75e année de ma vie].

    2. Louis xiv.

    3. « Mascurat. [v. note [127], lettre 166], p. 239 » (note de Vitry).

    43.

    « sur la manière dont on doit élire le pontife ». Il ne s’agissait pas d’une bulle à proprement parler, qui était l’équivalent, pour le roi de France, d’une lettre patente, mais d’un simple bref, à caractère privé, équivalant à une lettre de cachet (v. note [7], lettre 496).

    Scipio Cobellutius, ou Cobelluccius, est le nom latin de Scipione Cobelluzzi, ou Cobelluzzio (Viterbe, Latium 1564-Rome 1626), nommé cardinal en 1616. Docteur en droit civil et canonique, il assura de nombreuses fonctions au sein de la curie romaine (v. note [8] du Borboniana 1 manuscrit), dont la plus éminente fut celle de bibliothécaire de la Vaticane (1618-1626).

    V. note [20], lettre 80, pour Jean Barclay, auteur de l’Euphormion (1605).

    44.

    « lui seul satisferait à ce fatras ».

    45.

    Le cardinal Francisco Peretti di Montalto, nommé en 1641 (v. note [7], lettre 53, était arrière-petit-neveu du pape Sixte v (et non vi comme imprimé dans le Naudæana), ou Sixte Quint, Felice Peretti (1521-1590), élu en 1585, fils de modestes paysans, qui avait établi la fortune de sa famille. Il est surtout célèbre pour les embellissements qu’il apporta à Rome, dont l’achèvement du dôme de la basilique Saint-Pierre (v. infra note [64]).

    Sans parler de la soumission de Francisco Peretti à l’Espagne, le site The cardinals of the Holy Roman Church explique l’origine de sa vocation sacerdotale :

    Encouraged by his father to get married in order to insure the continuation of the family, he chose the Princess of Cesi to be his future wife. When his father saw the bride, he fell in love with her and decided to marry her. Francesco was very upset seeing himself replaced by his father and left the paternal house and embarked in a long trip. Not wishing to hear again about nuptials and matrimony, he took the sacred orders.

    [Son père l’ayant encouragé à se marier, pour assurer la continuation de la famille, il choisit la princesse de Cesi comme future épouse. Quand son père vit la fiancée, il tomba amoureux d’elle et décida d’en faire sa femme. {a} Francesco fut très dépité de se voir ainsi remplacé par son géniteur et quitta la maison paternelle pour entreprendre un long voyage. Ne souhaitant plus entendre reparler de noces, il entra dans les ordres]. {b}


    1. Michele Damasceni Peretti (1577-1631), prince de Venafro, mit fin à son veuvage en épousant Anna Maria Cesi le 13 novembre 1613.

    2. Francesco fut ainsi le dernier à porter le nom de Peretti.

    46.

    V. note [6], lettre 119, pour le cardinal Baronius (Cesare Baronio), nommé en 1596, et ses monumentales Annales ecclesiastici [Annales ecclésiastiques].

    Gabriel Naudé citait la lettre de Joseph Scaliger à Isaac Casaubon, datée de Leyde, le 27 mai 1606 (notule {a} du 3e extrait cité dans la note [10], lettre 104), où il maudit les cardinaux favorables à Scioppius :

    Unus ex illis Annalium conditor, de Peronato natus patre.

    [L’un d’eux est l’auteur des Annales, fils d’un porteur de guêtres].

    En note de bas de page, Naudé a donné cette explication du mot peronatus :

    « Perones sont des guêtres, quibus tunc tantum utebantur Rustici. »

    [Les perones sont des guêtres, que seuls portaient alors les paysans].

    Camillo Baronio, le père de Cesare, était issu d’une riche famille napolitaine (v. note [30] du Borboniana 5 manuscrit).


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 156 :

    « Hieronymus Barnabeus, qui nous a donné la vie de Baronius en 1651, bien loin de convenir de la bassesse de naissance, que Scaliger avait voulu reprocher à ce cardinal, assure au contraire qu’il était d’une famille noble et ancienne. » {a}


    1. Chapitre i, pages 1‑2 de la :

      Vita Cæsaris Baronii ex Congregatione Oratorii, S.R.E Presbyteri cardinalis et Apostolicæ Sedis Bibliothecarii. Auctore Hieronymo Barbabeo Perusino eiusdem Congregatione Presbytero.

      [Vie de Cesare Baronio, de la Congrégation de l’Oratoire, cardinal-prêtre de la sainte Église romaine et bibliothécaire du Siège apostolique. Par Hieronymus Barnabeus, natif de Pérouge, prêtre de ladite Congrégation]. {i}

      1. Rome, Vitalis Marcadus, 1651, in‑8o de 199 pages.

    47.

    « il s’y est seulement consacré à produire des fables qui plussent au pape » : vers de l’Andria de Térence (v. note [16], lettre 86), où Gabriel Naudé a évidemment remplacé populo [au peuple] par Papæ [au pape].

    V. note [2], lettre 47, pour le pape Clément viii (1592-1605).

    48.

    Les Centuries de Magdebourg, rédigées en latin par des auteurs protestants de cette ville (où Luther avait fondé la Réforme en 1524), sont une série de 13 volumes in‑fo publiés à Bâle de 1559 à 1574, relatant et critiquant l’histoire religieuse des 13 premiers siècles de notre ère. Pour donner une idée de ce monument réformateur, voici le titre complet et la description du dernier tome :

    Decimatertia Centuria Ecclesiasticæ Historiæ, continens descriptionem amplissimarum rerum in Regno Christi, quæ Decimotertio post eius nativitatem seculo acciderunt : cum Imperium Romanorum gubernarent, Philippus Barbarossæ filius, Otto quartus, Fridericus secundus, Cunradus, Rodulphus, Adolphus : et Doctores in Ecclesia celebres essent, Gulielmus Parisiensis, Ioachim Abbas, Alexander de Ales, Innocentius tertius, Bonaventura, Thomas de Aquino, Albertus Magnus, Egidius Romanus, Iohannes Duns Scotus, Hugo, Iacobus de Vitriaco, et alii quidam : eodem ordine, diligentia, fide, ut superiores Centuriæ, ex Historicis, patribus, et aliis scriptoribus : In Ducatu illustrissimorum Principum ac Ducum Megapolensium, in civitate Vuismariæ, per autores contexta. Accessit Rerum verborumque in hac Centuria præcipue memorabilium, tum Locorum Scripturæ explicatorum geminus Index.

    [Treizième Centurie de l’Histoire ecclésiastique, contenant la description des faits les plus importants survenus dans le Royaume du Christ, durant le treizième siècle après sa nativité, tandis que Philippe, fils de Frédéric Barberousse, {a} Otton iv, Frédéric ii, Conrad (iv), Rodolphe (ier), Adolphe (ier) dirigeaient le Saint-Empire ; et que Guillaume de Paris, Joachim de Flore, Alexander Alesius, Innocent iii, Bonaventure, {b} Thomas d’Aquin, Albert le Grand, Gilles de Rome, John Duns Scot, Hugo, Jacques de Vitry, et quelques autres étaient les docteurs célèbres de l’Église. Assemblée par des auteurs placés sous la direction des très illustres princes et ducs de Mégalopolis dans la cité de Magdebourg. Avec un double index des principaux faits et noms qui sont cités, et des passages des Écritures qui sont expliqués dans cette treizième Centurie]. {c}


    1. V. note [25], lettre 449.

    2. Bonaventure de Bagnoregio, théologien franciscain du xiiie s., saint et docteur de l’Église.

    3. Bâle, Officina Oporiniana, 1574, in‑fo de 689 pages imprimées sur deux colonnes.

    49.

    « En 1605, Baronius eût été élu souverain pontife, à ce qu’en rapporte Duperron, si les Espagnols n’avaient pu s’y opposer en raison de ce qu’il avait écrit en ses Annales sur le royaume de Sicile. »

    Deux conclaves se sont tenus en 1605 : le premier, le 1e avril, aboutit à l’élection d’Alessandro Ottaviano de Médicis qui prit le nom de Léon xi et mourut le 27 du même mois ; le second, le 29 mai suivant, élut Camillo Borghese, qui prit le nom de Paul v, dont le pontificat dura 17 ans. Baronius et Jacques Davy Duperron (v. note [20], lettre 146), qui défendait les intérêts de la France contre l’Espagne, ont participé à ces deux assemblées.

    Les ambitions de Baronius sur la tiare pontificale sont longuement décrites dans le livre iii des Ambassades et négociations de l’illustrissime et révérendissime cardinal Duperron… (Paris, Henri le Gras, 1633, in‑4o, 4e édition augmentée), avec cette remarque du cardinal de Joyeuse (v. note [17], lettre 88) dans le rapport du premier concile de 1605 qu’il a dressé à l’intention du roi Henri iv (page 417) :

    « Le mercredi neuvième, {a} le doyen des cardinaux fit lire à la Congrégation une lettre en espagnol que le duc de Feria, vice-roi de Sicile, écrivait au sacré Collège, par laquelle il lui mandait qu’il lui envoyait la copie d’une lettre qu’il écrivait au pape, {b} n’ayant pas encore su sa mort, pour se plaindre du cardinal Baronius sur ce qu’il avait écrit dans ses Annales touchant la monarchie de Sicile ; et priait Sa Sainteté d’y vouloir donner bon ordre, et le sacré Collège de faire cet office envers elle. Sur cela, le cardinal Baronius se leva et fit une très belle apologie sur ses écrits, commençant par le verset du Psaume, Deus laudem meam ne quæsieris, quia os peccatoris et dolosi, apertum est super me ; {c} et dit que les mémoires et instructions sur lesquels il avait dressé ce discours lui avaient {d} été envoyés de France ; mais que la France ne l’eût su faire parce que les pièces desquelles il l’avait composée ne se trouvaient ailleurs que dans la Bibliothèque vaticane ; qu’il n’avait fait cela que par le réitéré commandement du pape, lequel il appelait toujours Pierre, {e} disant que Pierre l’avait vu, lu, relu, considéré et fait voir à trois cardinaux, et commandé expressément qu’il fût publié ; qu’il avait toujours parlé en ce traité avec respect du roi d’Espagne, de qui il était né vassal ; {f} et fini, en trois fois, Dies mali sunt. » {g}


    1. De mars.

    2. Clément viii, mort le 3 mars. Le sacré Collège ou Collège cardinalice est l’assemblée des cardinaux.

    3. « Ô Dieu ! n’attends pas ma louange, parce que la bouche du pécheur et du fourbe s’est ouverte contre moi » (Psaumes, 108:1‑2).

    4. On comprend mieux la défense de Baronius (supposé allié au parti français) en remplaçant « avaient » par « auraient »

    5. V.  seconde notule {b} infra.

    6. Baronius était né en 1538, dans le royaume de Naples, alors espagnol.

    7. « Ce sont de funestes jours » (saint Paul, Lettre aux Éphésiens, 5:16).

    Cette dispute n’empêcha pas le tome xii des Annales ecclesiastici de paraître à Rome en 1607 (Imprimerie vaticane, in‑fo, dédié au pape Paul v). Baronius y relatait page 283 le conflit qui mena en 1139 à la création du royaume de Sicile par le comte normand Roger de Hauteville (1095-1154), Roger ii de Sicile. La mort du pape Honorius ii, en février 1130, avait provoqué une scission du sacré Collège qui aboutit à l’élection simultanée de deux pontifes, Innocent ii (Gregorio Papareschi, mort en 1143) et Anaclet ii. Ce schisme sema le trouble dans la chrétienté. Le royaume de Sicile (qui incluait aussi la Calabre, l’Apulie et Naples) fut fondé dès septembre 1130 par une bulle d’Anaclet. Réfugié au nord de l’Italie, Innocent bénéficiait du soutien des autres pays d’Europe, dont la France, qui se coalisèrent pour engager une guerre contre le roi Roger. Après la mort d’Anaclet, en janvier 1138, les Siciliens se virent contraints d’obtenir la reconnaissance de leur royaume par Innocent, devenu seul et unique pape. Le 22 juillet 1139, ils emporaitent la bataille de Galluccio et emprisonnaient Innocent qui dut s’incliner, le 25 juillet, en signant le traité de Mignano confirmant la royauté de Roger ii. Cela permet de comprendre pourquoi, 466 ans plus tard, le vice-roi espagnol de Sicile pouvait s’irriter du récit de Baronius, puisqu’il y transformait presque Innocent ii en triomphateur de cet âpre conflit :

    Continuo Rex ille per Legatos suos Pontifici Innocentio, quem captivum tenebat, suppliciter et ultra quam credi potest, mandavit humiliter ut paci et concordiæ manum apponat. Apostolicus itaque se destitutum viribus et armis et desolatum aspiciens : precibus Regis et petitionibus assensit, et capitularibus et privilegiis ex utraque parte firmatis ; Rex ipse et Duc filius eius, et Princeps decimoseptimo die stante mensis Iulii ante ipsius Apostolici præsentiam veniunt : et pedibus eius advoluti, misericordiam petunt, et ad Pontificis Imperium usquequaque flectuntur. Continuo per Evangelia firmaverunt B. Petro et Innocentio Papæ, eiusque successoribus canonice intrantibus fidelitatem deferre, et cetera quæ conscripta sunt. Regi vero Rogerio statim Siciliæ regnum per vexillum donavit. Petiit hoc Rogerius, ut titulum Regis Siciliæ, quem male acceperat ab Anacleto psuedopontifice, ab Innocentio Catholicæ Ecclesiæ legitimo Papa obtineret. Quod idem licet in captivitate positus libere præstitit Innocentius, sucepto ab eo pro eiusdem investitura regni iuramento fidelitatis de more.

    [Aussitôt, ce roi envoya une députation au pape Innocent, qu’il tenait prisonnier, pour lui demander, humblement et de manière incroyablement suppliante, de bien vouloir signer un traité de paix. Le pape, se voyant abandonné, sans ressources ni armées, consentit donc aux prières et aux demandes du roi ; et une fois que les chartes et privilèges eurent été approuvés par les deux parties, le 17 juillet de ladite année, le roi en personne, accompagné du duc son fils et du prince, {a} vinrent se présenter au pontife : ils se jetèrent à ses pieds, lui demandèrent miséricorde et se soumirent en tout à son autorité. Aussitôt après, ils jurèrent sur l’Évangile de rester fidèles à saint Pierre {b} et au pape Innocent, ainsi qu’à leurs successeurs canoniquement désignés, avec d’autres engagements qui ont été consignés par écrit. Sur-le-champ, le pape attribua authentiquement, par la bannière, {c} le royaume de Sicile au roi Roger, lequel demanda à obtenir d’Innocent, pape légitime de l’Église romaine, le titre de roi de Sicile qu’il avait illicitement reçu du pseudopontife Anaclète ; et, bien qu’il fût en situation de captif, ledit Innocent lui accorda librement l’investiture de ce royaume après qu’il eut prêté le serment coutumier de fidélité].


    1. Cette date du 17 juillet 1139 est antérieure de huit jours à celle que les historiens modernes ont retenue pour le traité de Mignano. Les deux fils du roi étaient le duc Roger le Jeune et son frère Alphonse, prince de Capoue.

    2. Dans l’extrait de Duperron cité ci-dessus, Baronius s’est expliqué sur le sens de « saint Pierre », en établissant une subtile nuance entre Rome et le pape, c’est-à-dire entre la domination spirituelle et temporelle.

    3. C’est-à-dire en plaçant la Sicile sous la domination du souverain pontife : soit exactement la soumission que les Espagnols ne pouvaient admettre en 1605.

    50.

    Soit 1 200 écus de rente annuelle, plus un complément initial de 3 000 autres, pour assurer l’installation du nouveau cardinal à Rome.

    51.

    « que mon âme meure de la mort des philosophes », c’est-à-dire (entre autres) ne soit pas immortelle.

    Averroès (Ibn Rushd, Cordoue 1126-Marrakech 1198), érudit arabo-andalou, philosophe, théologien, juriste et médecin, fut l’un des géants de la pensée médiévale. Ses très nombreux écrits ont notamment commenté Aristote, Galien et Avicenne et ont joué un rôle de première importance dans la transmission du savoir entre l’Antiquité et la Renaissance.

    Musulman sceptique, Averroès a été athée dans la mesure où il est réputé avoir critiqué les trois religions monothéistes, qualifiant le christianisme de « loi impossible », à cause de l’Eucharistie, le judaïsme de « loi d’enfants », et le mahométisme de « loi de pourceaux ».

    52.

    « elles sont pourtant tapies sous l’hypocrite manteau des philosophes, qui, comme dit Tertullien dans son livre adversus Hermogenem, ont été les patriarches des hérétiques. »

    Tertullien (v. note [19], lettre 119), Adversus Hermogenem [Contre Hermogène], chapitre viii :

    Sane et sibi præstitit aliquid materia, ut et ipsa cum Deo possit agnosci, coæqualis Deo, immo et adiutrix, nisi quod solus eam Hermogenes cognovit et hæreticorum patriarchæ philosophi ; prophetis enim et apostolis usque adhuc latuit, puto et Christo.

    [Toujours est-il que la Matière a gagné par là d’être reconnue pour la contemporaine et l’égale de Dieu, ou, pour mieux dire, sa protectrice ; à moins cependant qu’elle ne soit connue comme telle que d’Hermogène {a} et des philosophes, qui sont les patriarches des hérétiques. Car elle est encore cachée pour les prophètes, pour les apôtres, et j’imagine aussi pour le Christ].


    1. Hermogène est principalement connu par ce qu’en a écrit Tertullien : hérétique du iiie s., sa religion mêlait le christianisme et le stoïcisme païen pour énoncer que la Matière était éternelle, et donc l’égale de Dieu ; ce qui le menait à proposer l’existence de deux dieux.

    Sans faire vraiment mine d’y adhérer, et comme il n’a cessé de le faire depuis le début de ce texte, Gabriel Naudé jonglait ici savamment avec les brandons du libertinage érudit (ou philosophique, v. note [9], lettre 60), dont l’athéisme était un enjeu central.

    53.

    V. note [40] du Naudæana 3 pour le duché d’Urbino (Urbin).

    Le polygraphe érudit Federicus (Federico) Bonaventura (Ancône 1555-Urbin 1606) avait apparemment étudié la médecine, mais sans s’y être fait graduer. Gabriel Naudé citait ici deux de ses nombreux ouvrages.

    1. De Natura Partus octomestris, adversus vulgatam opinionem, Federici Bonaventuræ Urbinatis, Libri decem. Opus Philosophis, Medicis, ac Iurisperitis æque necessarium, in Germania iam primum visum, terseque quanto fieri potuit studio, et correcte editum. In quo absolutissima de humani partus natura cognitio traditur, nimirum de conceptione, articulatione, maturitate, de partuum numero, pariendique terminis ac temporibus ; utrum ante septum mensem, ac post decimum undecimique initium, partus naturaliter edi possit. De septimestri, nonomestri, decimestri, undecimestrique partu, deque veris horum omnium causis plenissime, Aristotele duce, disputatur. Ac præter alia multa, ut, quantum valeat ratio ab Ægypti temperie, atque a mensium cum diebus crisimis consensione ducta, adversus Octomestres, pernotescat ; exquisita habetur Hippocraticæ, Aristotelicæ, Galenicæque sententiæ, de climatum temperamentis, ac de dierum crisimorum causa, explicatio. Adiecta est eiusdem auctoris Compendiosa de eodem partu disceptatio : Quæstionum item verborumque Indices locupletissimi.

      [Dix livres de Federicus Bonaventura d’Urbino, sur la nature de l’accouchement à huit mois, contre l’opinion communément répandue. Ouvrage également nécessaire aux philosophes, aux médecins et aux juristes, qui est publié pour la première fois en Allemagne, correctement, proprement et avec tout le soin qu’on a pu y mettre. Tout ce qu’il est possible de savoir sur la nature de l’accouchement humain y est relaté : sur la conception, l’assemblage du corps, sa maturation, le nombre des accouchements, les dates auxquelles ils ont lieu ; s’ils peuvent naturellement survenir avant le septième mois ou après le dixième, voire au début du onzième. Sont discutés, suivant la méthode aristotélicienne l’accouchement à sept, neuf, dix et onze mois, et leurs véritables causes ; et, outre bien d’autres choses, est étalée au grand jour combien valent contre la durée de huit mois le raisonnement tiré du climat d’Égypte et la concordance des mois avec les jours critiques ; est proposée une explication très précise de la sentence d’Hippocrate, d’Aristote et de Galien sur les tempéraments des saisons et sur la cause des jours critiques. On y a ajouté, du même auteur, un jugement abrégé sur ledit accouchement, et de très riches index des questions et des mots]. {a}

    2. Bonaventura n’a pas spécifiquement consacré de livre « au flux et au reflux de la mer », {b} mais il a fait un long commentaire sur le sujet, dans les Annotationes in opusculum de Ventorum signis [Annotations sur l’opuscule (de Théophraste) sur les Effets des vents] (pages 381‑392) de ses :

      Meteorologicæ affectiones sive de causis et signis pluviarum, ventorum, serenitatis et tempestatum, de vero ortu, et occasu syderum, de stellarum significationibus Aristotelis, Theophr. Ptolomæi, et aliorum monumenta, a Francisco Bonaventura collecta, translata, emendata, et annotationibus atque eruditis disputationibus illustrata. Medicis, astronomis, agricultoribus, et navigantibus magnopere necessarium opus…

      [Influences météorologiques, ou les ouvrages d’Aristote, Théophraste, Ptolémée et d’autres auteurs sur les causes et les effets des pluies, des vents, du calme et des tempêtes, sur les véritables lever et coucher des astres, sur les significations des étoiles, que Franciscus {c} Bonaventura a réunis, traduits, amendés et éclairés par des annotations et de savantes discussions. Ouvrage absolument nécessaire aux médecins, aux astronomes, aux agriculteurs et aux navigateurs…]. {d}


      1. Venise, Ioannes Baptista Ciottus l’Ancien, 1602, in‑4o en deux parties de 944 et 40 pages (première édition Francfort, 1601) ; ouvrage que Z. in Panckoucke a décrit comme une « énorme compilation juridico-médicale, dont le but est de prouver qu’un enfant peut vivre à huit mois, et qu’on doit regarder les naissances de dix mois comme légitimes » (car la durée de la grossesse était alors un argument de très grand poids dans les reconnaissances de paternité).

      2. V. supra notes [13] et [24].

      3. Sic pour Federicus.

      4. Venise, Franciscus de Franciscis, natif de Séna, 1594, in‑4o de 442 pages.


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 156‑157 :

    « Fredericus Bonaventura, gentilhomme d’Urbin : la manière dont on parle de cet auteur ferait croire qu’on voudrait insinuer qu’il était encore vivant vers 1642 ou 1643, qui est l’époque la plus ordinaire de tout ce qui se dit dans ce livre ; cependant, il était mort dès avant l’année 1627, en laquelle son fils Petrus Bonaventura fit imprimer quelques-uns de ses ouvrages posthumes. {a} Quoiqu’il eût été employé par le duc d’Urbin, son prince, en plusieurs négociations importantes et que la course de sa vie n’ait été que de 47 ans, le public lui est néanmoins redevable de plusieurs bons traités : entre autres de octomestri partu adversus vulgatam opinionem, imprimé à Urbin en 1600. Quand il mourut, il travaillait à un ouvrage de jure regni. » {a}


    1. Federici Bonaventuræ Vrbinatis Opuscula : Quomodo calor a sole corporibusque cælestibus producatur secundum Aristotelem ; Utrum homo affici Rabie possit, affectus interire ex Aristotelis sententia ; De lactea Via Arist. sententiæ Explicatio et defensio. Accessit eiusdem auctoris versio Paraphrasis Themistii in tertium Aristotelis librum de Anima.

      [Opuscules de Fredericus Bonaventura, natif d’Urbin : De quelle manière le Soleil et les corps célestes transmettent la chaleur, selon Aristote ; Si l’homme peut être affecté de la Rage, et mourir quand il en est atteint, suivant la sentence d’Aristote ; Explication et défense de la sentence d’Aristote sur la Voie lactée. On y a ajouté la traduction par le même auteur de la Paraphrase de Themistios {i} sur le troisième livre d’Aristote de l’Âme]. {ii}

      1. Rhéteur et philosophe payen byzantin du ive s.

      2. Urbino, Marcus Antonius Mazzantinus, 1627, in‑4o de 112 pages.

      Les biographies modernes datent de 1606 la mort de Bonaventura.

    2. « sur le droit du royaume. »

    54.

    « Folengius était natif de Mantoue, moine bénédictin, inventeur de la posésie macaronique. Il mourut en 1543, tout juste âgé de 50 ans » (en interprétant plano comme une coquille d’imprimerie du Naudæana, pour plane).

    V. note [19], lettre 488, pour Teofilo Folengo (Folengius), alias Merlin Coccaye, et son style macaronique qui, selon Gabriel Naudé (et d’autres), a servi de modèle à Rabelais.


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 157 :

    « Folengiusobiit anno 1543 : il fallait dire 1544, cette mort arriva le 9 décembre. »

    55.

    « Pourquoi, Grèce, ne montres-tu qu’un seul Homère à l’Italie ?
    Mantoue à elle toute seule compte deux Méonides. »

    L’explication de ce distique est double :

    1. les Méonides étaient originellement les habitants de la Méonie, autre nom de la Lydie (en Asie Mineure, v. note [91] du Faux Patiniana II‑7), réputée être la patrie d’Homère (v. supra note [1]) ;

    2. Mantoue, patrie de Merlin Coccaye, était aussi considérée comme le berceau de Virgile (né à Andes, aujourd’hui Virgilio, dans la province de Mantoue, et tenu pour être l’Homère italien), qui appelait Méonides les Étrusques (premiers habitants de la Toscane).

    56.

    La bibliographie complète de Gabriel Naudé, française et latine, imprimée au début du Naudæana ne contient aucun titre mentionnant Theophilus Folengius.

    57.

    « Fracastor {a} naquit sans bouche. D’une main alerte le vigilant Apollon {b} lui en fabriqua donc une. {c} De là sont venus et un immense médecin, et un immense poète, et un visage tout empli de la gloire de Dieu. »


    1. V. note [2], lettre 6, pour Fracastor (Girolamo Fracastoro) et pour ses Syphilidis, sive de morbo Gallico libri tres [Trois livres de la Syphilide (Histoire de Syphilis), ou du mal français] (Vérone, 1530), long poème épique dont le succès a donné son nom moderne à la vérole ;

    2. V. note [8], lettre 997, pour Apollon, dieu aux multiples pouvoirs, dont celui de guérir les maladies.

    3. L’anomalie congénitale dont aurait été atteint Fracastor est appelée microstomie. Soit Apollon fut fort habile (ou les dessinateurs furent complaisants) car ses portraits gravés lui montrent une bouche et des lèvres normales (et sans autre déformation remarquable de la face) ; soit toute cette histoire n’est qu’un mythe.

    Sous le titre d’Aræ Fracastoreæ [Autels fracastoriens], Jules-César Scaliger a consacré 27 pièces en vers latins à la mémoire de son ami Fracastor (Poemata in duas partes divisa. Pleraque omnia in publicum primum prodeunt : reliqua vero quam ante emendatius edita sunt. Sophoclis Aiax Lorarius Stylo Tragico a Iosepho Scaligero Iulii F. translatus. Eiusdem Eprigrammata quædam, tum Græca tum Latina, cum quibusdam e Græco versis [Poèmes divisés en deux parties. La plupart sont publiés pour la première fois ; les autres le sont plus correctement qu’avant. L’Ajax flagellateur de Sophocle y est traduit dans le style tragique par Joseph Scaliger, fils de Jules, avec certaines de ses propres épigrammes, tant grecques que latines, et aussi quelques vers en grec] (Paris, Pierre de Saint-André, 1591, in‑8o, pages 256‑271), mais je n’y ai pas trouvé les vers cités par Gabriel Naudé.

    À ma grande surprise, ces quatre vers ont fait couler beaucoup d’encre. Une solution à l’énigme de leur origine m’est venue de la M. Frid. Ottonis Menckenii, Lipsiensis, De vita, moribus, scriptis meritisque in omne literarum genus prorsus singularibus Hieronymi Fracastorii, Veronensis, Italorum Sec. xvi nobilissimi, Medici præstantissimi, eximii Philosophi, subtilis Astronomi, et Poetæ plane incomparabilis, Commentatio [Essai de Friedrich Otto Mencke (avocat allemand, 1708-1754), natif de Leipzig, sur la Vie, les mœurs, les écrits et tous les mérites fort singuliers en tout genre de littérature, de Hieronymus Fracastorius, natif de Vérone, le plus connu des Italiens du xvie s., très célèbre médecin, remarquable philosophe, fin astronome et poète tout à fait incomparable] (Leipzig, Officina Breitkopfiana, 1731, in‑4o), où il est écrit (pages 15‑16) :

    Is, ubi primum aspexit lucem, tristem ac pæne horridum parentibus suis aspectum dedit, ore, ut videbatur, lingua, et voce destitutus. Labra enim ex utero attulit utrinque concreta, atque ita coarctata summis extremitatibus, ut vix angustissimum, quo respiraret infantulus, et alimenta capteret, in medio ore spatium superesset. Ea res ignaris naturæ obstetricibus visa est singularis et prodigii plenissima. Apparuit paulo post, nihil infausti ominis subesse, et, quam natura attulerat, reparari arte humana jacturam posse. Etenim, implorato Chirurgi peritissimi, cultro tonsorio instructi, auxilio, factum est, ut mortua velut labiorum compages vitam reciperet, et forma ori naturalis, plenusque puero sermonis usus redderetur. Traxit tamen hinc Noster quædam per omnem vitam incommoda, et inveteratos ex oris incisura dolores in causa fuisse puto, cur labra sæpius vellicaret dentibus, eademque levi sed continuo morsu quasi delinire videretur.

    [Dès qu’il vit le jour, il fit voir à ses parents une triste et presque horrible figure, car il leur apparaissait n’avoir ni bouche, ni langue, ni cri : il était sorti du ventre de sa mère avec des lèvres soudées l’une à l’autre, et à ce point resserrées à leurs extrémités, qu’il ne subsistait en leur milieu qu’un orifice extrêmement étroit, par lequel le nouveau-né parvenait à respirer et à ingurgiter sa nourriture (l). Les sages-femmes, ignorantes par essence, tinrent cette anomalie pour singulière et tout à fait prodigieuse. Il s’avéra bientôt qu’elle n’avait rien d’une malédiction, et que l’art humain pouvait réparer le dommage que la nature avait provoqué : on implora le secours d’un chirurgien, qui se montra si habile à manier le rasoir qu’il rendit vie à ces lèvres conjointes, qui semblaient comme mortes, et il refit à l’enfant une bouche de forme naturelle et le plein usage de la voix. Néanmoins, toute sa vie durant, notre homme eut à en endurer quelques inconvénients. En cause furent, je pense, les douleurs opiniâtres qui lui venaient au pourtour de la bouche, ce qui explique, je crois, pourquoi il se mordillait constamment les lèvres, semblant en soulager les souffrances par cette action douce mais continue de ses dents].

    Note (l) de Mencke pages 26‑28 :

    Ita quidem rem refert ægid. Menagius in Anti-Baillet P. i ; p. 347. ed. nov. quem sequitur anton. teissierus in Elog. des hom. sav. T. i ; p. 170 et 174. Miror, nihil de re tam memorabili et Physicis inprimis admodum jucunda auditu memoriæ proditum scriptoribus reliquis, iis ipsis scilicet, quorum præcipua est in argumento, quod pertractandum suscepimus, autoritas, et quorum adeo silentium ad infringendam eorum, quæ vulgo narrari solent, veritatem plurimum habet ponderis. Unde vix imperare mihi possem, ut uni homini Gallo, non indicanti fontem, unde hauserat ista, temere haberem fidem, nisi in promptu esset Epigramma julii cæs. scaligeri, quem æqualem habuit fracastorius, in Carminum ejus libro, quem Aras Fracastorias inscripsit, quin et in menagii Anti-Baillet l. c. et teissier. Elog. l. c. obvium, et ad confirmanda ea, quæ prolata sunt a menagio, perquam idoneum. Ita vero ille in mirum naturæ lusum ipse lusit : […].

    Dignos, quos metro vernaculo redderet, versiculos judicavit jo. baptista marinus, Poeta Italorum venustissimus :

    Al Fracastor nascente
    Manco la bocca, allora il biondo Dio
    Con arte diligente
    Di sua man gliela fecen e gliel’ aprio,
    Poi di se gliel’ empio.
    Quinci ei divin divenne : ed egualmente
    E Fisio, et Poeta.

    menagio, nihil pretii statuente scaligeri patris carminibus, nec ullum ex iis tolerabile existimante, ut constat ex Anti-Bail. p. 315, ubi rigidissimam de illis sententiam tulit, vix gratiam inierit hac versione marinus, in cujus carminibus vernaculis sublime ac divinum prorsus ingenium inesse dicitur. Cons. de la monnoye in Notis ad Menag. Anti-Baill. l. c. n. i. […] Sed ad menagium revertor, qui etsi recte egit, quod scaligeri hic secutus est autoritatem, rectius tamen egisset, si et reliquorum, unde ea omnia comperta habuit, scriptorum mentionem intulisset, cum ipse copiosor longe sit scaligero, nec verbum ille proferat de via angustissima in ore fracastorii medio ad ducendum spiritum relicta. At exigui hæc momenti sunt, nec miram magis rem ipsam, si vera omnino sint, nec minori dignam consideratione, si fuerint conficta, posse videntur efficere. Secure tamen inhæsi verbis menagii, quod crederem, frequentiora longe et magis audita eorum exempla esse, qui contractis paululum et condensatis labiorum nervis in lucem sint editi, quam quibus os omne a natura occlusum penitus fuerit atque obseratum. Ad insolita vero et minus naturalia delabi, ubi de iis, quæ magis naturæ respondent, certior est ratio, non est hominis, veritatem studiosius, quam fabularum commenta, sectantis.

    [Ainsi du moins Gilles Ménage en fait-il état dans l’Anti-Baillet, première partie, page 347, nouvelle édition, qu’a suivi Antoine Teissier dans les Éloges des hommes savants, tome premier, pages 170 et 174. {a} Je m’étonne que, sur un fait si mémorable et si intéressant à connaître des médecins, d’autres auteurs que ces deux-là n’aient rien écrit ; eux dont la principale autorité repose sur la preuve, que nous avons entrepris ici d’examiner en détail, et dont le silence pèse extrêmement lourd pour celui qui doit briser la vérité de ce qu’ils ont coutume de rapporter. Je ne pourrais donc aisément me hasarder à croire cet unique Français, qui ne cite pas la source d’où il a tiré son propos, si je n’avais sous la main les épigrammes de Jules Scaliger, qui fut un contemporain de Fracastor, dans le livre de ses Poèmes qu’il a intitulé Aræ Fracastoriæ, où ne se lisent pas les vers que Ménage, en son Anti-Baillet et Teissier, en ses Éloges, ont cités aux endroits que j’ai mentionnés ci-dessus. Il serait donc fort opportun de confirmer ce qu’a raconté Ménage, tant il s’est lui-même amusé de ce merveilleux divertissement : (…). {b}

    Giambattista Marino, le plus élégant des poètes italiens a jugé ces vers dignes d’être traduits en sa langue :

    Al Fracastor nascente
    Manco la bocca, allora il biondo Dio
    Con arte diligente
    Di sua man gliela fecen e gliel’ aprio,
    Poi di se gliel’ empio.
    Quinci ei divin divenne, ed egualmente
    (Di doppia gloria inun giunse a la meta)
    E Fisio, e Poeta
    . {c}

    Par cette traduction, Marino, dont on dit que les poésies italiennes témoignent d’un génie sublime et au delà du divin, ne se sera pas mis dans les bonnes grâces de Ménage, qui n’accorde aucune valeur aux poèmes de Scaliger le père, en estimant qu’aucun d’eux n’est même médiocre, rude sentence qu’il prononce à la page 315 de son Anti-Baillet (v. le conseiller de La Monnoye, dans ses notes sur ce livre). (…) {d} Mais j’en reviens à Ménage qui, s’il a bien fait d’attribuer ces vers à Scaliger, eût fait mieux encore en donnant aussi la source de tout ce qu’il écrit, puisqu’il a été bien plus disert que Scaliger, qui n’a pas dit mot de la toute petite ouverture, subsistant au milieu de la bouche de Fracastor, qui lui permettait d’ingurgiter des liquides. {e} Mais tout cela est sans grande importance et ne donnerait pas lieu à s’émerveiller, si la chose était vraie, et encore moins digne d’intérêt si elle était inventée, bien qu’elle puisse exister. J’ai pourtant fait confiance au propos de Ménage ; mais je crois bien plus fréquent et moins inouï que des enfants naissent avec des lèvres dont les muscles sont un peu resserrés et contractés, qu’il n’en naît avec une bouche mal formée, presque entièrement obstruée et fermée. Quand il s’agit de ce qui dépend entièrement de la nature, il est certainement très sûr d’admettre ses caprices les plus insolites : l’homme est moins enclin à se soucier de la vérité qu’à suivre les inventions qui font les fables]. {f}


    1. Références de Mencke :

    2. aux Éloges des hommes savants, tirés de l’Histoire de M. de Thou, avec les additions d’Antoine Teissier (Leyde, 1715, v. note [12] du Faux Patiniana II‑2), tome premier, aux pages indiquées.
    3. Mencke a ici transcrit les quatre vers latins du Naudæana, ouvrage qu’il n’avait visiblement pas lu.

    4. « Quand il naît, Fracastor n’a même pas de bouche ; alors le blond dieu, avec art soigneux, de sa main lui en ouvre une, lui permettant de manger. Depuis, il est devenu divin, joignant en une seule la double gloire d’un médecin et d’un poète » ; avec addition du vers (entre parenthèses) que Mencke a omis de transcrire.

      Giambattista Marino (Naples 1569-ibid. 1625), le Cavalier Marin en français, est un poète italien que Rome tenait pour un libertin. Ces huit jolis vers rimés sont extraits de sa Galeria, distinta in pitture, et sculture [Galerie, qui distingue la peinture et la sculpture], Rittrati uomini, Poeti Latini [Défunts hommes. Poètes latins] (1620), sans référence à une source scaligérienne.

      V. note [30] du Naudæana 2, pourL’Adone (Paris, 1623), chef-d’œuvre de Marino et monument de la poésie italienne.

    5. Anti-Baillet, page 337 de l’édition de 1688, sur les poèmes latins de Jules-César Scaliger :

      « Et il a fait imprimer plus de mille épigrammes ; mais parmi ce grand nombre, je soutiens qu’il n’y en a pas une seule, je ne dis pas excellente, mais médiocre. »

      La note de La Monnoye (v. supra seconde notule {a}) dit :

      « Le Cavalier Marin a jugé cette épigramme tout au moins passable, plus indulgent en cela que M. Ménage qui, page 105 de ce volume, veut absolument que, de toutes les épigrammes de Jules Scaliger, il n’y en ait pas une seule médiocrement bonne. »

      Suit une digression de Mencke où il admet (sur la seule foi de ce qu’en a dit Gilles Ménage) que nos quatre vers latins sont bien de Jules-César Scaliger, et en compare la qualité poétique avec la traduction italienne que Giambattista Marino en a donnée.

    6. Dans son Anti-Baillet (page 372), Gilles Ménage en a écrit à peine plus que ce qu’il a copié du Naudæana :

      « Quand Fracastor vint au monde, ses lèvres se tenaient ; à la réserve d’une petite ouverture au milieu, par laquelle il prenait de l’aliment. Un chirurgien les lui sépara avec un rasoir. »

    7. Cette fable sur la bouche de Fracastor, qui n’ôte rien à sa gloire et que je viens de m’acharner à disséquer (avec délectation), illustre bien la conclusion de Mencke : il a lui-même fondé ce qu’il dit de l’anomalie congénitale dont aurait souffert Fracastor à sa naissance sur un embellissement de quelques lignes que Gilles Ménage avait écrites dans son Anti-Baillet ; belle preuve, s’il en fallait une, des pièges que doit éviter l’historien quand il ne peut remonter aux sources authentiques !

      D’après les dates des sources existantes, je me hasarderai néanmoins aux remarques qui suivent sur cette curieuse anecdote, vraie ou fausse, mais médicalement possible.

      • Son auteur n’est probablement pas Jules-César Scaliger (1484-1558) car elle ne figure pas dans les 27 épigrammes qu’il a écrites à la mémoire de Fracastor, son exact contemporain, et aucun des vers de Jules César n’a échappé à l’imprimeur, tant lui-même et son fils ont mis de soin à en obtenir la publication exhaustive.

      • Giambattista Marino (mort en 1625) a vraisemblablement été le premier narrateur de cette bizarrerie et son véritable inventeur, avec les huit vers italiens qu’il a écrits à la mémoire de Fracastor dans sa Galeria, publiée en 1620.

      • Un subtil faussaire, qui pourrait bien avoir été Gabriel Naudé, très fin connaisseur de l’italien et du latin, mort en 1653, en aurait fait quatre vers latins, qu’il a malicieusement attribués à Jules Scaliger. Gilles Ménage (1613-1692), qui fréquentait Naudé au sein de l’académie putéane (foyer du libertinage érudit parisien, actif jusqu’en 1645, v. note [5], lettre 181), aurait pu les entendre de sa bouche et s’en être souvenu pour les imprimer, et ce pour la première fois, dans son Anti-Baillet (1688). Ils ont été mis plus tard dans le Naudæana (1701), à partir de conversations qui ont eu lieu au cours des années 1640.

    8. Mon histoire n’est sans doute pas plus vraie que celle de Mencke, mais elle est au moins aussi plausible.


    58.

    Dans sa « Vie de Fracastor » (page 16), Friedrich Otto Mencke (v. supra note [57]) a conté la même histoire, et l’a commentée dans sa note (o), pages 29‑30 : toujours sans citer le Naudæana, il la juge digne de foi en se fondant sur ce qu’en ont écrit plusieurs biographes de Fracastor.

    La première page de la Hieronymi Fracastorii Vita [Vie de Jérôme Fracastor], qui est au début de ses Opera omnia (Venise, 1584, v. infra note [59]) fait en effet aussi état de ce foudroiement :

    […] quum pene infans, et vix cunis egressus, a matre quadam die in ulnis blande pertractatus, dum gravis forte tempestas repente coorta esset, ipsa fatali de cœlo icta fulmine, incolumis servaretur.

    [(…) à peine sorti du berceau, un jour que sa mère l’avait tendrement pris dans ses bras, un très violent orage avait soudain éclaté ; elle fut mortellement frappée par la foudre venue du ciel, mais lui s’en sortit sain et sauf].

    59.

    V. note [2], lettre 6, pour la « Syphilide » de Fracastor (Vérone, 1530), long poème épique dont le succès a mené à rebaptiser la vérole syphilis.

    Célèbre épisode de la Genèse, Joseph le Patriarche, l’un des fils de Jacob, fut vendu par ses frères à des marchands, puis devint vice-roi d’Égypte. Les Hieronymi Fracastorii Joseph libri ii [Joseph, deux livres de Jérôme Fracastor], long poème en vers latins, se trouvent dans ses Opera omnia [Œuvres complètes] (Venise, Junte, 1584, in‑8o, 3e édition, pages 185 ro‑198 vo).

    60.

    « de tout ce qu’il est possible de savoir. »

    Jacobus Mazonius (Jacopo Mazzoni, Césène ou Cesena, Émilie-Romagne 1548-Ferrare 1598), professeur de philosophie à Pise, de 1588 à 1597, où « le cardinal » (Gianfrancesco Guido di Bagno, né en 1578, v. note [12], lettre 59), patron de Gabriel Naudé pendant son séjour en Italie, avait été l’un de ses élèves. Mazonius enseigna aussi à Rome, Ferrare et Venise.

    V. notes [56] et [57] du Patiniana I‑1 pour le philosophe italien François Parice (Francesco Patrizi, originaire de Croatie).

    Le Dictionnaire de Moréri a tiré d’Alde Manuce le Jeune (v. note [38] du Patiniana I‑1) une rare et romanesque biographie de James Crichton (Jacobus Critonius, Giacomo Critonio, Jacques Criton ; Clunie, Perthshire 1560-Mantoue 1582) :

    « Écossais, vivait sur la fin du xvie siècle. Il était fils de Robert, de la famille royale de Stuart, et avait fait de si merveilleux progrès dans la connaissance de toutes sortes de sciences et d’arts, qu’il passait pour un prodige. En effet, à l’âge de 21 ans, il parlait dix sortes de langues, savait la philosophie, la théologie, les belles-lettres, jouait très bien des instruments, savait danser, monter à cheval, faire des armes, et possédait enfin toutes les bonnes qualités qu’un jeune homme pourrait souhaiter. Les guerres civiles pour la religion l’ayant obligé de sortir de son pays, il se retira en Italie et alla à Venise. De là, il fit un voyage à Padoue, où les plus habiles docteurs, qui y étaient alors, admirèrent le génie merveilleux de ce jeune homme, qu’il connurent dans les entretiens particuliers et dans les disputes publiques. Quelque temps après, Criton revint à Venise et y soutint des thèses publiques sur toutes sortes de sciences : ce qui renouvela en sa personne le prodige qu’on avait autrefois admiré en Pic de la Mirandole. {a} Sa mauvaise destinée le conduisit à Mantoue pour y faire plaisir au duc de Gonzague, et il y fut tué par un accident funeste. Jacques Criton se promenait tout seul durant la nuit, comme c’est la coutume des Italiens, n’ayant que son épée et une guitare. Le prince Vincent {b} l’ayant rencontré en cet état, voulut éprouver si ce jeune homme avait autant de courage que d’esprit. Il commanda à deux de ses gens qui l’accompagnaient de charger Criton, et se mit en état de les soutenir. Criton poussa si bien les agresseurs qu’il les obligea de prendre la fuite ; et se tournant vers le prince, qu’il ne connaissait pas, il le mit en état de ne pouvoir se tirer d’affaire qu’en se faisant connaître. Le jeune homme en fut au désespoir : il se jeta aux pieds de Vincent pour lui demander pardon ; et ce prince, outré de ce qui venait d’arriver, lui donna brutalement un coup d’épée qui le jeta mort à terre. Ce malheur arriva au commencement du mois de juillet de l’an 1583, qui n’était que le 22e de l’âge de Criton. »


    1. V. note [53] du Naudæana 2 pour Jean Pic de la Mirandole.

    2. V. note [7] du Borboniana 3 manuscrit pour les ducs de Mantoue, Guillaume de Gonzague et son fils aîné, Vincent, qui succéda à son père en 1587.

    Gabriel Naudé avait pu tirer son histoire du Musæum Historicum [Musée historique] de Giovanni Imperiali (Venise, 1640, v. note [34] du Patiniana I‑2), qui fournit un portrait de Iacobus Mazzonius, pages 137 (numérotée 237)‑138 :

    Inter omnes, qui Venetiis cum Scoto illo Critonio ingeniorum miraculo, de scientiarum apicibus disceparunt, unus forte animi gratia eo appulsus extitit Mazzonius, qui in nobiliorum conviviiis consulto initis accersitus, ternum cum illo acerrimæ disputationis congressum subivit : at eo, multis ingenue testantibus, eventu, ut Critonius divina illius argumentorum copia, et inusitata subtilitate obrutus, tandem se conflictui callide subtrahere sit coactus, dictitans armorum se magis, quam scientiarum studia profiteri.

    [À Venise, parmi tous ceux qui ont débattu sur les subtilités des sciences avec l’Écossais Criton, ce prodige des génies, Mazzonius fut, sans préparation et grâce à son intelligence, le seul à l’emporter quand il s’opposa à lui : les gentilshommes l’ayant invité à leurs banquets dans cette intention, il y rencontra Criton trois fois pour disputer très rudement contre lui ; comme beaucoup en ont sincèrement témoigné, écrasé par la divine abondance des arguments de son adversaire et par leur exceptionnelle finesse, Criton finit par être contraint d’abandonner habilement le combat, disant et répétant qu’il se reconnaissait plus doué pour les armes que pour les sciences].

    Dans le même ouvrage, un portrait (gravé et écrit) de Criton suit celui de Mazoni (pages 240 [sic pour 140]‑243).

    61.

    Ces ouvrages de Jacopo Mazzoni sont, par ordre de citation :

    1. Della Difensa della Commedia di Dante, distinta in sette libri… [Sept livres pour la défense de la Divine Comédie de Dante (v. notes [10] et [11] du Patiniana I‑3)…] (Césène, Bartholomæus Raverius, 1587, 2 volumes in‑4o) ;

    2. De triplici Hominum vita, Activa nempe, Contemplativa, et Religiosa Methodi tres, quæstionibus quinque millibus, centum, et nonagintaseptem distinctæ. In quibus omnes Platonis et Aristotelis, multæ vero aliorum Græcorum, Arabum, et Latinorum in universo scientiarum orbe discordiæ componuntur. Quæ omnia publice disputanda Romæ proposuit Anno salutis m. d. lxxvi. [La triple vie de l’homme : active, contemplative et religieuse ; soit trois façons d’être, distinguées à l’aide de cinq mille cent quatre-vingt-dix-sept questions ; où sont réunis tous les désaccords entre Platon et Aristote, et aussi beaucoup de ceux des Grecs, des Arabes et des Latins, sur l’ensemble du monde des sciences ; l’auteur a mis tout cela en dispute à Rome l’an 1576] (Césène, B. Raverius, 1576, in‑4o) ;

    3. In universam Platonis et Aristotelis Philosophiam Præludia, sive de Comparatione Platonis, et Aristotelis. Liber primus… [Préludes à toute la philosophie de Platon et d’Aristote, ou la Comparaison de Platon et d’Aristote. Livre premier…] (Venise, Ioannes Guerilius, 1597, in‑fo, non suivi d’un second livre de 294 pages) ;

    4. je n’ai pas trouvé d’autre in‑4o de Mazzoni « sur la vie contemplative » que le 2e ouvrage cité ci-dessus.

    Gabriel Naudé citait aussi la Thomae Martinelli, I.C. Cæsenatis, Oratio habita Cæsenæ iii. idus Aprilis Anno ciɔiɔ xc viii., in funere Jacobi Mazonii [Oraison que Tommaso Martinelli, jurisconsulte de Césène, a prononcée le 10 avril 1598 pour les funérailles de Jacopo Mazzoni] (Césène, F. Raverius, 1598, in‑4o), où on lit (page C2 vo) une autre version de ce qui se passa à Venise en 1583 avec Jacques Criton (v. supra note [60]) :

    Ubi tunc temporis quidam adolescens Hybernus reperiebatur ita facundus, et in disputando promptus, atque subtilis, ut quicunque cum eo contendebant illi cedere compellerentur, hincque nemo illi par inveniri posse credebatur : sed, cum doctrinæ Mazonii splendor fulgere incœpisset ; non defuere qui horum utrunque simul disceptantem audire peroptarunt, ac studuerunt, hacque de causa sepe ad splendi<di>ssima convivia invitabantur, in quibus ita egregie, docteque controversabantur, ut nihil iucundius audiri potuisset : sed quia rerum eventus considerari debet, cum lumen maius minus obtenebret ; ter duntaxat honestum disputationis certamen obiverunt, cum Mazonius illum ita argumentorum copia et robore perstrinxit, ut nullo amplius refugio relicto, ille se rei militaris professorem esse coactus fuerit confiteri, qua responsione, an corruerint ea, quibus fuerat implicatus.

    [S’y trouvait alors un jeune homme hibernois, {a} si éloquent, subtil et prompt à débattre, que tous ceux qui disputaient avec lui étaient contraints de lui céder l’avantage, et que personne ne pouvait s’estimer l’égaler. Comme l’éclat de la science de Mazzoni avait commencé à lancer ses éclairs, il ne manqua pas de gens pour désirer fort les entendre tous deux haranguer l’un contre l’autre. Ils les firent donc inviter à de très opulents banquets, où ils s’invectivèrent si remarquablement et si savamment, qu’il ne pouvait rien exister de plus plaisant à entendre. Le duel devait prendre fin quand le jour se mettait à décliner. Il ne fallut que trois joutes oratoires de cette honnête sorte pour que l’abondance et la puissance des arguments de Mazzoni viennent à bout de son adversaire, lui coupant toute retraite ; tant et si bien qu’il déclara se consacrer dorénavant à enseigner l’art militaire, signifiant ainsi qu’il allait délaisser les savoirs dont il s’était mêlé jusqu’alors].


    1. Irlandais, et non plus écossais, comme dans la précédente relation. Le nom de Criton ne figure pas dans celle-ci.


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 157‑158 :

    « Mazonius. S’il est vrai, < à > ce que dit le Rossi, {a} que cet auteur mourut à Ferrare à la suite du cardinal Aldobrandin, {b} âgé de 50 ans, cette mort a dû arriver en 1598, puisque dans l’épître dédicatoire de son Parallèle de Platon et d’Aristote, datée du 13 avril 1597, il dit qu’il est dans la 49e année de son âge. Le Gaddi nous apprend que Pietro Segni fit l’oraison funèbre de Mazonius, et qu’elle fut imprimée à Florence. » {c}


    1. « Erythr. Pinacoth. i » (note de Vitry) : pages 67‑68 de la Pinacotheca d’Erythræus (Giovanni Vittorio Rossi, Cologne, 1643, v. supra notule {b}, note [22]).

    2. Le cardinal Pietro Aldobrandini (reçu en 1593, mort en 1621, v. notule {a}, note [10] du Patiniana 1), neveu du pape Clément viii.

    3. « In Theatro tom. 2 » (note de Vitry) : pages 90‑91 De Scriptoribus Tomus secundus [Des Écrivains, tome second] de Jacopo Gaddi (Lyon, 1649, v. supra notule {b}, note [17]).

      Vitry malmenait le prénom italien de Petrus Segnius et omettait de dire que l’Orazione di Pier Segni, cognominato, nell’ Accademia della Crusca, l’Agghiacciato, recitata da lui nelle datta Accademia, per la morte di Messere Iacopo Mazzoni [Oraison de Pier Segni, surnommé l’Agghiacciato (le Congelé) dans l’Académie de la Crusca (de Florence), qu’il a prononcée en ladite Académie pour la mort de Messire Jacopo Mazzoni] a été réimprimée en tête des quatre derniers livres de Mazzoni (inédits jusqu’alors) Della Difesa della Comedia di Dante, distinta in sette libri… [de la Défense de la Comédie de Dante, divisée en sept livres…] (Césène, Severo Versoni, 1688, in‑4o), pages xxxxxixxxxxxx.


    62.

    « qui a beaucoup écrit, principalement des almanachs. »

    Le principal ouvrage d’Andreas Argolus, {a} alors imprimé était :

    Ephemerides Andreæ Argoli a Talliacozzo, Medici et Philosophi, ad longitudinem almæ urbis Romæ. Ab anno Incarnationis Dominicæ m.dc.xxi. usque ad m.dc.xl. ex Prutenicis Tabulis concinne supputatæ. Eiusdem Isagogæ, et Canones absolutissimi prima præcepta omnia Astrologiæ complectentes, et ad singulas circa usum Ephemeridum necessarias operationes compilandas perbrevem Methodum, et Doctrinam. Solaris motus Ephemerides 1621. 1622. 1623. 1624. iuxta Tychonis Hypotheses, ex quibus facillime locus Solis ex Copernicis fundamentis supputatus sub quocumque tempore, reducitur ad motum cum Tychonis observationibus congruentem. De revolutionibus annuis supputandis, tam secundum Prutenicos, quam Tychonicos calculos facilis exaratio. Tractatus locupletissimus de aeris, et temporum mutationibus. In quo ex congressibus Lunæ cum Planetis ; Planetarum inter se, cum affixis syderibus, eorumque ortibus, et occasibus aeris alterationes eliciuntur : et tandem ex inanimatis, et animatis desumpta significatione. Tractatus alius, et circa artem medicam, in quo præcepta circa eam observanda traduntur Medicis, et Chyrurgis apprime necessaria. Et citra Agriculturam, et Navigatoriam observationes ; omnibus tum utilis, tum iucundus. Catalogus affixorum Syderum, in quo longitudines, magnitudines, qualitates, ascenciones rectæ, cœli mediationes, et declinationes eorum conspiciuntur : et plurimæ difficultates circa ea enucleantur.

    [Horoscopes d’Andrea Argoli, médecin et philosophe, natif de Tagliacozzo, pour la longitude de la bienfaisante ville de Rome, proprement calculés depuis l’an 1621e jusqu’à l’an 1640e de l’incarnation du Seigneur, d’après les tables pruténiques. {b} Introductions et Règles parfaitement achevées du même auteur, contenant tous les premiers préceptes de l’astrologie, et une très courte Méthode et Doctrine pour compiler les opérations requises pour l’emploi des horoscopes. Calendrier du mouvement solaire des années 1621 à 1624 selon les hypothèses de Tycho, {c} d’où a été très facilement calculée, sur des bases coperniciennes, la situation du soleil à tout moment, pour être ensuite ramenée à un mouvement compatible avec les observations de Tycho. Description simple de la manière dont on suppute les révolutions annuelles, suivant les calculs pruténiques comme tychoniques. Très riche Traité sur les changements d’air et de temps où sont élucidées les altérations de l’air, d’après les rencontres de la Lune avec les planètes, des planètes entre elles et avec les étoiles, et de leurs levers et couchers, et enfin de la signification tirée des choses inanimées et animées. Autre Traité, traitant d’une part de l’art médical, où sont relatés les préceptes à y observer, fort utiles aux médecins et aux chirurgiens, et d’autre part des observations sur l’agriculture et la navigation, ce qui le rend utile et agréable à tous les lecteurs. Catalogue des étoiles fixes, où sont montrées leurs longitudes, leurs grandeurs, leurs qualités, leurs ascensions droites, {d} leurs positions dans le ciel et leurs déclinaisons, et où sont entièrement résolues plusieurs difficultés les concernant].
    (Rome, Gulielmus Faciottus, 1621, in‑8o). {e}


    1. Andrea Argoli, v. note [22], lettre 525.

    2. Tables, qu’on dit aussi prussiennes, des mouvements du ciel, conçues par l’astronome Erasmus Reinhold en 1551 et adaptées aux découvertes de son contemporain, Nicolas Copernic (mort en 1543, v. note [9], lettre 61).

    3. Tycho Brahé, astronome danois mort en 1601 (v. note [28], lettre 211).

    4. « L’ascension droite d’une étoile, est le point de l’équateur qui se trouve en même temps que cette étoile au méridien » (Furetière).

    5. Ce long titre est une belle illustration de l’identité existant alors entre l’astronomie et l’astrologie : la première était la science objective décrivant les phénomènes célestes pour connaître la disposition et les mouvements de l’univers observé depuis la Terre ; la seconde était un art subjectif consistant à deviner (pronostiquer), suivant la disposition des astres célestes, les événements qui allaient se produire sur terre et infléchir le destin des hommes qui y vivaient.


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 158‑159 :

    « Andr. Argolus était né à Tagliacozzo dans l’Abruzze citérieure. Sa famille était originaire de Provence, et on prétend même qu’ils tirèrent leur surnom {a} d’Argoli de la ville d’Arles, leur patrie. Il fut reçu professeur de mathématiques à Padoue en 1632. Quelque temps après, on le fit chevalier de Saint-Marc, {b} et dans l’année 1651, ses appointements lui furent haussés jusqu’à onze cents florins. Je ne sache que le Sr Paul Freher {c} qui ait mis sa mort en 1654 : ce ne peut être au plus que vers la fin de l’année, n’étant pas possible que l’auteur de l’Histoire de l’Université de Padoue, {d} qui l’a poussée jusqu’au mois d’août de cette année 1654, eût oublié à nous la marquer si elle fût arrivée avant ce temps. Il eut un de ses fils qui tint de bonne heure son rang parmi les auteurs. Il avait fait à 17 ans l’Endymione, poème italien. {e} On peut voir le catalogue de leurs ouvrages dans le Ghilini {f} et la Bibliothèque napolitaire. »


    1. Nom de famille.

    2. V. note [53] de l’Autobiographie de Charles Patin.

    3. In Theatro Tom. 2 (note de Vitry) : page 1 543 du D. Pauli Freheri Med. Norib. Theatri virorum eruditione clarorum tomus posterior, in quo vitæ et scripta Medicorum et Philosophorum… repræsentantur [Second tome l’Amphithéâtre de Paul Freher, médecin de Nuremberg, des hommes qui ont brillé par leur érudition, où sont présentées les vies et les œuvres des médecins et des philosophes… (de toute l’Europe)] (Nuremberg, Johannes Hofmann et les héritiers d’Andreas Knorzius, 1688, in‑4o de 1 562 pages).

    4. « Jac. Phil. Tomasinus » (note de Vitry) : Gymnasium Patavinum de Giacomo Filippo Tomasini (Udine, 1654, v. note [8], lettre 406).

    5. L’Endimione, poema di Giovanni Argoli [L’Endymion (amant de Séléné, la Lune), poème de Giovanni Argoli (1609-vers 1660)] (Terni, Tomaso Guerrieri, 1626, in‑4o).

    6. Article sur Andrea, et Giovanni Argoli, Padre, et Figliuolo, pages 15‑16 du Teatro de Girolamo Ghilini (Venise, 1647, v. supra notule {a}, note [3]).

    63.

    Depuis 1623, Cassiano dal Pozzo (Cassianus a Puteo en latin, Turin 1588-Rome 1657), érudit italien, insatiable collectionneur de curiosités et d’antiquités, mécène et ami de nombreux savants et artistes, était le secrétaire du cardinal Antoine Barberini (v. supra note [1]), dont Gabriel Naudé avait été le bibliothécaire de 1628 à 1642.

    Naudé avait alors récemment publié un petit recueil d’Epigrammata in virorum literatorum imagines, quas illustrissimus Eques Cassianus a Puteo sua in Bibliotheca dicavit, cum Appendicula variorum carminum [Épigrammes sur les portraits d’hommes de lettres, dont le cavalier Cassianus a Puteo a orné sa bibliothèque, avec un petit appendice de divers poèmes], {a} avec une reconnaissante et amicale épître dédicatoire Illustrissimo, et Reverendissimo D. Cassiano a Puteo Abbati S. Angeli, D. Stephani Equiti, et Commendatario [au très brillant et vénérable M. Cassianus a Puteo, abbé de Saint-Ange, cavalier et abbé commendataire de Saint-Étienne]. Naudé y fait un parallèle homonymique entre la bibliothèque et les collections des frères Pierre et Jacques Dupuy {b} et celles de Cassiano dal Pozzo :

    Quamobrem patet illa quotidie nobilibus advenis, eosque, vix limen subeuntes, continuo in admirationem rapit, earum rerum, quas continet incredibili varietate, et præsentia. Verum quoniam tenuitatis meæ non est, vel Puteanorum Parisiensium encomia texere, quæ sola cultissimam sibi panegyrim deposcunt ; vel tua Vir Illustrissime, et Fratris tui Caroli Antonii merita, quæ numero propemodum infinita sunt, recensere, qui nedum ornamenta tuarum ædium omnia, satis pro ipsarum dignitate comendare possem.

    [Voilà pourquoi votre maison ouvre tous les jours ses portes à de nobles étrangers, et à peine en ont-ils franchi le seuil qu’elle les saisit d’admiration par l’étalage et l’incroyable variété des choses qu’elle contient. La modestie de ma plume ne me permet pourtant ni de tisser les louanges des Dupuy de Paris, car elles réclament à elles seules un panégyriste d’immense talent, ni de recenser vos mérites, très illustre Monsieur, et ceux de votre frère, Carlo Antonio, car leur nombre est presque infini, et je serais incapable de faire valoir tous les ornements de votre demeure à la hauteur de ce qu’ils valent].


    1. Rome, Ludovicus Grignanus, 1641, une feuille in‑16o.

    2. V. note [5], lettre 181.

    De même prénom que le frère de Cassiano, Carlo Antonio dal Pozzo (1547-1607), leur oncle, avait été nommé archevêque de Pise en 1582.


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 159 :

    « Carlo Dati fit imprimer à Florence en 1664 une oraison funèbre de ce Cassiano del Pozzo, {a} qui était mort quelques années auparavant, âgé de 74 ans. On peut dire de lui qu’il était le Peiresc {b} de l’Italie. »


    1. Delle Lodi del Commendatore Cassiano dal Pozzo, Orazione di Carlo Dati [Discours de Carlo Dati, à la louange du Commandeur Cassiano dal Pozzo] (Florence, à l’enseigne de la Stella, 1664, in‑4o, avec un portrait de Pozzo). Carlo Roberto Dati (1616-1676), noble Florentin, fut élève de Galilée et d’Evangelista Torricelli, et secrétaire de l’Académie de la Crusca (v. supra notule {c}, note [61]).

    2. V. note [10], lettre 60, pour l’érudit mécène français Nicolas-Claude Fabri de Peiresc.

    64.

    Achevé en 1606, l’hôtel de ville de Rome porte le nom de Palazio Senatorio [Palais sénatorial] et surplombe toujours la place du Capitole (v. notule {a}, note [33], lettre 7).

    La basilique Saint-Pierre de Rome, le plus célèbre et le plus imposant sanctuaire de la chrétienté, a été construite sur le tombeau de saint Pierre durant la seconde moitié du xvie s. Son principal architecte a été Michel-Ange. La vente d’indulgences permit de collecter les fonds requis pour son édification, mais fut aussi un objet de scandale pour Martin Luther, et l’un des motifs de la Réforme protestante (v. note [7], lettre 31).

    65.

    « tous leurs ouvrages ont disparu. »

    66.

    Libri quatuor [Quatre livres] « de Domenicus Mellinius, fils de Guido, contre certains auteurs malveillants, détracteurs du renom chrétien » (Florence, Georgius Marescotus, 1577, in‑fo de 140 pages). La préface (Proœmium) est suivie de la liste des auteurs grecs et latins accusés d’avoir écrit contre le christianisme, où se bousculent de grandes célébrités telles que Sénèque le Jeune, Tacite, Suétone, les deux Pline, Épictète, Plutarque, Aulu-Gelle ou Galien.

    V. infra note [74], pour un exemple (parmi quantité d’autres) de livres antiques supprimés par la papauté (ou par les empereurs romains chrétiens).

    Domenico Mellini (Dominicus Melinius, Florence 1531-ibid. 1620) appartenait à une famille qui servait les Médicis de père en fils. Il fut secrétaire de l’ambassade florentine envoyée au concile de Trente (v. note [4], lettre 430) en 1562-1563, puis précepteur des enfants ducaux. Il a laissé divers ouvrages d’histoire et de philosophie, dont le moins oublié reste celui que citait Gabriel Naudé.


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 159‑161 :

    « Ce traité In veteres quosdam, etc., fut imprimé à Florence en 1577 in fol., il est divisé en 4 livres. L’auteur Domenico Mellini, fils de Guido Mellini, était Florentin. Il fut envoyé en 1562 au concile de Trente en qualité de secrétaire du seigneur Jean Strozzi, député du grand-duc Cosme ier au même concile. Après s’être acquitté de cet emploi, ce prince lui donna la conduite de Pierre de Médicis, son fils. {a} Nous avons plusieurs ouvrages de lui, comme Description de l’entrée de Jeanne d’Autriche dans Florence, {b} imprimée en 1566 ; la Vie de Filippo Scolari, appelé communément Pippo Spano, comte de Temeswar et fameux capitaine qui mourut en 1426, imprimée en 1570 et en 1606 ; {c} un Discours contre la possibilité du mouvement perpétuel, qui parut à Florence en 1583 ; {d} l’Histoire de la fameuse comtesse Mathilde, en cette même ville, en 1589, in‑4o, {e} pour la défense de laquelle il se vit contraint de répondre à un bénédictin de Mantoue, Dom Benedetto Luchini, qui avait publié en 1592 une histoire de la même comtesse ; cette réponse fut imprimée à Florence sous le titre Lettera apologetica, etc., ; {f} enfin, il publia en 1609 des Opuscules de sa façon, entre lesquels est une lettre touchant les prodiges qui arrivèrent à la Passion de Jésus-Christ, et une autre sur la mort du Card. Sylvius Antonianus. {g} Domenico Mellini devait être alors fort âgé. »


    1. Don Pietro de Médicis (1554-1604), réputé grand débauché, était le dernier fils de Cosme ier, grand-duc de Toscane de 1537 à 1574.

    2. V. note [9] du Borboniana 9 manuscrit pour Jeanne d’Autriche, épouse de Ferdinand ier de Médicis en 1589 : Descrizione dell’Entrata della Seriniss. Reina Giovanna d’Austria, et dell’Apparato fatto in Firenze nella venuta, et per le felicissime nozze di S. Altezza et dell’Illustrissimo, et Excellentiss. Don Francisco de Medici, Principe di Fiorenza, et di Sienna [Description de l’entrée de la sérénissime reine Jeanne d’Autriche et de l’apparat fait à Florence pour sa venue, et pour le très heureux mariage de Son Altesse avec l’illustrissime et excellentissime seigneur François de Médicis, prince de Florence et de Sienne] (Florence, Junte, 1566, in‑8o, troisième édition).

    3. Filippo Buondelmonti Scolari, dit Pippo Spano (Florence 1369-Lipova, Roumanie 1426) est un condottiere qui combattit avec les Hongrois contre les Turcs : Vita di Filippo Scolari, volgarmente chiamato Pippo Spano (Florence, Bartholomeo Sermartelli et Giorgio Marescotti, 1570, in‑8o).

    4. Discorso… nel quale si prova contra l’oppenione di alcuni non si potere artifizialmente ritrovare, en dare ad un corpo composto di Materia corottibile un Movimento, che sia continuo et perpetuo [Discours… prouvant, contre l’opinion de certains, qu’il est impossible de créer par artifice un corps composé de matière corruptible, et de lui donner un mouvement continu et perpétuel] (Florence, Bartolommeo Sermartelli, 1583, in‑8o).

    5. Mathilde de Toscane (1045-115), comtese de Briey (Lorraine), fut la pieuse et influente promotrice de la réforme grégorienne dans la querelle dite des Investitures opposant la papauté à l’Empire germanique : Trattato… dell’origine, fatti, costumi, et lodi di Matelda, la gran Contessa d’Italia, diviso in due parti [Traité… sur les origines, le destin, les mœurs et les louanges de Mathilde, la grande comtesse d’Italie, divisé en deux parties] (Florence, Filippo Giunti [Junte], 1589, in‑8o).

    6. Lettera apologetica… in difesa di alcune cose gia scritte da lui e appartenenti alla Contessa Matelda, la Grande in Italia, riprese dal R.P. Don Benedetto Luchini, da Mantova [Lettre apologétique… pour la défense de ce qu’il a naguère écrit au sujet de la grande comtesse Mathilde d’Italie, reprise par Dom Benedetto Luchini de Mantoue] (Florence, Giorgio Marescotti, 1594, in‑4o).

    7. Parva ac pauca quædam Opuscula [Quelques petits Opuscules] (Florence, Franciscus Tosius, 1609, in‑4o), écrits sous la forme de lettres, dont :

      • la deuxième, De iis quæ admirabiliter, et præter rerum Naturæque ordinem acciderunt, dum Jesus Christus, Deus et Dominus noster pro salute hominum fuit Cruci affixus. Contra Origenem [Des faits admirables survenus, contre l’ordre des choses et de la Nature, quand Jésus-Christ, Dieu notre Seigneur, a été crucifié pour le salut des hommes. Contre Origène (v. note [16] du Patiniana I‑2)], écrite au cardinal Silvio Antoniano (1540-1603, reçu en 1599), maître de la Chambre du pape Clément viii (pages 9‑31) ;

      • la huitième et dernière, sur la mort du cardinal Antoniano, écrite le 31 août 1603 à Matthæus Cutinius, prêtre et ami de l’auteur (pages 56‑59).

    67.

    « il était natif de Mantoue […] que les âmes disparaissent après la mort du corps, au jugement d’Aristote. Voyez Jove en ses éloges »

    V. notes :

    Gabriel Naudé abrégeait ici une affaire qui a été abondamment commentée. {a} pour son rôle dans la naissance du libertinage érudit. Naudé citait fidèlement les Elogia [Éloges] de Paul Jove, {b} pages 134‑135 :

    Petrus Pomponatius Mantuanus, in philosophia præceptor meus, inter Peripateticos illustres primum suggestus locum et obtinuit. […] Exorto bello Veneto, post Achillini mortem, Bononiæ professus est ; ubi cucullatos sacerdotes contra se in caput, et nominis famam vehementissime concitavit ; edito scilicet volumine, quo animas post corporis mortem interituras ex sententia Aristotelis probare nitebatur ; secutus Aphrodisæi placita : cuius dogmate ad corrumpendam iuventutem, dissolvendamque Christianæ vitæ disciplinam, nihil pestilentius induci potuit. Scripsit etiam de Fato, et de incantationum occulta potestate. Sexagesimo autem tertio ætatis anno, stranguria oborta Bononiæ fato functus est : relatusque inde Mantuam, nobile sepulchrum Herculis Gonzagæ cardinalis, erga civem et magistrum liberali pietate promeruit.

    [Pietro Pomponazzo, natif de Mantoue, qui fut mon maître en philosophie, a occupé le premier rang parmi les péripatéticiens illustres, et l’a conservé. (…) Il a professé à Bologne, après la mort d’Achillini, quand la guerre de Venise a éclaté. {c} Il y a très vivement excité les prêtres encapuchonnés {d} contre sa propre personne et la bonne renommée de son nom, en publiant un volume où il s’efforçait de montrer que les âmes disparaissent après la mort du corps, au jugement d’Aristote et en suivant les préceptes d’Aphrodisias : {e} nul dogme ne pouvait être plus pestilentiel que celui-là pour corrompre la jeunesse et désagréger la discipline de la vie chrétienne. Il a aussi écrit sur le destin et sur le pouvoir occulte des incantations. {f} Il est mort d’une rétention d’urine survenue à Bologne, en sa soixante-troisème année d’âge ; on a ramené sa dépouille à Mantoue où, par piété libérale {g} envers ce concitoyen et ce maître, il a mérité d’être inhumé dans le tombeau du cardinal Hercule de Gonzague]. {h}


    1. V. par exemple, ce qu’en a dit Bayle dans la note B de son article sur Pomponace.

    2. Paolo Giovio, édition illustrée de Bâle, 1577, v. note [27], lettre 925.

    3. Alessandro Achillini (1463-1512), médecin et philosophe, surnommé le second Aristote, a enseigné le péripatétisme à Bologne de 1487 à sa mort.

      La guerre de la Ligue de Cambrai a opposé la France aux États pontificaux et à la République de Venise de 1508 à 1516.

    4. Les moines, et particulièrement les inquisiteurs dominicains.

    5. Alexandre d’Aphrodisie, philosophe péripatéticien grec du iie s., lui aussi surnommé le second Aristote.

    6. De naturalium effectuum admirandorum causis, seu de Incantationibus Liber. Item de Fato : Libero arbitrio : Prædestinatione : Providentia Dei, Libri v. In quibus dificillima capita et quæstiones Theologicæ et Philosophicæ ex sana orthodoxæ fidei doctrina explicantur, et multis raris historiis passim illustrantur, per autorem, qui se in omnibus Canonicæ scripturæ sanctorumque doctorum iudicio submittit [Livre sur les causes des admirables merveilles de la nature, ou Incantations ; un autre sur le Destin ; un autre sur le Libre arbitre ; un autre sur la Prédestination ; et cinq livres sur la Providence divine. À partir de la saine doctrine de la foi orthodoxe, y sont expliqués les points capitaux les plus difficiles et les questions théologiques et philosophiques ; en se soumettant entièrement au jugement des saints et des docteurs de l’écriture canonique, l’auteur les a partout éclairés à l’aide de nombreuses et rares observations] (Bâle, Librairie Henricpetri, 1567, in‑8o de 1 015 pages).
    7. Il n’aurait pas été excessif de traduire ici liberali par « libertine (érudite) » car Pomponace peut être tenu pour l’un des fondateurs de ce courant de pensée.

    8. Ercole Gonzaga (1505-1563), nommé cardinal en 1527, est réputé avoir eu cinq enfants naturels.

    Le récit de Naudé est approximatif sur deux points qui peuvent égarer un lecteur soucieux des détails.

    1. Pietro Bembo (Petrus Bembus, Venise 1470-Rome 1547), chevalier de Malte et historiographe de la sérénissime République, avait étudié la philosophie à Padoue sous Pomponace. Il mena longtemps, à Rome et à Florence, la vie d’un érudit mondain et débauché. Il a défendu Pomponace lors de son procès devant l’Inquisition (v. la dernière notule {a} infra), mais il ne fut nommé cardinal qu’en 1538 (soit 22 ans après la querelle autour du livre sur l’immortalité de l’âme), et ce à la demande du doge de Venise ; il se fit prêtre l’année suivante et mena dès lors une vie exemplaire jusqu’à sa mort.

    2. Giovanni Crisostomo Javelli (Johannes Chrysostomus Javellus, Casal vers 1470-Bologne vers 1538), dont le nom est imprimé Ganellus dans le Naudæana, a certes été un savant théologien dominicain (sa bibliographie compte une vingtaine d’ouvrages publiés entre 1519 et 1598), mais ne fut pas vraiment « l’ennemi capital » de Pomponace, comme le montre la compilation bibliographique qui suit.

    Pomponace dut d’abord défendre son fameux livre contre l’attaque publiée dès 1517 par Gasparo Contarini (Venise 1483-Bologne 1542, cardinal en 1535) en faisant paraître une Apologia (sans lieu ni nom, épître dédicatoire datée du 11 novembre 1517, in‑4o).

    Le philosophe scolastique Agostino Nifo (v. note [7], lettre 108), écrivit ensuite une seconde fois contre Pomponace, qui répondit par un ouvrage intitulé Defensorium Petri Pomponatii Mantuani [Défense de Pietro Pomponazzo, natif de Mantoue] (Bologne, Justinianus De Ruberia, 18 mars 1519, in‑4o) qui se terminait par deux lettres fort courtoises.

    En 1525, Pomponace a publié une nouvelle édition de son livre, dans une compilation intitulée Tractatus acutissimi utillimi et mere peripatetici. De intensione et remissione formarum ac de parvitate et magnitudine. De reactione. De modo agendi primarum qualitatum. De immortalitate anime. Apologiæ libri tres. Contradictoris tractatus doctissimus. Defensorium autoris. Approbationes rationum defensorij per fratrem Chrysostomum theologum Ordinis predicatorij diuinum. De nutritione et augumentatione [Traités très pointus et utiles, et purement péripatétiques : La tension et le relâchement des formes, et la petitesse et la grandeur (fos 2 ro‑20 ro) ; La réaction (fos 21 ro‑37 vo) ; La manière d’agir des qualités premières (fos 38 ro‑40 vo) ; L’immortalité de l’âme (fos 41 ro‑75 vo) ; Trois livres d’apologie (fos 75 vo‑51 vo) ; {a} Très docte traité du contradicteur (fos 52 ro‑80 vo) ; Défense de l’auteur (fos 81 ro‑108 ro) ; Approbations des arguments du défenseur par frère Crisostomo, divin théologien de l’Ordre des prêcheurs (fos 108 vo‑112 ro). {b} La nutrition et la croissance (fos 112 vo‑139 vo)]. {c}


    1. Venise, Octavianus Scotus, 1525, in‑fo de 278 pages, avec épître dédicatoire à Pietro Bembo contenant ce passage :

      Nunc vero ad re me converto Bembe cultissime : qui inter cetera veri amoris indicia : in accusatores nostros exarsisti : tonasti : fulgurasti : qui me perperam hæreseos insimulabant.

      [Très honoré Bembo, j’en viens maintenant au procès, vous qui, entre autres témoignages de véritable affection, vous êtes enflammé, avez tonné et lancé des éclairs contre nos accusateurs, qui me taxaient faussement d’hérésie].
    2. Solutiones rationum animi mortalitatem probantium quæ in Defensorio contra Niphum excellentissimi Domini Petri Pomponatii formantur [Réfutations des arguments prouvant la mortalité de l’âme que le très éminent Maître Pietro Pomponazzio a présentées dans sa Défense contre Nifo], contenant, comme prescrit par l’Inquisition, les deux lettres échangées avec Giovanni Crisostomo Javelli et son argumentaire en 43 points, et la sentence des juges ecclésiastiques.

    3. Avec dédicace au cardinal vénitien Domenico Grimani (1461-1523), datée de Bologne le 10 août 1521.


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 161‑163 :

    « Petrus Pomponatius. M. Gaffarel, étant à Venise en 1633, écrivit à M. Bourdelot qu’il lui envoyait universam Petri Pomponatii Philosophiam manuscriptam prægrandiores sex distinctam in Tomos. {a} Sans doute, parmi le grand nombre de traités qui devaient composer ce gros recueil, il y en avait plusieurs qui n’avaient point encore vu le jour ; mais jusqu’à présent, le public n’a tiré aucun fruit de cette découverte. Au reste, Moréri et ses réviseurs disent que Pomponace mourut en 1512 ; {b} ce philosophe avait pris néanmoins toutes les précautions nécessaires pour empêcher que la postérité se trompât au temps dans lequel il a vécu ; il a eu soin d’ajouter à tous ses ouvrages l’année et le jour auquel il avait achevé d’y mettre la dernière main. Il serait trop long de rapporter ici tous ces différents passages pour prouver qu’il vivait encore après 1520 ; nous nous contenterons d’en produire un qui se trouve à la fin du traité de Nutritione et augmentatione, que je crois être le dernier de ses ouvrages : Ad laudem Dei Patris, Filii, et Spiritus Sancti, et gloriosissimæ matris Domini Jesus Salvatoris nostri, nec non salutiferæ crucis, in cjus vigilia ego Petrus, filius Nicolai Pomponatii Mantuani, finem imposui huic negotio die 3. Septemb. 1521. anno Pontificatus nono Divi Leonis xmi. anno vero primo Ducatus Venetorum Antonii Grimani, in almo Gymnasio Bononiensi, in capella Sancti Barbatiani Confessoris. » {c}


    1. « la philosophie complète manuscrite de Petrus Pomponatius, divisée en cinq très grands tomes. »

      « In epist. præfixa Indici Operis Campanellæ de reformat. scientiar. [Dans la lettre placée en tête de l’Index de l’ouvrage de Campanella sur la réformation des sciences] » (note de Vitry) : ce passage est à la fin de la lettre de Jacques Gaffarel (v. note [1], lettre 707) à Jean Bourdelot (v. note [13], lettre 41), datée de Venise le 6 mai 1633, et placée en tête du Clarissimi ac reverend. Viri P.F. Thomæ Campanellæ, Phylosophorum [sic] ævi nostri facile Principis, de Reformatione Scinetiarum Index [Index sur la réformation des sciences, de Tommaso Campanella (v. supra note [9]), très brillant et révérend frère prêcheur (dominicain), et sans peine le premier des philosophes de notre temps] (Venise, Andrea Baba, 1633, in‑8o de 13 pages).

    2. Grand Dictionnaire de Moréri sur Pomponace : 1692, tome 4, page 193.

    3. « À la louange de Dieu, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et de la très glorieuse mère du Seigneur Jésus, notre Sauveur, ainsi que de la croix qui procure le salut, pour la sauvegarde duquel, moi, Petrus, fils de Nicolaus Pomponatius natif de Mantoue, j’ai achevé ce travail, en la fameuse Université de Bologne, dans la chapelle de saint Barbatien le Confesseur, le 3e jour de septembre 1521, neuvième année du divin pontificat de Léon x, et première année du gouvernement d’Antonius Grimanus, doge de Venise. »

      Vitry entendait ainsi prouver, incidemment mais avec éclat, la pure foi catholique de Pomponace ; v. précédente notule {c} pour son traité de « sur la nutrition et la croissance ».

      V. note [2] du Naudæana 4, pour une autre remarque de Vitry sur la piété de Pomponace.


    68.

    « il a beaucoup écrit »

    Adrien Baillet (v. note [35], lettre 345), dans ses Jugements des savants sur les principaux ouvrages des auteurs (tome 5, pages 206‑207), a fourni une rare biographie française de Gaspar Simeoni, Simeone ou de Simeonibus, poète latin et italien de la première moitié du xviie s., natif « d’Aquila, au royaume de Naples, chanoine de Sainte-Marie-Majeure, secrétaire du pape Innocent x » :

    « Nous avons de cet auteur un volume de poésies lyriques en latin, et un de vers italiens, sans parler d’un troisième de pièces mêlées, qui sont en l’une et l’autre langue, et des éloges des héros de son siècle.

    C’était un homme de grande réputation parmi les savants de son temps, et l’on peut dire qu’il a tâché de sauver dans ses écrits les restes de la véritable poésie latine, qui semblait être bannie de l’Italie et n’avoir trouvé de véritable asile que chez les jésuites. L’exemple de Simeoni anima quelques autres particuliers, et particulièrement Fabio Chigi, dit depuis Alexandre vii, et ceux qui composèrent la pléiade latine de ce pape, à la remettre dans son ancienne vigueur ; et comme il s’était rendu extrêmement aimable à toutes sortes de personnes, il n’eut aucune peine à faire passer cette qualité dans la poésie qu’il avait embrassée.

    Leo Allatius dit que ses vers ont de la force, du nombre et de l’harmonie, de la douceur et des beautés qui ne peuvent être insensibles qu’à des bûches et à des pierres. » {a}


    1. Leo Allatius (v. supra note [1]) parle de Simeoni dans deux articles de ses Apes urbanæ, sive de viris illustribus, qui ab anno mdcxxx. per totum mdcxxxii. Romæ adfuerunt, ac typis aliquid evulgarunt [Abeilles citadines, ou les brillants hommes qui ont vécu à Rome et y ont publié quelque livre depuis 1630 jusqu’à la fin de 1632] (Rome, Ludovicus Grignanus, 1633, in‑8o).

      • Le propos rapporté par Baillet est dans l’article sur Gabriel Naudé (pages 114‑118). Ce sont les mots d’Allatius pour introduire une lettre que Simeoni lui a écrite à la louange de leur ami Naudé :

        Et Gaspar de Simeonibus, cuius in compingendis carminibus, et texenda oratione numeros, ornatum, et robur, præter surdos, et lapides, omnes noscunt […].

        [Et aussi Gaspar de Simeonibus, dont tous, à l’exception des sourds et des pierres, connaissent l’élégance et la force du talent à composer des vers et à tourner un discours (…)].

      • Sur Simeoni lui-même (pages 120‑125), Allatius donne une copieuse liste de ses ouvrages, mais sans indiquer ni sa date de naissance ni le nom du cardinal dont il fut le secrétaire.

    La transcription du manuscrit de Vienne (page 20 des Papiers de Guy Patin, v. note [12] de l’Introduction aux ana de Guy Patin) me semble résoudre l’énigme en remplaçant le « feu cardinal J*** » par le « feu cardinal Jessé », probable déformation française de Gioiosa, nom que les Italiens donnaient au cardinal-duc de Joyeuse (mort en 1615, v. note [17], lettre 88), seul prélat de ce rang ayant eu J pour initiale de son nom aux xvie et xviie s.


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 164‑165 :

    « Gaspar de Simeonibus. On pourrait ajouter ici que cet illustre Italien, après avoir passé par plusieurs autres degrés, fut enfin nommé à l’évêché de Campagna ; {a} mais il vaut mieux renvoyer le lecteur à ce qu’en ont dit Allatius et le Toppi. {b} Au reste, il n’est pas facile de deviner quel est ce cardinal J…, dont on dit que notre Signor Gasparo avait été secrétaire : on sait seulement qu’il eut cette qualité auprès d’Alexandre vii, pour les lettres que ce pontife écrivait aux princes. »


    1. Simeoni a été nommé évêque de Campagna, dans la province de Salerne (en Campanie, v. note [4], lettre 12) en 1644, année probable de sa mort.

    2. La Biblioteca Napoletana… Opera de Dottor Niccoló Toppi Patritio di Chieti, Archivario per S.M. Cattolica nel Grande Archivio della Regia Camera della Summaria… [Bibliothèque napolitaine… Ouvrage du docteur Niccoló Toppi (1607-1681), patricien de Chieti (Abruzzes), archiviste de Sa Majesté catholique (le roi d’Espagne), aux Archives de la Chambre royale du Sommaria (Cour de justice de Naples)…] (Naples, Antonio Bulifon, 1678, in‑4o, pages 103‑104) n’ajoute à l’article d’Allatius que la titulature épiscopale de Simeoni.

    69.

    « il a beaucoup écrit. »


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 165‑166 :

    « Emilio Parigiani [sic]. On peut voir au devant de ses livres de Subtilitate microcosmica les armes que l’empereur Ferdinand ier lui accorda en l’annoblissant. {a} Ce prince lui fit aussi présent de son portrait. Il avait plus de 76 ans quand il mourut. L’auteur du Patiniana dit que ce fut en 1643. La quatrième partie de son ouvrage déjà cité ci-dessus est imprimée en cette année, et Parisanus la dédia à Urbain viii et à ses neveux : ainsi, ce ne peut être que vers la fin de cette année qu’il passa de cette vie à l’autre. » {b}


    1. V. note [1], lettre 188, pour Emilio Parisano et ses trois virulents tomes d’« Essais réputés » (Venise en 1623, 1635 et 1638), notamment dirigés contre Jean ii Riolan et incluant 12 livres « sur la Subtilité », que Vitry disait curieusement « microcosmique » (sans doute pour anatomica, « anatomique »).

      De riches armoiries ornent le frontispice du deuxième tome (1635), avec la devise de l’empereur Ferdinand ii (v. note [7], lettre 21) : Legitime Certantibus [Corona] [(La Couronne va) à ceux qui luttent pour une juste cause] : il me semble que ce sont plutôt celles de l’empereur que celles de Parisano. Ferdinand ier (qui a régné de 1556 à 1564) est un anachronisme de Vitry ou de son imprimeur.

    2. Le Patiniana I‑4 (v. sa note [13]) donne en effet 1643 pour année de la mort de Parisano ; mais il n’a jamais publié de quatrième partie « sur la Subtilité ». L’épître de sa troisième partie (1638) était dédiée au seul Eminetissimo Reverendissimoque cardinali Francisco Barberino S.R.E. Vicecancellario B.A. [éminentissime et révérendissime cardinal Francesco Barberini (neveu du pape Urbain viii, v. note [7], lettre 112), vice-chancelier de la sainte Église romaine (sans explication que j’aie trouvé à l’abréviation B.A.)].


    70.

    Eustachio Rudio (Belluno, Vénétie 1548-Udine 1612) avait succédé, en 1599, à son maître Alessàndro Massaria (v. note [14], lettre 239) dans la chaire de médecine pratique de l’Université de Padoue. Les nombreux ouvrages médicaux qu’il a publiés sont écrits dans la plus pure tradition galéniste.

    V. note [5], lettre 15, pour Simon ii Piètre. La mention qui le concerne est sans doute un ajout de Guy Patin car, dans ses lettres, il avait coutume de préciser l’année de sa mort, afin de ne pas le confondre avec son père, Simon i.


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 166‑167 :

    « Eustachius Rudius. Il mourut vers 1612. Je crois que le premier de ses ouvrages est le traité de Virtutibus et vitiis cordis, imprimé à venise en 1587. {a} Il ne sera peut-être pas inutile de faire remarquer qu’il y est appelé Eustachius Rudius Bellunensis, et que le Tomasini l’appelle aussi de cette manière ; cependant, dans tous ses autres ouvrages, il a toujours pris le nom d’Utinensis : je ne vois pas comment accorder cette différence de patrie, à moins de supposer qu’il naquit sur les confins du Bellunese et du territoire d’Udine. {b} Vander Linden a donné le catalogue des traités que ce médecin a mis au jour ; mais il faut y ajouter quelques-uns que l’on trouvera dans le catalogue d’Oxford. » {c}


    1. Eustachii Rudii Bellunensis, Medici et Philosophi, de Virtutibus et viciis Cordis libri tres. Primus agit de Virtutibus et functionibus Cordis. Secundus de Palpitatione Cordis. Tertius de Syncope [Trois livres d’Eustachius Rudius, philosophe et médecin natif de Belluno (Vénétie), sur les Vertus et les vices du cœur : 1. des Vertus et fonctions du cœur ; 2. de la Palpitation cardiaque ; 3. de la Syncope] (Venise, Paulus Meietus, 1587, in‑4o).

    2. « Gymn. Patav. lib. 4, pag. 436 » (note de Vitry) : l’article indiqué du Gymnasium Patavinum de Giacomo Filippo Tomasini (Udine, 1654, v. note [8], lettre 406) daté du 3 novembre 1599, signale le début des leçons d’Eustachius Rudius Bellunensis [natif de Belluno], et non Utinensis [natif d’Udine].

    3. La bibliographie d’Eustachius Rudius Utinensis, pages 163‑164 des De Scriptis Medicis libri duo [Deux livres sur les Écrits médicaux] de Johannes Antonides Vander Linden (Amsterdam, 1662, v. note [29], lettre 925), contient 11 titres (1588-1610).

      Le Catalogus impressorum librorum Bibliothecæ Bodlejanæ in Academia Oxonensis. Cura et Opera Thomæ Hyde e Coll. Reginæ Oxon. Protobibliothecarii [Catalogue des ouvrages imprimés de la Bibliothèque Bodléienne de l’université d’Oxford. Établi par les soins de Thomas Hyde, du Collège de la Reine à Oxford, bibliothécaire en chef] (Oxford, Theatrum Sheldonianum, 1676, in‑4o, page 120) ne donne que 8 titres (1595-1611).

      Les deux listes diffèrent sur quelques ouvrages, mais aucune ne contient celui qui est exhumé par Vitry dans la notule {a} supra.


    71.

    V. notes [4], lettre 986, sur Apollonius de Tyane, et [5], lettre 608, sur l’« Apologie des grands hommes » de Gabriel Naudé (Paris, 1625) ; ce passage ne se trouve pas à la page 168, comme indiqué dans le Naudæana imprimé, mais aux pages 293‑295 :

    « Je dirai premièrement que cet Apollonius Tyanéen pouvait être quelque homme vertueux, et d’un esprit fort et puissant, qui se servit bien à propos des spéculations de la philosophie et des avantages de sa nature pour commander à celle des rois et des princes, et s’approcher autant des héros et demi-dieux qu’il se tira loin du commun des hommes. D’où Sidonius Apollinaris a pris sujet d’honorer beaucoup l’un de ses amis qui était conseiller et homme de grande autorité auprès d’Euarix, roi des Goths, {a} le faisant entrer en comparaison avec ce philosophe. Lege virum, lui dit-il, (fidei catholicæ pace præfata) in plurimis similem tui, id est, a divitibus ambitum nev divitias ambientem, cupidam scientiæ, continentem pecuniæ, inter epulas abstemium, inter purpuratos linteatum. {b} Ce qui pourrait peut-être sembler étrange en la bouche d’un évêque, et d’un ami qui en veut louer un autre, s’il n’était constant, par les témoignages d’Eusèbe et de Cassiodore, {c} que cet Apollonius était un philosophe insigne et un homme très sage ; ou qu’il fallût plutôt croire les autorités de saints Jérôme et Justin qui donnent pour cause de toutes ses opérations merveilleuses la connaissance qu’il avait de la nature, et le défendent à pur et à plein {d} du crime de la magie, le premier disant en l’épître à Paulin, Apollonius sive Magus, ut vulgus loquitur, sive Philosophus, ut Pythagorici tradunt ; {e} et le dernier, beaucoup plus manifestement, en ses questions aux orthodoxes, Apollonius ut vir naturalium potentiarum et dissensionum atque consensionum earum peritus, ex hac scientia mira faciebat, non authoritate divina, hanc ob rem in omnibus indiguit assumptione idonearum materiarum quæ eum adiuvarent ad id perficiendum quod efficiebatur. » {f}

    Et plus loin (pages 297‑298) :

    « Mais comme toutes les choses du monde les plus fabuleuses ont quelque sujet, et que les fards ont au-dessous quelque corps ferme et solide, aussi faut-il croire et confesser que ce gros volume farci de tels mensonges ne fut composé par Philostrate qu’à dessein d’opposer les miracles de ce philosophe {g} à ceux de Jésus-Christ, pour frapper les fondements de notre religion et rendre les peuples incertains < sur > lequel ils doivent plutôt suivre et respecter, ou notre Rédempteur, ou Apollonius. »


    1. V. note [28], lettre 282, pour Sidonius Apollinaris, évêque du ve s. Euric a régné sur les Wisigoths de 466 à 484.

    2. « Lis sa vie et tu verras qu’il était semblable à toi en bien des choses (à l’exception de la foi catholique) : recherché par les riches, sans rechercher les richesses ; plein d’amour pour la science, et de mépris pour l’or ; sobre au milieu des festins ; vêtu de simple drap au milieu des gens couverts de pourpre » (Lettres de Sidonius Apollinaris, livre viii, épître iii, à son ami Léon).

    3. V. note [16] du Patiniana I‑2.

    4. Absolument.

      V. note [16], lettre 81, pour saint Jérôme. Saint et martyr de l’Église chrétienne au iie s., le philosophe Justin de Naplouse est notamment auteur d’un volumineux ensemble de Quæstiones [Questions].

    5. « Apollonius le Mage, comme dit la foule inculte, ou le Philosophe, comme disent les pythagoriciens » (épître 103).

    6. « Apollonius, en fin connaisseur des puissances naturelles, et de leurs discordances et concordances, avait tiré merveilles de cette science, non pas par autorité divine, parce qu’il n’en avait aucune, mais en prenant en compte les matières appropriées qui pouvaient l’aider à parfaire ce qui était accompli » (question 24).

    7. Apollonius.

    Pour les contes qu’on aurait brodés sur la vie d’Apollonius, Naudé écrivait, pages 296‑297 :

    « Hiéroclès avait tout pris son narré de Philostrate, {a} et Philostrate avait fait le sien à la requête de l’impératrice Julie, {b} comme l’on compose aujourd’hui des amours et romans, à la prière et pour l’entretien des reines et des princesses. »


    1. V. notes [1] du Borboniana 6 manuscrit pour Hiéroclès Sossianos, et [41], lettre 99, pour Philostrate d’Athènes.

    2. Julia Domna, épouse de Septime Sévère (v. note [5], lettre 564), se laissa mourir de faim en 217, quand elle apprit la mort de son fils Caracalla, assassiné par son frère Geta.

      Auguste Bougot a développé ce point dans son Introduction (pages 17‑19) aux Œuvres de Philostrate (Paris, Renouard, 1881) :

      « Julia Domna aimait la philosophie ; elle avait une vive curiosité pour les croyances religieuses des différents peuples ; son héros était le fameux Apollonius de Tyane qui avait été à la fois un sage, un dévot et un faiseur de miracles.

      Elle chargea Philostrate de raconter la vie du thaumaturge ; pour un sophiste, il semble qu’il ne pouvait y avoir de tâche plus agréable. Apollonius haranguait les villes, donnait des conseils aux peuples, aux rois, aux particuliers : quelle admirable occasion pour composer des discours remplis d’ingénieuses pensées, écrits dans le style attique le plus pur ! Apollonius avait parcouru l’Égypte, la Perse ; c’était le lieu de reprendre ce parallèle si fréquent chez les auteurs anciens, mais toujours lu, paraît-il, avec un nouveau plaisir, entre la civilisation grecque et les mœurs des peuples barbares. Apollonius avait pénétré jusque dans l’Inde : or l’Inde était alors un pays inconnu où la Grèce, toujours éprise de merveilleux, plaçait des hommes étranges et le théâtre de faits extraordinaires. Apollonius était un érudit : que de maximes, que d’allusions aux poètes de la Grèce, que de citations il était permis de lui mettre dans la bouche, en un pareil ouvrage ! Apollonius enfin avait interprété les cérémonies de la religion, les attributs des divinités, les pieuses coutumes ; or cette exégèse était aussi du domaine des sophistes ; elle était de plus dans le goût des contemporains et dans celui de Julia Domna.

      Les Anciens, sentant que toutes leurs traditions étaient menacées par l’avènement d’une nouvelle doctrine, d’une nouvelle philosophie, semblent s’être divisés en deux camps : les uns qui, comme Lucien, hâtent l’œuvre de destruction ; les autres qui, comme Philostrate, cherchent à régénérer les croyances par des explications nouvelles. C’était là, il faut l’avouer, une ample et belle matière offerte à un talent de sophiste.

      Un des sujets que les sophistes choisissent le plus volontiers quand ils écrivent, c’est le récit d’un banquet entre sophistes : chacun des convives, en effet, apporte son écot d’histoires, d’anecdotes ; toute la science de l’époque peut être ainsi passée en revue ; l’écrit devient une petite encyclopédie où les plus petits détails de l’érudition ont leur place, comme les plus grandes questions de morale et de philosophie. La vie d’Apollonius présentait à l’écrivain les mêmes facilités de discourir un peu sur tout ; de plus, elle avait l’avantage de permettre une unité moins factice.

      Julia Domna, en chargeant Philostrate de cette biographie, lui avait remis sur Apollonius les mémoires d’un certain Damis qui avait accompagné le philosophe dans ses voyages en Asie. Ces mémoires qui étaient restés inconnus jusque là, elle les tenait elle-même d’un parent de Damis. […]

      On a contesté l’existence de ce Damis et de ces mémoires qui auraient servi à Philostrate, sous prétexte que le récit du sophiste est rempli de fables, de contradictions, d’inexactitudes historiques et géographiques. Cet argument ne nous paraît pas concluant : d’abord Damis, compagnon d’un homme illustre qui semble avoir fait plus d’une fois un métier de charlatan, a bien pu, lui aussi, ajouter ses propres imaginations aux faits dont il avait été témoin ; puis ces mémoires, remis à Julia Domna par un parent de Damis, étaient peut-être bien une œuvre de seconde main, composée non par Damis, mais d’après ses récits ; on pense bien que Philostrate n’a pas eu recours, pour constater l’authenticité des manuscrits, aux règles d’une véritable critique. Enfin, pourquoi Philostrate, s’il inventait Damis, ne dirait-il pas qu’il a trouvé ses manuscrits, comme il le dit du livre de Maxime d’Égée, au lieu de prétendre qu’il les tient de Julia Domna ? »

    V. notes [60] et [61] du Naudæana 2 pour d’autres propos de Naudé sur Apollonius.

    72.

    La Cyclopædia Anticlaudiani seu de Officio viri boni, Heroico carmine conscripti [Cyclopédie anticlaudienne, ou neuf livres sur le devoir de l’honnête homme, écrits en forme de poème héroïque] (Anvers, Joach. Trognæsius, 1611, in‑8o) est un ouvrage que les historiens attribuent au moine cistercien (v. note [23], lettre 992) Alain de Lille (ou de L’Isle, Alanus ab Insulis), savant théologien et philosophe du xiie s. La Cyclopædia est considérée comme une paraphrase critique du poème politique de Claudien (v. note [10], lettre 138, In Rufinum libri ii [Deux livres d’invectives contre Rufin (v. note [6], lettre 23)]. Sa Præfatio auctoris [Préface de l’auteur], sans signature ni allusion à Claudien ou à Rufin, annonce un ouvrage de morale de quatuor artificibus, Deo, Natura Fortuna, Vitio [sur les quatre artisans, Dieu, la Nature, la Fortune, le Vice].

    Comme certains autres critiques, Gabriel Naudé pensait que ce livre n’était pas d’Alain de Lille, mais qu’on l’avait confondu avec un de ses contemporains, Alan, abbé de Tewkesbury, qui avait aussi écrit une vie de Thomas Becket, saint archevêque de Canterbury, mort en 1170.

    Le manuscrit « sur la Plainte de la nature, contre les sodomites » a été publié pour la première fois en langue moderne sous le titre de The Complaint of nature by Alain de Lille, translated from the latin by Douglas M. Moffat [La Plainte de la nature d’Alain de Lille, traduit du latin par Douglas M. Moffat] (New York, Henry Holt and Company, 1908) ; le texte latin est disponible en ligne dans la Latin Library. L’auteur s’y attaque habilement, en vers et en prose, aux vices humains, incluant « l’extension généralisée de l’homosexualité, thème traité dans un jeu étourdissant de figures grammaticales », selon Françoise Hudry, dans la présentation de sa traduction française (Paris, Les Belles Lettres, 2013).

    Tout au long du Naudæana planent l’ambiguïté et les sous-entendus sur le lien entre célibat des laïcs et homosexualité masculine (v. supra note [23]) : le libertinage d’esprit n’allait pas jusqu’à écrire ouvertement sur ces mœurs interdites, alors passibles du bûcher.


    Additions et corrections du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 206‑208 :

    « Cet Anti-Claudien avait déjà été imprimé à Bâle en 1536 et à Venise en 1582. L’auteur de ce livre n’était point anglais : c’est un Flamand ; on croit même communément qu’il était de Lille et que de là est venu son surnom de Insulis. Il était de l’Ordre de Cîteaux et mourut, selon Albéric, en 1202 : voyez Baillet, Satyr. personn., t. i, p. 49. {a} Le livre en question, de Planctu naturæ, etc., est mêlé de prose et de vers, à l’imitation de celui de Boece, de consolatione Philosophiæ. {b} Il commence par ce vers :

    In lachrymas risus, in luctus gaudia verto. {c}

    Alanus n’est pas le seul des Anciens qui ait écrit sur cette matière. Avant lui, Pierre Damien avait fait un Liber Gomorrhianus, imprimé dans le 3e volume de ses œuvres, de l’édition de l’abbé Cajetan ; {d} et on trouve parmi les poésies de Marbodus, évêque de Rennes, imprimées dans cette même ville en 1524, plusieurs pièces de ce saint évêque dans lesquelles il s’emporte fort contre ce crime détestable. {e} Au reste, Alain de Lille a fait plusieurs ouvrages qui furent recueillis par les soins de D. Charles de Visch, prieur de Sainte-Marie-des-Dunes en Flandres, et imprimés à Anvers en 1654, in‑fo, {f} si vous en exceptez le commentaire qu’on lui attribue sur les prophéties de Merlin. » {g}


    1. Adrien Baillet (v. note [35], lettre 347) : Satires personnelles : Traité historique et critique de celles qui portent le titre d’Anti [Anti-Baillet de Gilles Ménage (La Haye, 1688, v. note [31], lettre 97)]. Tome premier (Paris, Antoine Dezallier, 1689, in‑12), chapitre iv, Anti-Claudien, pages 49‑61. Le renvoi de Vitry porte sur ce passage (pages 53‑54) :

      « Sur ma parole, vous pouvez oublier ces difficultés, et adopter, si vous le jugez plus à propos, l’opinion d’Albéric ou Aubry, moine de Cîteaux dans l’abbaye de Trois-Fontaines, au diocèse de Châlons-en-Champagne. Cet auteur, qui a poussé sa chronique jusqu’en 1241 seulement (circonstance essentielle à notre remarque), met la mort d’Alain de l’Isle en 1202, en ces termes : Apud Cistercium mortuus est in hoc anno (mccii.) Magister Alanus de Insulis Doctor famosus, et scriptor ille Anti-Claudiani, etc. » {i}

      1. « À Cîteaux mourut cette année [1202] Maître Alain de Lille, fameux docteur et qui est auteur de l’Anticlaudianus, etc. »
    2. V. note [3], lettre latine 198.

    3. « Je tourne les rires en larmes, et les joies en chagrins. »

    4. Dans les B. Petri Damiani S.R.E. cardinalis Episcopi Ostiensis Opera omnia. Primum quidem studio et labore Domini Constantini Caetani Syracusani, Monachi Cassinensis collecta, et argumentis ac notationes illustrata. Nunc autem novo studio ac labore, recognita et aucta… [Œuvres complètes de saint Pierre Damien (v. notule {a}, note [46] du Faux Patiniana II‑2), cardinal de la sainte Église romaine et évêque d’Ostie. Le labeur et les soins de Dom Constantin Cajetan (v. note [28] du Naudæana 3), moine du Mont Cassin, les ont rassemblées, et éclairées de commentaires et d’annotations. Nouvelle édition revue et augmentée…] (Lyon, Claude Landry, 1623, trois tomes en un volume in‑fo), le Liber Gomorrhianus, ad Leonem ix. Rom. Pont. [Livre de Gomorrhe (cité biblique que Dieu a détruite, avec Sodome, pour la dissolution de ses mœurs), adressé au pape Léon ix (1048-1054)] se trouve dans le tome troisième, pages 449‑463, avec cet Argumentum [Argument] :

      Nefandum, et detestabile crimen, in quod Deo dicati sui temporis prolabebantur, deplorat : eosque utpote indignos a sacris ordinibus removendos esse contendit : Leonemque Pontificem Romanum implorat, ut tam fœde peccantes sua auctoritate coerceat.

      [Il (Damien) déplore le crime abominable et impie où, de son temps, étaient tombés les élus de Dieu ; il demande donc avec force que soient exclus des ordres sacrés ceux que ce crime a rendus indignes ; et il implore le pape Léon de sévir de toute son autorité contre ceux qui ont commis un si répugnant péché].

    5. Marbodus (Marbode ou Marbœuf), évêque de Rennes de 1096 à 1123 : Incipit Liber Marbodi… [Ici commence le livre de Marbodus…] (Rennes, Johannes Baudouyn, 1524, in‑4o), avec condamnation de certaines pratiques contre nature, dont une Objurgatio turpis amatoris puerorum [Objurgation d’un honteux amoureux des enfants] (page B.ii).

    6. Alani Magni de Insulis, Sacræ Theologiæ Doctoris cognomento Universalis, ex glorioso Scholæ Ecclesiasticæ Parisiensis Moderatore, humiilis Cisterciensis conversi, Opera moralia, parænetica et polemica, quæ reperiri potuerunt. Quorum pleraque nunc primum ex antiquis manuscriptis Codicibus eruta, luci dantur ; alia typis olim edita (collatione facta cum exemplaribus m. ss.) correctiora, varieque illustrata proferuntur. Opere et studio R.D. Caroli de Visch, Prioris Cænobii B. Mariæ de Dunis, S. Theol. Professoris.

      [Œuvres morales, parénétiques {i} et polémiques qu’on a pu trouver du grand Alain de Lille, surnommé le Docteur universel de sainte théologie, jadis glorieux recteur de l’École ecclésiastique de Paris, humble frère convers cistercien. Nombre d’entre elles ont été exhumées d’anciens manuscrits et sont mises au jour pour la première fois ; les autres ont déjà été publiées, mais sont plus correctement présentées (après collation avec les exemplaires manuscrits) et accompagnées de commentaires variés. Par le labeur et l’édude du R.P. Charles de Visch, prieur de l’abbaye de Sainte-Marie-des-Dunes, {ii} professeur de théologie sacrée]. {iii}

      1. Exhortant à la vertu.

      2. Près de Furnes en Belgique.

      3. Anvers, Guilielmus Lesteenius et Engelbertus Gymnicus, 1654, in‑4o de 436 pages.
    7. Prophetia anglicana Merlini Ambrosii Britanni, ex incubo olim (ut hominum fama est) ante annos mille ducentos circiter in Anglia nati, Vaticinia et prædictiones : a Galfredo Monumetensi latine conversæ : una cum septem libris explicationum in eandem Prophetiam, excellentissimi sui temporis Oratoris, Polyhistoris et Theologi, Alani de Insulis, Germani, Doctoris (ob admirabilem et omnigenam eruditionem, cognomento) Universalis, et Parisiensis Academiæ, ante annos 300, Rectoris amplissimi. Opus nunc primum publici iuris factum, et lectoribus ad historiarum, præcipe vero Britannicæ, cognitionem, non parum luci allatum.

      [La Prophétie, ou les Oracles et prédictions de l’Anglais Ambroise Merlin {i}, né (comme racontent les hommes) d’un incube, {ii} en Angleterre il y a environ mille deux cents ans : traduits en latin par Geoffroy de Monmouth, {iii} avec les sept livres de commentaires sur ladite Prophétie, rédigés par le Flamand Alain de Lille, le plus éminent orateur, érudit et théologien de son temps, Docteur universel (ainsi surnommé en raison de son admirable connaissance de toutes les sciences) qui fut très puissant recteur de l’Université de Paris il y a 300 ans. Ouvrage qui est publié pour la première fois et qui n’apportera pas de faibles lumières aux lecteurs sur la connaissance de l’histoire, principalement britannique]. {iv}

      1. Plus connu sous le nom du légendaire Merlin l’Enchanteur, mais confondu ici (comme bien ailleurs) avec Ambroise Aurélien, mythique prophète et guerrier breton.

      2. Démon nocturne, v. note [42] deL’homme n’est que maladie.

      3. Geoffrey of Monmouth, chroniqueur gallois et évêque de Saint-Asaph au xiie s.

      4. Francfort, Joachimus Bratheringius, 1603, in‑8o de 269 pages.

    73.

    « il a beaucoup écrit. »

    Antonio Querenghi (Antonius Quærengus, Padoue, 1546-ibid. 1633), poète bilingue, italien et latin, a œuvré dans l’entourage de cinq papes successifs.

    Le gros de Naples est une variété de taffetas (toile de soie plus ou moins mêlée de lin ou de laine). Le bleu turquin (turchino, turquoise en italien) est un « bleu foncé, peu éclatant et tirant sur l’ardoise » (Littré DLF).


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 167 :

    « Ant. Querenghi était référendaire de l’une et l’autre signature, {a} prélat domestique {b} d’Urbain viii et chanoine de Padoue, sa patrie. Il y naquit en 1546 et mourut à Rome le 1er septembre 1633, âgé de 86 ans. Allatius lui a consacré un long éloge dans ses Apes urbanæ. » {c}


    1. Signatures pontificales de grâce et de justice.

    2. Prélat attaché à la Maison pontificale.

    3. Pages 44‑50 des « Abeilles urbaines » de Leo Allatius (Rome, 1633, v. supra première notule {a} de la note [68]).

    74.

    « qui fut le plus savant des citoyens romains, afin que saint Augustin ne pût être accusé d’avoir plagié ses ouvrages, car il avait entièrement copié ses livres de la Cité de Dieu sur Varron. Certains nient le fait ».

    V. note [1], lettre 14, pour Varron, prolifique écrivain romain du ier s. av. J.‑C., dont la plupart des ouvrages ont disparu, et [5], lettre 91, pour Augustin d’Hippone, saint docteur de l’Église qui vécut au ve s., auteur des 22 livres de « La Cité de Dieu » (où Varron est abondamment cité).

    Grand admirateur de saint Augustin, le moine bénédictin toscan Ildebrando Aldrobrandeschi de Soana (mort en 1085) avait été élu pape en 1073 sous le nom de Grégoire vii. Il fut le principal artisan de la réforme dite grégorienne, qui a établi les règles de la vie ecclésiastique et les fondements du droit canonique. Il a été canonisé en 1606.

    V. notes [41] du Faux Patiniana II‑2, et [12] de la 2e lettre de Roland Desmarets pour l’autodafé commis par l’autre saint pape, Grégoire le Grand (590-604).

    75.

    Pompeius Pasqualinus (Pompeo Pasqualino, mort en 1624) : P. Ovidii Nasonis Metamorphosis, cum indice ex bibliotheca Pompeii Pasqualini, Bononiensis [Les Métamorphoses d’Ovide, avec un index tiré de la bibliothèque de Pompeius Pasqualinus, natif de Bologne] (Rome, Giacomo Mascardi, 1614, in‑8o). Un index perpetuus est un index complet.

    Sainte-Marie-Majeure, dont la construction a commencé au ve s., est la plus ancienne des quatre basiliques majeures de Rome.

    Je n’ai pas retranscrit le paragraphe qui précède celui-ci dans le Naudæana car il répète mot pour mot ce qui a été dit plus haut sur la postérité de Cardan à Milan et sur sa mort à Rome.


    Additions et remarques du P. de Vitry
    (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 167 :

    « Il s’appelait Pompeius Pasqualinus, et fut reçu chanoine de Sainte-Marie-Majeure en 1610. Son Index omnium vocum, etc., {a} fut imprimé à Rome en 1614 in‑8o. »


    1. Cet « index de tous les mots, etc. » est intitulé In P. Ovidii Nasonis Sulmonensis Metamorphoseon libros xv. Index omnibus numeris absolutus ex Bibliotheca Pompeii Pasqualini Bononiensis Liberianæ Basilicæ Canonici [Index (alphabétique) intégral contenant tous les mots qui sont dans les 15 livres des Métaporphoses d’Ovide, tiré de la bibliothèque de Pompeius Pasqualinus, chanoine de la basilique Sainte-Marie-Majeure (fondée par le pape saint Libère au ive s.)]. Il occupe toute la seconde moitié du livre cité plus haut.


    Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Ana de Guy Patin : Naudæana 1

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    (Consulté le 26/04/2024)

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