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Ana de Guy Patin :
Triades du Borboniana manuscrit

Ms BnF Fr 9730 [page 82] [1]

Paralipomènes ou les cent triades du Borboniana [1]

  1. Tria sunt animalia mendacissima et a quorum congressu omnis vir bonus, prudens et sapiens debet abstinere : ea sunt 1o meretrix, 2o chymista, [2] 3o monachus, [3] præsertim si indoctus fuerit, quales sunt plerique omnes. Horum animalium primum est vorago et abyssus perniciosissima, quam multi adeunt, et a qua pauci liberantur : c’est une sirène [4] qui enchante et empoisonne ceux qui en approchent, quæ neque debet audiri neque videri, urit enim videndo femina. [5] Secundum est ineptissimum animal, credulum et prope delirum : quammulta promittens, quorum centesimam partem non potest præstare. Tertium est animal conflatum ex inscitia, desidia, hypocrisi, fatuitate, etc., denique a vera sapientia abhorrens, ad meram infelicitatem et calamitatem natum[2]

  2. Ce M. F. avait beaucoup d’esprit, mais il en abusait trop : il était fou [6] et maniaque, presque enragé, trop débauché, sans aucun soin de son honneur ni de sa santé. Il aimait trop le vin, [7] et en buvait à toute heure de trop de sortes. Il bordelait rudement et prenait du tabac [8] plus qu’un filou, à tout moment. [3][9] On pourrait lui appliquer cette épigramme de Is. Pontanus, pag. 194 : [10]

    Et vinum et venerem veteres mala bina celebrant,
    addidit ecce suum tertia Lerna [11] malum.
    Hæc quæ Lerna rogas ? Quæ nigris venit ab Indis,
    inficiens nostrum nigra tobacca genus
    [4]

  3. Les trois plus grands fleuves de l’Europe sont le Danube, [12] le Pô [13] et le Rhône : [14] le Danube est en Allemagne, le Pô est en Italie, et le Rhône est en France. Quelques-uns, au lieu du Rhône, mettent le Rhin, [15] qui divise les Gaules d’avec l’Allemagne ; et de fait, ce fleuve est encore plus considérable que le Rhône, qui n’est pas si grand, mais qui est de beaucoup plus rabide < sic >. [5]

  4. Præcipui montes in orbe terrarum tres numerantur, nempe Alpes [16] in Europa, Caucasus [17] in Asia, Atlas [18] in Africa. Vide Barth. Keckermanni [19] Systema geographicum, Cap. 3, lib. 2, pag. 428, edit. in‑8o[6]

  5. Fatum, necessitas, Deus. Iam fatum quid ? æterna, ab æterno, in æternum, Dei lex : quam adeo non abrogare fa[s,] ut nec abrogari ei liceat aut derogari. Si ab æterno et immobilis : stulte, quid cum necessitate pugnas ? Hoc unum vinces, ut pluribus plagis contusus vincare. Si a Deo : impie, quid quereris ? Culpare non potes aliquid malum aut acerbum in eo et ab e[o] qui bonitas et benignitas totus. Justus Lipsius Cent. i, epistola 61[7][20][21]

  6. Tria maxime optantur : a nauta, portus ; a peregrino, patria ; a servo, libertas. Animus generosus per mortem corporis hæc tria simul adipiscatur. Fr. Piccolomineus [23] in libros de Generatione et corrupt. pag. 379[8][23]

  7. Tres humanæ sapientiæ principes videntur sui interfectionem [24] comprobasse, nimirum Plato, [25] Seneca [26] et Epictetus. [27] Vide Jo. Schildi [28] Exercitationes de morte Senecæ, pag. 150[9]

  8. Tres histriones loquuntur Christum repente et insperato esse confessi, nempe : Genesius [29] spectante Diocletiano ; [30] Ardalio quidam, homo item scenicus ; [31] tertius denique Porphyri[us] dictus. [32] Vide Jacob. Pontani [33] Attica bellaria, pag. 409, edit. Franc[10]

  9. Il y a aujourd’hui trois choses qui gouvernent le monde, ou tout au moins y ont-elles trop de crédit, savoir : 1o la tyrannie des princes et des grands ; 2o l’hypocrisie des prêtres et des moines ; [34] 3o l’orgueil et la superbe des riches du siècle, j’entends les mauvais riches, tels que sont les financiers, partisans, banquiers, usuriers, banqueroutiers [35] et leur séquelle. Les premiers n’ont ni pitié ni charité, [ils] abusent trop de leur pouvoir. Les seconds ont trop peu de conscience et son trop à leur aise. Les troisièmes sont faux et méchants, le dieu Plutus [36] leur fait tourner la tête, et en restent insolents et impudents ; ils se moquent de tout le monde parce qu’il sont l’argent d’autrui.

  10. Toute la perfection chrétienne est réduite à trois points, dont le 1er est s’absten[ir] du péché, < le > 2e, faire le bien, < le > 3e, souffrir les maux avec patience.

  11. « Saint Grégoire de Nazianze [37] nous apprend qu’il y a trois lumières spirituelles, dont [page 83] la 1re est Dieu, lumière infinie, qui ne peut être ni conçue ni expliquée que d’elle-même, et qui va se communiquant un peu au dehors, lorsqu’elle illumine les natures intelligentes. La 2e est l’ange, qui est un ruisseau, une participation, et comme le premier rayon de cette première lumière. La 3e, qui est même visible, est l’homme, à cause de la clarté de la raison dont son âme est douée, etc. » Le P. S. Jure [38] en son Homme spirituel, pag. 10. [11][39]

  12. « Je remarque trois sortes de sciences. La 1re est celle des philosophes, qui consiste, au dire de leur Chef, à voir une chose dans son fond, à la regarder dans sa source, et la connaître par sa cause. La 2e est la science des théologiens, qui se prend pour la connaissance d’une chose tirée non point de sa cause naturelle, comme celle des philosophes, mais de l’Écriture sainte et des principes de la foi, dont les hommes savants se servent pour prouver les vérités de notre religion à ceux qui les ignorent, etc. » « La 3e science est celle des saints, dont l’Écriture fait souvent mention, et un des sept dons du Saint-Esprit, et une lumière surnaturelle, etc. » Le même, page 389, etc. [12]

  13. Aristoteles, [40] io de Mundo et cœlo, cum de perfectione Mundi tractat, ait eum esse perfectissimum, quia, inquit, tria sunt omnia.

  14. Unus est Deus in Trinitate personarum.

  15. Triplex est ignis, elementaris, terrestris et subterrestris, seu inferus.

  16. Triplex est mare universi mundi : mare Magnum sive Oceanus, mare Mediterraneum, mare Caspium : [41] hoc nunquam exundat, licet maximi fluvii in illud influant, ut Volga.

  17. Turcarum Tyrannus [42] scribit se dominum triplicis maris, nempe Albi, Nigri et Rubri ; et vere videtur ob hanc triplicitatem recte assignari tridens Neptuno.

  18. Tres sunt veteris orbis partes, Europa, Asia et Africa : sic quoque tres sunt novi, scilicet America, [43] terra Antipolaris, [44] post fretum del Maine, et terra Polaris, [45] nondum cognita, post novam Zenlam[13][46]

  19. Triplex est Gallia : Aquitanica, Celtica et Belgica.

  20. Tres olim fuerunt apud veteres Gallos sapientes : Druidæ, Bardi et Eubages. [47] Vide Jani Cæcilii Frey [48] Cosmographiæ selectiora, pag. 161[14]

  21. Tres sunt in Africa maximi fluvii, Nilus, Niger et Senega[49][50][51]

  22. Antiqua Babylon [52] tam vastæ fuit amplitudinis, ut cum inimici unam partem urbis cœpissent, ex altera parte tantum triduo post, id innotuerit, ut refert Aristoteles in Politicis : [53] trium igitur dierum iter hæc urbs continebat.

  23. America tres sunt potissimum partes : una Magellanica, terraque Australis adhuc incognita ; [54] alia est America Meridionalis sive Peruviana ; [55] alia est Septentrionalis sive Mexicana[56]

  24. Nonnulli ex veteribus dixerunt septem esse ostia Nili principalia, per quæ in mare Mediterraneum se se præcipitat ; [57] esto, fuerit olim hoc unum ; constat tamen hodie tantum superesse tria, memoratu digna nempe Canopicum, Bolbiticum, et Pelusiacum. Vide Wendelini [58] admiranda Nili, pag. 220.

  25. Vulgari Judæorum proverbio, tria hominum genera pœnis futuri sæculi eximuntur : pauperes, quod egestas sit ignis urens, quo peccatorum scoriæ et sordes absumuntur ; male uxorati, quod durius supplicium mala conjuge nemini in hac vita possit contingere ; et magistratus, quod ab omnibus judicentur, etc[15][59][60]

  26. Un homme qui voudra devenir savant ès humanités n’a qu’à lire trois livres, qui sont pour cet effet très excellemment bons, savoir les Adages d’Érasme, [61] Antiquæ lectiones Cælii Rhodigini[62] et Hieroglyphica Pierii Valeriani[16][63]

  27. On y pourrait ajouter trois sortes d’épîtres : celles du bon Érasme, [64] celles de Lipse et celles de Joseph Scaliger ; [65] ou bien celles d’Isaac Casaubon, [66] lesquelles sont véritablement en plus grand nombre, mais elles ne sont pas fort élégantes, si vous ne prenez celles qu’il a fait imprimer de son vivant, quales sunt paucæ admodum, ad Cardinalem Perronium, [67] ad Frontonem Ducæum, [68] ad Mich. Lingelsheimium. [69] Epistolæ Plinii, [70] Politiani [71] et Mureti [72] sunt etiam optimæ[17] [page 84]

  28. Un bon père voyant son fils avancer dans les finances, où apparemment il ferait grande fortune, lui recommanda particulièrement qu’il eût à se garder de trois choses, dans lesquelles la bonne fortune précipite bien souvent les hommes, dont la 1re est l’athéisme, [73] la 2e est la grosse vérole, [74] la 3e, toute sorte de faute ou de vice criminel qui sentît la corde, l’infamie ou le bourreau.

  29. Il y a trois démons par le monde, dont est malheureux quiconque en est possédé : le 1er est l’ignorance ; le 2e est la pauvreté ; le 3e est la vérole. Que s’il est permis d’en adjoindre un 4e, ce sera l’envie de se venger, vindictæ cupiditas, qui est un vice incompatible avec un honnête homme ; beaucoup moins avec un chrétien, à qui Dieu même a dit, mihi vindicta, et ego retribuam[18][75][76]

  30. Le Grand Turc disait un jour à M. de Brèves [77] que les chrétiens sont les plus grands fous du monde, tant en religion qu’en morale et en politique : 1. ils adorent comme un dieu, et tiennent pour leur sauveur un homme qui a été pendu entre deux larrons ; 2. ils tiennent pour infaillible, [78] pour saint, pour un homme qui ne peut errer, et pour chef de leur religion le pape de Rome, qui est ordinairement un méchant homme, un renard fin et rusé, un maître fourbe, etc. ; 3. ils boivent du vin qui les rend catarrheux, [79] goutteux, [80] pierreux, [81] qui les rend délicats, qui leur abrège leur vie, etc. De ces trois points, le 1er est absolument faux ; le 2e est quelquefois vrai ; le 3e est absolument vrai. [19][82]

  31. Tria sunt genera mortis, acerba, immatura, naturalis : acerba dicitur infantum ; immatura, juvenum ; naturalis, senum. Ex Isidoro [83] lib. ii. Orig. cap. 2. desumpsit Ger. Jo. Vossius [84] lib. 4o Instit. Orat. pag. 93 ; quod tamen discrimen non semper observatur.

  32. Tres olim viros illustres ex dracone genitos putavit antiquitas, nempe Alexandrem Magnum, [85] Scipionem [86] et Augustum[20][87]

  33. Trois choses sont requises à un homme pour couler heureusement sa vie : sobriété, silence et santé ; His gradibus pereuntur ad quartum punctum jucundissimum, nempe ad sapientiam[21][88]

  34. Il y a dans le Vieux Testament trois grands et étranges bâtiments, savoir 1. l’Arche de Noé, [89] 2. la Tour de Babel, [90] 3. le grand et fameux Temple de Salomon, [91] à ce qu’a dit le Capitaine Pierrot. [22]

  35. M. de M., maître des requêtes[23] dit qu’un honnête homme, pour vivre doucement, doit être bien avec trois personnes, savoir 1 avec son curé, 2. avec sa femme, 3. avec son voisin.

  36. Il y a trois choses qui triomphent impunément et honteusement à Paris : 1. la bonne fortune des partisans et autres ; 2. la bonne mine des ambitieux malaisés ; 3. la superstition [92] des moines, des femmes, et autres en grand nombre qui ne sont pas bien guéris de la sottise du siècle.

  37. Il y a trois choses que presque tout le monde craint sans les bien connaître, et sans presque savoir ce que c’est : 1. Dieu, 2. la pauvreté, 3. la mort.

  38. L’instruction que donnaient les Perses à leurs enfants, depuis cinq ans jusques à vingt, consistait, au rapport d’Hérodote, [93] en 3 choses : 1. de bien tirer de l’arc ; 2. de monter à cheval avec adresse ; 3.  qu’ils estimaient le plus important de tous, de ne mentir jamais. M. de La Mothe Le Vayer, [94] p. 260 du 4e tome de ses opuscules. [24]

  39. Il y a trois choses qui entretiennent l’amour et qui le concilient, savoir : l’égalité, la bienveillance et la familiarité ; quæ quidem tria cum desint, videtur nullus inter deum et homines amori relictus, inquit Aristoteles, lib. 8. Ethicorum[25][95]

  40. Il y a trois choses qui détruisent le monde, savoir : les item des marchands ; les Recipe ou qui pro quo d’apothicaires ; [96] et les et cætera des notaires. [26]

  41. Les Anciens ont cru qu’il était permis à un homme d’honneur et de courage de se tuer soi-même en trois cas : 1. propter paupertatem ; 2. propter amorem ; 3. propter morbum. Voyez les Questions notables du droit de M. du Mesnil d’Olive, [97] in‑4o, à Toulouse, de l’an 1646. [27][98][99]

  42. Il y a trois choses qui sont en la puissance des juges, savoir : la vie, la mort et la fortune des hommes. [page 85]

  43. Trois choses sont requises pour faire une heureuse navigation : la 1re, d’avoir un vaisseau de bonne matière et équipé de toutes sortes de munitions ; < la > 2e, de se conduire par le conseil et de suivre les routes des plus expérimentés pilotes ; < la > 3e, de choisir un bon port, où l’on puisse aborder sûrement.

  44. Pour être grand et célèbre avocat, il faut être curieux de garder et observer 3 choses : 1. d’être affectionné et charitable à la défense du bien et de l’honneur de ses parties ; 2. d’être véritable en toutes ses paroles ; 3. d’être pertinent en ses discours et ses propos.

  45. Tritonia Pallas [100] dicitur quod in Trito Libyæ fluvio nata credatur : [101][102] vel quod tertio mensis die orta, ideo enim tertia dies Minervæ sacra est Athenis : vel quod εκ της τριτους i. Jovis [103] capite prognata : τριτω enim Bœotum lingua, caput nominatur : vel quod eadem cum luna sit, quæ apparet tertio quoque a coïtu die : vel quod eadem sit cum anima, quæ tres partes habet, επιθυμιαν, θυμον, λογισμον  : vel quod eadem sit cum prudentia : aut ex Democriti [104] sententia, quod hæc tria præstentur ab anima, bene consulere, recte judicare, juste agere, id est, ευβουλευειν, ευκρινειν και ευπραγειν. Embl<em>. Alciati, [105] in‑4o, pag. 16[28][106][107][108][109][110]

  46. in Ludovico ii. Hungariæ Bohemiæque Rege, [111] anno 1526. 29. Sextil. prope Mohacium, [112] in rivulo extincto, scribit Joannes Dubravius, [113][114] tria pecularia fuisse adornata, cuncta nimis præcocia : 1. quod cito adoleverit : 2. quod ante tempus barbam emiserit : 3. quod vix annum 18 ingressus canos ostenderit. Leguntur ista in Historia Bohemica prope finem. Eadem Emblem. Alciati pag. 877[29][115]

  47. Tria sunt quæ debent curare juvenes ut habeant, ex prudenti Plutarchi [116] monito, i. in animo temperentiam, in lingua silentium, in ore pudorem.

  48. Tria sunt saluberrima, non satiari cibis ; impigrum esse ad laborem ; et vitale semen conservare. [117] Plutarchus.

  49. Balnea, [118] vina, Venus, [119] conservant corpora nostra
    Corrumpunt eadem balnea, vina, Venus
    .

  50. Tria in conviviis requirebat Bacchylides : [120] 1. moderatum cibi ac potus apparatum ; 2. suave colloquium ac veram convivarum benevolentiam ; 3. bonum vinum, quo senes maxime delectantur. Ibid. 134.

  51. Tria sunt quæ se se invicem consequuntur, Bacchus, [121] Venus et podagra, [122] unde natum distichum Græcum et Latinum. Ibid.

    Λυσιμελους Βακχου, και λυσιμελους Αφροδιτης
    Γενναται θυγατης λυσιμελης ποδαγρα.

    Membrifragus Bacchus cum membrifraga Cythereia,
    progenerant natam membrifragam podagram
    .

  52. Tria sunt potus genera, vinum, zythum, [123] aqua. Vinum bibunt Europæi divites pene omnes : zythum pauperes et minus divites Angli, Scoti, Belgæ, Dani, Sueci, Poloni, Germani : aquam bibunt feminæ pene omnes in Europa, et sapientes fere singuli : ut et Africani, Asiatici, et Americani. Superest pomaceum, [124] ex fructibus confectum, magni usus in Normania, apud Benearnenses, et in Africa :

    Docti vina, rudes zythum, pecus hauriat undam[30]

  53. Tribus modis veteres comperimus fœdera sancire consuevisse : verbis, ut jurejurando ; factis, ut mactatis victimis : manibus, ut his fidem obstringerent. Unde tria apud eos erant rupto fœderis crimina : perjurii, aræ violatæ, et fractæ fidei. Idem ibid. p. 62.

  54. Tria sibi videri difficilia dixit sapiens Hebræus, viam aviculæ in medio aere volitantis : viam colubri in media planicie oberrantis : viam navis in æquore medio : sed omnium dificillimum, viam adolescentis in ipso ætatis fervore luxuriantis. Idem, ibid. p. 263.

  55. Tria speciosa videntur in conspectu Dei et hominum : concordia inter fratres : amicitia inter vicinos : vir et mulier in societate et fide mutua preservantes.

  56. Tria sunt vitia quæ Deo et naturæ repugnant, hominibusque valde displicent : nempe adolescentis ignavia : inopis superbia : et senis jam capularis libido intempestiva. Idem ibid. pag. 497[31]

  57. Tria significat Concio, ex Aulo Gellio, [125] lib. 18. cap. 7, 1. locum suggestumque unde verba fierent : 2. cœtum populi : 3. orationem ipsam quæ diceretur ad populum[page 86]

  58. Triceps olim effingebatur Mercurius, [126] quia physicam, ethicam et logicam amplectebatur : seu, quod cælestis, marinus, ac terrestris crederetur. Talis quoque solebat in triviis apponi cum inscriptione in singulis capitibus, quo duceret via hæc, quo rursus illa. Idem ibid. pag. 53[32]

  59. Tres amores facit Apuleius, [127] libello quem de philosophia scripsit, ubi Platonem [128] auctorem appellat : unum divinum, cum incorrupta mente et virtutis ratione convenientem ; alterum degeneris animi, et corruptissimæ voluptatis ; tertium ex utroque permixtum, mediocris ingenii et cupidinis modicæ. Ibid. pag. 460.

  60. Triplex est ignorantiæ causa efficiens : levitas animi : voluptas et superbia.

    Sunt quos ingenium leve, sunt quos blanda voluptas,
    sunt et quos faciunt corda superba rudes.
    Vide Alciat emblema 188. et ibid. pag. 799 et 801
    [33]

  61. Triplex ludi genus esse deprehendimus. Unum, quod sola sors regit, ut est lusus talorum, tesseranum, chartarum, etc. Alterum, quo arte magis quam sorte res agitur, ut est lusus latrunculorum, ludi equestres, pilæ, etc. Tertium ex his mixtum est, ut est in alveo lusorio, ubi etsi jactus talorum ex sorte pendeat, tamen calculos arte disposimus. ibid. pag. 558[129]

  62. Triplex est omnis humanæ vitæ lapsus : aut cum transgredimur, i. secus facimus quam oportet, quod est plus quam decet ; aut quod omissum oportuit, neque satis considerate fecimus ; aut omittimus quod erat faciendum. Ibid. pag. 103.

  63. Tria genera risus ponit Clemens Alexendrinus : [130] μειδιαμα, risum deorum ; κιχλισμον, meretricium ; καγχασμον, procacem, et notas referentem libidinis. Alii primum faciunt naturæ, quæ potius est dicenda hilaritas : hunc in Sara [131] Abrahami [132] uxore fuisse memorant ; secundum stultitiæ, sicuti est omnium stultorum cachinnus ; tertium malitiæ, qualis fuit in Chamo, [133][134] cum paternam derideret turpitudinem. Ibid. pag. 471[34]

  64. Les moines du temps de saint Jérôme, [135] imitant les philosophes du paganisme avaient trois remarques particulières entre autres : une grande barbe, un manteau noir [136] et les pieds nus. Cela paraît par l’épître de saint Jérôme 22. ad Eustochium[137] en ces mots :

    Sed ne tantum videar disputare de fœminis, viros quoque fuge, quos videris catenatos : quibus fœminei contra Apostolum crines, [138] hircorum barba, nigrum pallium, et nudi in patientia frigoris pedes. Hæc omnia argumenta sunt diaboli : talem olim Antimum, talem nuper Sophronium Roma congemuit ; qui postquam nobilium introierunt domos, et deceperunt mulierculas oneratas peccatis, semper discentes, et nunquam ad scientiam veritatis pervenientes, [139] tristitiam simulant, et quasi longa jejunia, furtivis noctium cibis protrahunt ; pudet dicere reliqua, ne videar potius invehi, quam monere. D. Hieronim. tomo i. pag. 147.

    Cordula nodosa, pes nudus, lingua dolosa,
    hæc tria nudipedes ducunt ad tartara fratres
    [140]

  65. Le pape porte une triple couronne [141] pour faire croire aux plus simples qu’il a pouvoir au ciel, en terre, et en enfer :

    Credat Romanus aruspex.

    Papa sua triplicem prætendens fronte coronam,
    Imperium cœli et terræ sibi sumit, et orci
    [35]

  66. Quand, en l’année 1580, François Drac, [142] pirate anglais, [143] fut retourné à Londres de son grand voyage, auquel il fit presque le circuit de tout le monde, on lui reprocha trois choses, dont la 1re fut d’avoir fait couper la tête à Doughtey, [144] près du détroit de Magellan ; [145] < la > 2e, d’avoir abandonné à la cruauté des Espagnols le navire portugais qu’il avait pris à l’entrée de l’Afrique ; et la 3e, d’avoir inhumainement exposé dans une île cette fille nègre qui avait été engrossée dans son navire. [36][146]

  67. Tres salutiferas pilulas [147] nobis sumendas Christus proponit : 1. est, diligite inimicos vestros ; 2. benefacite his qui oderunt vos ; 3. orate pro persequentibus vos. [148] Tria, inquam, nobis præcipiuntur : diligite, benefacite, orate.

  68. Ecclesia, ait Chrysostomus, [149] non est tonstrina aut ungentaria taberna, aut officina forensis, sed locus Angelorum, locus Archangelorum, regia Dei : vix dicam, vero, Ecclesia est cœlum ipsum.

  69. Tres olim, quod sciam, fuerunt homines quibus omnicsii nomen honoris causa datum est : omniscius vocabatur Hippias, [150] Hieronymus Stridoniensis, Alphonsus Tostanus Abulensis. [151] Hippiam depingens philosophus Madaurensis (is est Apuleius lib. 2 Florid.) : Artium, inquit, multitudine prior omnibus. Hieronymus alter inter omniscios. Jam Augustini ævo vulgatum dictum : quod Hieronymus, omnium literarum studia adeptus, nescierit, [page 87] nemo facile discet. Tertius Tostatus, episcopus Abulensis, qui 16. bene magna scripsit volumina. De ejus eruditione summa natum illud plebeium :

    Hic stupor est mundi qui scibile discutit omne.
    Hierem. Drexelius [152] in Salomone, cap. 18. pag. 186. edit. in‑24
    [37]

  70. Dives eram dudum, at fecerunt me tria nudum,
    alea, vina, Venus, tribus his sum factus egenus
    .

    Ces trois choses mal employées sont capables de ruiner un homme, et de lui ôter son bien, son esprit et sa santé.

  71. Trois choses sont contraires à l’étude, vina, Venus, vigiliæ :

    Est Veneri Bacchus, Venus est inimica Minerva.

  72. Quidam qui sapientem simulabat, amissa uxore, et provocatus ad conjugium, dicebat se a secundis nuptiis abhorrere, sibique inde cavere, metu trium L.L.L., nempe librorum, liberorum, et libertatis : i. ne tempus studendi librosque evoluendi per novam uxorem illi eriperetur : ne nimia liberorum copia ejus familia abundaret : et ne propriæ libertatis qua potissimum gaudebat, jacturam pateretur. Lege epsitolam dedicatoriam partis 1æ Poematum Casparus Barlæi, [153] anni 1645[38][154][155]

  73. Tria egregia narrantur de Othone, [156] Galbæ [157] successore, apud Lud. de La Cerda, [158] in epistola sua dedicat. ad lib. i Æneidos, priusquam se interficeret, [159] et Vitellio [160] imperium relinqueret.

  74. Ægyptiaci cœli hæc tria fuere παθηματα propria, ελεφαντιασις, [161] εκζεματα puerorum, [162] et lichenes sive mentagra. [163][164] Salmasius [165] de Annis climactericis pag. 728[166]

  75. Apud Seres [167] olim neque furari licitum fuit, neque occidere, neque mœchari. Idem Salmasius, ibid. pag. 623[39]

  76. Cujusque imperii tria sunt quasi fulcra, ærarii administratio, præmiorum distributio, et militaris disciplina[168]

  77. Veteres dixerunt Galliam habere tres Magnetes, qui foris ad se pertrahant pecuniam : ii autem sunt frumentum, vinum, et sal. Ex sola Portugallia quatuor milliones pro frumento in Galliam transportantur. Alii volunt, quotannis reditus ex frumento, esse 150. tonnas auri : hinc Hispani directum pecuniæ dominium, Galli vero utile habere videntur. Abr. Golnitzius Comp. geogr. pag. 118. [169] Qui aurum anxia et crudeli diligentia effodiunt, et ab extremo devehunt sole, videntur Gallicæ felicitati famulari. Barcl[170]

  78. Il y a trois sortes de gens, et de chaque sorte trois, à qui il est permis de dérober, de tuer et de mentir :

    Causidicis, Erebo, Fisco [171] fas vivere rapto est.
    Militibus, Medicis, Tortori occidere ludo est.
    Mentiri Astrologis, [172] Pictoribus atque Poetis.
    Vide Corn. Gemmam, [173] lib. 2. Artis cyclognomicæ, pag. 28
    [40]
  79. L’Égypte a produit trois grand personnages, savants et excellents en leur art, savoir : Ptolémée, le géographe ; [174] Claudian, le poète ; [175] et saint Isidore, [176] nommé Pelusiota, c’est-à-dire natif de Damiette. [177] Ptolémée était natif d’Alexandrie, [178] a été grand mathématicien, [179] et a vécu à Rome du temps des empereurs Hadrien [180] et Antonin ; [181] il est le premier d’entre les gens qui a éclairci et expliqué nettement l’astrologie après Hipparchus. [182] Claudian était aussi natif d’Alexandrie, qui fleurissait à Rome du temps de l’empereur Théodose [183] et de ses enfants. [184] Saint Isidore était un abbé savant et de sainte vie, disciple de saint Jean Chrysostome, lequel vivait l’an 449, sous Théodose le Jeune. [185]

  80. Triplex fuit Isidorus, Hispalensis, Cordubensis [186] et Pelusiota. Ce premier fut disciple de saint Grégoire le Grand, [187] et est mort l’an 636. Le second vivait sous Théodose. Le troisième était égyptien, de la ville de Damiette, laquelle saint Louis [188] prit sur les infidèles l’an 1247 < sic pour : 1429 >.

  81. Tres sunt Codices ex quibus jus suum componi voluit Justinianus, [189] nempe Hermogenianus, Gregorianus et Theodosianus : et in eum finem trium doctissimorum virorum opera usus est, qui fuerunt Theophilus, [190] Dorotheus [191] et Tribonianus[41][192]

  82. Triplex est hominum genus, a quibus reges ac principes misere vexantur. Primi generis sunt adulatores seu assentatores, qui blandiendo et mentiendo illorum animos occupant, et quasi excæcant. Secundi sunt delatores seu calumniatores, quorum tanta est improbitas, ut fidissimos quosque et de Republica optime merentes, illis invisos reddant. Tertii vero generis sunt fœneratores, qui oppida, vectigalia, et portoria illorum tenent oppignorata. Hoc triplex hominum genus per tres illas Harpyas [193] intelligitur, quas poetæ fingunt insidere mensa Phinei, [194] oculis capti, et inquinare omnia : ipsasque dapes præripere misero et calamitoso regi. Tales enim homines inquinant [page 88] reges ac principes oculis animi captos, earumque facultates et alimenta ad se rapiunt. Sabi[nus] [195] in lib. 7. Metamorph. Ovid. pag. 253[42][196]

  83. Il y a trois choses qu’un homme doit soigneusement garder, en avoir soin, et ne rien faire jamais qui les puisse offenser, savoir : sa conscience, son honneur ou réputation, et sa santé.

  84. Un bon philosophe chrétien doit de telle sorte instituer et dresser le cours de sa vie, et bien élever son courage et son esprit : qu’il soit toujours prêt de faire les trois choses q[ui] suivent, savoir ad divina stupere, humana omnia ridere, et mortem contemnere[197] C’e[st]-à-dire : 1. se souvenir toujours des jugements de Dieu, et les admirer pour leur profondité et incomparabilité, [43][198] à quoi servira fort la lecture de la Bible, de voir le cours et gouvernement du monde, et la fortune de tous les princes de la terre ; 2. se moq[uer] de toutes les sottises qui se font au monde, et qui s’y débitent – il y a trois livres desquels la lecture servira merveilleusement, savoir le Lucien[199] l’Euphormion de Barclay et le Rabelais[200] ou les Colloques d’Érasme [201] et Encomium Moriæ du même, [202] on y pourrait ajouter le Pétrone [203] et l’Apulée, avec les Métamorphoses d’Ovide ; 3. de mépriser la mort ou, tout au moins, ne la guère craindre quand elle viendra, puisqu’il n’y a point de remède, à quoi servira la lecture du 1er livre des Tusculanes, [204] de contemnenda morte, les œuvres de Sénèque le Philosophe, et la Sagesse de Charron[205] qui est un des meilleurs et des plus précieux livres qui soient au monde, auro contra charus liber[44]

  85. Ita hinnitu equi Darius [206] imperium Persicum nactus est, quia ita convenerat inter eos qui de rege faciendo deliberabant. Non sors tamen proprie regem creat, sed ille qui sortem regit : nempe Deus. Is prima causa est et efficiens regum constituendorum. Secunda interdum hominum ministerium, interdum sors. Ita cum de apostol[o] in locum proditoris qui defecerat inter discipulos Christi subrogando, [207] quæstio esset mota, sorti permiserunt. [208] Cl. Salmasius in Defensione regia, pag. V71[45][209]

  86.                     « Tria sunt queis here,
    Dijudicantur cuncta, legum regulis,
    Necessitatis, atque consuetudinis. »

    M. Naudé [210] en son Jugement de tout ce qui a été imprimé contre le Card. Mazarin, etc., [211] l’an 1649, in‑4o de la 2e édition, pag. 529, ex Hugone Grotio[212][213]

  87. « Inconstans animus, oculus vagus, instabilis pes,
    hæc tria signa viri de quo mihi nulla boni spes
    . »
    Idem, ibid. pag. 609[214]

  88. « De grand seigneur, grande rivière et grand chemin, fuis, si tu peux, d’être voisin.
    Cretenses semper mendaces, malæ bestiæ, ventres pigri. »
    Ibid. 613
    [215]

  89. « J’ai toujours vécu en vieux Gaulois, en philosophe, en homme désintéressé :
    Virtutis veræ custos rigidusque satelles. » Ibid. 695[216]

  90. « J’ai toujours remarque que ce proverbe, Vetus aurum, vetus vinum, et veteres amici[217] était très véritable. » Ibid. pag. eadem.

  91. « C’est un commun dire, qu’en fait de religion, de médecine et de gouvernement, chacun se pique d’être savant. » Ibid. pag. 711[46]

  92. Chæremon [218] Tragœdiarum scriptor haud ignobilis, apud Athæneum, lib. 2, [219] vin[um] conciliari bibentibus ait σοφιαν, ευμαθειαν, ευβουλιαν, sapientiam, docilitatem, bona consilia. Cresollius in Vacat. autumnalibus, pag. 432[47][220]

  93. Un père sage et bon conseillait prudemment à ses enfants qu’ils eussent à se gard[er] de trois vices sur toute chose, savoir : de jurer le nom de Dieu, et quoique ce s[oit,] de mentir jamais, et de médire de personne.

  94. Audienda verba Servii [221] in hunc locum ista. [222] “ Tribus humana vita continetur : N[atura], cui ultra centum et viginti solstitiales annos concessum non est ; Fato, cui 90 ann[i], hoc est tres Saturni [223] cursus, exitium creant, nisi forte aliarum stellarum benignit[as] etiam tertium ejus superet cursum ; Foruna, id est casu, qui ad omnia pertinet, q[uæ] extrinsecus sunt, ut ad ruinam, incendia, naufragia, venena. ” Hac adhibita distinction[e,] subjicit, bene Poetam dixisse, “ Peregi cursum, quem dederat Fortuna ”, quasi excludens Naturam, et Fatum. Ut et Cicero in Antonium : [224][225] “ Multa mihi imminere videbantur præter Naturam, præterque Fatum ” ; id est, multa imminere a Fortuna. Est hoc, quod infra, de eadem Didone [226] Virgilius : “ Nam quia nec fato, merita nec morte peribat, sed misera ante diem ” ; [227] id est, non Fato, non Natura, sed Fortuna. Serviana distinctio eadem credo est, cum illa, quam ego observaveram in Virgilio, qui res attribuit Fortunæ, Fato, Deo. Nam Naturam sub Dei nomine contineri jam olim Philosoph[i] [page 89] veteres monuerunt, cum nihil aliud sit Natura, quam quæ Deus constituit initio conditi orbis. Sed subjicio observata Virgilii loca. Hic ait : “ Dulces exuviæ, dum Fata Deusque sinebant. ” Et postea subjicit Fortunam, quam omiserat, cum ait : “ Vixi, et quem dederat cursum Fortuna peregi. ” Supra etiam in hoc libro, etc. Non multum abit divisio Macrobii [228] lib. i. Sat. cap. 19. qui nascenti cuipiam adesse numerat Deos Præstites, Δαιμονα, Τυχην, Αναγχην : Deum, Fortunam, Fatum. Vide la Cerdam in Virg. i. Æneid. pag. 479[48]

  95. Pessima mater ambitio tres producit nequam filias : ignaviam, temeritatem, avaritiam, pestes philosophiæ omniumque artium. Philosophia Altorfina, p. 175[229]

  96. Tria Turcicum militem formidolosum nobis faciunt : 1. quod imperatoris dicto obedientissimus est ; 2. quod inediæ patientissimus ; 3. quia nullum refugit periculum, ex religione [230] fati sui. Idem, pag. 311[49][231]

  97. Paullus Æmilius [232] apud Livium [233] tria in milite requirebat, nempe ut corpus quam validissimum haberet ac pernicissimum ; arma etiam apta et expedita ; < ac > animum denique paratum ad subita imperia ; et Brasidas, [234] referente Thucydide, [235] censebat optimi militis munera esse το εθελειν, και το αισχυνεσθαι, και τοις αρχουσι πειθεσθαι, velle, revereri, obedire ducibus ; cætera vero, < quod item dicebat Æmilius, > diis immortalibus et imperatorum cura esse relinquenda. Gabriel Naudæus in libro de studio militari, pag. 40[50]

  98. Le Maréchal de Bouillon [236] disait qu’il y avait trois sortes de gens à qui jamais il n’aurait dit son secret, savoir : un prêtre, une femme et un enfant. Le secret est une chose de telle importance en la vie qu’il vaut mieux ne le dire jamais à personne, que de se mettre dans le danger ; et surtout, il est vrai qu’il se faut garder d’un prêtre, de peur que l’ayant révélé, il ne nous paye de quelque révélation que le Saint-Esprit lui aura envoyée en disant son bréviaire. Un moine, qui est un animal de même nature, nous payera de quelque intérêt de sa communauté, ou de quelque inspiration, en disant son chapelet ou méditant la Passion de Notre Seigneur. Une femme est indigne d’un grand secret, pour sa futilité et légèreté naturelles ; et un enfant, pour la faiblesse de son esprit. Mais quelqu’un dira : à qui donc faut il dire son secret ? Je réponds qu’il ne le faut jamais dire à personne ; d’autant qu’aussitôt qu’il est dit, il n’est plus secret : vous l’avez dit à votre ami, celui-là le dira à un autre ami, puis au tiers, puis au quart ; et enfin, vous ne le tenez plus, et ne peut plus être secret.

  99. Sed quis ærario Regio juste administrando præficiendus sit, indicat Mamertinus [237] in Panegyrico ad Julianum Augustum : [238] qui sit vir animi magni adversus pecuniam, liberi adversus offensas, constantis adversus invidiam.

  100. Les Provençaux sont les plus glorieux de toute la France, et veulent paraître grands seigneurs par-dessus tous les autres provinciaux, combien que, à les bien priser, ils soient les moindres de tous. On peut dire trois choses d’eux que disait {M. A.} : ils sont savants de peu de lettres, riches de peu de bien, et glorieux de peu d’honneur. [239] Ce qui les fait paraître à Paris est un certain boutehors, accompagné de grande morgue et de bonne mine, qui ne se trouve point aux autres nations, si ce n’est peut-être aux Languedociens et aux Gascons. [51][240][241]

Fin du Borboniana manuscrit

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1.

Les sept dernières pages du Borboniana manuscrit se distinguent nettement du reste : il s’agit d’une série continue de 100 triades. Leur style et leur teneur étonnent beaucoup sous la plume, généralement plus subtile et plus vagabonde, de Nicolas Bourbon : les dates de 16 des 40 références qui y sont citées prouvent d’ailleurs catégoriquement que ces textes ne sont pas de lui (v. infra note [11] pour les premiers exemples qui m’ont mis en éveil). J’ai mis ces pièces à part, sous le titre de Paralipomènes, terme que j’ai préféré à Supplément pour en souligner la singularité, tout en restant dans le ton des ana.

En transcrivant ces triades, en traduisant leur copieux latin et en les annotant, je me suis sans cesse demandé si leur auteur n’était pas Guy Patin : comment ne pas penser à lui quand elles contiennent tant de références à ses lettres, avec ses manières de penser et de dire, et quand il est intervenu à visage découvert sur la fin du Borboniana 10 manuscrit (v. sa note [52]), ou de manière assez transparente (v. sa note [60]) ?

La centième triade me semble résoudre la question en apportant une preuve solide que Patin est auteur de ces curieuses triades : v. infra note [51].

2.

Triade 1.

« Il y a trois animaux suprêmement menteurs, et que tout homme honnête, prudent et sage doit éviter de fréquenter : ce sont 1o la putain ; 2o le chimiste ; 3o le moine, {a} surtout s’il n’a pas reçu d’éducation, comme c’est le cas de la plupart d’entre eux. Le premier de ces animaux est un gouffre et un abîme extrêmement dangereux, que beaucoup abordent, mais dont peu se délivrent : c’est une sirène {b} qui enchante et empoisonne ceux qui en approchent, une femelle qu’on ne doit ni écouter ni voir, car elle consume qui la regarde. {c} Le deuxième est le plus inepte des animaux : crédule et presque délirant, il promet quantité de merveilles, dont il est incapable d’accomplir la centième partie. Le troisième est un animal enflé d’ignorance, de paresse, d’hypocrisie, de fatuité, etc., avec enfin une véritable exécration de la sagesse, et né pour la pure infortune et la ruine de ce monde. »


  1. V. note [5], lettre 247, pour quatre autres utilisations de cet adage par Guy Patin, avec des variantes. La meretrix [putain] y remplace pour la première fois les jésuites et les botanistes (herboristes).

  2. Les sirènes ont inspiré une longue définition au Dictionnaire de Trévoux :

    « Les païens ont feint que c’étaient des monstres marins, ayant le visage de femmes et une queue de poisson. Ils ont cru qu’il y avait trois filles du fleuve Achéloüs, {i} nommées Parthénope, Ligée et Leucosie. Homère ne compte que deux sirènes, et d’autres en supposent cinq. Virgile les place sur des écueils où les vaisseaux s’allaient briser. Pline les fait habiter au Promontoire de Minerve, assez proche de l’île de Caprée. {ii} Quelques-uns assignent leur séjour dans la Sicile, vers le cap Pélore. {iii} On leur donne des ailes, et un plumage varié des plus belles et des plus tendres couleurs. Ovide en fait des monstres marins, il les représente avec un visage de femme et leur attribue une voix humaine. Claudien en parle encore plus amplement : il dit qu’elles habitaient sur des rochers harmonieux, que c’étaient des monstres charmants, et des écueils où les voyageurs allaient échouer sans regret et expiraient dans l’enchantement, au milieu des plaisirs : dulce malum pelago Siren. {iv} Cette description est fondée, apparemment, sur l’explication littérale de la fable : que c’étaient des femmes qui demeuraient sur les bords de la mer de Sicile, et qui, par tous les attraits de la volupté, arrêtaient les passants et leur faisaient oublier leur course, en les enivrant par toutes sortes de délices et de plaisirs. On prétend même que le nombre et le nom des trois sirènes a été inventé sur la triple volupté des sens – le vin, l’amour et la musique – qui sont les attraits les plus puissants pour attacher les hommes. {v} C’est encore de là sans doute que proviennent tant d’exhortations d’éviter le funeste chant des sirènes, et de ne se point laisser enchanter par la douceur de leur mélodie. Par la même raison, l’on en a fait le symbole de l’éloquence, parce qu’on ne peut résister à la séduction de leurs persuasions. Caton le grammairien fut appellé “ la Sirène latine ”. {vi} Enfin on a comparé à l’harmonie et à la voix mélodieuse des sirènes, tout ce qui flatte l’oreille et tout ce qui entraîne inévitablement les cœurs. C’est pourquoi les Grecs ont tiré l’étymologie des sirènes, du mot grec seira, qui signifie “ une chaine ” : ils voulaient dire qu’il est impossible de se dégager de leurs liens et de se défendre de leurs attraits invincibles. Ceux qui n’y cherchent pas tant de mystère soutiennent que les sirènes n’étaient autre chose que certains lieux resserrés de la mer, où les flots précipités emportaient les vaisseaux qui s’en approchaient trop. C’est là, selon quelques auteurs, tout le fondement de la fable. D’autres prétendaient que c’étaient originairement des oiseaux qui furent convertis en poissons : on a pourtant si peu distingué ces deux états que les sculpteurs et les peintres ne les représentent que sous la forme des poissons ; il y a seulement quelques médailles où elles paraissent avec la partie supérieure de femmes et la partie inférieure d’oiseaux. Ainsi ceux qui les peignent comme des demi-poissons n’ont point songé à leur état primitif et n’ont eu égard qu’à celui de leur métamorphose. »

    1. Autrement appelé Thoas, ce fleuve mythique était la personnification d’un héros grec, fils de l’Océan et de Thétys, ou du Soleil et de la Terre, et adversaire infortuné d’Hercule. La mère des sirènes était Calliope, muse de l’éloquence et de la poésie héroïque.

    2. Capri ; v. seconde notule {b‑i}note [23] du Naudæana 3 pour le Promontoire de Minerve.

    3. Pointe nord-est de la Sicile, à l’entrée du détroit de Messine.

    4. « Méchante sirène au doux rivage », Claudien (v. note [10], lettre 138), épigramme c, In Sirenas, vers 1.

    5. V. notule {b}, note [21], lettre 1019, pour l’assimilation des sirènes aux prostituées (lupæ).

    6. Valerius Caton, poète et grammairien romain du ier s. av. J.‑C.
  3. Virgile, Géorgiques, livre iii, vers 215‑218, parlant des taureaux en rut (avec mise en exergue du passage cité) :

    Carpit enim viris paulatim uritque videndo
    femina, nec nemorum patitur meminisse nec herbæ
    dulcibus illa quidem inlecebris, et sæpe superbos
    cornibus inter se subigit decernere amantis
    .

    [Car la vue de la femelle consume et affaiblit peu à peu leurs forces ; elle leur fait oublier les doux délices des herbages ; et souvent, elle pousse deux superbes mâles à se battre à coup de cornes].


3.

Triade 2 (début).

« M. F. » ne correspond à aucun personnage débauché que j’ai su identifier.

le verbe bordeler est attesté par La Curne de Sainte-Palaye :

« être impudique. On lit en ce sens, dans Brantôme : {a} “ Aucuns bourdellent plus avec leurs femmes, que non pas les rufians {b} avec les p… de bourdeaux ” {c} (Dames galantes, tome i, page 65). Il est pris dans ce même sens au vers suivant : “ Son métier fut de bordeler ”. »


  1. V. note [3], lettre 820.

  2. Maquereaux.

  3. Bordels.

V. note [3], lettre 220, pour le tabac, ici accouplé à la débauche libertine.

4.

Triade 2 (fin).

I. Isacii Pontani Poematum Libri vi. Quorum seriem et contenta vide sub calcem.

[Six livres de Poèmes de Johannes Isacius Pontanus. {a} Voyez-en la liste et le contenu {b} à la fin]. {c}

Le dernier livre contient deux Paralipomena de usu et abusu tobaci [Paralipomènes (suppléments) sur l’us et abus du tabac] (pages 193‑194). Le quatrain cité par le Borboniana est la première des trois strophes du second de ces poèmes :

« Le vin et la luxure sont les deux malédictions que professent les Anciens ; et voici qu’une troisième Lerne {d} y ajoute sa propre malédiction. Me demandes-tu quelle est cette Lerne ? C’est celle qui vient des noires Indes, imprégnant nos gens de noir tabac. » {e}


  1. Johannes Isacius (Johan Isaaksen) Pontanus (1571-1639), médecin, poète et historien hollandais, professeur à Hardewyk.

  2. Contenta librorum : sommaire des six livres auxquels s’ajoutent un liber carminum adoptivus livre adoptif de poèmes (empruntés à d’autres)] et des notes de l’auteur sur ses propres vers.

  3. Amsterdam, I. Janssonius, 1634, in‑12 de 295 pages.

  4. Métonymie du fléau, Lerne ou Lerna est « l’ancien nom d’une ville et d’un lac du territoire d’Argos. Ce lac est fameux dans l’Antiquité, surtout dans les poètes, à cause d’une hydre qu’ils ont dit avoir été dans ce lac, et qu’ils appellent l’hydre de Lerne, Lernæa hydra, Lernæus serpens, ou anguis. {i} Cette hydre faisait des maux infinis dans tout le voisinage. Elle avait plusieurs têtes, et à mesure qu’on en coupait quelqu’une, elle renaissait. Hercule {ii} la tua, ce fut un de ses travaux. La vérité qui a donné occasion à cette fable est qu’il y avait près de la ville de Lerne un lac, ou marais fort malsain qu’Hercule dessécha. » {iii}

    1. Serpent.

    2. V. note [3], lettre de Reiner von Neuhaus, datée du 21 octobre 1663.

    3. Les géographes modernes identifient Lerne comme étant le village de Petrina dans le Péloponnèse (Arcadie).

  5. Les « noires Indes » ( nigræ Indiæ) sont une appellation (poétique et peu courante) de l’Amérique centrale, d’où les Espagnols avaient importé le tabac (v. note [3], lettre 220) en Europe au xvie s.

5.

Triade 3.

Sa seule particularité est que le copiste a écrit rabide pour « rapide » : La Curne de Sainte-Palaye (1697-1781) a néanmoins attesté le verbe rabider, pour « arriver avec rapidité, accourir ».

La géographie moderne classe les quatre fleuves cités dans cet ordre kilométrique : Danube (2 852 km), Rhin (1 233 km), Rhône (812 km), (652 km) ; mais en omettant la Volga (3 530 km) et et une demi-douzaine d’autres fleuves russes dépassant le millier de kilomètres.

6.

Triade 4.

« Voyez la page 428, chapitre iii, livre i, section intitulée Systema Geograpicum »  :{a}

Præcipui montes in orbe terrarum tres numerantur, nempe Alpes in Europa, Caucasus in Asia, Atlas in Aphrica. {b} Disputari solet a Geogr. de montium origine, utrum nim. etiam ante diluvium montes fuerint : quæ controversia sic commode deciditur, si statuamus quosdam montes ante diluvium fuisse, id quod non obscure patet ex cap. 7. Gen. vers. 19. quosdam vero demum extitisse post diluvium, in quo aquæ ingentes arenarum cumulos congesserunt, et postea etiam terræ motibus halitus violenti erumpentes multam arenæ copiam in altum eiecerunt, montesque fecerunt, ubi antea planities erat. Disputari etiam solet de montiium altitudine, dum nempe alii maiorem, alii minorem iis altitudinem tribuunt.

[On compte trois principales montagnes à la surface de la terre : les Alpes en Europe, le Caucase en Asie, l’Atlas en Afrique. {b} Les géographes se plaisent à débattre sur l’origine des montagnes, notamment pour savoir si elles ont ou non existé avant le Déluge. On peut convenablement résoudre le dilemme en disant que certaines montagnes ont préexisté au Déluge, comme il ressort clairement du chapitre 7, verset 19 de la Genèse ; {c} mais que d’autres sont apparues après le Déluge, durant lequel les eaux ont amoncelé d’énormes quantités de sables et, par la suite, les vents violents qu’ont levés les mouvements de la terre ont projeté en l’air d’immenses amas de ces sables, et des montagnes se sont formées là où il y avait précédemment des plaines. On a aussi coutume de débattre sur l’altitude de chacune d’elles, que les uns disent être plus grande et les autres, plus petite]. {d}


  1. Chapitre iii, De Generalioribus Globi Terreni partibus [Des parties du globe terrestre en général], de la section intitulée Systema Geograpicum [Système géographique] dans le livre i (et non ii), page 428 du :

    du Systema compendiosum totius Mathematices, hoc est, Geometriæ, Opticæ, Astronomiæ et Geographiæ, publicis prælectionibus, anno 1605 in celebrrimo Gymnasio Dantiscano propositum a Batholomæo Keckermanno SS. Theologiæ Licentiato, et Philosophiæ Professore…

    [Système abrégé de toute la mathématique, c’est-à-dire la géométrie, l’optique, l’astronomie et la géographie, proposé dans les leçons publiques que Batholomæus Keckermannus, {i} licencié en très sainte théologie et professeur de philosophie, a données l’an 1605 en la fort célèbre Université de Dantzig]. {ii}

    1. V. note [18], lettre 181.

    2. Hanau, Petrus Antonius, 1621, in‑8o. de 607 pages.
  2. Mise en exergue du passage cité par le Borboniana.

  3. « Les eaux montèrent de plus en plus sur la terre et toutes les plus hautes montagnes qui sont sous tout le ciel furent couvertes. »

  4. Les Alpes culminent à 4 807 mètres ; le Caucase (incluant l’Himalaya), à 8 848 m ; et l’Atlas, à 4 167 m. Faute d’être alors bien explorées, ni les Andes (6 982 m) ni l’Afrique centrale (5 895 m) ne figurent pas dans ce palmarès.

7.

Triade 5.

« Destin, obligation, Dieu. »

Ce qui suit ces trois mots ajoutés dans la marge du manuscrit (qui intitulent la triade) est une réflexion de Juste Lipse {a} sur la mort. Elle est tirée mot pour mot de sa lettre à Theodorus Leewius, conseiller des États de Hollande et de Frise-Occidentale à Delft, datée du 1er mars 1585 (sans lieu, probablement Leyde&), lettre lxi, centurie i, page 75 : {b}

« Qu’est-ce enfin que le destin ? La loi de Dieu est éternelle, elle existe depuis l’éternité et pour l’éternité : sa volonté est infrangible, tant Il interdit qu’elle soit abrogée ou suspendue. Si donc elle est éternelle et immuable, n’est-ce pas stupidement que tu luttes contre une inéluctable obligation ? Ton unique triomphe sera d’être vaincu et meurtri de multiples blessures. Si telle est la volonté de Dieu, ta plainte n’est-elle pas impie ? Tu ne peux Lui reprocher d’être méchant ou cruel, car Il n’est que bonté et générosité. » {c}


  1. V. note [8], lettre 36.

  2. Epistolarum selectarum Chilias [Millier de lettres choisies], Avignon, 1609 (v. note [12], lettre 271).

  3. Parmi d’autres passages de notre édition, le Grotiana 1 a parlé des errances religieuses de Juste Lipse (v. sa note [20]), sans que sa foi chrétienne ait apparemment jamais chancelé.

8.

Triade 6.

« “ Voici trois souhaits exprimés en toute priorité : le port, par le marin ; la mère patrie, par le voyageur ; la liberté, par l’esclave. Un noble esprit les voit accomplis en même temps par la mort du corps. ” Fr. Piccolomineus, dans ses livres sur la Génération et la corruption, page 379 » :

Francisci Piccolominei Senensis Philosophi celeberrimi Commentarii Duo : Prior, in Libros Aristotelis de Ortu et Interitu ; Alter, in tres Libros eiusdem, de Anima. Multiplici Annotationum varietate amplificati. Nunc primo in Germania excusi.

[Deux Commentaires de Franciscus Piccolomineus, très célèbre philosophe natif de Sienne : {a} le premier porte sur les livres d’Aristote au sujet de la Naissance et de la Mort ; {b} le second, sur les trois livres du même auteur au sujet de l’Âme. Amplifiés par la très riche diversité de leurs annotations. Imprimé pour la première fois en Allemagne]. {d}

Cette triade cite mot pour mot un verset d’une méditation intitulée Themata de Morte [Propositions sur la mort] (deux premières lignes de la page 379) ; ajoutée à la fin du premier commentaire, elle commence par cette introduction (pages 376) :

Dum campum ortus, et interitus decurrimus, Mors atra se nobis offert, et vultu truculento, ac minitante, non vitabitis, inquit, aciem meæ falcis, qua cunctos quamvis impariter natos pariter prosterno ; Cui nos invicto animo, his muniti sententiis, intrepidi occurramus ; oblatamque falcem, nedum retundendo, sed etiam in eam torquendo, ita exclamemus

[Quand nous parvenons au moment de lever le camp et de trépasser, la noire Mort, avec son visage terrible et menaçant, se présente et nous dit : « Vous n’échapperez pas au tranchant de ma faux, je l’abats pareillement sur vous tous, quoique la naissance vous ait faits inégaux. » Soyons intrépides, faisons-lui face, armés d’un invincible courage et des paroles que voici, et sans essayer d’écarter la faux qu’elle nous présente, mais en nous tournant vers elle, exclamons-nous donc…] {c}


  1. Francésco Piccolomini, né en 1574, fut nommé supérieur général des jésuites de 1649 à 1651, v. note [24], lettre 246.

  2. Deux livres d’Aristote autrement intituléss De Generatione et Corruptione [De la Génération et de la Corruption].

  3. Francfort-sur-le-Main, Matthæus Beckerus, 1602, in‑4o de 1 019 pages.

  4. Suivent les très nombreux versets religieux de Piccolomini sur la vie éternelle qui attend les humains après leur mort.

9.

Triade 7.

« Trois princes de la sagesse humaine semblent avoir approuvé le suicide : Platon, Sénèque et Épictète. Voyez les Essais de Johannes Schildus sur la mort de Sénèque, page 150 »

Parmi quelques autres ouvrages, Johann Schild (1595-1667), professeur de grec puis de théologie réformée à Brême, est auteur des :

Ioannis Schildi Exercitationes in C. Taciti Ann. xv. ubi extrema Senecæ describuntur.

[Essais de Ioannes Schildu sur le livre xve des Annales de Tacite, où sont décrits les derniers jours de Sénèque]. {a}

Voici ce que Schild écrit (pages 150‑151) sur le suicide, {b} mot certes anachronique, mais plus bref que la périphrase utilisée par le Borboniana, sui interfectionem, « le meurtre de soi-même » :

Exeundum forti animo, quacunque impetum ceperit, sive ferrum appetat, sive laqueum, sive aliquam potionem venas occupantem, pergendum esse, et vincula servitutis abrumpenda. Tam tumida insanientis sapientiæ effata, cum paullo propius atque pensius inspiciuntur, vim profecto veri nullam habent ; sed ne speciem quidem haberent, nisi omnis scientiæ Dictatores, queis haud alii propius ex ignorantiæ suæ tenebris ad veræ lucis intuitum sunt eluctati, teterrimæ sapientiæ defensores exstitissent. Hoc est illud, quod unice mirari subeat, Senecam et Epictetum, queis nihil, præter supercœlestem instinctum, ad purissimam veritatem defuit, ita stolide sapere potuisse, ut eum supra homines eveherent, qui maxime propinquum et familiarem, id est, se ipsum interfecisset. At quid hos loquor ? ipsum imo Platonem, illum mellifluo ore cunctos allicientem, illum omnium humanissime philosophantem, adeo excessisse modum sapientiæ constat, uti non quidem omnibus, sed plerisque tamen ignoscendum sanciverit, qui, temerariæ mentis impulsu, violentas sibi manus intulissent.

[Pour s’en aller courageusement, quel que soit l’élan qui s’est emparé de son esprit, qu’il {c} choisisse la lame, la corde ou quelque poison qui se répand dans les veines, il doit aller jusqu’au bout, pour trancher les entraves de sa servitude. Voilà bien des préceptes enflés de sagesse insensée car, à y regarder de plus près et plus soigneusement, ils ne contiennent pas une once de vérité ; et ils n’en auraient pas même la moindre apparence si ceux qui dictent tout le savoir, ces maîtres grâce à qui presque tous les autres sont péniblement sortis des ténèbres de leur ignorance pour accéder à la véritable lumière, ne s’étaient montrés les défenseurs de cette abominable philosophie. S’être tué soi-même, c’est-à-dire la personne qui vous est la plus proche et la plus chère, voilà tout ce qui soutient l’admiration qu’on porte à Sénèque et à Épictète : {d} eux à qui rien n’a manqué de ce qui conduit à la plus pure vérité, hormis l’instinct surnaturel, {e} eux qui ont pu philosopher si solidement qu’ils se sont élevés au-dessus des hommes ! Mais pourquoi ne parler que de ces deux-là ? Il y a bien sûr aussi Platon : lui qui nous séduit tous par ses paroles douces comme le miel, lui dont la philosophie est la plus humaine de toutes ! Eh bien, il a tant dépassé les bornes de la sagesse qu’il a jugé bon de pardonner, certes non pas à tous, mais à la plupart de ceux qui, sous l’impulsion d’un esprit égaré, se suppriment violemment de leurs propres mains].


  1. Leyde, Franciscus Hackius, 1645, in‑12 de 165 pages, seule et unique édition existante, ornée d’un fort éloquent frontispice.

  2. V. notule {b} note [51] du Borboniana 7 manuscrit.

  3. Celui qui veut se donner la mort.

  4. V. notes [6], lettre laine 425, pour la mort volontaire de Sénèque le Jeune, décrite par Tacite (livre xv des Annales), et [2], lettre 530, pour Épictète, philosophe stoïque, qui ne mit pas fin à ses jours, et dont les sentiments à l’égard du suicide étaient plus nuancés que ce que Schild en disait ici.

  5. L’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme.

10.

Triade 8.

« Trois comédiens, dit-on, ont soudain et inopinément reconnu le Christ, à savoir Genesius, jouant devant Dioclétien, un certain Ardalio, qui était lui aussi acteur de théâtre, et enfin un nommé Porphyrius. Voyez les Attica bellaria de Jacobus Pontanus, page 409 de l’édition de Francfort. »

Ce propos est extrait de l’anthologie latine intitulée :

Jacobi Pontani Soc. Jesu Attica Bellaria, sive Litteratorum secundæ Mensæ ad animos ex contentione et lassitudine Studiorum Lectiunculis exquisitis, jucundis ac honestis relaxandos ac Syntagmatum omnium et ante hac tribus partibus editorum Libri très. Nunc alio charactere compendiosius unico Volumine comprehensi, ac Indice generali ornati, aucti, et a multis erroribus et mendis purgati evulgantur.

[Les Friandises attiques de Jacobus Pontanus, {a} de la Compagnie de Jésus, ou trois Livres des littérateurs de second rang, pour détendre les esprits des efforts et de la fatigue des études, par un choix de petites lectures, agréables et honnêtes ; avec, au début, la liste de tous les traités publiés dans ces trois parties. Les voici maintenant publiés en un seul volume, grâce à l’emploi de caractères plus compacts, et aussi augmentés, purgés de nombreuses erreurs et fautes, et enrichis d’un index général]. {b}

Il se lit à la page 409 de la seconde partie, à la fin du Syntagma primum [premier Traité], Historiæ [Histoires], chapitre lvii, De tribus histrionibus, Christum repente, et insperato confessis [De trois comédiens qui ont soudain et inopinément reconnu le Christ] :

Genesius Romæ cum in theatro præsente, et spectante Diocletiano Christianorum mysteriis illuderet, subito cælesti quondam lumine animum perfusus, baptismum haud simulate, ut videbatur, sed plane serio suscepit ; cæteraque omnia mente, et spiritu Christiano dixit, egitque, obstupescente populo, cum præsertim inter crudelissima tormenta vocem illam generosissimam ederet. Non est rex præter Christum : pro quo si millies occidat, ipsum mihi de ore, ipsum mihi de corde auferre non poteritis. Surius Tomo 4. Talis apud Græcos extitit Ardalio, homo item Scenicus ; qui similiter quam sermone, et actione irridebat religionem, inopinato a Deo afflatus, et penitus immutatus, inter cruciamenta eam pro vera, et sancta profiteri usque mortem non destitit. Menæa in Aprili. Talis quoque ex theatrali irrisore Martyr evasit Prophyrius, de quo Menæa in Septembri.

[Un jour qu’au théâtre, à Rome, Dioclétien {c} étant présent parmi les spectateurs, Genesius brocardait les mystères des chrétiens, une lumière céleste lui inonda soudain l’esprit ; puis, sans fard ni faux-semblant, mais avec le plus grand sérieux, il se fit baptiser ; et il dit et accomplit tout ce qu’il fallait d’autre, dans une inspiration et dans un esprit chrétien, à la stupéfaction du peuple, surtout quand, soumis aux plus cruels tourments, il prononça ces paroles de la plus extrême noblesse : « Il n’y a pas de roi autre que le Christ. Si pour cette raison, je suis tué mille fois, vous n’aurez pu l’arracher de ma bouche ni de mon cœur » (Surius, tome 4). {d} Tel fut aussi, chez les Grecs, Ardalion, autre acteur de théâtre : il déclamait et jouait en se moquant pareillement de la religion, quand il fut subitement possédé par Dieu et profondément bouleversé, et il ne cessa plus, en dépit des tortures, de la proclamer véritable et sacrée jusqu’à sa mort. {e} Tel encore Porphyrius Martyr, qui abandonna le métier d’acteur comique (Menæa, septembre)]. {f}


  1. Jakob Spanmüller, v. note [17], lettre latine 7.

  2. Francfort, Antonius Hummius, 1644, in‑8o de 1 007 pages.

  3. Empereur qui a régné sur Rome de 284 à 305 (v. note [30], lettre 345).

  4. Laurentius Surius (Lorenz Sauer, 1522-1578), moine chartreux allemand, a compilé un épais recueil de Vitæ sanctorum [Vies des saints] en huit tomes, plusieurs fois réédité.

    Genesius (Genès ou Genest) de Rome, mime et martyr chrétien, est un saint fêté le 25 août.

  5. Les Menæa sont un recueil d’hagiographies grecques byzantines manuscrites (Πινακες, Pinakes, « Planchettes ») classées suivant les mois de l’année.

    Le saint chrétien Ardalion, dit le Mime, connut le martyre sous le règne de l’empereur Galère (305-311).

  6. Le saint chrétien Porphyrius l’Acteur mourut martyr sous le règne de Julien l’Apostat (361-363, v. note [15], lettre 300).

11.

Triades 9-11.

  1. V. notes [59], lettre 297, pour la banqueroute et les banqueroutiers (ici agglomérés avec les banquiers), et [7], lettre 952, pour Plutus, dieu de l’argent chez les Romains (Ploutos des Grecs). Le mot partisan figure dans notre glossaire.

  2. Sans référence ni besoin de commentaire particulier.

  3. Le Père Jean-Baptiste Saint-Jure (Metz 1588-Paris 1657), entré dans la Compagnie de Jésus à Nancy en 1604, est un théologien et enseignant jésuite, dont la spiritualité, inspirée par le cardinal Pierre de Bérulle, {a} a rayonné au travers de plusieurs ouvrages, dont :

    L’Homme spirituel où la vie spirituelle est traitée par ses principes… {b}

    La citation du Borboniana s’y lit mot pour mot dans le chapitre i, Qu’est-ce que l’Homme (pages 9‑10) :

    « Enfin, pour comble de tout, il lui a donné {c} la Raison, et l’a rendu capable de connaître les choses, et libre pour les vouloir ou ne les vouloir pas, pour les prendre ou pour choisir leurs contraires ; et par la Raison, Il l’a fait à son Image, qui est le plus haut point de l’excellence de l’homme. “ C’est un riche trésor, dit saint Grégoire de Nysse, c’est un don très précieux, et une possession sacrée et divine, que la Raison qu’il a plu à Dieu de nous donner. ” {d} Saint Grégoire de Nazianze nous apprend qu’il y a trois Lumières spirituelles : la première est Dieu, lumière infinie qui ne peut être ni conçue ni expliquée que d’elle-même, et qui va se communiquant un peu au dehors, lorsqu’elle illumine les natures intelligentes. La seconde, c’est l’ange, qui est un ruisseau, une participation, et comme il l’appelle encore autre part, le premier rayon de cette première lumière. La troisième, qui est même visible, est l’homme, à cause de la clarté de la raison dont son âme est douée, {e} d’où vient qu’on lui donne, et particulièrement à ceux qui se rendent plus semblables à Dieu et approchent plus près de Lui par l’imitation de ses vertus, le nom de Lumière. {f} À quoi revient que les Hébreux, selon la remarque qu’en fait Eusèbe, appellent l’homme d’un nom qui est pris de celui du feu ; {g} où tombe ce vers du Poète latin :

    Igneus est ollis vigor, et cælestis origo. » {h}


    1. V. note [10], lettre 205.

    2. Paris, Sébastien et Gabriel Cramoisy, 1646, in‑4o de 431 pages, pour la toute première de nombreuses éditions.

    3. Dieu a donné à l’homme.

    4. V. notule {b}, note [25] du Borboniana 7 manuscrit, pour saint Grégoire de Nysse.

      Une addition marginale attribue cette citation au Lib. contra eos qui castig. ægre ferunt [Livre contre ceux qui supportent avec peine les réprimandes] de Grégoire de Nysse, et en donne le texte grec : Δωρον τιμιωτατον, κτημα εξαιρετον, θειον και ιερον χρησμα.

    5. J’ai mis en exergue le passage cité par le Borboniana, tiré de Grégoire de Nazianze (localité de Cappadoce identifiée à Bekarlar en Turquie), saint et Docteur de l’Église, contemporain (ive s.) et géographiquement proche de Grégoire de Nysse. La source de cette citation est ajoutée dans la marge :

      « Orat. 40, quæ est in S. Baptisma : {i} Του πρω του φωτος απορροη τις και μετουσια. Orat. 43 : {i} Του πρω του φωτος απαυγασματα. Δια την του εν υμιν λογου δυναμιν. »

      1. « Homélie 40, qui est sur le baptême ».

      2. « Homélie 43 ».
    6. Φως en grec : note marginale faisant référence à Euseb. lib. 2. de præpar. Evang. [Eusèbe, {i} Préparation évangélique, livre ii].

      1. Eusèbe de Césarée, v. note [23], lettre 535.

    7. Note marginale : א׳ש ab אש [ish (homme) vient de esh (feu)].

    8. « Leur force vient du feu et leur origine est céleste » : Virgile, Énéide, chant vi, vers 730, parlant des hommes et des autres animaux.

    Les ouvrages cités dans cette triade 11 et plus haut, dans les triades 7 et  8 (v. supra notes [9] et [10]), présentent une intéressante particularité : tous ont été imprimés entre 1644 et 1646, soit après la mort de Nicolas Bourbon (7 août 1644), et plus longtemps encore après la dernière date (1638) indiquée pour le recueil du Borboniana manuscrit par Guy Patin (v. note [56] de sa 10e partie). Force est donc d’en conclure que ces articles sont issus d’une autre plume que celle de Bourbon, et tout concourt à la solide déduction qu’il s’agit de celle de Patin lui-même, plongé dans des méditations attestant de sa profonde foi chrétienne (que la suite des Prolégomènes du Borboniana ne dément nulle part).

12.

Triade 12.

Elle est empruntée à Jean-Baptiste de Saint-Jure, L’Homme spirituel, {a} première partie, chapitre iii, section xvi, Du Don de Science (pages 389‑390) : les « sciences » incluaient tout le savoir humain de l’époque ; ce que nous appelons ainsi aujourd’hui (physique ou « histoire naturelle », mathématiques, médecine, etc.) appartenait alors à la philosophie. Les deux « etc. » du Borboniana ne sont pas dénués d’intérêt (j’ai rappelé en italique et entre crochets les passages qui les précèdent dans la citation du Borboniana).

13.

Triades 13-18.

  1. « Aristote, au livre i Du Monde et du Ciel, quand il traite de la perfection du Monde, dit qu’il est absolument parfait parce que toutes choses vont par trois. » {a}

  2. « Dieu est un dans la Trinité {b} des personnes. »

  3. « Le feu est triple : élémentaire, terrestre et souterrain, ou inférieur. » {c}

  4. « La totalité du Monde contient trois mers : la Grande Mer ou Océan, {d} la mer Méditerranée, la mer Caspienne ; celle-là ne déborde jamais, bien que de très grands fleuves, comme la Volga, s’y déversent. » {e}

  5. « Le tyran des Turcs écrit qu’il est le maître de trois mers : Blanche, Noire et Rouge ; et en raison de cette triplicité, Neptune lui attribue légitimement et véritablement le trident. » {f}

  6. « Les trois parties de l’Ancien Monde sont l’Europe, l’Asie et l’Afrique. De même, le Nouveau en possède trois : l’Amérique, la Terre Antipolaire, par-delà le détroit de Maine, {g} et la Terre Polaire, encore inconnue, par-delà la Nouvelle-Zélande. » {h}


    1. Aristote (ici appelé le « Chef » des philosophes), Traité du Ciel, livre i, § 2, parlant des trois dimensions de l’univers :

      « C’est que, parmi les grandeurs, l’une n’est divisible qu’en un sens unique, c’est la ligne ; {i} l’autre, l’est en deux, c’est la surface ; {ii} l’autre, l’est en trois, c’est le corps. {iii} Il n’y a pas de grandeurs autres que celles-là, parce que trois est tout et que trois renferme toutes les dimensions possibles. En effet, ainsi que le disent les pythagoriciens, l’univers entier et toutes les choses dont il est composé sont déterminées par ce nombre trois. »

      1. Nommée γραμμη, grammê.

      2. Nommée επιπεδος, épipédos.

      3. Nommé σωμα, sôma.
    2. « Mystère ineffable que la foi nous enseigne, la croyance d’un seul Dieu en trois personnes » (Furetière).

    3. Le feu « élémentaire » est l’un des quatre composants fondamentaux de la nature, avec l’eau, l’air et la terre. Le feu « terrestre », spontané ou dompté par l’homme, est celui qui consume la matière à la surface de la terre. Le feu « souterrain » est celui des volcans (et des enfers).

    4. C’est-à-dire, aujourd’hui, l’ensemble des océans du globe.

    5. V. notule {a}, note [24], lettre 197, pour la mer Caspienne et la Volga qui s’y déverse.

    6. V. notes [14], lettre 45, pour le Grand Turc, et [56] du Patiniana I‑3 pour le trident de Neptune (dont Daniel Tilenus fait un attribut du pape dans la notule {f}).

      La mer Blanche était un autre nom de la mer Égée, « parce qu’on la tient pour une mer fort sûre » (Trévoux). Les mers Noire et Rouge ont conservé leurs anciens noms.

    7. La « Terre Antipolaire » (ibid.) était un autre nom du pays hyperboréen, {i} qui correspondait à notre actuel océan Arctique. Sans le bien connaître, on le situait alors vaguement au nord du fretum del Maine, {ii} « le détroit de Maine », aujourd’hui identifié comme un vaste golfe creusé dans la côte orientale de l’Amérique du Nord : il est délimité, au sud, par le Cap Cod, {iii} et au nord, par la pointe méridionale de la Nouvelle-Écosse. {iv}

      1. V. note [3], lettre latine 475.

      2. Sic.

      3. Dans le Massachusetts (États-Unis).

      4. Au Canada.

    8. La « Terre Polaire », ou Australe, était le continent Antarctique, alors seulement supposé par les géographes (terra incognita) : v. note [49] du Grotiana 3.

      Dans le manuscrit, le mot Zenlam (qui ne veut rien dire) est précédé des trois lettres Zel, que le copiste a barrées. Ce remords m’a incité à traduire novam Zenlam par Nouvelle-Zélande (Trévoux) :

      « Zélande Nouvelle, ou la Terre des États, {i} Zelandia Nova, Regio Ordinum. C’est un pays des Terres Australes. Il est dans la mer Pacifique […]. Les Hollandais, qui l’ont découverte l’an 1654, {ii} lui ont donné le nom qu’elle porte. On n’en connaît aucune particularité ; on ne sait pas même s’il s’agit d’une île, ou d’une partie du continent Austral. »

      1. États de Hollande et de Frise-Occidentale.

      2. Plus exactement en 1642, par le navigateur Abel Tasman, natif de Groningue.

14.

Triades 19-20.

  1. « La Gaule est triple : Aquitaine, Celtique et Belgique. »

  2. « Il y eut jadis trois sortes d’anciens sages gaulois : druides, bardes et eubages. Voyez les Cosmographiæ selectiora de Jean-Cécile Frey, page 161. »

Les « Sujets fort choisis de Cosmographie » de Jean-Cécile Frey ont (une fois encore, v. supra note [11]) été imprimés après la mort de Nicolas Bourbon : ils forment la 4e partie de ses Opuscula varia. {a} La page 161 appartient au chapitre iv, Mundus est rtia et in quovis quodvis est [Le Monde est trois, quand et comme on veut] :

Et quod mirum est in omni penitus re triplicitas reperitur, vel potius Trinitas : ut animal, vel est rationale ut homo, vel irrationale, ut brutum, nel nec rationale nec irationale, ut animal genericum. Ita res vel est creata ut creatura, vel increata ut Deus, vel non creata, ut sunt rerum essentiæ. Hoc modo Philosophi omnes experiri possunt in quavis re Trinitatem.

Et quia in Gallia docemus, Trinitas hic etiam ostendenda est.

Sunt tres Galliæ, Aquitanica, Belgica, Celtica. Sunt tres Galliæ, Cisalpina, Transalpina, Inalpina. Sunt tres linguæ Indigenæ, Biscaina, Britonica et Belgica. Sunt tres linguæ adventitiæ Græca, Latina, Franca. Sunt tres ordines Ecclesiasticus, Nobilitatis et Populi. Sunt tres Regiæ stirpes Merovingea, Carolomagna, Capeta. Tripliceque sapientes fuere Druidæ, Bardi, Eubages […].

[Il est admirable qu’une triplicité, ou plutôt une trinité, se trouve en presque tout ce qui existe. Ainsi en est-il de l’animal, qui est : soit rationnel, comme l’homme ; soit irrationnel, comme la bête brute ; soit ni l’un ni l’autre, comme l’animal en général. De même, une chose est : soit créée, comme est une créature ; soit incréée, comme est Dieu ; soit non créée, comme sont les essences des choses. {b} De cette façon, tous les philosophes peuvent dénicher une trinité là où ils veulent.

Et puisque nous enseignons en France, {c} il me faut ici faire voir sa trinité.

Il y a trois Gaules : Aquitaine, Belgique, Celtique. Il y a trois < autres > Gaules : Cisalpine, Transalpine, Alpine. {d} Il y a trois dialectes : basque, breton, flamand. Il y a trois langues importées : grec, latin, franque. {e} Il y a trois états : ecclésiastique, noble, tiers. Il y a trois dynasties royales : Mérovingiens, Carolingiens, Capétiens. Les sages y ont été de trois sortes : druides, bardes, eubages {f} (…)].


  1. « Opuscules divers », Paris, 1646, v. note [12], lettre 7.

  2. L’essence est « ce qui détermine la nature d’une chose, qui est absolument nécessaire pour la faire être ce qu’elle est. En philosophie on appelle essence ce que l’on conçoit de premier en une chose, et on le distingue de son acte, qu’on appelle son existence » (Furetière).

  3. Frey enseignait la philosophie dans les collèges parisiens, il était aussi médecin docteur non régent de la Faculté (v. note [30] des Décrets et assemblées de la Faculté de médecine de Paris en 1651-1652).

  4. La contorsion géographique ne peut s’entendre qu’en divisant les Gaules en deux parties : occidentale (Aquitaine, Belgique, Celtique ou Lyonnaise) et orientale (sud-est alpin incluant le nord de l’Italie), mais ces limites et dénominations géographiques ont varié depuis la Rome antique.

    Le Dictionnaire de Trévoux (1473-1752) a ainsi défini l’adjectif « belgique » :

    « qui appartient aux Belges, qui concerne les Belges. Belgicus. Ce mot se disait autrefois par rapport au peuple gaulois, qu’on appelait Belges. Aujourd’hui il est fort bien reçu dans notre poésie, et pourrait même trouver place dans la prose, pourvu qu’on en usât sobrement, pour signifier ce qui concerne les peuples des Pays-Bas. Ainsi nous disons, “ Nos bataillons, nos armées ont inondé les plaines Belgiques ”, etc. »

  5. « On appelle langue franque un certain jargon composé non seulement du français, de l’italien et de l’espagnol, mais encore de plusieurs autres langues, qui est en usage entre les gens de marine de la Méditerranée et les marchands qui vont négocier dans tout le Levant. Ce jargon est un idiome de toutes les langues, en sorte qu’avec un pareil patois on se fait entendre à toutes les nations. Ce mot est dans le Dictionnaire [de Furetière] sous franche, il fallait y mettre un renvoi à franque » (Trévoux).

  6. Les druides étaient les prêtres de l’ancienne Gaule, dont Chartres fut la capitale (v. note [12], lettre 287) ; les bardes en étaient les poètes et musiciens ; et les eubages, les savants, principalement dévolus à l’astrologie divinatoire.

15.

Triades 21‑25.

  1. « Il y a trois très grands fleuves en Afrique, le Nil, le Niger et le Sénégal. » {a}

  2. « L’antique Babylone était si étendue que quand l’ennemi avait pris une partie de la ville, l’autre partie ne l’apprenait que trois jours après, comme Aristote le relate dans sa Politique : la taille de cette ville était donc telle qu’il fallait marcher trois jours pour la traverser. » {b}

  3. « L’Amérique est principalement composée de trois parties : la première est la Terre Australe ou Magellanique, qui est encore inconnue ; la seconde est l’Amérique péruvienne ou méridionale ; la troisième est l’Amérique septentrionale ou mexicaine. » {c}

  4. « Quelques Anciens ont dit que le delta du Nil possédait sept bras principaux, par lesquels il se déverse dans la Méditerranée ; je veux bien qu’il n’y en ait jadis eu qu’un seul, mais de fait, il n’en subsiste aujourd’hui que trois qui soient dignes de considération : Canopique, Bolbitique, Pélusiaque. Voyez les Admiranda Nili de Wendelinus, page 230. » {d}

  5. « Selon un dicton populaire chez les juifs, trois sortes d’hommes sont dispensés des peines à venir : {e} les démunis, car la pauvreté est un feu dévorant qui consume les scories et les souillures des péchés ; les hommes mal mariés, car il n’est possible à personne d’endurer plus dur supplice qu’une mauvaise épouse ; et les magistrats, car tout le monde les juge, etc. » {f}


    1. L’hydrographie de l’Afrique a progressé depuis le xviie s. : avec ses 6 700 kilomètres, le Nil demeure son plus long fleuve ; pour la deuxième place, le Congo (4 700 km) a détrôné le Niger (4 200 km) ; le fleuve Sénégal (alors Sénéga) n’en mesure que 1 800, devancé par le Zambèze (2 600 km).

    2. Aristote, Politique, livre iii, chapitre i, § 12 :

      « Mais à quoi reconnaîtra-t-on l’identité de la cité, quand le même lieu reste constamment occupé par les habitants ? Ce ne sont certainement pas les murailles qui constitueront cette unité : serait-il impossible en effet d’enclore d’un rempart continu le Péloponnèse entier ? On a vu des cités avoir des dimensions aussi vastes, et circonscrire plutôt une nation qu’une ville, comme en témoigne Babylone : elle était prise par l’ennemi depuis trois jours, qu’un de ses quartiers l’ignorait encore. »

    3. Ces trois parties de l’Amérique dont on parlait alors le plus étaient : pour les navigateurs, la Terre de Feu, dite Magellanique, car Fernand de Magellan en avait découvert les côtes et le détroit dès 1520 ; {i} et pour les colons espagnols, le Pérou {ii} et le Mexique. {ii} Le peu qu’on savait alors de l’Amérique septentrionale {iv} ne méritait pas mention.

      1. V. note [57] du Patiniana I‑2.

      2. V. note [1], lettre 478.

      3. Nouvelle-Espagne, v. note [5] de l’Observation vii de Guy Patin et Charles Guillemeau.

      4. Limitée à quelques petites colonies sur la côte atlantique, en omettant l’île de Terre-Neuve, connue et fréquentée par les Européens depuis le temps des Vikings (v. notule {c}, note [27] du Grotiana 2).

    4. Marci Friderici Wendelini Archi-Palatini, Admiranda Nili Commentatione philologica, geographica, historica, et hieroglyphica, ex cccxviii Authoribus, Græcis et Latinis vetustis et recentibus illustrata…

      [Les Merveilles du Nil illustrées par un commentaire philologique, géographique, historique et hiéroglyphique, que Markus Friedrich Wendelin, {i} natif du Palatinat de Bavière, a tiré de 318 auteurs grecs et latins, anciens et modernes…]. {ii}

      Dans cette édition, la « page 230 » correspond au § 15 du chapitre xxv (pages 219‑220) :

      Putant Veterum nonnulli totam olim Ægyptum fuisse paludem, seu aquis obrutam, tandem vero paulatim exsiccatis aquis, et in alveos defluentibus emersisse, vel potius ex limo, quem Nilus vehit, accumulato et exaggerato natam : qua nomine Ægyptus Nilidorum appellata […] ne decem quidem mundi ætates ad spacium istud humo explendum sufficere. Est tamen et alia hujus appellationis ratio : quicquid enim in Ægypti terra fœcundum est, a Nilo aliunde advehitur ; siquidem propria Ægypti terra nitrosa esse perhibetur et tota sterilis. Hinc est quod extra Nilium in Ægypto fontes ad potum idonei fere nulli sunt, et Nili aqua longius advecta incolis vendatur.

      Hac nostra tempestate e septem principalibus Nili ostiis tria tantum aiunt esse reliqua memoratu digna, Canopicum, Bolbiticum, Pelusiacum.

      [Quelques Anciens pensent que toute l’Égypte a jadis été un marais, ou qu’elle a été recouverte par les eaux, et qu’ensuite, ces eaux s’étant peu à peu asséchées et écoulées dans des petits canaux, elle a émergé ; ou alors qu’elle est née de l’accumulation et de la concrétion du limon charrié par le Nil : de là lui est venu le nom d’« Égypte fille du Nil », {iii} (…) bien que dix âges du monde {iv} n’aient sûrement pas suffi à couvrir sa surface entière d’humus. Cette appellation a néanmoins une autre explication : tout ce qui fait la fécondité de la terre d’Égypte lui est venu d’ailleurs, apporté par le Nil, puisque, dit-on, son sol primitif est nitreux et totalement stérile. De là vient que l’eau qui coule des sources d’Égypte n’est pas potable ; seule celle du Nil l’est, et on la transporte de fort loin pour la vendre aux habitants.

      On dit que des sept principaux bras du Nil, il n’en subsiste aujourd’hui que trois qui soient dignes de considération : Canopique, Bolbitique, Pélusiaque]. {v}

      1. V. note [21], lettre 301.

      2. Francfort, Daniel et David Aubrius, et Clemens Schleichius, 1623, in‑8o de 255 pages.

      3. Mot apparemment inventé par Wendelin, Nilidus n’est pas passé dans le néolatin courant. En me fiant au contexte et au suffixe idus, je l’ai compris comme une adaptation de Νειλογενης, Neilogénês, « enfanté par le Nil ».

      4. Siècles ou plutôt millénaires.

      5. La géographie moderne assigne toujours sept bras au delta du Nil. Les trois que citait Wendelin sont d’ouest en est : le Canopique, à Canope, ville disparue, voisine de l’actuelle Aboukir ; la Bolbitine, près de Rosette (Rachid en arabe) ; la Pélusiaque, à Péluse (Tell el-Farama).
    5. Dans l’au-delà.

    6. Avec Internet, il est devenu quasiment impossible d’emprunter une citation en cachette. L’« etc. » du Borboniana avouait à demi son véniel larcin, car la triade 25 est la transcription mot pour mot des neuf premières lignes (page 17) de la :

      Defensio Pietatis et Synceritatis optimatum Sylvæ-Ducensium, in negotio Sodalitatis quæ a B. Virgine nomen habet, testibus Veritate et Charitate ; per Samuelem Maresium, S. Theol. D. et Profess. in Schola Sylvæd. et Eccl. Gallo-Belg. Pastorem.

      [Défense de la Piété et Sincérité des seigneurs de Bolduc dans l’affaire de la Société dite de la Sainte-Vierge, en témoignage de la Vérité et Charité ; par Samuel Desmarets, {i} docteur et professeur de théologie sacrée en l’École de Bolduc, et pasteur de l’Église franco-flamande]. {ii}

      1. V. note [14], lettre 76.

      2. Bolduc, Johannes a Doccus, 1643, in‑12 de 129 pages : ouvrage écrit pour répondre aux accusations d’idolâtrie proférées par le fulminant théologien ultacalviniste d’Utrecht, Gisbertus Voetius (v. note [8], lettre 534).

16.

Triade 26.

Très souvent cités dans notre édition, les Adages d’Érasme peuvent se passer ici de commentaire. Les deux autres livres de cette triade sont infiniment moins célèbres aujourd’hui.

17.

Triade 27.

« lesquelles sont fort peu nombreuses, au cardinal Duperron, à Fronton du Duc, à Mich. Lingelsheimius. {a} Les épîtres de Pline, {b} de Politien {c} et de Muret {d} sont excellentes aussi. »


  1. Quelques-unes desEpistolæ d’Isaac Casaubon {i} (mort en 1614) traitent de ses disputes :

    • avec le cardinal Jacques Davy Duperron, {ii} en 1610-1612, {iii} sur les bruits d’abjuration du calvinisme par Casaubon, et avec le jésuite Fronton du Duc, {iv} sur la justification morale et religieuse du régicide ;

    • avec Georg Michael Lingelsheim, {v} en 1606, {vi} sur un libelle où Caspar Scioppius {vii} avait traité Casaubon d’athée.

      1. Paris, 1638 (755 lettres), v. notes [7], lettre 36.

      2. V. note [20], lettre 146.

      3. V. notes [16] et [19] du Borboniana 1 manuscrit.

      4. V. note [4], lettre 669.

      5. V. notule {c‑iii}, note [30] du Grotiana 1.

      6. V. note [19] du Naudæana 1.

      7. V. note [14], lettre 79.

  2. V. note [1], lettre 220, pour les dix livres des Lettres de Pline le Jeune.

  3. Illustrium Virorum Epistolæ ab Angelo Politiano partim scriptæ partim collectæ, cum Sylvianis commentariis et Ascencianis scholiis, non parum auctis, et rursum diligenter repositis : cumque vocabularum minus idonearum aut minus rite usurpatarum adnotatione.

    [Lettres d’hommes illustres, écrites et reçues par Ange Politien, {i} avec les commentaires de Sylvius {ii} et les annotations d’Ascensius, {iii} fort augmentés et soigneusement revus ; avec l’explication des mots peu convenables ou rarement usités]. {iv}

    1. V. note [7], lettre 855.

    2. Franciscus Sylvius Ambianatis (natif d’Amiens), principal du Collège de Tournai à Paris (v. l’article de Bayle à son sujet.

    3. Iodocus Badius Ascensius, Josse Bade, libraire imprimeur à Lyon puis à Paris au xvie s.

    4. Paris, Jodocus Badius, 1526, in‑8o de 630 pages.

  4. M. Antonii Mureti Presbyteri, I.C. et Civis Romani, Oratoris ac Poetæ clarissimi, Orationes, Epistolæ, Hymni sacri, et Poemata omnia. Editio ultima ab authore emendata, et integro Epistolarum, præfationumque libro iam recens adaucta.

    [Discours, lettres, hymnes sacrés et poèmes complets de Marc-Antoine Muret, {i} prêtre, jurisconsulte et citoyen romain, très brillant orateur et poète. Dernière édition corrigée par l’auteur, et augmentée, pour la toute première fois, d’un livre complet de lettres et de préfaces]. {ii}

    1. V. note [31], lettre 97.

    2. Cologne, Antonius Hierat, 1611, in‑8o de 300 pages : les Epistolæ occupent l’essentiel du volume, réparties en deux livres contenant respectivement 100 et 25 lettres ; elles sont mentionnées ici pour la première fois dans notre édition.

18.

Triades 28‑29.

  1. L’auteur de cette triade (Guy Patin) y condamne nettement l’athéisme (libertinage érudit), en le mettant dans le même sac que la dépravation (libertinage des mœurs, cause de vérole) et que le crime punissable de mort.

  2. « À moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai » : reprise du Deutéronome (32:35) par saint Paul (Épître aux Hébreux, 10:30).
19.

Triade 30.

François Savary, marquis de Brèves (Melay, Bourgogne 1560-Paris 1628) a été ambassadeur de France en Turquie de 1591 à 1605. Fort instruit dans les langues et les lettres turques et arabes, « Il avait été si longtemps à Constantinople qu’il en était devenu tout mahométan » (Tallemant des Réaux). {a}

Je n’ai pas trouvé la source de cette triade ottomane dans la :

Relation des voyages de Monsieur de Brèves, tant en Grèce, Terre sainte et Égypte, qu’aux royaumes de Tunis et Alger. Ensemble, un Traité fait l’an 1604 entre le roi Henri le Grand et l’empereur des Turcs, et trois discours du dit seigneur. {b}

La relation entre le vin et le catarrhe {c} ne se comprend que si on prend catarrhe au sens d’hydropisie. {d} En favorisant la goutte, {e} le vin peut augmenter le risque de lithiase. {f} Cette remarque est dans le pur style hygiénique et médical de Guy Patin. Le reste de la triade s’accorde avec son catholicisme gallican.


  1. Tome i, page 554, historiette sur Gaston d’Orléans, dont M. de Brèves fut nommé gouverneur en 1611.

  2. Paris, Nicolas Gasse, 1628, in‑4o de 383 pages ; peut-être la triade vient-elle donc d’une conversation directe avec Savary, mais plus probablement avec Nicolas Bourbon qu’avec Guy Patin.

  3. V. note [12], lettre 121.

  4. V. note [12], lettre 8.

  5. V. note [30], lettre 99.

  6. Pierre urinaire, v. note [11], lettre 33.

20.

Triades 31‑32.

  1. « Il y a trois sortes de morts : cruelle, qui est celle des enfants ; prématurée, celle des jeunes gens ; naturelle, celle des vieillards. Au livre iv de ses Instit. Orator., Gerardus Johannes Vossius a emprunté cela à Isidore chapitre 2, livre ii Orig. Toutefois cette distinction ne se vérifie pas constamment. » {a}

  2. « L’Antiquité a cru que trois illustres hommes ont jadis été engendrés par un dragon : Alexandre le Grand, Scipion et Auguste. » {b}


  1. Six livres des Gerardi Ioannis Vossii Commentariorum Rhetoricorum, sive Oratorium Institutionum [Commentaires rhétoriques, ou Institutions oratoires de Gerardus Johannes Vossius], {i} livre iv, page 93, § vi du chapitre vi, De Metaphora [De la Métaphore], section v, Nihil esse, à quo non metaphora duci possit. Quod pene omnis generis exemplis comprobatur [Il n’existe rien dont on ne puisse tirer une métaphore. Des exemples de presque toute sorte le prouvent], :

    A plantis etiam est, quod Græci dicunt αωρον θανατον, et ομφακιους νεκρους, Latini funera acerba, aut immatura. Nam, ut primo prognosticon ait Julianus, Archiepiscopus Toletanus, (ex quo idem postea descripsit Isidorus) tria sunt genera mortis : acerba, immatura, naturalis ; acerba infantum, immatura juvenum, naturalis senum. Quod tamen discrimen non semper observatur : quia Latinis acerba eorum omnium funera dicuntur, qui ante diem denascuntur. Unde Plautus Amphitr.

    Qui multa Thebano populo acerba objectit funera.

    [Pour celles {ii} qui viennent des plantes, il y a aussi ce que les Grecs appellent aôron thanaton et omphakious nékrous, {iii} et les Latins décès cruels et prématurés. De fait, Julien, archevêque de Tolède, au premier de ses Pronostics (et Isidore l’a repris par la suite) {iv} dit « Il y a trois sortes de morts : cruelle, qui est celle des enfants ; prématurée, celle des jeunes gens ; naturelle, celle des vieillards. » Toutefois cette distinction ne se vérifie pas constamment, car les Latins appellent cruels les décès de tous ceux qui meurent avant l’heure ; d’où vient ce vers de Plaute, dans Amphitryon :

    Qui multa Thebano populo acerba objectit funera]. {v}

    1. Leyde, 1643, v. note [2], lettre 210.

    2. Les métaphores.

    3. En grec, aôros thanatos signifie « décès prématuré » (ici au cas accusatif), omphakios nekros, « mort acide, immature » (ici au cas génitif).

    4. Julien de Tolède, archevêque de cette ville en 680, sanctifié par l’Église catholique, est auteur d’un Liber pronosticorum futuri sæculi æternæque vitæ fœliciter sperandæ [Livre des Pronostics des temps à venir et de la vie éternelle qu’on doit heureusement espérer].

      V. note [22], lettre 101, pour Isidore de Séville et ses Origines. Vossius a ajouté dans la marge la référence reprise par cette triade du Borboniana. Chronologiquement pourtant, c’est Julien (né en 642) qui a repris ce qu’avait écrit Isidore (mort en 636), et non l’inverse.

    5. « Lui qui a semé tant de funestes trépas dans le peuple de Thèbes » (acte i, scène 1, vers 190).
  2. Triade extraite du même ouvrage de Vossius (livre i, page 66) :

    Etiam Alexander Magnus spurius fuit ; cujus ignominiæ velandæ gratia, Jovis se Hammonis filium dictitabat : qui fortasse fuit magus, serpentis imagine Olympiadem deludens : quemadmodum Josephus Gorionides refert ; qui et antiquis se auctoribus tuetur. Sane ex dracone genitum esse Alexandrum, multorum opinio fuit. […] Sed, etsi non ignoro quod proditur de admirabili draconis amore erga puellam Idumæam, tempore Herodis : tamen de dracone genitum esse Alexandrum, non magis verum est, quam Amphissum fuisse natum ex serpente, in quem se converterit Apollo, quo cum Dryope rem haberet ; ut ex primo Nicandri refert Antoni<n>us Liberalis fab. xxxii. aut Scipionem esse ex dracone natum : quod a compluribus traditum olim ; uti docet Agellius lib. vii. cap. vi. aut Augustum, de quo idem vulgo creditum esse, ait Sidonius carm. ii.

    [Alexandre le Grand {i} a aussi été bâtard, et pour cacher cette ignominie, il se disait fils de Jupiter Ammon, {ii} qui fut peut-être le magicien qui trompa Olympias {iii} sous l’apparence d’un serpent, comme raconte Josephus Gorionides, {iv} en se référant à plusieurs auteurs antiques. Beaucoup ont estimé qu’Alexandre avait réellement été engendré par un dragon. (…) {v} Je n’ignore pas ce qu’on raconte sur le merveilleux amour d’un dragon pour une jeune fille de Judée, au temps d’Hérode, {vi} mais prétendre qu’Alexandre est né d’un dragon n’est pourtant pas plus vrai que de prétendre qu’Amphissus le fut d’Apollon transformé en serpent pour faire l’amour avec Dryope, {vii} comme le raconte Antoninus Liberalis, fable xxxii, en citant le premier livre de Nicandre ; {viii} ou, comme beaucoup l’ont jadis raconté, de prétendre que Scipion {ix} est né d’un dragon, ainsi que l’enseigne Aulu-Gelle au livre vii, chapitre vi ; {x} ou de prétendre la même chose d’Auguste, {xi} comme on le croit communément, ainsi que dit Sidonius, poème  ii]. {xii}

    1. V. note [21], lettre 197, pour Alexandre le Grand, né en 356 av. J.‑C.

    2. Nom de Jupiter chez les Libyens.

    3. Olympias, fille de Néoptolème, roi des Molosses, et mère d’Alexandre le Grand.

    4. Rabbin du viiie ou ixe s., autrement nommé Ben Gorion ou Jossiphon, auteur d’une Histoire juive.

    5. Omission de références à Tite-Live, Quinte-Curce, Plutarque, Aulu-Gelle, Lucien, Solin et Aurelius Victor.

    6. Dans la marge, Vossius cite Élien (v. note [2], lettre 618), chapitre xvii, livre vi sur la Nature des animaux, intitulé « Du dragon amoureux d’une jeune fille chez les Iduméens » (c’est-à-dire les habitants de Judée). V. note [24], lettre 183, pour Hérode ier, roi des Juifs au ier s. av. J.‑C.

      Pour la bonne compréhension de cette triade, il faut avoir en tête qu’en latin, draco, tout comme δρακων (drakôn) en grec, a le double sens de « dragon » (animal fabuleux) et de « serpent » (serpens ou anguis, animal réel).

    7. Selon le mythe, ces amours adultères d’Apollon (v. note [8], lettre 997) avec Dryope (épouse d’Hercule, v. note [3], lettre de Reiner von Neuhaus, datée du 21 octobre 1663) donnèrent naissance à Amphissus, qui bâtit un temple sur la tombe d’Hercule en haut du mont Œta.

    8. Antoninus Liberalis, écrivain grec du iie ou iiie s. de notre ère, est auteur de Métamorphoses. Dans leur édition latine de Bâle (1568, in‑8o), établie par Guilielmus Wylander (v. notule {f}, note [52] du Patiniana I‑2), la fable xxxii (pages 52‑53), intitulée Dryope, est tirée du premier livre des Ætolica [Étoliens] (ouvrage aujourd’hui perdu) de Nicandre de Colophon (médecin et poète grec du iie s. av. J.‑C.).

    9. V. note [4], lettre 561, pour Scipion l’Africain l’Ancien, né vers 236 av. J.‑C.

    10. Référence aux Nuits attiques d’Aulu-Gelle (v. note [40], lettre 99), dont le livre vi ou vii (selon les éditions), chapitre i, commence par ce propos :

      Quod de Olympiade, Philippi regis uxore, Alexandri matre, in historia Græca scriptum est, id de  P. quoque Scipionis matre, qui prior Africanus appellatus est, memoriæ datum est. Nam et C.  Oppius et Iulius Hyginus aliique, qui de vita et rebus Africani scripserunt, matrem eius diu sterilem existimatam tradunt, P.  quoque Scipionem, cum quo nupta erat, liberos desperauisse. Postea in cubiculo atque in lecto mulieris, cum absente marito cubans sola condormisset, visum repente esse iuxta eam cubare ingentem anguem eumque his, qui viderant, territis et clamantibus elapsum inveniri non quisse. Id ipsum P.  Scipionem ad haruspices retulisse; eos sacrificio facto respondisse fore, ut liberi gignerentur, neque multis diebus, postquam ille anguis in lecto visus est, mulierem cœpisse concepti fetus signa atque sensum pati  ; exinde mense decimo peperisse natumque esse hunc P.  Africanum, qui Hannibalem et Carthaginienses in Africa bello Poenico secundo vicit.

      [On raconte de la mère de P. Scipion, le premier Africain, la même chose que nous lisons dans l’histoire grecque sur Olympias, femme du roi Philippe et mère d’Alexandre. En effet, C. Oppius, Julius Hyginus et les autres historiens qui ont écrit sur la vie et les actions de Scipion l’Africain rapportent que sa mère passa longtemps pour stérile, et que Publius Scipion, son époux, n’espérait plus avoir d’enfants ; mais un jour qu’elle s’était endormie seule, en l’absence de son mari, on vit tout à coup sur son lit, couché à ses côtés, un énorme serpent qui s’échappa aux cris d’épouvante poussés par les témoins de ce prodige ; il disparut sans qu’on eût pu découvrir ses traces. P. Scipion rapporta le fait aux augures, qui lui répondirent, après avoir offert un sacrifice, que sa femme deviendrait mère. En effet, peu de jours après l’apparition du serpent dans son lit, elle ressentit les premiers symptômes d’une grossesse, et au dixième mois, elle mit au monde ce P. Scipion l’Africain qui vainquit Annibal et les Carthaginois en Afrique, dans la deuxième Guerre punique].

    11. V. note  [6], lettre 188 pour l’empereur Auguste, né en 63 av. J.‑C.

    12. Sidoine Apollinaire, Opera (Paris, 1614, v. note [28], lettre 282), Carmen ii, Panegyricus, quem Romæ Sidonius dixit Anthemio Augustus bis Consuli [Panégyrique que Sidonius récita à Rome (en 468) à l’empereur Anthémius, deux fois consul] (vers  121‑122, page  281) :

      Magnus Alexander, necnon Augustus, habentur
      Concepti sepente deo
      .

      [On prétend qu’un dieu serpent a conçu Alexandre le Grand, ainsi qu’Auguste].


21.

Triade 33.

« Ces marches conduisent au quatrième degré de la félicité absolue, c’est-à-dire à la sagesse » (sans source latine que j’aie su trouver).

V. note [6], lettre 143, pour la thèse cardinale prônant la sobriété, écrite et présidée par Guy Patin en 1647.

22.

Triade 34.

Les trois constructions bibliques sont connues de tous, mais le « Capitaine Pierrot » est à ranger parmi les énigmes de notre édition.

23.

Triade 35.

En tenant, comme je fais, Guy Patin pour l’auteur des triades, Henri-Louis Habert de Montmor (v. note [13], lettre 337) pourrait être ce maître des requêtes, car il faisait partie de ses proches relations et son nom commençait par un M.

24.

Triade 38.

Du Mensonge est le titre du vie des sept Opuscules ou petits traités {a} de François i de La Mothe Le Vayer, {b} qui y écrit (pages 259‑260) :

« […] entre tous les défauts de notre humanité, il n’y en a point qui soit de si grande conséquence que celui du mensonge, ni qu’on doive par conséquent plus soigneusement éviter. Aussi a-t-on toujours fort estimé l’instruction que donnaient les Perses à leurs enfants depuis cinq jusque vingt ans. Elle consistait, au rapport d’Hérodote, en ces trois points : le premier, de bien tirer de l’arc ; le second, de monter à cheval avec adresse ; et le troisième, qu’ils estimaient le plus important de tous, de ne mentir jamais. {c} Le même auteur ajoute que de deux choses qu’ils tenaient les plus honteuses dans la vie, la principale était le mensonge, et l’autre, d’être endetté, à cause surtout que celui qui doit se trouve le plus souvent réduit à l’infâme nécessité de mentir. » {d}


  1. Paris, Toussaint Quinet, 1646, 4e série, in‑8o de 384 pages.

  2. V. note [14], lettre 172.

  3. Mise en exergue du passage cité dans la triade.

  4. Une note marginale renvoie au livre i des Histoires d’Hérodote (v. note [31], lettre 406) : le passage sur le mensonge (ψευδος, pseudos) s’y lit au chapitre cxxxviii.

25.

Triade 39.

« quand manquent ces trois choses, il ne reste rien de l’amour entre la divinité et les hommes, dit Aristote au livre viii des Éthiques. » {a}


  1. Éthique à Nicomaque, livre viii, chapitre viii, sur l’inégalité qui est contraire à l’amitié :

    « Enfin, cela se voit encore à l’égard des rois ; car les hommes qui sont fort au-dessous d’eux ne songent pas à être comptés au rang de leurs amis ; et ceux qui n’ont aucun talent, aucun mérite, n’ont point la même prétention par rapport aux hommes d’un mérite supérieur ou d’une éminente vertu. Il n’est donc pas facile de marquer avec précision la limite en deçà ou au delà de laquelle l’amitié peut exister ; car elle subsiste encore quand on en a retranché beaucoup (des conditions qui semblaient la constituer). Il n’en est pas de même lorsqu’il y a trop de distance entre les individus : l’amitié ne peut plus exister, comme on le voit pour la divinité (par rapport aux hommes). »

26.

Triade 40.

27.

Triade 41.

Pour ce retour sur les suicides {a} causés « 1. par la pauvreté ; 2. par l’amour ; 3. par la maladie », j’ai consulté :

Les Œuvres de Me Simon d’Olive, sieur du Mesnil, {b} conseiller du roi en la Cour de parlement de Toulouse. Divisées en deux volumes. Le premier, contenant les Questions notables du droit, décidées par divers arrêts de la Cour de parlement de Toulouse. Le deuxième, contenant les Actions forenses {c} et les Lettres. {d}

Le chapitre xl et dernier de son livre premier (pages 144‑154) est intitulé Des morts volontaires, et de la peine qui leur est imposée, et s’ouvre sur ce propos :

« Le Philosophe traitant en ses Morales {e} de la force et de la magnanimité du courage, qui est une vertu de grand emploi dans les fonctions de la vie civile et domestique, met en question si ceux qui préviennent leur mort naturelle par une fin tragique et violente, qu’ils se procurent de leurs propres mains, doivent être mis au nombre des forts et des magnanimes ; et il résout que ce titre ne leur appartient nullement, et que ce qu’ils font en se défaisant eux-mêmes, est une action de faiblesse et de lâcheté. En effet, c’est le propre d’un homme constant et généreux de mépriser la mort, plutôt que de haïr la vie ; de soutenir la mauvaise fortune, plutôt que de céder à ses coups ; et de se conserver dans le monde par l’espérance plutôt que de se soustraire à la lumière du jour par le désespoir. Les stoïques n’ont pas eu le même sentiment sur ce sujet. Ils ont considéré la mort comme une porte de derrière que la nature, prenant compassion des misères humaines, leur avait mise en main pour échapper aux maux de la vie et aux persécutions de la fortune ; ils ont rendu grâces à Dieu de ce que, ne leur ayant donné qu’un moyen pour entrer au monde, et celui-là encore long et difficile, il leur en avait laissé plusieurs, courts et faciles, pour en sortir, et ont tenu pour maxime qu’il n’y avait nulle nécessité de vivre à la merci de l’infortune et de la nécessité. » {f}


  1. V. supra triade 7, note [9].

  2. Simon d’Olive, sieur du Mesnil, mort en 1645.

  3. Plaidoiries.

  4. Toulouse, Pierre Bosc et Arnaud Colomiez, 1639, in‑fo de 502 et 382 pages, pour la plus ancienne de plusieurs éditions ; je n’ai pas trouvé celle de 1646.

  5. Début de longue note 1 (page 151) d’Olive du Mesnil :

    « Aristoteles voluntariæ mortis duas caussas affert lib. 3. Ethicor. c. 7. paupertatem et amorem ; adjicit tamen, aut si qua sit alia caussa molestia plena.

    [Aristote, au livre iii des Éthiques, chapitre vii {i} attribue deux causes à la mort volontaire : la pauvreté et l’amour ; il y ajoute cependant tout ce qui provoque une profonde affliction].

    Le mauvais état des affaires domestiques est une des causes les plus ordinaires qui fait conjurer les hommes non seulement contre l’État, mais aussi contre leur propre vie. »

    1. Éthique à Nicomaque, loc. cit. :

      « [L’homme] accepte et supporte ce qu’il est beau d’affronter et honteux de fuir. Mais se donner la mort parce qu’on veut échapper à la pauvreté, ou par suite de chagrins d’amour ou de toute autre affliction, n’est pas le fait de l’homme courageux, mais bien plutôt du lâche. Quelle mollesse de ne pas supporter les dures épreuves ! L’homme que nous envisagions à l’instant ne se résigne pas à la mort parce qu’il est beau de le faire, mais pour éviter un mal. »

  6. Sic, pour la répétition du mot « nécessité ».

    Dans son traité De la Vertu des païens, {i} François i de La Mothe Le Vayer {ii} a ainsi résumé l’avis des stoïciens sur ce sujet (pages 185‑186) :

    « Nous achèverons la peinture de ce sage stoïque, et de ses paradoxes, par l’un des plus contraires à la lumière naturelle et à notre religion. La première abhorre ces morts violentes qu’on se donne à soi-même par désespoir, ou par quelque autre passion aussi déréglée ; ce que les Grecs ont exprimé avec le seul mot αυτοχειρια, dans une liberté de composition qu’ils prenaient, qui n’a pas succédé aux Latins, et qui nous est beaucoup moins permise. La seconde, qui est la religion, les défend expressément, sans que l’exemple de Samson, ni celui de quelques vierges semblables à cette Sophronie sous Maxence, puisse être allégué, parce que, dit saint Augustin, ce sont des actions où l’esprit de Dieu agissait d’un instinct particulier, et qui n’en peuvent pas justifier d’autres par leur autorité. Les stoïciens soutenaient au contraire que, comme l’on quitte le jeu quand on veut, et qu’on sort de table, de même, le sage pouvait aussi abandonner la vie quand bon lui semblait, et que de là dépendait le principal point de sa liberté. Je sais bien qu’ils n’ont pas été seuls qui ont enseigné cette doctrine, et que ceux mêmes qui mettaient le souverain bien dans la volupté ont été de même avis. » {iii}

    1. Paris, 1642, v. note [36] du Naudæana 3.

    2. V. supra note [24].

    3. Les notes [51] et [52] du Borboniana 7 manuscrit complètent le propos de La Mothe Le Vayer.

28.

Triade 45.

« Pallas {a} est dite Tritonia parce qu’on la croit née dans le fleuve Triton en Libye ; {b} ou parce qu’elle est venue au monde un troisième jour du mois, d’où est venu qu’Athènes a consacré ce troisième jour à Minerve ; ou ek tês tritou, c’est-à-dire qu’elle est “ issue de la tête ” de Jupiter, {c} car dans la langue des Béotiens, tritô veut dire “ tête ” ; ou parce qu’elle serait comme la Lune, qui apparaît le troisième jour après la conjonction ; {d} ou comme l’âme, qui possède trois parties, épithumian, thumon, logismon ; {e} ou comme la sagesse ; ou encore, au jugement de Démocrite, {f} à cause des trois propriétés de l’âme qui consistent à “ bien réfléchir, bien juger et bien agir ”, eubouléein, eukrinein kaï eupragein. Voyez les Emblèmes d’Alciat, in‑4o, page 16. » {g}


  1. Déesse de la sagesse, des sciences et des arts, Pallas ou Athéna des Grecs était Minerve chez les Romains, v. note [13], lettre 6.

  2. La Libye antique ne se limitait pas à la Cyrénaïque (actuelle Libye, v. notule {a}, note [14] du Borboniana 6 manuscrit), mais correspondait à toute la partie de l’Afrique du Nord qui va, à l’ouest, de l’Égypte à l’océan Atlantique. Pour les Romains, elle était constituée, d’est en ouest, de quatre provinces : Cyrenaica, Africa Proconsularis, Numidia et Mauretania. Sa partie occidentale, dite Phénicienne, occupait le royaume du Maroc (v. note [1], lettre 701).

    Le fleuve Triton alimentait le lac de même nom, qui semble aujourd’hui correspondre au Chott el-Jérid, au centre de la Tunisie. En grec, τριτος (tritos) signifie « troisième ».

  3. V. note [12], lettre 300, pour ce mythe.

  4. Alignement astral de la Lune, du Soleil et de la Terre.

  5. « désir, entendement, raisonnement ».

  6. V. note [9], lettre 455.

  7. Cette triade est la transcription mot pour mot du paragraphe intitulé Pallas cur Tritonia dicatur [Pourquoi Pallas est dite Tritonia], à l’emplacement indiqué (page 16, première colonne) des :

    Andreæ Alciati Emblemata cum Commentariis Claudii Minois I.C. Francisci Sanctii Brocensis, et Notis Laurentii Pignorii Patavini. Novissima hac editione in continuam unius Commentarii seriem congestis in certas quasdam quasi Classes dispositis, et plusquam dimidia parte auctis. Opera et vigiliis Ioannis Thuillii Mariæmontani Tirol. Phil. et Med. D. atque olim Archiduc. Friburg. Brisgoiæ Universitate Human. liter. Professoris ordinarii. Opus copiosa Sententiarum, Apophthegmatum, Adagiorum, Fabularum, Mythologiarum, Hieroglyphicorum, Nummorum, Picturarum et Linguarum varietate instructum et exornatum : Proinde omnibus Antiquitatis et bonarum literarum studiosis cum primis utile. Acesserunt in fine Federici Morelli Professoris Regii Corollaria et Monita, ad eadem Emblemata. Cum Indice triplici.

    [Les Emblèmes d’André Alciat {i} avec les commentaires de Claudius Minos, {ii} jurisconsulte, et de Franciscus Sanctius Brocensis, {iii} et les notes de Laurentius Pignorius, {iv} natif de Padoue. En cette édition, établie par ses soins et ses veilles, Ioannes Thuillius, natif de Mariaberg dans le Tyrol, {v} docteur en philosophie et médecine, et jadis professeur ordinaire de belles-lettres en l’Université archiducale de Fribourg-en-Brisgau, {vi} les a rassemblés en un commentaire continu unique, et les a ordonnés par classes distinctives et augmentés de plus de moitié. Ouvrage expliqué et illustré par une abondante variété de sentences, d’apophtegmes, {vii} d’adages, de fables, de récits mythologiques et hiéroglyphiques, {viii} de descriptions de médailles et de tableaux, et de dialectes ; il sera donc utile à tous, et principalement à ceux qui étudient l’Antiquité et les belles-lettres. On y a ajouté à la fin les corollaires et les avis de Fédéric Morel, {ix} sur lesdits Emblèmes. Avec un triple index]. {x}

    1. V. note [19], lettre 229.

    2. Claude Mignault (Claudius Minos), v. note [29] du Patiniana I‑1.

    3. Francisco Sanchez de las Brozas, v. note [9], lettre 58.

    4. Lorenzo Pignoria, v. note [40] du Naudæana 2.

    5. Ioannes Thuillius (Johann Thuille), né à Berghof Premajur, dans le Vinschgau ou Val Venosta (Tyrol), en 1590, mort à Padoue en 1630.

    6. Université Albertina fondée par l’archiduc Albert vi d’Autriche en 1457 à Fribourg-en-Brisgau (Bade-Wurtemberg).

    7. Dits mémorables.

    8. Ésotériques.

    9. Fédéric (sic) Morel, professeur d’éloquence gréco-latine au Collège de France (v. note [6], lettre latine 355).

    10. Padoue, Petrus Paulus Tozzius, 1621, in‑8o illustré, et non pas in‑4o, comme écrivait le Borboniana ; il s’agit de la plus volumineuse (1 003 pages) des nombreuses éditions existantes.

    On lit aussi ce commentaire à la page 708 des Notæ posteriores ad Alciati Emblemata. Per Claudium Minoem. Δευτεραι φροντιδες. Editio ultima [Secondes notes sur les Emblèmes d’Alciat. Par Claudius Minos. Deuxième révision. Dernière édition] (Lyon, héritiers de Guillaume Roville, 1614, in‑8o de 818 pages).

    La remarque porte sur le dernier vers du premier emblème, intitulé Emblem. Dedic. ad illust. Maximil. ducem Mediol. super insigni Ducatus Mediolan. (édition latine de Lyon, 1551, page 7), « Dédication des Emblèmes à très illustre Prince Maximilen, duc de Milan, sur le blason des armes milanaises » (édition française, ibid. 1549, pages 15‑16) :

    An quia sic Pallas de capite orta Iovis ?

    « Née est Pallas du chef de Jupiter. »

29.

Triade 46.

« De Louis ii, roi de Hongrie et de Bohême, qui s’est noyé dans une petite rivière, près de Mohács, le 29 août 1526, {a} Joannes Dubravius écrit que son extrême précocité s’illustrait par trois particularités : 1. il a vite grandi ; 2. la barbe lui a poussé avant l’âge ; 3. à peine entré en sa 18e année, il avait les cheveux blancs. Cela se lit vers la fin de son Historia Bohemica ; {b} pareillement dans les Emblèmes d’Alciat. » {c}


  1. Louis ii Jagellon (Buda 1506-1526) était fils de Vladislas ii, roi de Bohême (de 1471 à 1516), et neveu de Sigismond ier, roi de Pologne (de 1506 à 1548). Louis a régné sur la Hongrie et sur la Bohême de 1516 à sa mort. La guerre entre la Hongrie et la Turquie (dirigée par Soliman le Magnifique, v. note [35], lettre 547) s’étant rallumée en 1520, Louis ii périt lors de la bataille de Mohács, sur la rive occidentale du Danube, que son armée perdit le 29 août 1526. Ferdinand ier de Habsbourg, frère de Charles Quint (v. la fin de la note [19] du Borboniana 8 manuscrit), succéda à Louis ii.

  2. Io. Dubravii Olomuzensis Episcopi, Historia Bohemica, ab origine gentis, per diversas temporum et familiarum vices, usque ad Ferdinandi Imp. et Regis auspicia, deducta. A Cl. V. Thoma Iordano Medico novis Genealogiarum, Episcoporum, Regum, Ducum Catalogis, necessariis quinetiam Annotationibus ornata et illustrata, ut nunc demum edita dici possit. Cui hac editione accedit eiusdem Dubravii ad Sigismundum Poloniæ Regem oratio ad Turcam debellandum exhortatoria : nunc primum edita. Adjectum est in fine rerum memorabilium Index.

    [Histoire de Bohême, depuis l’origine de ce peuple jusqu’à l’avènement du roi et empereur Ferdinand, que Io. Dubravius, évêque d’Olomouc, {i} a déduite de divers entrecroisements des époques et des familles. M. Thomas Jordan, très distingué médecin, {ii} l’a illustrée et enrichie de nouveaux catalogues des généalogies, des évêques, des rois et des seigneurs, et de nécessaires annotations, si bien qu’on peut maintenant dire qu’elle est inédite. On y a ajouté : le discours, encore jamais publié, que ledit Dubravius a adressé à Sigismond, roi de Pologne, {iii} pour l’exhorter à achever la guerre contre la Turquie ; et à la fin, un index des faits mémorables]. {iv}

    La triade 46 y a puisé en deux endroits.

    • Livre xxxiii, page 272 (lignes 29‑33) :

      Ludovicus rex aquis mergitur clade Mohaziana, anno 1625. die 29. Augusti. De Ludovico autem rege diligenter Turca iniunxerat, ut incolumis caperetur, dignum vita et ipso regno existimans propter animi magnitudinem, quem adolescente adhuc iuventa gerebat, ausus cum paucis apparere contra infinitam multitudinem. Sed iam is quoque decesserat in proxima alluvie Danubii cum equo, in aquis collapso, priusquam casum deductor conspiceret, ferreque opem posset, submersus.

      [Le roi Louis se noie le 25 août 1525 durant le désastre de Mohács. Quant au roi Louis, les Turcs avaient soigneusement ordonné qu’il fût capturé sain et sauf. Ils l’estimaient digne de vivre et de régner, pour le grand courage dont il avait fait preuve car, en dépit de sa jeunesse, dont il était encore à peine sorti, il avait osé se montrer avec peu de troupes face à une infinie multitude d’ennemis. Néanmoins, il était déjà mort : ayant glissé avec son cheval dans les eaux d’une mare créée par la crue du Danube, il s’y était noyé avant que son escorte se fût aperçue de sa chute et pût lui porter secours].

    • Cité mot pour mot par le Borboniana, le passage sur la grande précocité physique du roi Louis, se trouve ibid. page 270 (lignes 31‑33). Ces particularités peuvent aujourd’hui évoquer une puberté masculine précoce.

      1. Joannes Dubravius (Jan Skála z Doubravky, 1486-1553), humaniste tchèque, évêque d’Olomouc, en Moravie.

      2. V. note [11] de l’Observation vii de Guy Patin et Charles Guillemeau.

      3. Sigismond iii Vasa, v. notule {f}, note [31], lettre 211.

      4. Hanau, Claudius Marnius et les héritiers de Ioan. Aubrius, 1602, in‑fo de 284 pages.

  3. Le récit de Dubravius est résumé à la page 877 de la compilation des commentaires sur les Emblemata d’André Alciat publiée par Johannes Thuillius. {i}

    Dans l’édition de Claudius Minos, {ii} l’emblème ccix, Amygdalus [L’Amandier] est à la page 697 (sans référence à Dubravius) :

    Cur properans foliis præmittis amygdale flores ?
    Odi pupillos præcocis ingenii
    . {iii}

    [Amandier, pourquoi, te hâtant, sors-tu tes fleurs avant tes feuilles ? Je hais les enfants au génie précoce]. {iv}

    Avec ce commentaire de Minos :

    Floret prima omnium Amygdala mense Ianuario, Martis vero pomum maturat. Plin. 25. ca. 16. quod torquetur in illud ingeniorum velut præcox genus, quod non temere unquam pervenit ad Frugem, ait Fab. lib. i. cap. 3. Sunt enim pueri, qui statim primoque omnia sciant, memoriterque teneant, qui tamen quanto ætate fiunt provectiores, tanto minus complectuntur, ita ut ad solidam eruditionem vix aliquando perveniant. Eam ob rem vulgo pene apud omnes creditum, eos, quibus sit ingenium tam præcox et præmaturum, aut insanos fore, aut non diu victuros.

    [« L’amandier, le premier de tous, fleurit au mois de janvier ; au mois de mars, l’amande est mûre » (Pline livre xxv, chapitre xvi). {v} Il y a comme quelque chose de tordu « dans ce genre précoce d’esprits, car ça n’est pas sans raison qu’il n’en sort jamais de fruit » (Fab., livre i, chapitre iii). {vi} Il existe en effet des enfants qui savent toutes choses très tôt et tout de suite, et les conservent en mémoire ; mais pourtant, à mesure qu’ils avancent en âge, ils les comprennent de moins en moins, à tel point qu’ils n’acquièrent jamais une solide érudition. Voilà pourquoi presque tout le monde croit que ceux qui sont doués d’un génie si précoce et prématuré deviendront fous ou ne vivront pas longtemps].

    1. Padoue, 1621, v. supra notule {g}, note [28].

    2. Lyon, 1614, citée dans la même notule que supra.

    3. Joliment illustré, mais sans commentaire ajouté dans l’édition latine de Lyon, 1551.

    4. Ainsi traduit et commenté par Barthélemy Aneau dans l’édition française de Lyon, 1549 :

      « L’Amandelier.

      “ Amandelier, pourquoi si tôt floris ?
      Trop bons ne sont les trop prompts esprits. “

      L’amandelier est le premier arbre qui fleurit, et celui qui plus tôt périt. Aussi les trop hâtifs esprits (comme dit Quintilien) [v.  sous-notule {vi} infra] à grand peine jamais parviennent à fruit. »

    5. Erreur de référence à L’Histoire naturelle de Pline l’Ancien : cette citation vient de son livre xvi, chapitre xlii (Lit. Pli, volume 1, page 584).

    6. Quintilien (Fabius Quintilianus, v. note [4], lettre 244), Les Institutions oratoires (loc. cit.).

30.

Triades 47‑52.

  1. « Au sage avis de Plutarque, il y a trois choses que les jeunes gens doivent acquérir : heureuse disposition en l’esprit, silence en la langue, retenue en la mine. » {a}


    1. Variante du lxxviie des Fragments d’ouvrages incertains de Plutarque (v. note [9], lettre 101), mais ailleurs attribué à Socrate :

      Hortabatur juvenes tria hæc habere : in animo temperentiam, in lingua silentium, in vultu verecundiam.

      [Il exhortait les jeunes gens à acquérir trois choses : heureuse disposition en l’esprit, silence en la langue, retenue en la mine].


  2. « Trois choses sont extrêmement salubres : ne pas se gaver de nourriture ; être infatigable au travail ; conserver la semence vitale. Plutarque. » {a}


    1. Les deux premières propositions appartiennent à l’Aphorismus xx, 4e section, livre vi des Épidémies (pages 104 vo‑105 vo) du :

      Hippocratis Medicorum omnium Principis Epidemiωn liber sextus, a Leonardo Fuchsio medico latinitate donatus, et luculentissima ennaratione illustratus, iam recens non æstimandis vigiliis ab autore recognitus, multisque in locis auctus, ac in lucem editus. Adiecta sunt ad calcem operis græca, ut dligens lector ipsa cum latinis conferre possit.

      [Sixième livre des Épidémies d’Hippocrate, prince de tous les médecins, que Leonardus Fuchsius a traduit en latin et illustré d’un très brillant commentaire, tout récemment revu sans compter ses veilles, augmenté en maints endroits et mis au jour. À la fin de l’ouvrage, a été ajouté le texte grec, afin que le diligent lecteur puisse le comparer au texte latin]. {ii}

      Le commentaire de Fuchs cite Plutarque (pages 105 ro‑vo) :

      Plutarchus quoque libro paulo ante citato hanc Hippocratis sententiam referens, exiguo pastu contentos, et impigros ad labores esse, eos qui bonam valetudinem tueri affectant, monet. Sed verba illius subscibere placet, quæ sic habent : […].

      [Plutarque aussi, dans le livre que j’ai cité un peu plus haut, se réfère à cette sentence d’Hippocrate pour engager ceux qui désirent se maintenir en bonne santé, à se contenter de repas frugaux et à être infatigables au travail ; mais j’ai plaisir à transcrire ses paroles, que voici : (…) {iii}

      « Il n’est pas moins utile de porter un examen sérieux sur son propre régime. Si l’on a occasion de boire, de manger plus que de coutume, de se fatiguer, ou de faire quelque autre excès sans que l’état où se trouve le corps donne lieu à concevoir aucune crainte, il n’en faudra pas moins prendre ses précautions et user à l’avance de ménagements. Aux plaisirs de l’amour, au surcroît de la fatigue on fera succéder le sommeil et le repos ; à la suite d’un banquet où l’on s’est enivré, on se condamnera à boire de l’eau pure ; mais surtout, si l’on a mangé des choses lourdes, des viandes, des ragoûts variés, on fera diète afin de ne rien laisser qui surcharge l’estomac. Car outre que ces différents excès sont d’abord par eux-mêmes des causes de maladies, ils donnent encore de la matière et de la puissance aux autres causes. D’où l’on a dit avec beaucoup de raison, que rester sur son appétit, ne pas reculer devant le travail, et conserver sa liqueur spermatique, {iv} sont trois pratiques essentiellement conservatrices de la santé. Il est certain, en effet, que l’abus immodéré du coït, ôtant par-dessus tout leur force et leur vigueur aux esprits qui élaborent les aliments, engendre un plus grand amas d’humeurs superflues. »] {v}

      1. Leonhard Fuchs, v. note [5], lettre 123.

      2. Bâle, Io. Beblius et Mich. Insingrinius, 1537, in‑4o de 376 pages.

      3. Suit la citation, en grec puis en latin, d’un passage des Œuvres morales, Préceptes d’hygiène (chapitre 15), dont j’ai emprunté la traduction (mise entre guillemets) à Victor Bétolaud (1870).

      4. Citation reprise par la triade 48.

      5. Si cette triade est bien de Guy Patin, il est curieux qu’il n’ait pas mentionné son emprunt au livre vi des Épidémies ; même si Plutarque n’a nommé Hippocrate qu’une fois dans tout son traité hygiénique, dans cette phrase au début du chapitre 11 :

        « Les pesanteurs et les lassitudes qui viennent d’elles-mêmes pronostiquent une maladie, comme le déclare Hippocrate. »

  3. « Bains, vins et amour conservent nos corps. Bains, vins et amour les corrompent de même. » {a}


    1. Variante attribuée à Pétrone (Fragments poétiques) :

      Balnea, vina, Venus, corrumpunt corpora sana
      Et vitam faciunt balnea, vina, venus
      .

      [Bains, vins et amour corrompent les corps sains ; mais bains, vins et amour font la vie belle].


  4. « Dans les festins, Bacchylide {a} réclamait trois choses : 1. modération dans le service des mets et de la boisson ; 2. conversation agréable et franche bienveillance des convives ; 3. bon vin qui régalât extrêmement les vieillards (ibid. 134). » {b}


    1. Bacchylide est un poète lyrique grec du ve s. av. J.‑C.

    2. La page 134 renvoie à l’édition des Emblemata d’Alciat (Padoue, 1621) citée dans la notule {g}, note [28] supra, sur l’emblème xxiii, Vino prudentiam augeri [La sagesse est accrue par le vin], où la triade est donnée pour une tétrade :

      Bacchilides quatuor in conviviis requirit : Moderatum cibi ac potus apparatum : suave colloquium : veram conviviarum benevolentiam : et bonum vinum, quo maxime delectantur senes.

      [Bacchylide a réclamé quatre choses chez les convives, etc.].


  5. « Trois choses se succèdent l’une l’autre : Bacchus, {a} Vénus et la podagre. {b} De là est venu le distique grec et latin (ibid.) :

    “ L’estropiant Bacchus et l’estropiante Aphrodite {c} ont engendré une fille qui est l’estropiante podagre. ” » {d}


    1. Dieu romain du vin (Dionysos des Grecs, v. note [23], lettre 260).

    2. Goutte du pied, v. note [30], lettre 99.

    3. Nom grec de Vénus (v. notule {a}, note [2], lettre latine 365), que la version latine du distique appelle ici Cythereia, la déesse de Cythère, l’île de la mer Égée qui lui était consacrée.

    4. Ces vers, dans leurs versions grecque et latine, figurent à la même page 134 des Emblemata d’Alciat, citée dans la triade précédente.

      Membrifragus est un hellénisme latin, issu de l’adjectif λυσιμελης (lusimélês). Ce mot est à rapprocher de saxifragus, « briseur de pierre », d’où la saxifrage, censée rompre les calculs urinaires, a tiré son nom (v. notule {b}, note [81], lettre latine 351) ; pour traduire membrifragus j’ai préféré « estropiant » à « briseur de membre » ou « membrifrage ».


  6. « Il existe trois sortes de breuvages : vin, bière, {a} eau. Presque tous les riches d’Europe boivent du vin ; pauvres et moins fortunés d’Angleterre, d’Écosse, de Danemark, de Suède, de Pologne, d’Allemagne, boivent de la bière ; presque toutes les femmes et à peu près tous les sages d’Europe boivent de l’eau, comme font les Africains, les Asiatiques et les Américains. Il reste le cidre, {b} fabriqué à partir de fruits, dont on fait grand usage en Normandie, chez les Béarnais et en Afrique :

    “ Les gens instruits boivent du vin, les rustres, de la bière, et le bétail, de l’eau. ” » {c}


    1. V. note [34], lettre 176, pour la bière, et [17] du Traité de la Conservation de santé, chapitre iii, pour son antique nom de zythum.

    2. V. note [5], lettre 80, pour le cidre (pomaceum), fabriqué à partir de pommes (pommé) ou de poires (poiré).

    3. Je n’ai pas trouvé de source à son prologue, mais ce distique est tiré de la même page des Elblemata que les deux triades précédentes. Aucune des trois n’est attribuable à Plutarque.

31.

Triades 53‑56.

  1. « Nous savons pour certain que les Anciens avaient coutume de ratifier les alliances de trois manières : par des paroles, comme pour ceux qui prêtent serment ; par des actions, comme pour les victimes qu’on immolait aux dieux ; par les mains, que se serrent ceux qui se font confiance. De là vient qu’il y avait chez eux trois chefs d’accusation pour rupture de pacte : le parjure, la profanation d’autel {a} et la rupture de confiance (id. et ibid. page 62). » {b}


    1. La profanation d’autel est le sacrilège, consécutif au déni du vœu accompli en faisant un sacrifice, mot qu’il convient de prendre dans le double sens, païen et chrétien, que lui a donné Furetière :

      « Offrande qu’on fait à Dieu sur les autels par les mains de son légitime ministre, pour reconnaître sa puissance, et lui témoigner de la sujétion. Le sacrifice diffère de la simple oblation en ce que, dans le sacrifice, il faut qu’il y ait réelle destruction ou changement dans la chose offerte ; au lieu que l’oblation n’est qu’une simple offrande du don. Les théologiens divisent les sacrifices en sanglants, comme ceux de l’ancienne Loi, {i} et non sanglants, comme celui de la Nouvelle ; {ii} en sacrifice impétratoire, qu’on fait pour obtenir de Dieu quelque grâce, ou pour l’en remercier, et en propitiatoire, qu’on offre pour la rémission de ses péchés. Abraham fut prêt d’offrir à Dieu son fils en sacrifice ; Jephté lui en fit un effectif de sa fille. {iii} Les païens ont fait des sacrifices à leurs idoles ; les Mexicains ont fait des sacrifices aux leurs d’un nombre infini d’hommes. Le Psalmiste {iv} dit que le vrai sacrifice qu’on doit faire à Dieu, c’est un cœur contrit et humilié, qu’il lui offrira un sacrifice de louanges. Chez les chrétiens, il n’y a que le saint Sacrifice de la messe. On tient que ce sont les Phéniciens qui ont inventé les premiers les statues et les sacrifices. »

      1. L’Ancien Testament.

      2. Le Nouveau testament.

      3. Sacrifices bibliques respectivement relatés dans la Genèse et dans le Livre des Juges.

      4. Le roi David.
    2. Cette triade est intégralement empruntée au commentaire de Johannes Thuillius {i} sur les mots fœdera inire, à la fin des quatre premiers vers de l’emblème x d’Alciat (pages 62‑63), Fœdera [Les Alliances] : {ii}

      Hanc citharam, a lembi quæ forma halieutica fertur,
      Vendicat et propriam Musa Latina sibi,
      Accipe Dux : placeat nostrum hoc tibi tempore munus,
      Quo nova cum sociis fœdera inire paras
      .

      [Reçois, duc, {iii} ce luth ! Il a la forme que les pêcheurs donnent à leur barque, et la Muse latine le revendique pour son invention. Puisse notre don t’être agréable en ces temps où tu t’apprêtes à conclure de nouveaux traités avec les alliés].

      1. Padoue, 1621, v. supra notule {g}, note [28].

      2. Page 16, édition latine de Lyon, 1551.

      3. Adage qu’Alciat a dédié à Maximilien Sforza (1493-1530), duc de Milan.

  2. « Un sage Hébreu a dit que trois situations lui semblaient délicates : la course du petit oiseau volant en plein ciel ; la course de la couleuvre rôdant au milieu de la plaine ; la course d’un navire au milieu de la mer ; mais la plus délicate de toutes est la course de l’adolescent voluptueux dans la pleine ferveur de son âge (id. et ibid. page 263). » {a}


    1. Copie mot pour mot de la fin du commentaire de Thuillius sur l’emblème lv d’Alciat (2e colonne, page 263), intitulé Temeritas [La Témérité] :

      In præceps rapitur, frustra quoque tendit habenas
      Auriga : effræni quem vehit oris equus.
      Haud facile hinc credas, ratio quem nulla gubernat,
      Et temere proprio ducitur arbitrio
      .

      [Tombant la tête la première de son char, l’aurige tire vainement sur les rênes : le cheval qui le tire a perdu son frein. Garde-toi donc de croire facilement celui que nulle raison ne gouverne, et que guide au hasard son propre arbitre].


  3. « Aux yeux de Dieu et des hommes, il y a trois splendeurs : la concorde entre frères ; l’amitié entre voisins ; un homme et une femme qui préservent leur bonne compagnie et leur fidélité mutuelle. » {a}


    1. Dans le tome iv, livre xxxv (page 343, 1re colonne), {i} de son Encyclopædia, Johann Heinrich Alsted {ii} a cité cette triade et l’a attribuée à Iesus Syracides. {iii}

      1. Sectio xii, Arithmologia Ethica [Arithmologie (science des nombres) éthique]

      2. Lyon, 1649, v. note [11], lettre 203.

      3. Jesus Ben Sira, dit le Siracide, érudit hébreu du iie s. av. J.‑C., auteur de la Sagesse de Sirakh.

  4. « Il y a trois vices qui offensent Dieu et la nature, et qui déplaisent aux hommes : la paresse de l’adolescent ; l’insolence du pauvre ; et la lubricité déplacée du vieillard qui a déjà un pied dans la tombe (id. et ibid. page 497). » {a}


    1. Commentaire iv de Thuillius sur l’emblème cxvii d’Alciat (1re colonne, page 497), Senex puellam amans [Le vieillard amant d’une jeune fille] : {i}

      Dum Sophocles (quamvis affecta ætate) puellam
      A questu Archippen ad sua vota trahit,
      Allicit et pretio, tulit ægre insana iuventus
      Ob zelum, et tali carmine utrumque notat :
      Noctua ut in tumulis, super utque cadavera bubo ;
      Talis apud Sophoclem nostra puella sedet
      .

      [Quand Sophocle (bien qu’il fût fort âgé) soumit à ses vœux, pour en jouir, la jeune Archippe et l’attira par force argent, un jeune homme jaloux, affligé de cette extravagance, dénonça les deux amants par ces vers : « Une chouette sur le ventre d’un hibou dans une tombe : voilà comme siège notre bien-aimée dans la maison de Sophocle. »] {ii}

      Reprenant textuellement le commentaire de Thuillius, la triade du Borboniana en omet la fin :

      Tum enim vel maxime δις οι παιδες γεροντες, cum vitiis plusquam iuvenilibus intempestive delectantur. Quanto enim quis ætate provectior est, tanto a voluptatum corporis titillationibus remotior esse debet.

      [Il est en effet très vrai que les vieillards sont deux fois pires que les enfants, {iii} quand ils se délectent mal à propos des vices qui n’appartiennent qu’aux jeunes gens ; alors que plus on avance en âge, plus on doit se tenir éloigné des frissons que procurent les voluptés charnelles].

      1. Illustré et traduit dans l’édition française de Lyon, 1549, page 144.

      2. V. note [4], lettre latine 100, pour Sophocle. Thuillius a donné la source de cette anecdote dans son commentaire ii du même emblème (1re colonne, page 496) :

        Quantum ex historiis deprehendi potest, Sophocles Veneresi rebus multum fuit addictus, et iam grandævus Theorida meretricem deperiit. Idem iam senex admodum Archippen, nobile scortum, adamavit, quam etiam hæredem reliquit. Cuius prior amasius, Smicrines nomine, a quodam rogatus, quis ageret Archippe ? venuste respondit : ωσπερ αι γλαυκες επι ταφων καθεται id est : Tanquam noctua in tumulis sedet. Refert Athenæus Dipnosophist. lib. 13. cap. 22.

        [On peut trouver quantité d’histoires disant que Sophocle était fort enclin aux rapports amoureux. En un âge très avancé, il tomba éperdument amoureux de la courtisane Théorida. De même, dans sa vieillesse, il s’éprit follement d’Archippe, prostituée de grand renom, dont il fit même son héritière. Quand quelqu’un demanda au dénommé Smicrines, précédent amant de cette dame, ce qu’elle faisait, il lui répondit spirituellement : « Elle ne quitte pas les tombeaux, comme fait une chouette » (Athénée, Déipnosophistes, livre 13, chapitre 22)].

      3. Aristophane, Les Nuées, vers 1417.

32.

Triades 57‑58.

  1. « Aulu-Gelle (livre xviii, chapitre vii) donne trois significations au mot concio : 1. le lieu et la tribune d’où on prononce les discours ; 2. l’assemblée du peuple ; 3. le discours même qu’on adresse au peuple. » {a}


    1. Abrégé fidèle de ce qu’a écrit Aulu-Gelle à l’endroit indiqué de ses Nuits attiques (v. note [40], lettre 99).

  2. « On représentait jadis Mercure {a} avec trois têtes parce qu’il embrassait la physique, {b} l’éthique et la logique ; ou parce qu’on le croyait à la fois céleste, marin et terrestre. On avait coutume de figurer chacune de ces trois têtes aux bifurcations des routes, pour indiquer où menaient celle de droite et celle de gauche. » {c}


    1. V. note [7], lettre latine 255, pour Mercure (Hermès des Grecs), dieu auquel les Anciens conféraient le plus de fonctions.

    2. Telle que définie dans notre glossaire.

    3. Citation mot à mot du commentaire de Johannes Thuillius {i} sur l’emblème viii d’Alciat (2e colonne, page 53), Qua dii vocant, eundum [Il faut aller là où les dieux nous appellent] : {ii}

      In trivio mons est lapidum : supereminet illi
      Trunca Dei effigies, pectore facta tenus.
      Mercurii est igitur tumulus : suspende viator
      Serta Deo, rectum qui tibi monstret iter.
      Omnes in trivio sumus, atque hoc tramite vitæ
      Fallimu, ostendat ne Deus ipse viam
      .

      [Au carrefour, il y a un tas de pierres, avec à son sommet la statue brisée d’un dieu, dont ne reste que le torse. Il s’agit donc d’un tertre de Mercure : {iii} voyageur, attache des couronnes au dieu qui te montrera le bon chemin ! Nous sommes tous devant une bifurcation et nous nous égarons sur le chemin de la vie si Dieu {iv} ne nous montre pas la route à suivre].

      1. Padoue, 1621, v. supra notule {g}, note [28].

      2. Page 27 de l’édition française de Lyon, 1549, avec une traduction et une gravure montrant Mercure agenouillé à un carrefour de route.

      3. Hermès, v. note [8], lettre de Thomas Bartholin, datée du 18 octobre 1662.

      4. Passage d’un dieu païen, Mercure, au Dieu chrétien.

33.

Triades 59‑60.

  1. « “ Dans le petit traité de philosophie qu’il a écrit, Apulée {a} attribue à Platon la distinction de trois sortes d’amour : le premier est divin, il allie la pureté de l’âme au respect de la vertu ; le deuxième est celui d’un esprit dégénéré et de la volupté la plus corrompue ; le troisième mêle les deux précédents, c’est celui d’une intelligence moyenne et d’une passion modérée ” (ibid. page 460). » {b}


    1. Apulée (v. note [33], lettre 99), La Doctrine de Platon, livre ii, chapitre xiv.

    2. Emprunt fidèle au commentaire iv de Johannes Thuillius {i} sur l’emblème cx d’Alciat :

      Αντερως, id est, Amor virtutis.

      Dic ubi sunt incurvi arcus ? ubi tela Cupido ?
      Mollia queis iuvenum figere corda soles.
      Fax ubi tristis ? ubi pennæ ? tres unde corollas
      Fert manus ? unde aliam tempora cincta gerunt ?
      Haud mihi vulgari est hospes cum Cypride quicquam,
      Ulla voluptatis nos neque forma tulit.
      Sed puris hominum succendo mentibus ignes
      Disciplinæ, animos astraque ad alta traho.
      Quatuor æque ipsa texo virtute corollas
      Quarum quæ Sophiæ est, tempora prima tegit
      .

      [Antéros, c’est-à-dire l’amour de la vertu.

      Dis-moi Cupidon, {ii} où sont ces arcs incurvés et ces flèches, dont tu aimes à transpercer les tendres cœurs des jeunes gens ? Où sont donc ton triste flambeau, et tes ailes ? D’où viennent les trois guirlandes que tu tiens dans la main, et celle dont tu t’es ceint les tempes ? {iii} Je ne vois aucun intérêt à fréquenter la Vénus vulgaire, {iv} car elle ne m’a procuré aucun semblant de volupté. Moi, j’allume les feux de la discipline dans les âmes pures des hommes, et j’élève leurs esprits vers le firmament. Comme toi, je tresse quatre guirlandes à la vertu personnifiée, dont la première ceint les tempes de la Sagesse]. {v}

      1. Padoue, 1621 (v. supra notule {g}, note [28]), 2e colonne, page 460, paragraphe intitulé Triplex amor apud Apuleium [Le triple amour dans Apulée].

      2. Éros des Grecs (v. notule {b}, note [2], lettre latine 365) : Antéros (c’est-à-dire l’anti-Éros), première face, vertueuse, de l’amour chez Platon, s’adresse ici à sa deuxième face, libidineuse.

      3. La gravure de l’édition latine (Lyon, 1614, page 380) illustre ce propos.

      4. La Vénus vulgaire, ici surnommée Cypris (celle qu’on honore à Chypre), est celle des débauches charnelles.

      5. Les trois autres guirlandes, selon l’explication de Thuillius, figurent la Justice (Iustitia), l’Honneur (Fortitudo) et la Modération (Temperentia).

  2. « La cause efficiente {a} de l’ignorance est triple : légèreté d’esprit, volupté et orgueil.

    Sunt quos ingenium leve, sunt quos blanda voluptas,
    sunt et quos faciunt corda superba rudes
    .

    Voyez l’emblème clxxxviii d’Alciat, {b} et ibid. pages 799, {c} [800] {d} et 801. » {e}


    1. La philosophie classique (scolastique) distinguait quatre catégories de causes (Furetière et Trévoux) :

      • efficiente, « celle qui produit quelque effet » ;

      • finale, « la première en l’intention, et la dernière en l’exécution » ;

      • matérielle, « n’ayant ni intelligence ni liberté, elle agit toujours de la même manière lorsqu’elle se trouve dans les mêmes circonstances » ;

      • formelle, « se joignant à la matérielle, elle produit le corps ou le composé ».

    2. Emblème intitulé Submovendam ignorantiam [Il faut repousser l’ignorance], sous-titré Διαλογισμος [Dialogue] {i} (avec mise en exergue des deux vers cités) :

      Quod monstrum id ? Sphinx est. Cur candida virginis ora,
      Et volucrum pennas, crura leonis habet ?
      Hanc faciem assumpsit rerum ignorantia : tanti
      Scilicet est triplex caussa et origo mali.
      Sunt quos ingenium leve, sunt quos blanda voluptas,
      Sunt et quos faciunt corda superba rudes.
      At quibus est notum, quid Delphica littera possit,
      Præcipitis monstri guttura dira secant.
      Namque vir ipse bipesque tripesque et quadrupes idem est,
      Primaque prudentis laurea, nosse virum
      .

      [– Quel est ce monstre ? – C’est la Sphinge. {ii} – Pourquoi a-t-elle un radieux visage de vierge, mais des plumes d’oiseau et des pattes de lion ? – C’est l’aspect qu’a emprunté l’ignorance des choses, car triple est la cause et l’origine d’un si grand mal : il en est certains qu’un esprit insignifiant, d’autres, qu’une douce volupté, et d’autres, enfin, qu’un cœur orgueilleux transforme en brutes. Mais ceux qui savent ce que peut la lettre de Delphes {iii} tranchent l’effrayante gorge de ce monstre précipité. {iv} Le fait est que l’homme possède à la fois deux, trois et quatre pieds ; et le premier mérite du sage est de se connaître lui-même].

      1. Thuillius, page 796.

      2. V. note [28], lettre 226, pour la légende d’Œdipe et du Sphinx de Thèbes. La langue moderne en a fait un monstre masculin, mais il est féminin dans le mythe grec : la Sphinge, η Σφιγξ, qui dérive du verbe σφιγγειν, « étreindre », car la Sphinge étouffait ses victimes en les serrant contre elle. Elle est hideusement représentée dans l’édition de Lyon, 1614, page 646 (adage numéroté clxxxvii).

      3. V. notule {c} infra.

      4. V. notule {d} infra.

      Traduction française de Barthélemy Aneau (Lyon, 1549, pages 232‑233) :

      « Ôter faut ignorance.
      Dialogisme.

      D. Quel monstre ? R. Sphinge.
      D. Pourquoi chef féminin,
           Ailes d’oiseau porte, et pied léonin ?
      R. Telle figure a l’ignorance, pource
           Que de ce mal si grand, telle est la source.
           L’esprit léger, ou plaisir attirant,
           Ou cœur trop fier rendent l’homme ignorant.
           Mais qui connaît que peut lettre Delphique,
           Coupe la gorge au monstre mirifique.
           C’est à deux pieds, trois, quatre, on voit l’homme être.
           Très grande prudence est de l’homme connaître. »

      Son commentaire (dont j’ai modernisé le français) résume bien les choses :

      « Sphinge, monstre cauteleux et cruel, en un détroit habitant, proposait à tout passant telle énigme, c’est-à-dire question obscure : Quel animal est à quatre pieds, deux et trois ? Et tuait tous les ignorants qui rien n’en savaient. Jusqu’au jour où Œdipe, le sage devineur, survint, qui résolut la question, disant que c’était l’homme : lequel en son enfance rampe à quatre pattes ; en sa virilité, se soutient droit sur deux pieds ; en sa vieillesse, s’appuie sur un bâton, qui fait le troisième pied. Or, comme souveraine prudence est connaître soi-même, suivant la lettre Delphique écrite au temple d’Apollon, Connais-toi toi-même. Ainsi, ne connaître que c’est de l’homme, et se méconnaître, est souveraine ignorance, qui détruit plusieurs gens et provient ou de légèreté d’esprit, ou de volupté, ou d’arrogance, figurées par les ailes d’oiseau, face de pucelle et pieds de lion étant en ce monstre. »

    3. Thuillius, 2e colonne, page 799, commentaire iii sur Delphica litera [la lettre de Delphes] :

      Delphicam literam vocat illud nunquam satis laudatum oraculum γνωθι σεαυτον. Nam Plato in Charmide, et Plutarchus variis locis tradunt ascriptum fuisse pro foribus templi Apollinis Delphici, literis aureis, γνωθι σεαυτον, id est nosce te ipsum, in quo omnis sapientiæ nervos esse sitos permulti auctores tradiderunt […] Eadem sententia Delphica perbelle declaratur a Xenophonte 4. Comment. sub persona Socratis. Plato in Philæbo : < Σωκρατης > της πασης πονηριας εστι τουναντιον παθος εχον η το λεγομενον υπο των εν Δελφοις γραμματων. < Πρωταρχος > Το “ γνωθι σαυτον ” λεγεις, ω Σωκρατες.

      [Gnôthi séauton : jamais on ne glorifiera suffisamment cet oracle, qu’on appelle la lettre de Delphes. Platon dans Charmide {i} et Plutarque, en divers passages, racontent qu’on l’avait gravée en lettres dorées sur le fronton du temple d’Apollon Delphique gnôthi séauton, connais-toi toi-même ; une immense quantité d’auteurs ont dit qu’y résidait le principe essentiel de toute sagesse. (…) Xénophon, dans son 4e Commentaire, proclame parfaitement la sentence de Delphes, en l’attribuant à Socrate. {ii} Platon dans Philèbe : « < Socrate. > ce qui le distingue de tous les autres vices, c’est qu’il fait en nous le contraire de ce que prescrit l’inscription de Delphes. < Protarque. > Tu veux parler, Socrate, du précepte “ Connais-toi toi-même “ »]. {iii}

      1. Dans ce dialogue de Platon, Protarque demande à Socrate : « Parles-tu du précepte “ Connais-toi toi-même ? ” » Socrate lui répond : « Oui, et il est évident que l’inscription dirait tout le contraire si elle portait “ Ne te connais en aucune façon ”. »

      2. Xénophon (v. note [86] du Traité de la conservation de santé, chapitre ii), Les Mémorables, livre iv, chapitre ii.

        Érasme, après Pline l’Ancien, a attribué cette sentence au philosophe présocratique Chilon de Sparte : v. notule {a‑i}, note [7], lettre 234.

      3. Échange sur le ridicule, qui figure dans le dialogue de Platon intitulé Philèbe.
    4. Thuillius, 1re colonne, page 800, commentaire iii sur monstrum præceps [le monstre précipité] :

      Ignorantiæ, quæ est revera θήριον ἄλκιμον, και δυσπέλαστον κακόν, ut loquitur Sophocles περὶ ἀμαθίας. Fera robusta, et non adeundum malum. Præcipitis monstri, id est deiecti, deturbati, ruentis. Vel monstrum præceps, idem est atque periculosum, eo quod in præcipitiis saxorum vel montium pericula maiora esse putentur.

      [Il s’agit de l’ignorance, qui est en vérité « un fauve farouche et un mal dont il ne faut pas s’approcher », comme dit Sophocle au sujet de l’amathia : monstre « précipité », c’est-à-dire projeté, surpris, bondissant ; ou monstre « dangereux », en pensant que les précipices des rochers et des montagnes exposent à de très grands périls].

      En grec, Amathia est l’ignorance, et la mienne sait être crasse ; mais la Pr Sophie Minon, {i} en éminente concitoyenne de la république des lettres, m’a très aimablement tiré d’affaire sur cette référence à Sophocle. {ii} Il s’agit de son fragment 924, dans la nomenclature de Stefan Radt : {iii}

      ὡς δυσπάλαιστόν ἐστιν ἀμαθίαν κακόν.

      J’en remercie de tout cœur ma fidèle correspondante, d’autant plus qu’elle a assorti sa réponse de ce précieux commentaire, qui va bien au delà de mes humbles vœux ; il explique en effet l’énoncé et le sens de la citation (j’y ai respecté l’accentuation grecque) :

      « L’adjectif à l’accusatif neutre δυσπέλαστον, qui est imprimé dans la source de 1621, a été amendé par le grand spécialiste de Sophocle qu’était Johann August Nauck {iv} et sa correction a été admise par les éditeurs, qui depuis préfèrent donc la forme δυσπάλαιστον. C’est sémantiquement justifié : l’adjectif employé en 1621, δυσπέλαστος, signifie “ difficile (δυσ), dangereux à approcher (πελάζειν) ” ; tandis que δυσπάλαιστος signifie “ difficile à combattre ”, {v} ce qui convient mieux. Un autre poète tragique grec, Euripide, utilise le même qualificatif pour la vieillesse.

      L’un et l’autre adjectif sont rarissimes, mais le second est attesté à quelques reprises chez différents auteurs (d’où la correction de Nauck), tandis que δυσπέλαστος eût été un hapax. {vi} Il est curieux de découvrir cette étape de la transmission du texte, où l’erreur probable du copiste n’avait pas encore été identifiée. Ce serait intéressant de chercher comment elle s’est introduite dans la transmission de ce fragment, et à partir de quel type d’écriture, car le plus difficile à expliquer est la substitution de l’epsilon (ε) à l’alpha (α) dans la deuxième syllabe.

      On n’a donc aucun autre élément que les cinq mots du fragment 924 (et on ignore le titre de la pièce d’où il est extrait) ; en voici le sens :

      “ […] que {vii} l’ignorance est un mal {viii} difficile à combattre. ” {ix}

      L’édition d’Alciat reformule le fragment, cite “ le mal difficile à combattre ”, et l’attribue à Sophocle “ au sujet de l’ignorance ” (περὶ ἀμαθίας). Il reste néanmoins à faire un sort à θήριον ἄλκιμον, qui peut venir de Pausanias le Périégète, {x} livre vi, ch. 5, § 5 : il s’agit des exploits de Poulydamas, un émule d’Héraclès, qui s’illustra à la lutte contre différentes bêtes sauvages ; {xi} il se bat notamment contre un lion, qualifié de θήριον ἄλκιμον, “ bête puissante et vaillante ” ; mais il n’est pas question ici d’ignorance.

      L’association des deux (θήριον et ἀμαθία) est dans Platon, {xii} mais la “ bête ” est ici un cochon, ce qui veut dire un cochon sauvage : l’image est celle de se vautrer à l’aise dans son ignorance, comme un pourceau dans la fange.

      La double métaphore est en revanche chez le commentateur d’Alciat : celle d’une lutte difficile contre cette bête (sauvage) puissante qu’est l’ignorance. C’est le combat de la culture contre la nature. La référence ne paraît donc pas être platonicienne, mais insister plutôt sur la puissance sauvage de l’ignorance, sur les ravages qu’elle est susceptible de faire en termes de sauvagerie, d’atteinte à la civilisation. Cela insiste aussi sur la force surhumaine qu’il faut, le caractère d’exploit {xiii} de la lutte contre un ennemi si farouche. »

      1. V. note [1], lettre 115.

      2. V. supra notule {a‑ii} note [31].

      3. Tragicorum Græcorum Fragmenta [Fragments des tragiques grecs], Göttingen, 1971-2004.

      4. Fin xixe s.

      5. Dans le vocabulaire de la palestre, le lieu où les hommes s’entraînaient à lutter, παλαίειν.

      6. Attestation unique d’un mot.

      7. Ce « que » introduit certainement une complétive d’un verbe déclaratif non conservé dont le sujet pouvait éventuellement être Sophocle lui-même.

      8. Κακόν, mauvais, adjectif au neutre substantivé.

      9. Contre lequel il est difficile de lutter.

      10. V. note [41] du Borboniana 8 manuscrit.

      11. Θήρια : non pas des « serpents », mais plutôt des « fauves », des bêtes que l’on chasse, par référence à θήρα, « la chasse ».

      12. République, 535 e4.

      13. Comme celui d’Héraclès contre le lion de Némée : tel est le parallèle mentionné par Pausanias dans le passage susdit.
    5. Thuillius, 2e colonne, page 801, commentaire iv sur les attributs de la Sphinge :

      Nam virginea facies voluptatem repræsentat, fœdamque libidinem, quæ hominem ita excæcat et afficit, ut eum ab humanitate degenerem in belluinam ferme naturam commutet, quo sit ut ab omni vera disciplina rectaque institutione penitus abhorreat.

      Plumæ volucres, quibus totum corpus occupatur, et quasi obsidetur, levitatem et inconstantiam animi satis aperte declarant, quæ quidem cum rationis principatum, vel naturæ vel consuetudinis vitio præripuit et occupavit, quid in homine reliquum est, quod firmum aut constans esse vel videri possit ?

      Cæterum pedes, quales sunt leonis, indicant superbiam arrogantiamque, quæ cum falsam de rebus opinionem habeat, seque scire putet, quod nescit, non mirum est si turpiter impingat, et longissime absit a perfecta rerum cognitione.

      [D’abord, son faciès virginal représente la volupté et l’ignoble débauche, qui aveuglent et affectent tant l’homme que, dépouillé de toute amabilité, il se transforme entièrement en une bête sauvage, avec une horreur absolue de la véritable discipline et des règles de bonne conduite.

      Les plumes d’oiseau qui lui couvrent tout le corps, et comme l’investissent, révèlent assez ouvertement la légèreté et l’inconstance de son esprit : bien qu’il soit le siège de la raison, par quelle corruption innée ou acquise a-t-il arraché et saisi ce qui reste ou pourrait sembler rester de solide ou de constant en l’homme ?

      Enfin, ses pattes, semblables à celles d’un lion, figurent l’orgueil et l’arrogance : elle a fausse opinion de la vie, elle croit savoir ce qu’elle ignore ; il n’y a pas à s’étonner qu’elle attaque déloyalement et se tienne à mille lieues de la parfaite connaissance des choses].


    34.

    Triades 61‑63.

    1. « “ Nous distinguons trois sortes de jeux : dans la première, seul intervient le hasard, comme aux osselets, {a} aux dés, {b} aux cartes, {c} etc. ; dans la deuxième, l’adresse est plus importante que le hasard, comme sont les échecs, les jeux équestres, la paume, etc. ; la troisième est un mélange des deux premières, comme est le trictrac où, bien que le coup de dés dépende du hasard, le déplacement des pions requiert de l’adresse ” {d} (ibid. page 558). » {e}


      1. Les osselets (tali) des anciens Romains étaient des dés dont deux faces étaient rondes, pour bien rouler, et les quatre autres, planes et marquées d’un chiffre ; ils étaient primitivement taillés dans les petits os du jarret de mouton.

        Plus tard, l’osselet est devenu la pièce du jeu d’adresse que connaissent encore les enfants (Richelet,1680) :

        « ce mot, en parlant de jeu, est un petit morceau d’ivoire façonné en forme d’s. Il faut quatre osselets et une petite boule d’ivoire pour faire un jeu d’osselets, qui est un jeu où il n’y a que les petites filles qui jouent. Pour y jouer on jette avec la main la petite boule d’ivoire environ la hauteur d’une personne et on prend adroitement un des osselets lorsque la petite boule est tombée à terre, et fait un bond. »

      2. Les dés romains (tesseræ et aleæ), encore en usage de nos jours, étaient des cubes (en os), dont les six faces étaient marquées d’un chiffre. « Plusieurs étant jetés, déterminent les choses qu’on laisse juger au hasard. “ Cette question est si problématique, que je la voudrais décider à trois dés ” : c’est ce que les Anciens ont entendu par ce mot alea judiciorum, ou “ le hasard des jugements ” » (Furetière).

      3. « Il y a plusieurs jeux de cartes : le piquet, le brelan, l’homme, l’hombre, le lansquenet, la bassette, la triomphe, le hère, l’impériale, le hoc, le reversis, la grande et petite prime, la manille, etc. » (Furetière). Le hasard ne réglait que la distribution des cartes.

      4. Le lusus latrunculorum était le jacquet, jadis appelé trictrac (Furetière) :

        « jeu fort commun en France, qui se joue avec deux dés, suivant le jet desquels chaque joueur ayant quinze dames [pions], les dispose artistement sur des pointes marquées dans le tablier [plateau], et, selon les rencontres, gagne ou perd plusieurs points, dont douze font gagner une partie, et les douze parties le tour ou le jeu. Le nom lui vient du bruit que font les dames en les maniant. Trictrac se dit aussi du tablier sur lequel on joue ce jeu, qui est de bois ou d’ébène, qui a d’assez grands rebords pour arrêter les dés qu’on jette, et retenir les dames qu’on arrange. »

      5. Transcription mot pour mot d’un passage du commentaire iii de Johannes Thuillius {i} (page 558, 2e colonne), Ludus triplex [Il existe trois sortes de jeux], sur l’emblème cxxx d’Alciat, Semper præsto esse infortunia [L’infortune est toujours prête à agir] : {ii}

        « Jadis jouaient d’un âge trois pucelles,
        Laquelle irait première à mort d’icelles :
        L’une riait, qui eut la pire chance.
        Soudain sur elle une tuile tomba,
        Et du fol jeu, le destin paya.
        Jamais malheur ne fault, soit bon, ou jeu :
        Mais à bonheur, prière, et main n’a lieu
        . »

        1. Padoue, 1621, v. supra notule {g}, note [28].

        2. page 158 de l’édition française de Lyon, 1549, illustré par trois jeunes femmes jouant aux dés pour deviner laquelle périrait la première, quand une tuile détachée du toit va tomber sur la tête de celle qui est au milieu.

        3. Traduction devenue peu intelligible du latin :

          Rebus in adversis mala sors non fallitur : ast in
          Faustis, nec precibus, nec locus est manui
          .

          [Le mauvais sort ne fait jamais défaut dans les malheurs ; mais dans les bonheurs, il n’y a de place ni pour les prières ni pour les coups de dés].


    2. « “ Il y a trois manières de faillir dans la vie humaine : soit par excès, en agissant autrement qu’il ne faut, c’est-à-dire en en faisant plus qu’on ne devait ; soit par négligence, en n’ayant pas mis assez de soin dans l’exécution de ce qu’on devait faire ; soit par oubli, en omettant d’accomplir ce à quoi on s’était engagé ” (ibid. page 103). » {a}


      1. Emprunt mot pour mot au commentaire ii de Thuillus (page 103, 1re colonne), Triplex hominum lapsus [Les hommes ont trois manières de faillir], sur l’emblème xvii, Lapsus ubi ? quid feci ? aut officii quid omissum est ? [Où ai-je failli ? comment-ai-je fait ? ou en quoi ai-je négligé mon devoir ?] : {i}

        « Le noble auteur de la secte italique {ii}
        Mit en brefs vers sa doctrine mystique :
        Qu’ai-je fait trop, ou peu, ou point ? {iii} Entendre
        Voulant chacun à soi tel compte rendre ;
        Ce qu’il apprit par les grues volantes
        Qui en leurs pieds portent peirres pesantes,
        Pour n’arrêter et n’être au vent ravies.
        Ainsi régir faut des hommes les vies. » {iv}

        1. Page 38 de l’édition française de Lyon, 1549, illustrée par trois grues lestées d’une pierre pour ne pas se laisser dévier par le vent (mais sans ralentir leur vol par son poids).

        2. Le vers latin, Italicæ Samius sectæ celebrerrimus auctor, désigne plus explicitement Pythagore (natif de Samos, v. note [27], lettre 405), fondateur de l’École italique (pythagoricienne) en Grande Grèce (Italie grecque, v. note [67] du Patiniana I‑2).

        3. Thuillius (ibid.) renvoie à l’adage no 2901 d’Érasme, Quo transgressus, etc. ? [En quoi ai-je fauté, etc. ?], qui commente ce vers en louant la sagesse de Pythagore, tout en blâmant les écarts des moines.

        4. L’édition française fournit cette explication :

          « Tout vice et défaut gît ou en faire mal, qui est trop faire ; ou laisser le bien, qui est point faire ; ou ne faire assez bien son devoir, qui est trop peu faire. De quoi les grues donnent exemple, qui, en volant portent pierres, pour n’être trop arrêtantes en l’air, ni trop peu pesantes à l’arbitre du vent. Et de ces trois choses doit chacun à la fin du jour rendre compte à soi-même. »

          Pour bien voler, la sage grue se leste d’une pierre pour n’être ni déviée par le vent ni trop alourdie par son poids : ce qui revient à faire, sans faire ni trop ni trop peu.


    3. « “ Clément d’Alexandrie distingue trois sortes de rire : le meidiama, qui est le rire des dieux ; le kichlismos, qui est celui des prostituées ; le kagchasmos, qui est celui de l’effronté, avec des relents libidineux. {a} D’autres disent que le premier est naturel, et qu’il faut plutôt l’appeler hilarité, et ce fut par exemple celui de Sarah, l’épouse d’Abraham ; {b} que le deuxième relève de la stupidité, c’est le fou rire de tous les niais ; et que le troisième traduit la malice, comme celui de Cham quand il raillait la turpitude de son père ” {c} (ibid. page 471). » {d}


      1. Clément d’Alexandrie, théologien et philosophe grec du iie s. est reconnu Père de l’Église. La première partie de cette triade est inspirée par le chapitre v, Du Rire dans le livre ii de son traité intitulé Le divin Maître ou le Pédagogue :

        « Ce doux relâchement des fibres du visage qui se fait comme par l’harmonie de quelque instrument est appelé d’un mot grec qui signifie sourire. {i} Si le visage des hommes modestes s’épanouit davantage, c’est rire. Les éclats de rire qui défigurent le visage reçoivent un nom différent, quand ce sont des femmes ou des hommes qui les poussent. Le nom que l’on donne au rire éclatant des femmes {ii} signifie un rire immodeste et lascif, et il ne convient qu’à des courtisanes. Celui que l’on donne au rire des hommes {iii} en exprime l’insolence et l’impureté. L’insensé, quand il rit, élève la voix ; mais le sage sourit à peine, parce que le sage est tout autrement affecté que l’insensé. »

        1. Μειδιαμα, meidiama.

        2. Κιχλισμος, kichlismos.

        3. Καγχασμος, kagchasmos.
      2. Passage de La Genèse (18:9‑15, v. note [83] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii, pour les huit qui les précèdent) où trois envoyés de Dieu rendent visite à Abraham et à Sarah (Sara), son épouse, et leur annoncent la naissance inespérée d’Isaac :

        « Ils lui demandèrent : “ Où est Sarah, ta femme ? ” Il répondit : “ Elle est dans la tente. ” L’hôte reprit : “ Je reviendrai chez toi l’an prochain ; alors ta femme Sarah aura un fils. ” Sarah écoutait, à l’entrée de la tente, qui se trouvait derrière lui. Or Abraham et Sarah étaient vieux, avancés en âge, et Sarah avait cessé d’avoir ce qu’ont les femmes. Donc, Sarah rit en elle-même, se disant : “ Maintenant que je suis usée, je connaîtrais le plaisir ! Et mon mari qui est un vieillard ! ” Mais Yahvé dit à Abraham : “ Pourquoi Sarah a-t-elle ri, se disant : ‘ Vraiment, vais-je encore enfanter, alors que je suis devenue vieille ? ’ Y a-t-il rien de trop merveilleux pour Yahvé ? À la même saison l’an prochain, je reviendrai chez toi et Sarah aura un fils. ” Sarah démentit : “ Je n’ai pas ri ”, dit-elle, car elle eut peur, mais il répondit : “ Si, tu as ri. ” »

      3. Ibid. (9:24, v. notule {e}, note [13] du Traité de la Conservation de santé, chapitre iii) : Cham, fils de Noé, découvre son père ivre, nu dans sa tente ; Cham se serait moqué de lui, mais ses frères, Sem et Japhet, couvrent leur père de son manteau ; au réveil, Noé apprend ce qui s’est passé et maudit Chanaan, fils de Cham. L’offense de Cham et le transfert du châtiment de Noé sur son petit-fils sont obscures, mais ont fait l’objet de multiples exégèses.

        V. note [19], lettre 309, pour l’assimilation des descendants de Cham (Chananéens) aux libertins athées.

      4. Nouvel emprunt mot pour mot au commentaire iii de Thuillius (bas de la 1re colonne, page 471) Triplex risus [Il y a trois sortes de rires], sur l’emblème cxiii d’Alciat, Fere simile ex Theocrito [Presque semblable au précédent, tiré de Théocrite] ; {i} le texte et sa vignette montrent Vénus qui console Cupidon {ii} qu’une abeille a piqué :

        « La male mouche {iii} Amour enfant blessa,
        Robant {iv} son miel en ruche, et lui laissa
        La pointe {v} au doigt. Il crie, et avec pleur
        Montre à Vénus, sa mère, sa douleur,
        Soi complaignant si petit animal
        Puissance avoir de faire si grand mal.
        Vénus riant, dit : “ Fils, tu sembles elle,
        Qui si petit fais plaie tant cruelle. ” »

        1. L’emblème cxii est intitulé Dulcia quandoque amara fieri [Les douceurs deviennent parfois amères] ; v. note [6], lettre 606, pour le poète grec Théocrite.

        2. V. note [2], lettre latine 365.

        3. Page 137 de l’édition française de Lyon, 1549.

        4. Méchante abeille.

        5. Qui dérobait.

        6. Son dard.

    35.

    Triades 64‑65.

    1. Citation d’une lettre de saint Jérôme à Eustochium : {a}

      « “ Cependant, pour ne pas avoir l’air de ne discourir que des femmes, fuis ces hommes que tu auras vus enchaînés, avec leur chevelure féminine, contre les préceptes de l’Apôtre, {b} leur barbe de bouc, leur manteau noir, les pieds nus pour souffrir du froid : manifestations du démon que tout cela. Tels furent jadis Antimus et naguère Sophronius, dont Rome s’est lamentée. {c} Ils ont pénétré dans les maisons des nobles, ils ont séduit des femmelettes chargées de péchés, feignant d’étudier toujours sans jamais parvenir à la science de la vérité {d} ; ils simulent l’ascétisme ; leurs jeûnes semblent longs, mais ils les font ainsi durer en mangeant subrepticement la nuit. J’ai honte de dire le reste, de peur de paraître invectiver plutôt que mettre en garde ” (saint Jérôme, tome i, page 147).

      “ Corde à nœuds, pieds nus, fourbe capuchon : voilà les trois choses qui mènent les frères va-nu-pieds en enfer. ” » {e}


      1. Lettre xxii, Hieronymus ad Eustochium , {i} de custodia virginitatis [sur la conservation de la virginité] (écrite en 384), colonnes 181‑182 des :

        Sancti Hieronymi Stridonensis Opera omnia, quæ reperiri poterunt ex antiquis exemplaribus diligentia et labore Mariani Victorii Reatini, Episcopis Amerini emendata, atque argumentis et scholiis illustrata. Quibus accesserunt hac editione præter Sophronii Græcam interpretationem libri de Scriptoribus Ecclesiasticis, Henrici Gravii eruditissimæ annotationes in Epistolas, itemque variorum locorum ex manuscriptis codicibus emendationes. Adiecta est operis initio Vita sancti Hieronymi olim falso ab aliis velata, quam quidem Victorius ex eius scriptis collectam primus edidit. Indices item locupletissimi novo quodam modo veluti summa quædam operis ordinati ab eodem Victorio contexti et compositi.

        [Toutes les Œuvres qu’on peut trouver de saint Jérôme de Stridon. Les soins et les travaux de Marianus Victorius, natif de Rieti, évêque d’Amelia {ii} les ont tirées des anciennes éditions, corrigées, et éclairées d’explications et de notes. À cette édition, outre la traduction du livre grec de Sophrone {iii} sur les Écrivains ecclésiastiques, ont été ajoutées les très érudites annotations d’Henricus Gravius {iv} sur les Lettres, ainsi que des corrections tirées d’anciens recueils manuscrits ; avec, au début de l’ouvrage, la Vie de saint Jérôme, que d’autres ont faussement voilée, mais que ledit Victorius a tirée des écrits de Jérôme et mise au jour pour la première fois. Il a aussi composé et agencé de très riches index, selon un ordre nouveau, qui sert de résumé à l’ouvrage]. {v}

        1. De Jérôme (v. note [16], lettre 81) à Eustochium, ou Eustochia (Rome 368-Bethléem 419), sainte vierge chrétienne qui, avec sa mère, sainte Paule, rejoignit Jérôme en Palestine ; Paule et sa fille fondèrent un monastère à Bethléem.

        2. Mariano Vittori, natif de Rieti (Latium), mort en 1572, évêque d’Amelia (Ombrie).

        3. Saint Sophrone dit le Sophiste, patriarche de Jérusalem mort en 638, après la prise de la ville sainte par Omar, deuxième calife et commandeur des croyants.

        4. Henri de Grave (Hendrik de Grauwe, Louvain 1536-Rome 1591), professeur de théologie à Louvain, puis bibliothécaire du pape Sixte Quint.

        5. Paris, Association des libraires, 1609, in‑fo en deux parties de 1 657 et 268 colonnes.

      2. Saint Paul, Première Épître aux Corinthiens (11:14) :

        « La nature elle-même ne vous enseigne-t-elle pas que c’est une honte pour l’homme de porter les cheveux longs, tandis que c’est une gloire pour la femme de les porter ainsi ? »

      3. Types de moines scandaleux, qui n’ont apparemment pas d’autre célébrité que celle que leur a conférée Jérôme.

      4. Paul, Seconde Épître à Timothée (3:6‑7), parlant de ceux qui ont « les apparences de la piété » :

        « Ils sont bien du nombre, ceux qui s’introduisent dans les maisons et envoûtent des femmelettes chargées de péchés, entraînées par toutes sortes de passions et qui, toujours à s’instruire, ne sont jamais capables de parvenir à la connaissance de la vérité. »

      5. Guy Patin a cité ces vers anonymes, contre les capucins (franciscains), à la fin de sa lettre du 17 juillet 1657 à Charles Spon (v. sa note [46]).

    1. L’exergue latin de cette triade est une visant la tiare pontificale : {a}

      « Ce que croit l’aruspice romain. {b}

      En se ceignant le front d’une triple couronne, {c} le pape s’attribue l’empire du ciel et de la terre, et celui de l’enfer. »


      1. Ce distique est cité à lapage 48, chapitre xvi, De Regio Mediatoris Christi munere [La charge royale du Représentant du Christ], d’un virulent ouvrage protestant intitulé :

        Elenchus Orthodoxus Pseudo-Religionis Romano-Catholicæ. Plurimos et gravissimos errores moderni Papatus, de præcipuis Christianæ Religionis capitibus, sic percensens, ut inde necessitas ejus deferendi et abrogandi, ac reformandæ ab eodem Ecclesiæ, sat omnibus appareat. Oppositus Papatui in Clivia, ab Johanne Acronio Frisio Ecclesiastice Clivio-Wesaliensi.

        [Répertoire orthodoxe de la pseudo-religion catholique romaine : en dénombrant les multiples et très lourdes erreurs de la papauté moderne sur les principaux chapitres de la religion chrétienne, il fait suffisamment voir à tous la nécessité de l’abattre et abroger, et qu’elle doit réforme son Église. Johannes Acronius, ecclésiastique de Clèves en Westphalie l’y a dressé contre la papauté].

        Il y est cité en conclusion de ce paragraphe (page 47) :

        Quid autem Papa ? Is qui nec virtute majorum, nec pietatis honestatisque propriæ laude commendabilis unquam vere fuit, anne quid humile aut mediocre de se prætendit ? Imo an non fastigium Ecclesiæ dudum occupavit, non merito suo, sicut Christus, sed astu primum, ac dein scelere, vi, atque tyrannide, ut historiæ omnes attestantur ? An non se caput Ecclesiæ, ac Monarcham, et Dominum universorum proterve jactat, et sibi plenitudinem postestatis super omnia confidenter adscribit ? Atque hac Majestate fretus, quicquid fere uspiam authoritatis Christo Scriptura vendicat, id omne sibi iste impudenter arrogat. Habet enim Christus omnem potestatem in cælo et terra.

        [Pourquoi donc un pape ? Pourquoi cet homme, que n’ont jamais vraiment recommandé ni la vertu de nos ancères, ni la gloire de sa piété et honnêteté personnelles, ne se montre-t-il pas plus humble et modeste ? Et même, n’a-t-il pas depuis quelque temps occupé le faîte de l’Église non pas pour son propre mérite, comme fit le Christ, mais d’abord pour sa fourberie, puis pour ses crimes, sa violence et sa tyrannie, comme en attestent quantité de récits ? Ne se targue-t-il pas impudemment d’être chef de l’Église, monarque et maître de l’univers, et ne s’arroge-t-il pas résolument la plénitude du pouvoir sur toutes choses ? Et confiant en sa majesté, ce personnage s’accapare effrontément de presque tout ce que l’Écriture attribue partout au Christ, car c’est bien le Christ qui possède la toute-puissance sur la terre comme au ciel].


        1. Johannes Acronius (1565-1627) théologien calviniste frison.

        2. Daventer, Sebastianus Warmbold, 1615, in‑4o de 152 pages.

      2. Ce titre, qui ne figure pas dans le livre d’Acronius, qualifie le pape d’aruspice, mot dont le sens n’a pas évolué depuis le xviie s. (Furetière) :

        « sacrificateur romain qui prédisait l’avenir en examinant la qualité des entrailles des bêtes sacrifiées. La superstition des païens a été jusqu’au point d’ajouter foi aux augures et aux aruspices. On avait réduit en art l’aruspicine, ou cette manière de deviner. Ce mot vient de haruga, qui signifiait “ les entrailles des victimes ”, et aspicere, “ regarder, considérer. ” »

      3. La tiare et clefs sont (ibid.) :

        « les marques de la dignité papale. La tiare est celle de son rang, et les clefs, celle de sa juridiction ; car dès que le pape est mort, on représente ses armes avec la tiare seulement, sans les clefs. L’ancienne tiare était un bonnet rond, élevé et entouré d’une couronne. Boniface viii {i} fut le premier qui en ajouta une autre, lorsqu’il s’attribua un droit souverain sur les domaines temporels. Enfin, Benoît xii {ii} y en ajouta une troisième après avoir décidé que l’autorité pontificale s’étendait sur les trois Églises : la militante, la souffrante et la triomphante. ».

        1. Pape de 1294 à 1303, v. note [40] du Grotiana 2.

        2. Pape de 1334 à 1342 (v. même note [40]).

    36.

    Avec une touche de scepticisme (« presque »), ces renseignements sur le tour complet du monde accompli par Francis Drake {a} viennent des Annales rerum Anglicarum et Hibernicarum regnante Elizabetha [Annales des affaires anglaises et irlandaises sous le règne d’Élisabeth] de William Camden. {b}

    Camden y relate la circumnavigation de Drake aux pages 454‑466 (2e partie, année 1580) de la traduction française de Paul de Bellegent (Paris, 1627). Le passage cité est à la page 463 :

    « Il paracheva son retour en Angleterre par un vent favorable, qui le rendit le 3 novembre 1580 dans le port de Plymouth d’où il était parti, après avoir employé trois ans plus ou moins à naviguer autour de toute la terre ; avec grande admiration de tous, et sans qu’aucun le blâmât d’autre chose que d’avoir supplicié Doughtey, {c} laissé à la cruauté des Espagnols le navire portugais qu’il avait pris à l’entrée de l’Afrique près d’Aguatulque, {d} et inhumainement exposé dans une île cette fille nègre qui avait été engrossée dans son navire. »


    1. De décembre 1577 à novembre 1580, v. note [57] du Patiniana I‑2.

    2. Londres, 1615, ouvrage que Guy Patin a cité dans sa lettre à André Falconet du 11 octobre 1660 (v. la notule {a} de sa note [18]) et avec une authenticité moins solide, dans le susdit Patiniana I‑2.

    3. Thomas Doughty (1545-1578) partageait initialement le commandement de l’expédition avec Drake, mais connut bientôt un sort funeste (page 458) :

      « Le 25 avril, {i} étant entré dans l’embouchure de la rivière de Plate, {ii} il découvrit un nombre infini de veaux marins, et étant de là porté au port Saint-Julian, {iii} y trouva un gibet qui avait été dressé, comme on estima, par Magellan, lorsqu’il fit punir quelques séditieux ; où Jean {iv} Doughtey, personnage habile, courageux et le second après lui, {v} étant atteint et convaincu d’avoir excité sédition dans la flotte, fut condamné à mort par douze hommes, selon la coutume des Anglais, la subit, et eut la tête tranchée, {vi} après avoir participé à la sainte Cène avec Drac. Les plus équitables de la flotte jugèrent qu’à la vérité, il s’était comporté tumultuairement, {vii} et que Drac avait l’œil, non tant sur ceux qu’il pourrait surpasser en gloire navale, que sur ceux qui le pourraient égaler, s’en était défait comme d’un émulateur de sa gloire. Il y en eut toutefois qui, s’estimant avoir plus certaine connaissance de ses intentions, que le comte de Leister lui avait commandé de s’en défaire sous quelque prétexte que ce fût, pour se venger de ce qu’il avait plusieurs fois dit que le comte d’Essex avait perdu la vie par ses artifices. » {viii}

      1. 1578.

      2. Le Rio de la Plata (entre Argentine et Uruguay).

      3. Puerto San Julián, sur la côte de Patagonie (Argentine), chef de la province actuelle de Magallanes, en souvenir de l’escale qu’y fit Fernand de Magellan en 1520.

      4. Sic.

      5. Après Drake (Drac).

      6. Le 2 juillet 1578.

      7. Précipitamment.

      8. Robert Dudley, comte de Leicester, favori de la reine Élisabeth, était accusé par ses rivaux d’avoir fait empoisonner Walter Devereux, comte d’Essex, mort en 1576.
    4. Contrée d’Afrique que je ne suis pas parvenu à identifier.

    37.

    Triades 67‑69.

    1. « Le Christ nous offre de prendre trois pilules {a} salutaires : 1. aimez vos ennemis ; 2. faites du bien à ceux qui vous haïssent ; 3. priez pour ceux qui vous font du tort. {b} Trois choses, vous dis-je, nous sont prescrites : aimez, faites le bien, priez. » {c}


      1. Le mot pilule peut surprendre ici, mais cette métaphore peut s’expliquer de deux manières, en se référant aux définitions de Furetière.

        1. Médicalement, c’est un « médicament qu’on prend à sec en forme de petite boule. Les médecins chimistes ne guérissent guère qu’avec des pilules. On les a inventées en faveur de ceux qui ont de la peine à boire des médicaments dissous. Il y a des pilules anodines, {i} somnifères, laxatives, apéritives, hystériques, {ii} antinéphrétiques. Il y a aussi des pilules dorées, qui sont de couleur jaune ; d’autres de Nicolas sine quibus, on sous-entend esse nolo, {iii} à cause des bons effets qu’elles produisent pour purger la pituite et la bile, et pour guérir les maladies de la tête.

          La base des pilules est d’ordinaire l’aloès, et l’on y mêle la scammonée, l’agaric, le turbith, les hermodactes, le séné, la rhubarbe, le mercure, etc. Les pilules agrégatives de Mésué sont nommées vulgairement polychrestes, {iv} parce que de toutes parts elles amassent les humeurs corrompues, afin que la nature les jette dehors plus aisément. Les pilules gourmandes de Mésué sont composées d’aloès pour base, de mastic et de roses rouges, et sont appelées stomachiques, parce qu’elles fortifient l’estomac, et gourmandes, parce qu’on les prend avant le repas, et qu’elles n’empêchent point de manger. {v} Les médecins les dosent différemment. Il y a des pilules que le peuple appelle blanches, et les apothicaires béchies, {vi} ainsi nommées parce qu’elles sont propres pour la toux, qu’en grec on appelle bix.

          On les appelle aussi hypoglottides, parce qu’on les laisse fondre doucement sous la langue. On enveloppe les pilules ordinaires d’une feuille d’or, de pain à chanter, {vii} ou de sucre, afin qu’on n’en sente pas le mauvais goût.

          On les a ainsi nommées à cause de leur figure ronde, comme une petite balle, ou de pila, le nom du mortier où on pile les drogues. »

        2. Moralement, « pilule se dit figurément des fâcheuses nouvelles, des afflictions ou injures qu’on est obligé de souffrir. “ Il a eu beau se plaindre de cette taxe, il a été obligé d’avaler la pilule, de payer. On lui a doré, sucré la pilule, quand on lui a appris cette nouvelle on y a apporté quelque adoucissement. ” » {viii}

          1. Antalgiques.

          2. Propres à déclencher les règles (menstruation).

          3. V. note [3], lettre 15, pour l’antidotaire de Nicolas de Salerne, dit Præpositus. Sine quibus esse nolo [Sans lesquelles je ne sais exister] veut dire indispensables à la bonne santé, c’est une litote pour éviter le mot opium (ou laudanum) : v. note [14], lettre 75, pour les pilules narcotiques, surtout employées pour abréger les souffrances des malades incurables.

          4. V. notule {b}, note [32] de l’Ultime procès de Théophraste Renaudot contre la Faculté de médecine de Paris, pour le polychreste de Jean Pidoux, repris par Renaudot.

          5. V. note [24], lettre 332, pour quelques éclaircissements sur toutes ces subtilités thérapeutiques.

          6. Sic pour béchiques, v. note [7], lettre 121.

          7. V. note [7], lettre 1055.

          8. Telle que formulée ici et sous la plume probable de Guy Patin, l’exhortation du Christ est à rattacher au premier sens, médical, et peut-être à rapprocher du Τρεις καταπτειν σπυραδας [Prescris trois pilules à avaler] d’Hippocrate (v. note [3] du Mémorandum 19).

      2. Évangile de Luc (6:27‑28).

      3. Cette triade est intégralement empruntée au début du 2e paragraphe de la page 48 sur le Feria Sexta post cineres [Sixième jour suivant les cendres (premier mardi du carême)] des très pieux :

        Observationes in Evangelia Quadragesimalia Passionis et Resurrectionis Domini, in gratiam Verbi Dei Concionatorum. Per R.P.F. Iacobum Corenum Ord. Minimorum Regularis observantiæ S. Ludovici ex provincialem. Nunc primum in lucem opus editum.

        Observations sur les Évangiles du carême de la Passion et Résurrection du Seigneur, pour le profit des prédicateurs du Verbe divin. Par le R.P. Iacobus Corenus, {i} ancien provincial de l’Ordre des frères mineurs de l’Observance de Saint-Louis. Publiées pour la toute première fois]. {ii}

        Sans autre source que saint Luc, ce propos est suivi d’un bref commentaire médicamenteux :

        Pilulæ absorbendæ sunt, non gustandæ, aut dentibus comminuendæ, ne prægustetur amaritudo. Sic huius modi præcepta non sunt examinanda, sed adimplenda ; illum tantum consideremus, qui ea ordinavit et præcepit. Ad hoc nos hortatur Augustinus. Attende Christum medicum ægritudinis tuæ. Considera medicum, non medicinam, quæ licet sit amara, tamen est profutura ; illam tibi tam bonus medicus non præciperet, nisi salutem tibi allaturam agnosceret.

        [Les pilules doivent être absorbées sans être goûtées ni brisées avec les dents, afin de ne pas sentr leur amertume. Des préceptes de cette sorte ne sont pas à débattre, mais à appliquer, en n’ayant d’égard que pour celui qui nous les a ordonnés et recommandés. C’est ce à quoi nous exhorte Augustin. Honore Christ, qui est le médecin de ton mal. Considère le médecin et non le remède qui, bien qu’il soit amer, te sera secourable : un si bon médecin ne te le prescrirait pas s’il ne savait qu’elle te procurera le salut].

        1. Le franciscain hongrois Jakob Koren (1570-1631).

        2. Lyon, Ant. Chard, 1627, in‑8o de 825 pages.

        3. Saint Augustin, 2e Sermon sur saint Étienne (référence indiquée dans la marge) : « Fais-toi ce remède, et tu guériras, n’est-ce pas dire : Sacrifie et tu conserveras la vie ? Si tu ne le prends pas, tu mourras, n’est-ce pas dire : Mort à toi, si tu ne sacrifies ? » (sermon cccxviii).

    2. « L’Église, dit Chrysostome, n’est pas une boutique de barbier ou de parfumeur, ou d’autre marchand, mais le séjour des anges, le séjour des archanges, le palais de Dieu : je dirais presque que c’est en vérité le ciel même. » {a}


      1. Homélie xxxvi (chapitre 5) de Jean Chrysostome {i} sur la première Épître de Paul aux Corinthiens, qui en commente le verset 14:20 :

        « Frères, ne soyez pas des enfants sous le rapport du jugement ; mais faites-vous enfants sous le rapport de la malice, et, pour le jugement, soyez des hommes mûrs. »

        Le tome 10 des Sancti Joannis Chrysostomi Opera omnia [Œuvres complètes de saint Jean Chrysostome] {ii} (haut de la 2e colonne, page 397) en donne cette traduction du grec en latin, un peu différente de celle du Borboniana :

        Non enim Ecclesia est tonstrina, neque ungentaria officina, neque ulla alia opificum qui sunt in foro taberna, sed locus Angelorum, locus Archangelorum, regnum Dei, ipsum cœlum.

        [En effet, l’Église n’est pas une boutique de barbier ou de parfumeur, ni quelque autre échoppe d’artisans qui sont sur le champ de foire, mais c’est le séjour des anges, le séjour des archanges : c’est le royaume de Dieu, le ciel même].

        1. V. note [4], lettre latine 322.

        2. Paris, Gaume frères, 1838, in‑4o de 1 039 pages (grec et latin juxtalinéaires).

    3. « “ Trois hommes ont, que je sache, jadis été honorés du nom d’omniscient : Hippias, qu’on surnommait omniscius, {a} Jérôme de Stridon, {b} Alphonsus Tostatus. {c} Dépeignant Hippias, le philosophe de Madaure (c’est-à-dire Apulée, au livre ii des Florides) l’a dit être le premier de tous par la multiplicité de ses talents. {d} Jérôme tient le second rang parmi les omniscients : au temps d’Augustin, {e} on disait déjà communément que nul n’apprendrait aisément ce que Jérôme n’a pas su, car il s’est consacré à étudier tous les livres. En troisième vient Tostatus, évêque d’Avila, qui a écrit 16 fort gros volumes ; et son immense érudition a fait dire à ses concitoyens :

      Le monde entier est en extase devant celui qui explique tout ” {f}

      (Drexelius, Salomon, chapitre xviii, page 186, édition in‑24). » {g}


      1. Érasme a ainsi surnommé Hippias d’Élis {i} dans le le second de ses commentaires De duplici copia Verborum et Rerum [Sur la double Abondance des mots et des matières], {ii} à propos de l’expression Cyclopædiam absolvit [Il atteint l’omniscience] (livre ii, page 277) :

        Omnibus naturæ fortunæque dotibus præditus. Hoc si cui libeat explicare, commemorabit singula corporis commoda ; deinde singulas ingenii, atque animi dotes ; postremo genus, opes, patriam, successus, et quicquid a fortuna solet obvenire. Rursum tertium exemplum erit Hippias omniscius.

        [Il est muni de tous les dons de la nature et de la fortune. Qui aura plaisir à bien comprendre cela se rappellera qu’il s’agit d’abord de tous les avantages du corps ; ensuite, de toutes les qualités du talent et de l’esprit ; et enfin, de la bonne naissance, de la richesse, de la patrie, du succès, et de tout ce que la bonne fortune a coutume de procurer. Hippias l’omniscient servira de modèle sur ce dernier point].

        1. V. note [16], lettre 176.

        2. Bâle, 1540, v. première notule {i}, note [54] du Borboniana 10 manuscrit.
      2. Saint Jérôme, v. supra note [35], triade 64.

      3. Alonso Tostado d’Avila, Alphonse Tostat, évêque d’Avila et natif de cette province d’Espagne, v. note [53], lettre 183.

      4. Apulée (v. supra note [33], triade 59) était natif de Madaure (en actuelle Algérie). Son propos exact est (à l’endroit cité) :

        Et Hippias e numero sophistarum est, artium multitudine prior omnibus, eloquentia nulli secundus.

        [Et au nombre des sophistes, Hippias est le premier de tous par la multiplicité de ses talents, et n’est le second d’aucun pour l’éloquence].

      5. Saint Augustin (v. note [5], lettre 91) et saint Jérôme sont tous deux nés vers le milieu du ive s.

      6. Épitaphe gravée sur la tombe d’Alphonse Tostat (mort en 1454) dans la cathédrale d’Avila.

      7. Cette triade est la transcription intégrale d’un passage sur les omniscients, à la page 186, § 12 du chapitre xviii, Salomon Architectus [Salomon l’architecte], de la référence indiquée :

        Salomon Regum sapientissimus descriptus et morali doctrina illustratus a R.P. Hierem. Drexelio Societ. Iesu.

        [Salomon, le plus sage des rois…, dépeint et glorifié pour sa doctrine morale par Jeremias Drexel {i} de la Compagnie de Jésus]. {ii}

        1. V. note [62], lettre 150.

        2. Anvers, veuve et héritiers de Ioannes Cnobbarus, 1644, in‑12 (et non in‑24) de 357 pages, pour la première édition.

    38.

    Triades 70‑72.

    1. « J’étais naguère riche, mais trois choses m’ont plongé dans le dénûment : jeu, vin et luxure m’ont à eux trois mis sur la paille. »

      L’Esprit de Guy Patin a repris ce distique anonyme, qu’on trouve dans maintes anthologies, mais avec un commentaire différent : v. note [19] du Faux Patiniana II‑3.

    2. « […] vin, Vénus, veilles nocturnes :

      “ Bacchus est ennemi de Vénus, et Vénus, ennemie de Minerve. ” » {a}


      1. V. note [51] du Borboniana 10 manuscrit, pour l’explication et l’attribution douteuse de ce distique, cher à Patin ; mais l’introduction des veilles excessives (vigiliæ) dans cette triade la rend originale.

    3. « Après avoir perdu son épouse et étant incité à se remarier, un homme qui faisait semblant d’être sage, disait qu’il avait les secondes noces en horreur et qu’il s’en gardait bien, par crainte des trois L.L.L., librorum, liberorum, libertatis, {a} c’est-à-dire : qu’une nouvelle femme ne lui ôtât le temps de feuilleter et d’étudier les livres ; que sa famille ne débordât par surabondance d’enfants ; qu’il n’eût à souffrir le sacrifice de sa propre liberté, dont il se réjouissait extrêmement. Lisez l’épître dédicatoire de la première partie des Poemata de Casparus Barlæus, datée de l’an 1645. » {b}


      1. « livres, enfants, liberté ».

      2. Casparis Barlæi Antverpiani Poemata. Editio iv, altera plus parte auctior. Pars i. Heroicorum.

        [Poèmes de Caspar Barlæus, {i} natif d’Anvers. Quatrième édition, augmentée de plus de moitié. Première partie des Héroïques]. {ii}

        Datée d’Amsterdam, le 16 septembre 1645, l’épître dédicatoire des est adressée Nobilissimo Viro Constantino Hugenio, Equiti, Zulechemi et Zeelhemi Domino, Celsissimo Arausionensium Principi a consiliis et secretis [au très noble chevalier Constantijn Huygens, {iii} seigneur de Zuilichem et de Zeelhem, secrétaire du très brillant prince d’Orange]. Influent diplomate et politique, et distingué littérateur hollandais, Huygens avait perdu son épouse en 1637, après dix ans d’une féconde union (dont était notamment issu le célèbre savant Christiaan Huygens). On y lit (pages *4 vo‑*5 ro) la matière de la triade 72 :

        Ubi cum præstantissima Virgine Ultrajectina loqueris, interloquor. Cum Sponsus thalamum scandis, præfero facem. Cum viduus a secundis thalamis tibi caves, metu trium L.L.L. librorum, liberorum et libertatis, annuo prudenti. Cum dies tuos operasque exigis ad normam viri boni et sapientis, volo aulam tuam subire, quotquot pii esse volent. Cum organizas, concino. Cum vir factus es et duumvir, et Triumvir, et plus, prædico felicitatem tuam, et utiles Universo non culinæ, titulos. Cum sero potiris filiola, voto adsum, Ne soror aut fiat Castoris aut Hecuba. Alicubi in viduarum laudibus moror, quas tecum sacro horrore veneror, nondum depereo. Ita scribere volentibus nunquam deest argumentum, quod pari aviditate videmur captare, qua culices hirundo.

        [Quand je vous vois deviser avec la fort distinguée Demoiselle d’Utrecht, {iv} je vous coupe la parole. Quand, fiancé, vous escaladiez le lit nuptial, je portais le cierge. {v} Quand vous voici veuf, je vous mets en garde contre un remariage, par crainte des trois L.L.L., librorum, liberorum et libertatis, et d’y songer sans relâche. {vi} Quand vous menez vos jours et vos affaires suivant les règles de l’honnêteté et de la sagesse, je veux me glisser dans le cercle de vos amis, où voudraient être tous les gens vertueux. Quand vous jouez de la musique, je chante. {vii} Quand vous recevez les premier, deuxième puis troisième degrés de noblesse, et plus encore, je célèbre votre félicité, car ces titres ne sont pas de pacotille, mais utiles à la République. Quand, sur le tard, vous naît une petite fille, je fais le vœu Ne soror aut fiat Castoris aut Hecuba. {viii} Je cesse là mes louanges des veuves : comme vous, je les honore d’une sainte horreur, et n’en suis pas encore mort. Ceux qui ont la volonté de vous écrire ainsi ne manquent pas d’arguments, car on nous voit, vous comme moi, trop souvent gobés avec la même avidité que moustiques par hirondelles]. {ix}

        1. Caspar van Baerle, v. note [71], lettre 150.

        2. Amsterdam, Ioannes Blaeu, 1645, in‑12 de 731 pages.

        3. V. note [14], lettre de Jan van Beverwijk, datée du 30 juillet 1640.

        4. La très érudite (mais prude) Anna Maria van Schurman (v. note [77], lettre 150).

        5. En 1627, Huygens avait épousé Suzanna van Baerle, cousine orpheline de Caspar.

        6. Baerle (lui-même veuf en 1635, et père de sept enfants, dont cinq filles) va glisser sur son « L.L.L. », et développer un argumentaire différent de celui du Borboniana.

        7. Parmi ses multiples talents, Huygens avait celui de composer et jouer de la musique (au clavecin).

        8. « qu’elle ne soit ni Hécube ni la sœur de Castor » : dernier vers de la deuxième des quatre strophes d’un poème de Baerle intitulée In filiolam natam Constan. Hugenio, postquam quartam prolem masculam [Pour fillette née de Constantijn Huygens après qu’il eut engendré quatre garçons] (Poematum, ibid. et id. 1646, page 495), célébrant la naissance de sa dernière fille, Suzanna, en 1637, trois mois avant la mort de sa mère, qui portait le même prénom.

          Dans le mythe, Hécube, veuve de Priam, subit d’atroces mésaventures (v. notule {d}, note [19] du Grotiana 1) ; et la sœur de Pollux (et Castor, v. note [2] du Mémorandum 5) était Clytemnestre, l’effrayante veuve qui tua ses deux maris consécutifs, Tantale et Agamemnon, avant d’être elle-même tuée par Oreste, son propre fils.

        9. Constantijn Huygens mourut en 1687, âgé de 90 ans, sans s’être remarié.

          Cette mémorable épître a été réimprimée aux pages 1007‑1013 des Epistolarum de Baerle (Amsterdam, 1667, v. note [10], lettre latine 18).


    39.

    Triades 73‑75.

    1. « Dans son épître dédicatoire des premiers chants de l’Énéide, Luis de la Cerda {a} rapporte trois faits remarquables au sujet du successeur de Galba, Othon, avant qu’il se fût donné la mort, laissant l’empire à Vitellius. » {b}


      1. P. Virgilii Maronis priores sex libri Æneidos, Argumentis, explicationibus, notis illustrati. Auctore Ioanne Ludovico de la Cerda Toletano Societatis Iesu, in curia Philippi Regis Hispaniæ Primario Eloquentiæ Professore. Editio quæ non ante lucem vidit. Cum indicibus necessariis.

        [Six premiers chants de l’Énéide de Virgile, que Juan Luis de la Cerda, {i} jésuite natif de Tolède, premier professeur d’éloquence à la cour du roi Philippe d’Espagne, a enrichis de discussions, d’explications et de notes. Édition originale, pourvue des index nécessaires]. {ii}

        1. V. note [12], lettre 224.

        2. Lyon, Horace Cardon, 1612, in‑fo de 759 pages.

        Longue de 19 pages et datée de Madrid, le 1er mai 1610, l’épître dédicatoire est adressée Illustrissimo D.D. Didaco Silvæ ac Mendossæ, Duci Francavillæ, Comiti Salinarum et Ribadei [à l’illustrissime Diego de Silva y Mendoza, duc de Francavilla, comte de Salinas y Ribadeo]. Membre de la haute noblesse espagnole, Silva Mendoza (1565-1630) allait devenir vice-roi du Portugal de 1617 à 1622, par commission du roi Philippe iii d’Espagne.

      2. La Cerda a consacré le début de son épître à célébrer les ancêtres du dédicataire, dont il rattachait les origines à la famille (gens) romaine Salvia. Son plus illustre représentant avait été l’empereur Othon, éphémère successeur (janvier-avril 69) de Galba. {i} Dans cette période de grande instabilité, Galba s’était emparé de l’empire, mais se suicida trois mois plus tard, en se perçant d’un glaive, après avoir été battu par ses opposants ; leur chef, Vitellius, succéda à Galba et régna d’avril à décembre 69. Le passage sur Othon, auquel se référait la triade 73, est à la page †4 vo :

        Multa quoque de illo Plutarchus eximia, sed imprimis tria, quæ te volo discere. Moriturus ita loquitur ad filium fratris : Ne memineris te habuisse patruum Cæsarem. Ne videlicet insolesceret adolescens fortuna patrui. Alterum est, servis ante mortem benigne pecuniam divisisse, ita tamen (quod admiror) ut non pecuniam tanquam alienam profunderet, sed, pro merito cuiusque, modum in dividendo servaret. Tertium est grande quidem scriptoris de Othone elogium hoc : Nullus meo judicio omnis ætatis tyrannorum vel Regum tam ardenti et insano imperandi amore flagravit ; quantum milites parere et obtemperare gestierunt Othoni. Libentissime maioris tui dicta et facta in memoriam Tibi revocavi.

        [Plutarque a relaté maints faits remarquables à son sujet, {ii} mais particulièrement trois, que je veux vous apprendre. < Le premier est qu’>avant de mourir, il s’adressa ainsi au fils de son frère : {iii} « Oublie que tu as eu pour oncle un empereur » ; ce qu’il dit afin que la fortune de son oncle ne rende pas ce jeune homme insolent. Le deuxième fait est qu’avant sa mort, il divisa généreusement son argent entre ses esclaves, sans toutefois le prodiguer, comme si c’était celui d’un autre, mais en le répartissant selon le mérite de chacun (et c’est bien ce que j’admire). Le troisième fait est bien sûr ce remarquable éloge que l’auteur a donné d’Othon : « Jamais, à mon avis, aucun tyran ni aucun roi n’a brûlé d’une si dévorante et folle passion de diriger, à tel point que les soldats se démenaient pour se soumettre et pour obéir à Othon. » {iv} C’est avec très grand plaisir que je vous ai remis en mémoire les paroles et les actes de votre ancêtre].

        1. Galba avait lui-même succédé à Néron, de juin 68-janvier 69, v. note [9], lettre 564.

        2. Plutarque, Vie d’Othon, chapitres xxi‑xxii.

        3. Lucius Salvius Otho Cocceius, fils de Lucius Salvius Otho Titianus, consul romain et frère aîné de l’empereur Othon, qui avait désigné Cocceius comme son successeur s’il remportait la victoire.

        4. Tout cela se lit dans les Vies parallèles de Plutarque, mais l’auteur du Borboniana a préféré se référer à la Cerda parce qu’il en a fait une triade.

    2. « “ Ces trois maladies ont été particulières au climat d’Égypte : éléphantiasis, {a} eczémas des enfants, {b} et lichens ou mentagre ” {c} (Saumaise, de Annis climatericis, page 728). » {d}


      1. V. note [28], lettre 402, pour les deux formes d’éléphantiasis décrites au xviie s. : l’une liée à la lèpre ; l’autre, dite des Arabes, aujourd’hui rattachée à une parasitose dénommée filariose de Bancroft, correspondait à celle d’Égypte.

      2. Autrement nommés achores, qui correspondent à l’impétigo du cuir chevelu (v. note [54] de L’homme n’est que maladie (thèse présidée par Guy Patin en 1643). Les médecins arabes connaissaient cette maladie et l’appelaient safati (qui a donné safatum ou saphatum en latin), mais elle n’était en rien une maladie particulière à l’Égypte.

        Le mot eczéma vient du grec εκζεμα, « éruption cutanée », dérivé du verbe ekzéein, « faire bouillonner ».

      3. V. note [2], lettre 449, pour la mentagre ou mentagra, maladie cutanée du visage, décrite par Pline, mais dont l’équivalent moderne est incertain.

        Le Borboniana l’assimilait ici aux lichens (nom latin des dartres), c’est-à-dire, en pathologie moderne, à une dermatose persistante d’origine variable, caractérisée par des papules (surélévations cutanées) prurigineuses, dont il existe une forme tropicale, surnommée gale bédouine. Les signes n’en étaient guère différents au temps de Jean Fernel, qui les a admirablement décrits aux pages 548‑549 (livre vii, chapitre iv, Les affections et éruptions bilieuses qui paraissent au dehors) de sa Pathologie traduite en français : {i}

        « La dartre est […] une ardeur qui ronge le cuir, et le rend inégal et rude, avec force petits bourgeons qui s’élèvent çà et là. Les Grecs l’appellent herpès. {ii} Il s’en trouve deux sortes : l’une est simple et s’appelle dartre miliaire ; l’autre maligne, qu’on nomme dartre vive. Quand les pustules de la dartre vive sont creusées, elle ulcère le vrai cuir, le ronge et le mange, s’étend en largeur et en profondeur, et les ulcères qu’elle fait demeurent secs.

        La dartre simple et plus bénigne apporte au cuir une rudesse et inégalité superficielle, et ne passe pas l’épiderme, où elle fait lever des petits boutons, qui ne s’avancent pas beaucoup et ne paraissent guère plus gros que des grains de mil.

        Ces deux espèces de dartre courent et s’étendent de côté et d’autre, comme en rond, sur les parties qui leur sont proches ; et souvent, le milieu se guérit, que les extrémités continuent de marcher plus avant. {iii} La dartre ulcérée approche grandement de l’érysipèle, {iv} de sorte que plusieurs les prennent pour être de même genre. Néanmoins, il y a cette différence entre elles que l’érysipèle vient subitement en suite d’une fluxion manifeste ; au lieu que la dartre, ou papule, boutonne peu à peu et se forme par laps de temps, sans qu’il y ait aucune apparence de fluxion. Les pustules de la dartre sont sèches, et quand elles sont entamées, il n’en sort ni pus ni sanie ; mais celles de l’érysipèle sont grandes, ulcérées et humides, d’où il sort un pus mêlé de sanie. Ce qui est de fâcheux dans la dartre, et qui donne de la peine, c’est la démangeaison, et en l’érysipèle, on est tourmenté de douleur et d’ardeur. Toutes les dartres sont de durée, ne causent aucune fièvre et ne guérissent qu’avec le temps et l’érysipèle est d’ordinaire accompagné de fièvre, vient soudain et se résout promptement de soi-même. » {v}

        1. Paris, 1655, v. note [1], lettre 36.

        2. V. note [16], lettre 524.

        3. Une telle évolution centrifuge est dite serpigineuse.

        4. V. notes [16], lettre 41, et [2], lettre latine 353.

        5. Lichen « est le nom que les botanistes donnent à une espèce de plante parasite qui vient sur l’écorce des arbres, qui est faite comme une espèce de croûte mêlée de jaune et d’un blanc sale. […] Les lichens viennent aussi contre les murailles, ce qui ternit la blancheur des pierres et des plâtres dans les bâtiments. […] Ceux qui viennent sur les arbres sont beaucoup plus grands. On s’en sert contre les dartres, d’où ils ont tiré leur nom, parce que la dartre s’appelle en latin lichen » (Trévoux).
      4. V. note [27], lettre 146, pour les Diatribæ [Discussions] de Claude i Saumaise « sur les années climatériques ». {i} Cette triade s’y lit mot pour mot aux pages 728‑729, suivie de ces interrogations qu’on peut aujourd’hui qualifier d’épidémiologiques et d’étiologiques (c’est-à-dire portant sur l’expansion et les causes des maladies) :

        An Ægyptiaci Climatis stellæ hoc effecerunt, ideo et reliquæ provinciæ horum vitiorum diu mansere immunes ? Sed cur postea alio importata hæc mala ? An stellæ etiam maleficæ illorum locorum quibus istæ lues postmodum irrepsere, in causa fuerunt cur eo importarentur ? Sed cur illo demum tempore ? Cur antea iners jacuit earum maleficium ? Cur etiam, ubi sævire cœpisset et aliquamdiu regnasset, postea destitit ? Non solum Clima horum morborum causa est et origo, sed victus magis. Nam si in Climate solo causa esset, vix in alias regiones transferi posset, et ibi durare. Victus igitur ratio in plurimis locis quosdam morbos ut ibi sint familiares præstat. Quod ita esse vel inde colligitur quod in Ægypto hodie hæc vitia non grassantur, ut olim factum. Mutata nempe vivendi ratione etiam istæ passiones recesserunt. At si a stellarum decreto penderent hodie quoque istæ παθη in illis locis vigerent. AntiquiÆgypti multo pane vescebantur, leguminibus, ut lente faba et aliis, pultis genere αθαρας vocatæ, salsamentis plurimis. […] Præterea aquam ex Nilo suo biberant turbidam et limosam, quæ […] multos morbos efficiebat.

        [Les étoiles du ciel égyptien sont-elles responsables de cela, quand toutes les autres contrées sont longtemps restées exemptes de ces maux ? Mais pourquoi se sont-ils plus tard transportés ailleurs ? Les étoiles malfaisantes des pays où ces pestes se sont plus tard insinuées ont-elles été la cause de cette diffusion ? Mais alors pourquoi seulement en ce siècle ? Pourquoi étions-nous auparavant à l’abri de leur malédiction ? Pourquoi aussi s’est-elle dissipée là où elle avait commencé à sévir et avait régné pendant assez longtemps ? Le climat n’est pas la seule cause et origine de ces maladies : l’alimentation y prend aussi une grande part ; car si le climat était seul en jeu, il pourrait difficilement se transposer dans d’autres régions et y persister. C’est donc la nourriture qui explique pourquoi certaines épidémies se répandent en quantité d’endroits. {ii} Le fait est, ou on en déduit, que ces fléaux ne prospèrent plus aujourd’hui en Égypte comme ils l’ont fait jadis. Un changement de la manière de vivre est aussi intervenu dans la régression de ces maux. S’ils dépendaient encore aujourd’hui du décret des étoiles, ils continueraient à sévir dans ces contrées. Les anciens Égyptiens se nourrissaient de beaucoup de pain, de légumes, comme lentilles, fèves et autres, d’un genre de bouillie, appelée athara, {iii} de multiples salaisons. (…) En outre, ils buvaient l’eau trouble et boueuse de leur Nil, qui provoquait quantité de maladies].

        1. Leyde, 1648, pour la première édition, soit quatre ans après la mort de Nicolas Bourbon.

        2. Sans être médecin, Saumaise se référait très pertinemment à l’idée que l’inné et l’acquis (nature and nurture en anglais) interviennent dans la santé humaine (v. mon commentaire sur le deuxième paragraphe [sujet] de L’homme n’est que maladie, note [18]).

        3. Ce mot grec, signifiant gruau, nous est resté dans l’athérome (amas graisseux) artériel de l’athérosclérose (v. note [7], lettre 610). V. note [3], lettre 721, pour l’avis de Galien sur le rôle de l’alimentation dans l’éléphantiasis des Égyptiens.

    3. « “ Chez les Sères, {a} il n’était jadis permis ni de voler, ni de tuer, ni de commettre l’adultère ” (Saumaise, ibid. page 623). » {b}


      1. V. note [25], lettre 197, pour les Sères, qui peuplaient Cathay, c’est-à-dire le nord de la Chine et la partie asiatique de la Russie.

      2. La page 623 des « Années climatériques » (mais il s’agit d’une erreur de numérotation commise par l’imprimeur, pour 723) est bien celle d’où cette triade a été tirée ; Saumaise s’y étonnait à juste titre des interdits que partageaient les anciens Hébreux et les peuples d’Extrême-Orient.

    40.

    Triades 76-78.

    1. Cette triade est tapie dans la note ix, page B3 ro, des curieuses et copieuses :

      Notæ seu Stricturæ Politicæ ad Iusti Lipsii Epistolam, qua suadet Bellum, Pacem, Inducias Regi Hispano cum Gallo, Anglia, Batavis, olim conscriptæ nunc divulgatæ ab Justino Bonæfidio Mont.

      [Annotations ou Étincelles politiques de Justinus Bonæfidius Mont. {a} contre une Lettre que Juste Lipse {c} a jadis écrite et qui est maintenant rendue publique, où il conseille au roi d’Espagne de faire la Guerre avec le Français, la Paix avec l’Anglaise, {d} des Trêves avec les Bataves]. {e}

      La remarque porte sur les mots que j’ai mis en exergue dans ce propos de Lipse (page A ro) :

      Si motus ab illo barbaro et communi hoste Austriacis non esset, ego putarem Regem tractu omnes istos posse frangere, si tantum bellum et fide et disciplina aliqua geratur.

      [Si les Autrichiens, qui sont notre barbare et commun adversaire, ne semaient pas le trouble, je croirais, quant à moi, que le roi {f} pourrait les fracasser tous en faisant traîner les choses, s’il se chargeait de menet une si grande guerre avec confiance et quelque discipline].

      La triade empruntée ici (mise en exergue) est ainsi introduite par Bonæfidius, s’adressant à Lipse :

      Fides in administratione tum pecuniarum tum munerum, ac severa disciplina (qua Rempubl. contineri dixit Severus imp.) inter milites, vera militiæ sunt fundamenta : quæ in suo regimine amplectuntur Ordines, et ut alibi ipse scribis, Romanam militiam et opera imitantur Batavi. Sed quia hæc tria, ærarii administratio, præmiorum distributio et militaris disciplina, sunt quasi cujusque imperii fulcra, de iis placet quædam ad aliorum doctrinam notare latius.

      [Confiance en l’administration des finances comme des charges, et sévère discipline (dont l’empereur Sévère {g} a dit qu’elle conserve le Bien public) parmi les soldats, sont les véritables fondements d’une armée : voilà bien ce que choient les Provinces-unies dans leur gouvernement, et toi-même écris ailleurs {h} que les Bataves imitent l’armée romaine et ses accomplissements ; mais puisque tout gouvernement repose comme sur trois piliers, sur l’administration des finances, la distribution des récompenses et la discipline militaire, il me paraît opportun de faire quelques plus larges commentaires sur ce sujet, contre la doctrine des autres]. {i}


      1. Au nombre de 79.

      2. Je ne suis pas parvenu à identifier précisément Justinus Bonæfideus (Justin Bonnefoy ?), peut-être originaire de Mons (Montes), dans le Hainaut (en prenant Mont. pour une abréviation de Montensis), et possible pseudonyme. Les pièces liminaires et finales de l’ouvrage ne permettent pas de mieux l’identifier que comme un patriote protestant flamand vivement opposé aux idées politiques pacifistes et religieuses catholiques de Lipse (converti à la fin des années 1590). Le Typographus Lectori [Imprimeur au lecteur, pages (⁂) ro‑vo] le décrit en ces termes :

        Autorem hunc in locis Belgio vicinis et proximis vixisse dicerem, qui sæpius belli mala et scintillas vicini incendii vidit et sensit. Cuius heredes qualescunque etiam, necdum perfectas hasce notas prœlo commiserunt, ut defuncti animum et affectum in Remp. Belg. declararent. Salutem Provinciarum illis cordi fuisse, nemo negabit, et liberius quædam publici regiminis vitia notasse, multi dicent, sed monita illa et vota ab amico probo notata in bonam partem sunt rapienda, et ab aliis ita observanda, ut vitiis ejuratis salus publica cum civium bono et populi amore procuretur unice. Huius defuncti purum zelum et affectum integrum, laude sane omni apud posteros dignum, quamdiu moderatores et cives Reip. Belg. retinebunt, illorum Respublica a fraudulentis machinationibus et violenta invasione hostium immota et inconcussa contra procellas quascunque ad Dei gloriam et Christinaorum solatium stabit. Quod faxit Deus Opt. Max.

        [Je dirais que cet auteur a vécu dans les très proches environs de la Belgique, où il a maintes fois vu et éprouvé les malheurs de la guerre et les étincelles de l’incendie qui embrasait le voisinage. Ses héritiers, quels qu’ils soient, n’avaient encore jamais fait imprimer l’intégralité de ses annotations, afin de faire connaître l’ardeur et l’affection du défunt pour la République flamande. Nul ne niera qu’elles ont eu à cœur le salut de ces Provinces, et beaucoup diraient qu’elles ont fort librement remarqué certains défauts de leur gouvernement public ; mais ces mises en garde et ces vœux qu’un honnête ami a consignés sont à prendre en bonne part, et il appartient aux autres de les examiner avec attention afin qu’une fois ces vices écartés, s’établisse le salut public, avec le bien des citoyens et l’amour du peuple. Pour son pur zèle et sont affection désintéressée, ce défunt homme est parafitement digne des louanges unanimes de la postérité, car aussi longtemps que ses dirigeants et ses citoyens maintiendront la République flamande, elle résistera aux machinations frauduleuses et aux brutales incursions de ses ennemis, pour demeurer intacte et indemne, en dépit de tous les orages, mais pour la gloire de Dieu et pour le soulagement des chrétiens. Puisse telle être la volonté de Dieu tout-puissant].

      3. Lettre inédite de Juste Lipse (v. note [8], lettre 36) à un correspondant inconnu (Vir Nobilissime), datée de Louvain le 3 janvier 1595, imprimée pages A ro‑A3 vo.

      4. Ces souverains étaient respectivement Philippe ii, Henri iv et Élisabeth ire.

      5. Francfort, sans nom, 1623, in‑4o de 10 feuilles ; réimprimé avec quelques autres pièces dans les Disertationes de Induciis Belli Belgici… [Dissertations sur les Trêves de la Guerre de Flandres…], Leyde, Elsevier, 1633, in‑12 de 231 pages.

      6. Henri iv, roi de France, opposé à l’empereur germanique Rodolphe ii et à ses alliés (espagnols).

      7. Jeu de mots de Bonæfidius : , pour

        Une note marginale renvoie à Ælius Lampridus, {i} c’est-à-dire à la vie d’Alexandre Sévère. {ii} d’L’Histoire Auguste, chapitre l, § 1 :

        Cum igitur tantus ac talis imperator domi ac foris esset, iniit Particam expeditionem, quam tanta disciplina, tanta reverentia sui egit, ut non milites sed senatores transire diceres.

        [Quand donc cet empereur, tout aussi grand et admirable dans la paix que dans la guerre, entreprit l’expédition contre les Parthes, {iii} il la mena avec tant de discipline et de respect de soi que vous auriez dit voir défiler des sénateurs et non des soldats].

        1. V. note [45] du Naudæana 2.

        2. V. notule {a}, note [43] du Faux Patiniana II‑2.

        3. En 232, contre les Perses.
      8. V. notule {c}, note [35] du Gotiniana 1, pour les cinq livres de Lipse sur l’armée romaine (Anvers, 1595), dont le dernier traite de la discipline militaire.

      9. La note de Bonæfidius se poursuit sur deux pages.

    2. « “ Les anciens ont dit que la France possède trois aimants qui font venir l’argent du dehors : le blé, le vin et le sel. À lui seul, le Portugal importe de France pour quatre millions de blé. D’autres veulent que le revenu annuel du blé soit de 150 tonnes d’or : {a} les Espagnols semblent donc détenir la propriété directe de l’argent, mais ce sont les Français, qui ont le don de le faire fructifier ” (Abraham Golnitz, Compendium geographicum, page 118). {b} “ Ceux qui, avec inquiète et cruelle diligence, déterrent l’or et le transportent depuis les confins du Couchant, semblent s’échiner pour le bonheur de la France ” (Barcl.) » {c}


      1. Une tonne d’or n’était pas une unité de poids, mais de compte (talentum magnum, « grand talent » des Latins) : elle équivalait à 120 000 livres tournois (Trévoux) ; soit 18 millions de livres pour 150 tonnes métriques.

      2. Cette référence, opportunément ajoutée dans la marge du manuscrit, renvoie au :

        Compendium geographicum succincti methodo adortnatum, opera et studio Abrah. Gölnitz.

        [Compendium géographique, composé par le travail et les soins d’Abraham Gölnitz {i} dans un esprit de concision]. {ii}

        Le livre ii, pages 118‑119 du chapitre iii, De Gallia [La France], présente deux différences avec la triade 77.

        1. Aux trois aimants de la France cités par le Borboniana, Gölnitz en a ajouté un quatrième, linum, le lin. {iii}

        2. Les « quatre millions » (de livres tournois) venus du Portugal sont assortis d’une référence au livre i, Istoria di Portogallo [Histoire du Portugal] de l’ouvrage intitulé :

          Dell’Unione del’Regno di Portogallo alla Corona di Castiglia. Istoria del Sig’ Ieronimo Conestaggio Gentil’ho Genovese divisa in dieci libri.

          [De l’Union du Royaume de Portugal à la Couronne de Castille, Histoire du sieur Girolamo Conestaggio, gentilhomme génois, divisée en dix livres]. {iv}

          Je n’y ai trouvé (page 4) que ces quelques mots sur le blé du Portugal :

          non ha tanto formento di sua raccolta con che possa vivere, viene proveduto dalla Francia, et dall’Alemagna continuamente.

          [sa propre récolte de blé ne suffit pas à sa subsistance, la France et l’Allemagne lui en fournissent continuellement].

          1. Abraham Gölnitz, géographe et voyageur danois natif de Dantzig, surtout connu pour son Ulysses Belgo-Gallicus… [Ulysse belgo-gaulois…] (Amsterdam, Elsevier, 1655, in‑12 de 605 pages) qui raconte son voyage aux Pays-Bas espagnols, en France et en Savoie-Piémont dans les années 1620.

          2. Amsterdam, Ludovicus Elzevirius, 1643, in‑12 de 278 pages, avec un remarquable index, pour la première édition.

          3. Ou plus généralement le linge, v. note [8] du Naudæana 3.

          4. Florence, Amadore Massi et Lorenzo Landi, 1642, in‑4o de 373 pages.
      3. Passage, pareillement cité par Gölnitz (ibid. supra, page 119), qui est extrait du :

        Ioannis Barclaii Icon Animorum

        [Jean Barclay, {i} La Représentation des esprits]. {ii}

        À la page 31 du chapitre iii, Galliæ dotes, et ingenium incolarum [Mérites de la France et talent de ses habitants], Barclay proclame son patriotisme, à la fois béat et mixte (franco-britannique) ; l’intérêt économique et historique de son propos m’a semblé mériter plus ample mention (avec mise en exergue du passage transcrit dans la triade) :

        Hæc igitur omnium regionum quæ ad Occidentem recesserunt felicissima, soli bonitate cum genio et indole incolarum certavit. Ager vini, et frumenti, passim ferax ; olea quoque insignis, et omnibus pomis quæ crudum aerem non ferunt, qua ad Alpes, et Ligusticum mare porrigitur, aut viciniori Occidente inrepuit. Nec ulla provincia in Orbe terrarum pro suis finibus tot incolis divitias indulsit ; adeo omnis generis opibus clara, ut exterorum mercatorum commercia pene ad solam voluptatem exceperit. Nam et luxus transalpino serico pretium fecit, et artificia Germanica opulentum populum ad peregrinas delicias adverterunt. Briatnnicæ tamen merces, si non necessariis, utilitatis certe plenissimis navigiis subvehuntur, quæ plumbo atque stanno, uberi etiam croco, tam quotidiannis usibus quam altiori elegantiæ ministrant. At Gallia præter messes, quibus solitudinem Hispaniæ levat, vina etiam in frigidiorem viciniam dispensata, multa carbaso et cannabi dives, necessaria plerisque gentibus vela, rudentesque et quæ cætera ex funibus in classium armamentis idonea, subministrat. His et aliis dotibus, aurum quod in venis suis vix habet largissimo proventu excipit ; ut qui illud anxia et crudeli diligentia effodiunt, qui ab extremo devehunt Sole, plerumque videantur Gallicæ felicitat famulari.

        [Elle est donc la plus féconde de toutes les contrées d’Occident, où elle a conquis son indépendance par la qualité de son sol, et par le génie et le talent de ses habitants. Terre du vin et du blé, partout fertile, elle est aussi remarquable pour l’olivier et tous les arbres fruitiers qui ne supportent pas les climats plus rudes ; elle s’étend jusqu’aux Alpes et à la mer Ligure, {iii} où elle s’est peu à peu glissée depuis la côte occidentale de l’Europe. Aucun pays au monde, dans les limites de ses frontières, n’a fourni telle opulence à ses habitants. Elle est si réputée pour l’immense variété de ses ressources qu’elle a presque soumis les négoces de tous les commerçants étrangers à sa seule jouissance. Son goût du luxe a fait le prix de la soie transalpine, {iv} et les industries de l’opulente Allemagne se sont vouées à satisfaire les raffinements français. Les négociants britanniques lui envoient des navires surchargés de biens utiles, même s’ils ne sont pas indispensables : le plomb, l’étain et même le safran, {v} qui y pousse en abondance, rendent bien des services, tant dans la vie quotidienne que pour confectionner des produits de haute qualité. Les moissons de la France soulagent l’aridité de l’Espagne et ses vins abreuvent ses voisins dont les cieux sont plus froids ; mais en outre, elle produit en abondance du lin et du chanvre, permettant de tisser les voiles qui sont indispensables à quantité de pays, ainsi que les câbles requis, entre autres, pour faire les cordages servant à l’armement des navires de guerre. Grâce à ces richesses, parmi bien d’autres, elle se procure très largement l’or qu’elle ne tire que difficilement de son sol, en sorte que ceux qui, avec inquiète et cruelle diligence, déterrent l’or et le transportent depuis les confins du Couchant, semblent s’échiner pour le bonheur de la France].

        1. V. note [20], lettre 80.

        2. Francfort, Daniel et David Aubrius, et Clemens Schleichius, 1625, in‑8o de 187 pages (première édition, Paris, 1614), dédié au roi Louis xiii, avec un surprenant frontispice qui représente un saint jésuite (Ignace de Loyola) incliné devant Jésus portant sa croix et sa couronne d’épines, avec cette légende : Ego vobis Romæ propitius ero [Je vous serai propice à Rome].

        3. Partie de la Méditerranée délimitée par la France, l’Italie et la Corse.

        4. La soie arrivait d’Extrême-Orient (le pays des Sères, à qui elle doit son nom, v. supra notule {a} de la triade 75, note [39]) par l’Italie, surtout par les ports de Gênes et de Venise.

        5. Le safran (v. note [52], lettre latine 351) était cultivé en Cornouailles depuis le xive s. Le plomb et l’étain étaient extraits des mines anglaises depuis l’Antiquité.

    3. « “ Avocats, enfer et fisc nous dérobent le droit de vivre.
      Soldats, médecins et bourreau tuent comme par jeu.
      Mentir est le métier des astrologues, des peintres et des poètes ”
      (Voyez Corn. Gemma au tome ii de Arte cyclognomica, page 28). »

      Cette épigramme figure bien à la page 28, livre ii, {a} des ambitieux :

      Cornelii Gemmæ, Lovaniensis Medicinæ professoris, de Arte cyclognomica, tomi iii. Doctrinam ordinum universam, unaque Philosophiam Hippocratis, Platonis, Galeni et Aristotelis in unius communissimæ, ac circularis Methodi speciem referentes, quæ per animorum triplices orbes ad spheræ cælestis similitudinem fabricatos, non Medicinæ tantum arcana pandit mysteria, sed et inveniendis, constituendisque artibus, ac scientiis cæteris viam compendiariam patefacit.

      [Trois tomes de Cornelius Gemma, {b} natif de Louvain, où il professe la médecine, sur l’Art cyclognomique. {c} Ils présentent une Doctrine universelle des ordres, ainsi que la philosophie d’Hippocrate, de Platon, de Galien et d’Aristote, sous la forme d’une méthode unifiée, parfaitement simple et circulaire, qui, par les trois cercles des esprits, construits à l’image exacte de la sphère céleste, non seulement dévoile les mystérieux secrets de la médecine, mais surtout montre la plus courte voie permettant de découvrir et instituer les arts et les autres sciences]. {d}


      1. Livre intitulé De Methodi Catholicæ proxumis et præcedentibus causis [Causes prochaines et antécédentes de la Méthode universelle], chapitre i, De Causis in genere [Causes en général].

      2. V. note [25] de l’Observation ii de Guy Patin et Charles Guillemeau sur les apothicaires.

      3. Hellénisme néologique, intraduisible par un simple mot français, forgé sur κυκλος (cyclos, « cercle ») et γνωμικος (gnômikos, « gnomique », c’est-à-dire se présentant sous forme de sentences) : Cornelius Gemma a tiré son « Art cyclognomique » de sentences fondées sur les cercles qui sont dessinés en maints endroits de son ouvrage ; la suite du titre cherche à mieux expliquer ce dont il s’agit, mais le mélange de la médecine, de la philosophie et de l’astronomie ne produit pas toujours une solution parfaitement limpide aux yeux des profanes.

      4. Anvers, Christophe Plantin, 1569, in‑4o illustré de 411 pages (pagination séparée de chaque livre).

        L’épigramme citée dans la triade est précédée de cette explication de Gemma :

        Liceat mihihi pro illustranda hac Methodo nostra in partibus singulis atque præceptis rerum universitatem vel uno passim ferire digito ; quandoquidem nec ipse pepercerim mihi, quin pridem in fronte mearum Ephemeridum illud professum omnes sciant

        [Qu’il me soit permis, une fois pour toutes, de pointer du doigt ma méthode, afin de montrer comment elle éclaire l’universalité des choses en chacune de ses parties et en chacun de ses préceptes ; tout comme je ne me suis pas privé de le faire précédemment en inscrivant cette profession de foi sur le frontispice d’un de mes Ephemerides, {i} afin que tous la sachent…] {ii}

        1. Gemma a publié chaque année, de 1560 à 1564, un Epehemerides meteorographicæ anni… ad directionem horizontis Brabantici, seu lat. 51. grad. institutæ [Annuaire météorographique de l’année… établi dans la direction de l’horizon du Brabant, soit au 51e degré de latitude]. Je n’ai mis la main que sur celui de 1563 (Anvers, Ioannes Withagius, in‑8o oblong), l’exergue du titre en était différent :

          Iudiciis Amor, aut Odium melioribus obstat,
          Et quod scire grave est, carpere cuique leve est
          .

          [L’amour ou la haine fait obstacle aux meilleurs jugements ;
          et il est aisé de déchirer ce qu’il est difficile de savoir].

        2. Suivent les trois vers donnés par Gemma : je les ai vus ailleurs (mais toujours cités par des auteurs postérieurs à lui), et ose donc raisonnablement en déduire qu’il en est l’auteur.

    41.

    Triades 79‑81.

    Les deux premières concernent l’Égypte impériale, celle des Romains (derniers siècles de l’ère préchrétienne et premiers siècles de l’ère chrétienne), et non celle des pharaons de la haute Antiquité (3e et 2e millénaires avant notre ère).

    1. Isidore de Péluse (Pelusium), {a} natif d’Alexandrie, {b} est un saint moine du ve s., qui a laissé une correspondance :

      S. Isidori Pelusiotæ Epistolæ Latine nunc primum editæ. Interprete Andrea Schotto.

      [Lettres de saint Isidore de Péluse. Andreas Schott {c} les a traduites en latin et les publie pour la première fois en latin]. {d}


      1. Actuelle Damiette, port méditerranéen d’Égypte.

      2. V. note [9], lettre 453.

      3. V. note [34] du Patiniana I‑4.

      4. Rome, Franciscus Corbelettus, 1629, in‑8o de 416 pages (569 lettres).

      V. notes :

    2. « Il y a eu trois saints Isidore : celui de Séville, {a} celui de Cordoue {b} et celui de Péluse. » {c}


      1. V. notes [20] supra, triade 31, notule {a‑ii}, pour saint Isidore de Séville (Hispalensis) ou de Carthagène, et  [19‑2] du Naudæana 3, pour le pape Grégoire ier (saint Grégoire le Grand).

      2. Aucun saint Isidore de Cordoue (Cordubensis) n’est répertorié dans les hagiographies. Sans doute s’agit-il d’une confusion du Borboniana (qui tenait absolument à tout mettre en triades) avec saint Ossius de Cordoue, évêque de cette ville au ive s. : conseiller de l’empereur Constantin ier (306-337, v. note [24] du Naudæana 3), il fut l’un des principaux adversaires de l’arianisme (v. note [15], lettre 300) et mourut en 359 (soit 20 ans avant le règne de Théodose le Grand).

      3. La suite de la triade évoque la prise de Damiette en 1429 (et non 1427) par saint Louis (le roi de France Louis ix, v. note [2], lettre 856), lors de la septième croisade. Ce fut un demi-échec militaire car les croisés durent abandonner leur dessein d’occuper l’Égypte.

    3. « Justinien a voulu fonder son droit sur trois codes : Hermogénien, Grégorien et Théodosien. {a} À cette fin, il a fait travailler trois très savants hommes, Theophilus, Dorotheus et Tribonianus. » {b}


      1. V. note [22], lettre 224, pour l’empereur byzantin Justinien ier, dont le Corpus Iuris civilis (composé de trois parties, Code, Digeste ou Pandectes, et Institutes) a colligé le droit romain et fondé le droit civil moderne.

        Les trois sources du Code de Justinien furent le Codex Hermogenianus, recueilli par le jurisconsulte romain Hermogène au ive s., le Codex Gregorianus de Gregorius (iiie s.) et le Codex Theodosianus de Théodose ii (ve s.).

      2. V. notule {b}, note [19] du Borboniana 3 manuscrit, pour Theophilus Antecessor, le jurisconsulte byzantin qui a compilé le Code Justinien avec l’aide de Dorotheus et de Tribonien (Tribonianus).

    42.

    Triade 82.

    « “ Trois sortes d’hommes tourmentent rois et princes : de la première, sont les courtisans et les flatteurs, qui s’emparent de leurs esprits par la séduction et le mensonge, et les rendent presque aveugles ; de la deuxième, sont les délateurs ou calomniateurs, dont la malhonnêteté est telle qu’ils leur rendent odieux leurs plus fidèles sujets, qui ont très hautement mérité de la république ; de la troisième, sont les usuriers qui ont pris en gage leurs villes, leurs impôts et leurs douanes. Cette triple sorte d’hommes est figurée par les trois harpies, que les poètes dépeignent ainsi : assises à la table de Phinée, misérable et malheureux roi dont les yeux avaient été arrachés, elles ôtent et souillent tous les mets qui la garnissent. De tels hommes déshonorent en effet les rois et les princes : après leur avoir aveuglé l’esprit, ils en détournent à leur profit les facultés et les aliments ” (Sabinus sur le livre vii des Métamorphoses d’Ovide, page 253). »

    Cette triade est la transcription exacte du commentaire qui figure aux pages 254‑255 de l’ouvrage cité : {a}

    Fabularum Ovidii Interpretatio, Ethica, Physica et Historica, tradita in Academia Regiomontana a Georgio Sabino, in unum collecta et edita studio et industria T.T. Accessit etiam ex Natalis Comitis Mythologiis de fabularum utilitate, varietate, partibus et scriptoribus, deque apologorum, fabularum, ænorumque differentia, tractatio. Cum Indice verborum et rerum præcipuarum in Ovidio et Sabino comprehensarum.

    [Interprétation éthique, physique et historique {b} des Fables d’Ovide, {c} que Georgius Sabinus {d} a enseignée à L’université de Königsberg, et que les soins et le travail de T.T. {e} ont rassemblées et éditées en un seul volume. On y a aussi ajouté un traité extrait des Mythologiæ de Natalis Comes {f} sur l’utilité, la diversité, les parties et les auteurs des fables, et sur la différence entre les apologies, les fables et les énéides. {g} Avec un index des mots et thèmes principaux contenus dans les textes d’Ovide et de Sabinus]. {h}


    1. Début du commentaire pourtant sur la fable i, livre vii, sous-titrée De Iasone aureum vellus auxilio Medeæ acquirente [Grâce à l’aide de Médée, Jason s’empare de la toison d’or]

    2. C’est-à-dire suivant les enseignements de la morale, de l’histoire naturelle, et de l’histoire chronologique et factuelle.

    3. Autre dénomination des Métamorphoses d’Ovide (v. note [46] de L’ultime procès de Théophraste Renaudot contre la Faculté manuscrit), où fables est à prendre au sens de mythes.

      Le commentaire cité porte sur les premiers vers de la fable susdite (notule {a} supra) :

      Jamque fretum Minyæ Pagassæa puppe secabant,
      perpetuaque trahens inopem sub nocte senectam
      Phineus visus erat, iuvenesque Aquilone creati
      virgineas volucres miseri senis ore fugarant,
      multaque perpessi claro sub Iasone tandem
      contingerant rapidas limosi Phasidos undas.

      Traduction de Louis Puget et coll. (1850) :

      « Déjà les descendants de Minée fendaient les ondes sur le navire construit à Pagase ; {i} déjà ils avaient vu Phinée dont la vieillesse se traînait misérablement au sein d’une éternelle nuit, et les jeunes fils de Borée avaient chassé loin de la bouche du malheureux vieillard les oiseaux au visage de vierge {ii}. Guidés par l’illustre Jason, après mille hasards, ils avaient enfin touché au Phasis qui roule ses eaux rapides sur un épais limon. »

      1. À bord de l’Argo, navire construit à Pagasa en Thessalie, les Argonautes (ou Minyens, peuple grec descendant du roi Minyas ou Minée), dirigés par Jason, partaient conquérir la Toison d’or (v. note [13], lettre 695).

      2. Dans le mythe, les Harpies (Ἃρπυιαι en grec, Harpyes dans l’ancienne orthographe française, dont le nom vient d’αρπη, « faucon ») sont des « monstres, enfants de Neptune et de la mer » (Fr. Noël) :

        « Les principales sont Iris, Ocypète, qui vole vite, et Aëllo, tempête. Ces monstres, au visage de vieille femme, aux oreilles d’ours, au bec et aux ongles crochus, au corps de vautour et aux mamelles pendantes, causaient la famine partout où ils passaient, enlevaient les viandes sur les tables, et répandaient une odeur si infecte qu’on n’en pouvait approcher. C’étaient les chiens de Jupiter et de Junon qui s’en servaient contre ceux qu’ils voulaient punir. »

        Les Argonautes avaient tiré Phinée, fils d’Agénor, roi de Thrace, des griffes des Harpies qui le faisaient mourir de faim : les dieux l’avaient ainsi puni, après l’avoir rendu aveugle, pour avoir lui-même crevé les yeux de ses deux fils, sur l’instigation de sa seconde épouse, Idéa, qui les accusait de l’avoir violentée.

    4. Georgius Sabinus (Georg Schuller, 1508-1560), poète allemand, était professeur de littérature à l’Université Albertina de Königsberg en Prusse, fondée par le duc Albert de Brandebourg au xvie s., et distincte de l’Université de même nom située à Fribourg (v. supra note [28], notule {g‑vi}).

    5. Éditeur que je n’ai pas identifié.

    6. Natale Conti (vers 1520-1582) est un littérateur italien, célèbre pour ses :

      Mythologiæ, sive explicationum fabularum libri x. In quibus omnia propre Naturalis et Moralis Philosophiæ dogmata contenta fuisse demonstrantur…

      [Dix livres de la Mythologie, ou d’explications des fables, où sont expliqués presque toutes les croyances que contient la pilosophie naturelle et morale…]. {i}

      Cette compilation a été traduite en français par Jean de Montlyard ; {ii} elle a fourni leur matière aux nombreux artistes qui ont illustré les légendes antiques, et à ceux qui les ont compilées et commentées depuis. Le traité qui figure au début du commentaire de Sabinus sur Ovide en reproduit les six premiers chapitres.

      1. Venise, sans nom, 1581, in‑4o de 730 pages, pour l’une des nombreuses éditions.

      2. Mythologie, c’est-à-dire Explication des fables, contenant les généalogies des dieux, les cérémonies de leurs sacrifices, leurs gestes, aventures, amours et presque tous les préceptes de la philosophie naturelle et morale, extraite du latin de Noël Le Comte, revue et augmentée de nouveau, et illustrée de figures (Lyon, Paul Frellon, 1612, in‑8o illustré de 1 120 pages, pour la première de plusieurs éditions).

    7. Récits fondés sur les aventures d’Ulysse (dont Énée a été l’avatar, v. note [14], lettre d’Adolf Vorst, datée du 4 septembre 1661) : Homère en a rédigé les fondements.

    8. Cambridge, Tomas Thomas, 1584, in‑8o de 638 pages.

    43.

    Triades 83‑84.

    1. J’ai trouvé comme un pieux écho partiel de cette triade dans :

      La grande Guide {a} des curés, vicaires et ocnfesseurs : divisée en deux tomes. Œuvre très utile, et nécéesaire pour toutes personnes ayant charge d’âmes. Composée par le R.P. Frère Pierre Millard, de l’Ordre de Saint-Benoît, et prieur de Sainte-Dode, au diocèse d’Aux. {b} Édition dernière, revue et augmentée de deux tables : l’une des titres et chapitres, et l’autre des principales matières…. {c}

      Cet édifiant paragraphe du tome second, Traité du saint sacrement de la Pénitence, § 3 du chapitre v, Distinction générale des péchés mortels d’avec les véniels, instruction i (page 19), sur « l’amour désordonné » de l’homme, pourrait correspondre :

      « Or sachons les choses que cet amour peut prendre pour son objet d’aimer. Saint Jean, grand observateur de l’amour divin, satisfait à ceci, disant. Omne, quod est in mundo, concupiscentia carnis est, et concupiscientia oculorum, aut superbia vitæ. {c} Comme tout ce que l’homme se peut proposer d’aimer en ce bas monde consite en trois choses : car c’est ou son corps, ou les biens temporels, ou bien l’honneur et renommée ; {d} tellement que tout ce qu’on peut aimer des choses sacrées est réduit sous le nom de concupiscence de la chair, des yeux, ou de la superbe ; voyons à cette heure comme quoi le péché se prend ou se forme là-dessus. »


      1. « Dans les choses spirituelles, l’usage est de faire guide de féminin genre : La guide spirituelle du Père Du Pont ; le P. Brignon, qui a traduit ce dernier livre, aussi bien que tant d’autres qu’il a mis en Français avec beaucoup d’exactitude, d’onction et de pureté, a bien vu que selon la raison, il faudrait dire “ le guide ” et non pas “ la guide ” ; mais l’usage l’a emporté, et cet usage est trop établi pour ne le pas suivre. Il est venu de ce que guide est de féminin genre en espagnol, la guya, et les premiers traducteurs ont par cette raison mis “ la guide ” en traduisant les livres espagnols qui portaient ce titre. On l’a reçu sans l’examiner, et il s’est introduit » (Trévoux).

      2. Le prieuré de Sainte-Dode, dans le diocèse d’Auch (Aux dans l’ancienne orthographe) est passé aux jésuites au début du xviie s. Le bénédictin Pierre Millard ou Mihard, et auteur de quelques ouvrages dévots.

      3. Lyon, Claude Morillon, 1619, in‑8o, deux tomes de 164 et 667 pages, en un volume.

      4. Première lettre de saint Jean (2:16) : « Tout ce qui est dans le monde – la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la richesse – [vient non pas du Père, mais du monde (quæ non est ex Patre sed ex mundo est)]. »

      5. Mes italiques marquent le passage qui a pu inspirer la triade.

    2. Profondité est un latinisme archaïque dérivé de profunditas, « profondeur », que je n’ai jamais lu sous la plume de Guy Patin. {a} Il a employé une fois le mot incomparabilité, {b} qui est attesté par les dictionnaires.

      La triade latine qui précède ces curiosités de vocabulaire signifie :

      « s’extasier devant les merveilles divines, se moquer des bassesses humaines, mépriser la mort. »

      Le premier de ses membres est un rappel de la triade 83 ; les deux autres renvoient aux Apophtegmes d’Érasme {c} livre vi, Empereurs romains, Antonin le Pieux, § 11, page 240 vo‑241 ro, Mors peregrinatio [La mort est un voyage] :

      Alio quodam die dixit amicis, Quid me fletis, ac non magis de communi morte pestilentiaque cogitatis ? Philosophia docuerat hominem et mortem contemnere, et res humanas ridere. Parantibus autem abire, dixit : Si iam me dimittitis, vale vobis dico, vos præcedens. Facete petiit ab amicis discedendi veniam, ac veluti peregre profecturus iussit illos valere, submonens interim fore, ut illi præcedentem sequerentur.

      [Un jour, il {d} dit à ses amis : « Pourquoi me pleurez-vous, sans vous préoccuper bien plutôt de la mort commune et de la peste ? La philosophie a enseigné à l’homme et de mépriser la mort, et de se moquer des bassesses humaines. » Il dit aussi à ceux qui se préparaient à s’en aller : « Si vous m’abandonnez maintenant, je vous dis adieu, car je vous précède. » Il demanda facétieusement qu’on lui pardonnât de quitter ses amis. Et comme s’il partait en voyage, il leur dit à bientôt, leur laissant entendre qu’ils suivraient celui qui les précédait].


      1. Inspiré par la précédente triade, la pure curiosité m’a conduit au lvre quatrième du Traité de l’Amour de Dieu. Par François de Sales, {i} évêque de Genève, {ii} début du chapitre viii (page 344), Exhortation à l’amoureuse soumission que nous devons aux décrets de la providence divine :

        « Aimons donc, et adorons en esprit d’humilité cette profondité des enseignements de Dieu, Théotime, {iii} laquelle, comme dit saint Augustin, le saint Apôtre ne découvre pas, mais l’admire, quand il s’exclame : “ Ô profondité des jugements de Dieu ! ” » {iv}

        1. Mort en 1622, v. note [1], lettre 251.

        2. Lille, Pierre de Rache, 1617, in‑12 de 364 pages.

        3. « Dieu et honneur » (en grec).

        4. Épître de saint Paul aux Romains (11:33) :

          O altitudo divitiarum sapientiæ et scientiæ Dei ! quam inconprehensibilia sunt iudicia eius et investigabiles viæ eius !

          [Ô abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses décrets sont insondables et ses voies incompréhensibles !]

      2. V. note [22], lettre 901.

      3. Paris, 1532, v. note [2], lettre latine 316.

      4. La parole est à Antonin le Pieux (v. note [54] des Préceptes particuliers d’un médecin à son fils).

    44.

    Triade 84 (suite).

    « un livre qui vaut son pesant d’or » : v. note [5], lettre 76.

    Au lieu des trois annoncés, cette triade cite dix auteurs que Guy Patin a constamment loués sans réserve, tirés de son panthéon littéraire (v. note [2] de la Préface de la première édition des Lettres [1683]).

    45.

    triade 85.

    Ce texte est à nouveau anachronique, dans le cadre de propos attribués à Nicolas Bourbon (mort en 1644), car il cite textuellement un passage de la Defensio regia [Apologie royale], que Claude i Saumaise a écrite pour condamner l’exécution du roi Charles ier de Grande-Bretagne. {a}

    Dans la première édition latine de ce livre, parue la même année, {b} la citation appartient au chapitre vii, pages 364‑365. {c} En voici la traduction française, faite par Saumaise lui-même (Paris, 1650, page 424) : {d}

    « Ce fut ainsi que Darius se trouva redevable de l’empire de Perse au hennissement de son cheval, pource que les compétiteurs avaient convenu {e} que celui-là serait roi de qui le cheval hennirait le premier dans le lieu de l’assemblée. {f} Il est vrai qu’en ces rencontres, ce n’est pas proprement le sort qui crée les rois, mais bien celui qui conduit le sort, de même que tout ce que nous appelons fortune : c’est-à-dire Dieu. Celui-là est sans dispute la première et la vraie cause de l’établissement des rois ; mais sous cette maîtresse roue, il y a deux ressorts dépendants, ou deux causes secondes, {g} qui servent à cette grande action : la volonté des hommes et le sort. L’Écriture Sainte même donne un exemple du second lorsque, parlant du disciple qui devait occuper la place du perfide apôtre qui avait vendu le Seigneur, elle nous dit que la sainte compagnie des fidèles en remit l’élection au sort, {h} [avec cette confiance que Dieu ferait voir son choix pour celui sur qui le sort tomberait, et le jugerait le plus digne pour remplir cette importante charge]. » {i}


    1. Le 9 février 1649, v. note [118], lettre 166.

    2. V. note [52], lettre 176.

    3. Ce qui ne correspond en rien au bizarre « V71 » indiqué dans le manuscrit du Borboniana.

    4. V. note [4], lettre 224.

    5. Les mots de Saumaise montrent aux puristes modernes que les formes composées du verbe convenir (dans le sens de « se mettre d’accord ») utilisaient jadis l’auxiliaire avoir, et non être : « ils ont convenu d’arbitres, entre les mains desquels ils ont compromis » (Furetière).

    6. Darius ier a régné sur l’Empire perse de 521 à 486 av. J.‑C.

      Hérodote (v. supra notule {a}, note [24], triade 38), dans ses Histoires (livre iii, chapitres lxxxvi‑lxxxvii), a raconté comment une habile ruse permit à Darius de prendre le pouvoir : les chefs perses étaient convenus que serait roi celui dont le cheval hennirait le premier ; la veille, l’écuyer de Darius, Oebarsès, avait caressé la vulve de la jument que préférait l’étalon du prince ; le lendemain matin, au moment de l’élection impériale, Oebarsès avait simplement présenté sa main aux naseaux du destrier.

    7. Une cause première et deux causes secondes font la triade souhaitée.

    8. Actes des apôtres (1:23‑26), sur la désignation du remplaçant de Judas, qui avait quitté les disciples après avoir livré Jésus à ses persécuteurs :

      « On en présenta deux, Joseph, dit Barsabbas, surnommé Justus, et Matthias. Alors ils firent cette prière : “ Toi, Seigneur, qui connais le cœur de tous les hommes, montre-nous lequel de ces deux tu as choisi pour occuper dans le ministère de l’apostolat la place qu’a délaissée Judas pour s’en aller à sa place à lui. ” Alors on tira au sort, et le sort tomba sur Matthias, qui fut mis au nombre des douze apôtres. »

    9. Prolongement de la citation : Ita per sortem in quem ea cecidisset Deum indicaturum quem magis probaret.

    46.

    triades 86‑91.

    Ces six textes sont empruntés au Jugement de tout ce qui a été imprimé contre le cardinal Mazarin, ou Mascurat, de Gabriel Naudé (Paris, 1649, v. note [127], lettre 166), ouvrage qui, une fois encore, est postérieur à la mort de Nicolas Bourbon.

    Les deux interlocuteurs fictifs de ce livre sont Saint-Ange, libraire, et Mascurat, imprimeur. L’imprimeur [anonyme] au favorable lecteur (page 3) expose les circonstances de leur longue discussion (en ironisant sur la célérité de sa parution) :

    « Ayant appris de Saint-Ange que Mascurat lui avait dit une infinité de belles choses, et de curieuses remarques non moins sur les libelles du temps, que sur les actions du cardinal Mazarin, je l’ai fait prier par nos amis communs de les vouloir coucher par écrit, autant que sa mémoire lui pourrait permettre. Il m’a donc fait le plaisir d’y travailler, quoiqu’assez lentement ; et comme mes presses sont toujours engagées à diverses compositions, il m’a été impossible de te donner celles-ci de Mascurat si promptement que toi et moi l’aurions bien désiré. C’est aussi la seule faute que je te supplie de me vouloir pardonner ; car pour ce qui est de ces dialogues, je suis très assuré que la lecture ne t’en déplaira pas, et que tu seras également satisfait de l’ingénuité de Mascurat, et de mon impression. »

    1. Ibid. pages 528‑529, Naudé, pour justifier l’essor que Mazarin a donné au pouvoir des intendants royaux, invoque :

      « les prodigieuses nécessités de l’État, auxquelles il était impossible de remédier plus promptement que par ce moyen-là, que le poète Ménandre {a} fait passer pour très légitime, lorsqu’il dit, suivant la version de Grotius : {b}

      “ Maître, tout se décide de trois manières : la règle des lois, la nécessité, et la coutume. ” » {c}


      1. Ménandre est un auteur comique grec du ive s. av. J.‑C., dont ne subsistaient, au xviie s., que des fragments.

      2. Hugonis Grotii Florum Sparsio ad Ius Justinianeum.

        [Aspersion des fleurs de Hugo Grotius {i} sur le droit justinien]. {ii}

        Tel est le curieux titre d’un recueil de commentaires sur le Corpus juridique de Justinien. {iii} Ces trois vers de Ménandre y sont cités, en grec et en latin, haut de la page 89, édition de 1643, dans la section intitulée De Legibus, Senatusconsultis et Consuetudine [Les lois, les arrêts et la coutume], sur la sentence Ergo omne jus aut consensus fecit, aut necessitas constituit, aut firmavit consuetudo [Donc tout droit émane de ce qu’a soit dicté la volonté commune, soit imposé la nécessité, soit établi la coutume].

        1. V. note [2], lettre 53.

        2. Paris, veuve de Gulielmus Pelé, 1642, in‑4o de 415 pages, et Amsterdam, Iohannes Blaeu, 1643, in‑12 de 396 pages.

        3. V. supra note [41], triade 81.

      3. La syntaxe latine de Grotius est inhabituelle (ce qui explique, je pense, le « suivant la version » de Naudé). Pour les hellénistes, voici l’original grec, qui me semble plus intelligible :

                                   τρια γαρ εστι, δεσποτα,
        δι ων α παντα κρινειν η κατα τους νομους,
        η τοις αναγκαιης, η τριτον γ’ εθει τινι.

        Cela permet de conclure que le mot Here est une bizarrerie, à prendre pour l’ablatif singulier (Hero) du substantif latin herus (ou erus) qui signifie « le maître » ou « le souverain », despota, en grec.


    2. Ibid. page 609, Mascurat dit à Saint-Ange :

      « C’est quasi du plus loin qu’il me souvienne que d’avoir lu les distiques d’un certain Facetus, imprimé inter octo auctores, {a} dans lequel je remarquai trois ou quatre de ces préceptes, qui me semblèrent si beaux et si véritables que j’en ai toujours conservé la mémoire depuis ce temps-là :

      “ Esprit flottant, regard vague, marche hésitante : voilà trois signes qui ne me font rien espérer de bon d’un homme. ” »


      1. « l’un des huit auteurs » ; il ne s’agit pas d’une facétie de Naudé, car ce distique se lit à la page C vopage C vo de la Faceti Morosi Ethica [Éhique de Facetus Morosus], dont le titre complet est :

        Liber Faceti docens mores hominum præcipue iuvenum in supplementum illorum qui a moralissimo Catone erant omissi iuvenibus perutilis.

        [Livre de Facetus qui enseigne les mœurs des hommes, principalement des jeunes gens : très utile à la jeunesse, en complément de ceux que le moralissime Cato {i} avait omis]. {ii}

        Son distique est assorti de ce commentaire (avec sa ponctuation et ses capitales d’origine) :

        Si tu velis cognoscere homines in quibus nullo modo est confidendum. debes notare ista tria signa. nam quandocumque videbis hominem inconstantem in animo suo non speres in eo. nam si rebus suis propriis est inconstans. quomodo in tuis aspiciet. etiam nec confidas in eum qui dum loquitur tibi vagat hincinde oculis suis. Et si tertio tu videas hominem non trahentem moram continuam alicubi : scilicet hodie in uno loco est et cras in alio. non confidas in eo. nec in aliquo istorum prædictorum trium signorum.

        [Si tu veux reconnaître les hommes à qui tu ne dois de fier en aucune manière, tu dois rechercher ces trois signes : chaque fois que tu en vois un dont l’esprit est instable, n’espère rien de lui, car s’il est inconséquent en ses propres affaires, il s’occupera pareillement des tiennes ; ne fais pas non plus confiance à celui dont le regard fuit çà et là quand il te parle ; troisièmement, si tu vois un homme qui ne tient pas en place, étant en un un endroit un jour et ailleurs le lendemain, ne lui fais pas confiance, ni à aucun de ceux qui présentent l’un des tois signes susdits].

        Facetus Morosus, « Facétieux le Morose », serait le pseudonyme d’un bénédictin allemand mort vers 1230. Comme le signalait Naudé, ses vers ont aussi été publiés dans le recueil intitulé :

        Autores octo morales, cum appendicibus non contemnendis, quorum nomina ex sequenti disces pagella, emaculatiores quam antehac prodierint unquam, Ioannis Rænerii opera. His accessit punctorum formula, cum regimine in mensa servando.

        [Les huit Auteurs moraux avec de non négligeables additions, dont tu apprendras les noms à la page suvante ; {iii} les voici mieux corrigés qu’ils n’ont jamais été auparavant, par les soins de Ioannes Rænerius. Il y a ajouté une Règle de ponctuation et une Manière honorable de se tenit à table]. {iv}

        1. Dionysius Cato, auteur des Distiques moraux, v. note [15], lettre 156.

        2. Cologne, Martinus de Werdena, 1509, in‑fo de 3 feuilles (36 pages), avec ce quatrain en sous-titre :

          Moribus ut placeas morosi dogma faceti
          Perlege. et in cunctis inde facetus eris
          Huc iuvenis propera post disticha sacra Catonis
          Ne tibi rusticitas quantalacunque siet
          .

          [Pour complaire aux mœurs, lis de bout en bout les dogmes de Facetus Morosus ; et tu en deviendras facétieux en toutes choses. Hâte-toi donc de le faire, impatiente jeunesse, pour que le moindre soupçon de rusticité ne demeure en toi après les distiques sacrés de Cato].

        3. Autorum nomina, cum librorum titulis [Noms des auteurs, avec les titres des opuscules], où figure le Faceti lbellus [opuscule de Facetus].

        4. Johannes Rænerius, natif d’Anjou au début du xvie s. était médecin à Lyon et a édité plusieurs ouvrages, dont quatre livres sur le traitement des maladies internes (Lyon, 1553).

        5. Lyon, Theobladus Paganus, 1538, in‑8o de 248 pages ; les deux vers de la triade sont insérés en bas de la page 21 du Faceti liber, avec ce commentaire dans la marge : Frenesis animi mutabilis index [La frénésie indique un esprit instable].

    3. Ibid. page 613, à propos des inondations et des comètes, dans la bouche de Mascurat sur les « vieilles superstitions grecques et romaines » :

      « Mais pour moi, j’estime plus véritable que toutes ces choses-là ne nous font ni bien ni mal, et qu’elles nous sont tout à fait indifférentes, au moins pour ce qui est des comètes ; car pour les inondations, le mal qu’elles nous font n’est que trop sensible : aussi est-ce à mon avis ce qui a donné lieu à notre proverbe, de grand seigneur, grande rivière et grand chemin, fuis, si tu peux, d’être voisin. Mais puisque nous voilà revenus insensiblement aux proverbes, concluons qu’après l’exemple de saint Paul, qui s’en est bien servi dans l’Épître ad Titum, Cretenses semper mendaces, malæ bestiæ, ventres pigri, {a} et le commandement que nous fait Salomon d’y prendre garde, Animadvertet sapiens parabolam, et interpretationem, verba sapientium et enigma eorum, {b} nous avons grand tort de les négliger. »


      1. « Crétois toujours menteurs, mauvaises bêtes, ventres paresseux » : Épître à Tite, v. note [5], lettre latine 75.

      2. « Le sage blâmera le proverbe et l’interprétation, les mots des philosophes et leurs énigmes » (Proverbes 1:6, traduction littérale, non œcuménique, de la Vulgate).

    4. Ibid. pages 694‑695, propos de Mascurat :

      « Aussi n’ai-je jamais pris cette qualité de courtisan ni d’homme de cour, car telles gens ne sont bons que pour eux, et ne valent du tout rien pour leurs maîtres, auxquels ils n’oseraient rien dire qui ne leur soit agréable, rien qui ne les flatte, rien qui les contredise ou qui choque tant soit peu leur inclination ; non pas même quand ils verraient assurément qu’il y va de leur perte, et que, faute de les tirer par le manteau, faute de leur crier, ex formula antiqua, cave canem, ou hoc abe, ou mentem advorte, {a} ils se vont jeter dans les gouffres et précipices. J’y ai donc vécu en vieux Gaulois, {b} en philosophe, en homme désintéressé,

      Virtutis veræ custos rigidusque satelles. {c}

      Et lorsque j’ai eu occasion d’y dire la vérité, je ne l’ai pas celée ni déguisée à personne, non pas même à Son Éminence, {d} qui m’a toujours témoigné d’agréer ces petits effets de l’affection très zélée et très extraordinaire que j’ai pour son service. »


      1. « selon l’antique formule, Prends garde au chien, {i} fuis d’ici, réfléchis bien. »

        1. V. notule {b}, note [20], lettre 407.

      2. C’est-à-dire « bon Français », v. note [38], lettre 6.

      3. « Gardien et rigide escorte de la véritable vertu » (Horace, Épîtres, livre i, lettre 1, vers 17).

      4. Le cardinal Mazarin, dont Naudé était le zélé bibliothécaire.

    5. Ibid. pages 695, Mascurat répond à Saint-Ange qui lui demande d’intervenir en sa faveur auprès de Son Éminence :

      « Je ne ferais en cela que mon devoir car il y a longtemps que nous nous connaissons, et que nous avons vécu ensemble sine lite, sine querela. {a} Et puis j’ai toujours remarqué que ce proverbe, Vetus aurum, vetus vinum, et veteres amici, était très véritable. » {b}


      1. « sans procès ni querelle. »

      2. « Vieil or, vieux vin, et vieux amis ».

        Le Traité de la Prudence, contenant un grand nombre d’instructions, de sentences et de proverbes choisis, {i} a plus tard donné une variante de ce dicton (page 44) :

        « Il y a une autre sorte de bonheur, qui est d’avoir les choses nécessaires à la vie, et d’être content et joyeux. Alphonse le Sage, roi d’Aragon, {ii} disait qu’entre tant de choses que les hommes possédaient ou qu’ils recherchaient toute leur vie, il n’y avait rien de meilleur que d’avoir du vieux bois pour brûler, du vin vieux pour boire, de vieux amis pour faire société, et de vieux livres pour lire, et que tout le reste n’était que bagatelle. Annosum vinum, socius vetus et vetus aurum, hæc sunt in cunctis trina probata locis. » {iii}

        1. Anonyme, sans lieu ni nom, 1733, in‑12 de 712 pages.

        2. Probablement Alphonse x de Castille, dit le Savant ou le Sage, qui régna de 1252 à 1284, et épousa la princesse Yolande, fille du roi Jacques ier d’Aragon.

        3. « Vin chargé d’ans, vieux compagnon, vieil or, trois choses qu’on loue en tous lieux » : proverbe souvent cité par les auteurs ibériques.

    6. Ibid. page 711, propos de Mascurat sur l’idée que « beaucoup de choses véritables sont réputées fabuleuses, à cause de l’ignorance ou du peu d’expérience de ceux qui les lisent dans Pline et autres historiens, ou qui les entendent réciter à ceux qui les ont vues » :

      « Mais si tu avais remarqué comme moi l’humeur des Italiens, {a} tu verrais que la politique des savetiers de ce pays-là est encore plus raffinée que celle des imprimeurs de cestui-ci. {b} Et puis c’est un commun de dire qu’en fait de religion, de médecine et de gouvernement, chacun se pique d’être savant. »


      1. Gabriel Naudé avait séjourné douze ans en Italie, v. note [9], lettre 3.

      2. Les imprimeurs de Paris, alors grands débiteurs de mazarinades (v. note [22], lettre 166).

    47.

    triade 92.

    « “ Athénée, en son livre ii, cite Chérémon, auteur de tragédies non dénué de renom, disant que le vin procure aux buveurs sagesse, goût pour l’étude et bon conseil ” {a} (Cresollius, Vacat. Autumnales, page 432). » {b}


    1. Athénée de Naucratis, Déipnosophistes, {i} livre ii, chapitre i :

      « Χρισημων δε ο τραγωδος παρασκευαζειν φησι τον οινον τοις χρωμενοις γελωτα, σοφιαν, ευμαθειαν, ευβουλιαν. »

      [Chérémon, {ii} le poète tragique, dit que ceux qui usent du vin y trouvent rires, sagesse, goût pour l’étude, bon conseil]. {iii}

      1. V. note [17], lettre de Charles Spon, datée du 6 avril 1657.

      2. Les œuvres de Chérémon, tragique grec du ive s. av. J.‑C., ne sont plus connues que par les citations qu’en ont données d’autres auteurs.

      3. Pour les besoins de sa triade, le rédacteur du Borboniana a omis les rires ; sinon, le grec et le latin cités y sont exactement conformes à l’édition bilingue, fondée sur la recension d’Isaac Casaubon (Paris, 1657, page 35, repère E). Plusieurs autres éditions plus récentes ont curieusement remplacé eumatheïan, « le goût pour l’étude », par son contraire, amathian, « l’ignorance ».
    2. Cette triade est la transcription exacte (incluant la suppression des rires, γελωτα) de quatre lignes imprimées à la page 432, livre ii, section v {i} des :

      Vacationes Autumnales sive de perfecta oratoris actione et pronunciatione libri iii. In quibus e scriptorum elegantium monumentis, gestuum et vocum rationes non indocta copia et varietate explicantur, et vitia in agendo notantur. Opus omnibus eloquentiæ studiosis, et qui vel sacro, vel profano in loco publice dicunt, utilissimum. Auctore Ludovico Cresollio Armorico, e Societate Jesu.

      [Vacances d’automne, ou trois livres sur la parfaite déclamation et prononciation de l’orateur. Où, à partir des ouvrages d’élégants auteurs, et non sans érudition, l’abondance et la diversité du propos expliquent les raisons des gestes et des paroles, et remarquent les défauts qu’on y rencontre. Livre fort utile à tous ceux qui étudient et qui s’expriment publiquement dans une enceinte profane ou sacrée. Par Ludovicus Cresollius de la Compagnie de Jésus, originaire de Bretagne]. {ii}

      Ludovicus Cresollius est le nom latin du jésuite breton Louis de Cressolles ou Crésol, originaire du diocèse de Tréguier (1568-1634). Il « entra au noviciat de Paris à l’âge de vingt ans et remplit successivement avec distinction les chaires d’humanités, de philosophie et de théologie. Écrivant en latin avec pureté et élégance, il fut appelé à Rome par le Père général pour lui servir de secrétaire » (Sommervogel). Entre maints autres ouvrages, Cresollius a aussi publié :

      • Panegyricus Ludovico xiii Galliæ et Navarræ Christianissimo Regi Votus in gratiarum actionem pro scholis restitutis Collegii Claromontani Societatis Iesu in Academia Parisiensi. Item aliæ in aliis gratiarum Actiones…

        [Panégyrique dédié à Louis xiii, roi de France et de Navarre, pour le remercier d’avoir rétabli le Collège de Clermont, {iii} de la Compagnie de Jésus, en l’Université de Paris. Avec d’autres actions de grâces à d’autres personnes…] ; {iv}

      • Anthologia sacra, seu de selectis priorum hominum virtutibus, animique ornamentis. Decas una. In qua ex areolis Sacræ Scripturæ, hortulisque divinorum Patrum, ac Scriptorum aliorum amœnitate, strophia nectuntur ad coronandam pietatem, moresque ornandos,

        [Anthologie sacrée, ou une Décade sur les vertus choisies d’hommes de tout premier rang et les ornements de leur esprit. Elle a cueilli ses bouquets dans les parterres de l’Écriture sainte et les jardinets des saints Pères, et les beautés d’autres écrivains, pour couronner la piété et embellir les mœurs] ; {v}

      • Theatrum veterum rhetorum, oratorum, declamatorum, quos in Græcia nominabant Σοφιστας expositum libris quinque. In quibus omnis eorum disciplina, et dicendi ac docendi ratio, moresque produntur, vitia damnantur, et magni utriusque linguæ illustrantur et emaculantur Scriptores…

        [L’Amphithéâtre des anciens rhéteurs, orateurs et déclamateurs, que la Grèce appelait Sophistes, en cinq livres qui présentent chacune de leurs disciplines, ainsi que leur manière de parler et d’enseigner, et leurs mœurs, en blâmant leurs défauts ; et qui font briller et corrigent leurs grands auteurs dans les deux langues…] ; {vi}

      • Mystagogus de sacrorum hominum Disciplina. Opus varium, e stromatis SS. Patrum, et aliorum eruditione contextum, quo Scriptura explicatur, Patres illustrantur, Scriptores emendantur, Antiquitas lucem capit, mores instruuntur, pietas commendatur.

        [Initiation à la Discipline des saints hommes. Choix varié, tiré des recueils des saints Pères et mêlé à l’érudition d’autres sources, où l’Écriture est expliquée, les Pères sont illustrés, les auteurs sont corrigés, l’Antiquité est mise en lumière, les mœurs sont édifiées, la piété est louée]. {vii}

        1. Intitulée :

          An aquæ potus eloquentiam adiuvet, mentem acuat, prudenti oratori sit usurpandus, et primum adversus aquam dictum.

          [Si boire de l’eau favorise l’éloquence, aiguise l’esprit et la règle que doit observer le sage orateur, et d’abord, ce qu’on dit contre l’eau].

          Athénée y figure à propos des boni et periti scriptores, qui mirifica animi consensione vinum aiunt ad exsuscitandam vim ingenii colligendamque eruditionem valere [bons et habiles auteurs qui, par étonnante conformité de sentiment, disent que le vin a la vertu d’éveiller les forces de l’esprit et d’y attirer le savoir].

        2. Paris, Sébastien Cramoisy, 1620, in‑4o de 706 pages, dédié à Henri de Bourbon évêque de Metz (v. note [35], lettre 299).

        3. En 1618, v. note [2], lettre 381.

        4. Sans lieu ni nom ni date, in‑4o de 72 pages.

        5. Paris, Sebastianus Cramoisy, 1632, in‑fo de 554 pages ; seconde décade parue en 1638.

        6. Ibid. et id. 1620, in‑8o de 528 pages.

        7. Ibid. et id. 1629, monumental in‑fo (3 056 pages) divisé en quatre livres.

    48.

    triade 94.

    « “ Il faut entendre ce propos de Servius {a} sur ce passage. {b} ‘ Trois forces embrassent en effet la vie humaine : la Nature, qui ne permet pas de vivre au delà de 120 années solaires ; le Destin, pour qui 90 années, c’est-à-dire trois cycles de Saturne, {c} fixent le terme, à moins, peut-être, que la bienveillance d’autres astres n’autorise à dépasser ce troisième cycle ; la Fortune, c’est-à-dire le hasard, qui intervient dans tous les accidents venant du dehors, comme sont la ruine, les incendies, les naufrages, les empoisonnements. ’ Telle est la distinction qu’il {a} établit dans son commentaire quand le Poète dit avec talent : Peregi cursum, quem dederat fortuna, {b} en semblant exclure la Nature et le Destin. Cicéron, contre Antoine, fait de même : Multa mihi imminere videbantur præter Naturam, præterque Fatum ; {d} et c’est ce que dit Virgile dit plus bas sur Didon,

    Nam quia nec fato, merita nec morte peribat
    Sed misera ante diem
     ; {e}

    c’est-à-dire, non par Destin ni par Nature, mais par Fortune. Je crois que la distinction établie par Servius {a} est identique à celle que j’avais observée dans Virgile, quand il attribue les choses à la Fortune, au Destin, à la Divinité. De fait, les anciens philosophes entendaient la Nature quand ils parlaient de la Divinité, car la Nature n’est rien d’autre que ce que Dieu a établi au commencement du monde. Voici ce qu’en dit exactement Virgile : ici, Dulces exsuviæ, dum Fata Deusque sinebant ; {f} plus loin, il parle de la Fortune, qu’il avait omise, Vixi, et quem dederat cursum Fortuna peregi. {b} Plus haut dans ce même chant, il y a aussi, etc. {g} Macrobe n’en est guère éloigné quand, au livre i des Saturnales, chapitre xix, il dénombre trois dieux qui président à toute naissance : Dieu, Fortune, Destin. ” {h} Voyez la Cerda sur les premiers livres de L’Énéide de Virgile, page 479. » {i}


    1. Maurus Servius Honoratus, éditeur et annotateur des œuvres de Virgile, au ive s. (v. note [49] du Borboniana 6 manuscrit). La phrase qui suit (entre guillemets anglais) est de sa plume.

    2. La suite fait comprendre qu’il s’agit de ce vers de Virgile : Vixi et quem dederat cursum fortuna, peregi [J’ai vécu et j’ai mené à son terme la course que m’avait assignée la Fortune] (Énéide, chant iv, vers 653) ; paroles de Didon (v. note [23], lettre 551) avant de se donner la mort, dans le désespoir où le départ d’Énée (v. note [14], lettre d’Adolf Vorst, datée du 4 septembre 1661) l’a plongée.

    3. Saturne est « une des sept planètes, la plus éloignée de la terre, et dont le mouvement paraît le plus lent. Il est placé entre le firmament à l’orbite de Jupiter. Quoiqu’il paraisse la plus petite des planètes, c’est pourtant la plus grande, car son diamètre contient 97 fois celui de la terre. Il fait sa révolution dans le Zodiaque en 29 ans, 157 jours et 22 heures » (Furetière).

    4. « Bien de choses paraissaient nous menacer, outre la Nature et le Destin » : Philippiques, discours i, chapitre iv, § 10, contre Marc Antoine (v. note [8], lettre 655).

    5. « Elle ne mourait ni par un coup du Destin, ni par mort méritée, mais par une mort avant l’heure », c’est-à-dire volontaire (vers 696‑697 du même chant, v. note [23], lettre 551).

    6. « J’ai chéri ses vestiges quand le Destin et la Divinité me le permettaient » (vers 651) ; les « vestiges » (exuviæ ou exsuviæ) étaient les souvenirs laissés par Énée, l’amant de Didon : ses vêtements, ses armes, etc.

    7. Le Borboniana abrégeait ici ce passage de la Cerda (qui tend à faire passer Virgile pour un croyant monothéiste) :

      Supra etiam in hoc libro,

      Si modo, quod memoras, fatum, Fortuna sequatur.
      Sed fatis incerta feror, an Iuppiter unam
      esse velit Tyriis urbem, Troiaque profectis ?

      Quo loci Iovem pro Deo posuit.

      [Plus haut dans ce même chant, il y a aussi,

      « Si seulement, une fois accompli ton dessein, la Fortune pouvait suivre ! Les destins me font douter : Jupiter admet-il que les Tyriens et ceux qui viennent de Troie n’aient qu’une seule ville ? » {i}

      Ici, il dit Jupiter pour Dieu].

      1. Vers 109‑111 : propos sceptiques de Vénus à sa mère, Junon, qui l’envoie auprès de Didon afin que, profitant de son fol amour pour Énée, elle accepte l’union de Carthage et de Rome. Les Tyriens sont les habitants de Tyr en Phénicie (Liban moderne).
    8. Macrobe (v. note [2], lettre 52), à l’endroit cité :

      Ægyptii protendunt, deos præstites homini nascenti quattuor adesse memorantes, Δαιμονα, Τυχην, Ερωτα, Αναγχην : et duos priores solem ac lunam intellegi volunt, quod sol auctor spiritus caloris ac luminis humanæ vitæ genitor et custos est, et ideo nascentis daimohn, id est deus, creditur : luna tucheh, quia corporum præsul est quæ fortuitorum varietate iactantur : amor osculo significatur : necessitas nodo.

      [Les Égyptiens disent que quatre dieux président à la naissance de l’homme : les Divinités supérieures, la Fortune, les Amours, la Nécessité. Par les deux premiers, ils entendent le Soleil et la Lune. Le Soleil, étant le principe de la chaleur et de la lumière, est l’auteur et le conservateur de la vie humaine : c’est pourquoi il est regardé comme le daïmôn, c’est-à-dire le dieu du nouveau-né. La Lune est appelée la Fortune parce qu’elle est la divinité des corps, qui sont sujets aux hasards fortuits des événements. L’Amour est figuré par le baiser des serpents, et la Nécessité, par l’accouplement].

    9. Cette triade 94 est intégralement empruntée aux commentaires de Juan Luis de la Cerda sur les « Six premiers chants de L’Énéide de Virgile » (Lyon, 1612, v. supra note [39], triade 73) : paragraphe intitulé « Mort naturelle, fatale, fortuite » (Naturalis, Fatalis, Fortuita mors), page 490 (et non 479), portant sur le vers 653 cité dans la notule {b} supra.

    49.

    Triades 95-96.

    Ce sont deux articles tirés de la Philosophia Altdorphina (Nuremberg, 1644), recueil de thèses et de discours mémorables, respectivement disputées et prononcés à l’Université d’Altdorf en Bavière, {a} publié par Johann Paul Felwinger. Dans sa lettre latine du 24 décembre 1649, {b} Patin avait demandé à Johann Georg Volckamer de lui envoyer ce livre. Caspar Hofmann (mort en 1648), ami et mentor allemand de Patin, avait enseigné toute sa vie à Altdorf.


    1. V. note [32], lettre 155.

    2. V. la référence 2 citée dans sa note [1].

    1. « “ L’ambition est la pire des mères. Elle engendre trois vauriennes de filles : paresse, irréflexion et cupidité sont les pestes de la philosophie et de tous les savoirs ” (Philosophia Altorfina, {a} page 175). » {b}

    2. « “ Nous avons trois raisons d’être effrayés par l’armée turque : 1. elle obéit rigoureusement à l’ordre de son chef ; 2. elle endure parfaitement la privation de nourriture ; 3. suivant la manière dont sa religion considère le destin, elle ne fuit aucun péril ” (ibid. page 311). » {c}


      1. Sic pour Altdorphina.

      2. Article xix (page 175) de la thèse xv, De Causis corruptæ Philosophiæ [Causes qui corrompent la philosophie], disputée en mai 1607 par Georg Fidler, natif de Nuremberg, sous la présidence de Michel Piccart (v. notule {c}, note [29] du Borboniana 4 manuscrit).

      3. Corollaire iii (page 311) de la thèse xxx, De Republica et ejus formis in genere [Sur la République et ses formes de gouvernement, en général], disputée en avril 1612 par Andreas Ludwig Schopper, natif d’Ansbach, sous la présidence du même Piccart.

    50.

    Triade 97.

    « “ Dans Tite-Live, Paul Émile exigeait trois choses d’un soldat : avoir un corps aussi robuste et agile que possible ; des armes convenables et légères ; < et > enfin un courage disposé à recevoir les commandements. {a} Brasidas, au rapport de Thucydide, jugeait que les devoirs du meilleur soldat étaient de vouloir, de respecter, et d’obéir à ses chefs ; {b} le reste<, disait aussi Æmilius,> étant à laisser au bon vouloir des dieux immortels et au soin des généraux ” {a} (Gabriel Naudé dans son livre de Studio militari, page 40). » {c}


    1. En 216 av. J.‑C., Lucius Paullius Æmilius, Paul-Émile, général et consul romain, périt en perdant la bataille de Cannes (Canne dans les Pouilles) contre Hannibal Barca (deuxième guerre Punique, v. note [29], lettre 525). Sans le copier strictement, Naudé (v. infra notule {c}) s’inspirait de Tite-Live (Histoire de Rome, v. note [2], lettre 127), relatant un discours que Paul-Émile adressait à ses troupes (chapitre xxiv, livre xliv) :

      Unum imperatorem in exercitu providere et consulere, quid agendum sit, debere, nunc per se, nunc cum iis, quos advocaverit in consilium ; qui non sint advocati, eos nec palam nec secreto iactare consilia sua. Militem hæc tria curare debere, corpus ut quam validissimum et pernicissimum habeat, arma apta, cibum paratum ad subita imperia ; cætera scire de se diis immortalibus et imperatori suo curæ esse.

      [Le général seul devait dans une armée prévoir et régler les opérations nécessaires, soit par lui-même, soit de concert avec les officiers qu’il appelait au conseil. Ceux qui n’y étaient pas admis ne devaient émettre leurs propres idées ni en public ni en privé. Il appartenait au soldat de veiller à trois choses : avoir un corps aussi robuste et agile que possible ; des armes convenables ; des vivres prêts pour partir au premier ordre. Quant au reste, il devait savoir que les dieux immortels et son général s’en soucieraient].

    2. Brasidas, stratège (général) spartiate du ve s. av. J.‑C., s’est illustré lors de la guerre du Péloponnèse, entre Sparte et Athènes. Thucydide, son contemporain, a écrit l’Histoire de cette guerre (v. note [3], lettre 561) ; il y a relaté un discours de Brasidas à son armée (livre v, chapitre ix), d’où Naudé (v. infra notule {c}) a extrait sa citation textuelle, en en donnant la traduction latine.

    3. Cette triade 97 est la transcription du passage indiqué dans le traité de Gabriel Naudé « sur l’Art de la guerre ». {i} Il appartient au livre i, De Militis Officio [Le Devoir du soldat], § ii, Sed ea tantil. quæ enumerantur ex sapientissimor. il. Ducum sententia [Mais voici brièvement résumé l’avis qu’on tire de ces très sages généraux]. Le Borboniana en a omis contexte et adapté le début (livre premier, pages 39‑40) :

      […] quidquid ex utriusque studiis, et officio pendet mihi sit in votis et animo explicare ; præsertim cum videam istud antea quidem a sapientissimis viris usurpatum, ut brevibus omnino, et tribus tantum aut quatuor verbis, illud omne quod ad Militem spectat, complexi sint. Nam Paulus Æmilius apud Livium, tria solum modo illi curæ esse volebat, nempe ut […].

      [(…) mon vœu et ma volonté seraient d’expliquer tout ce qui dépend du zèle et du devoir de chacun ; {ii} mais voyant fort bien que de très sages auteurs se sont déjà attachés à le faire, je me contenterai de résumer très brièvement, en trois ou quatre mots seulement, tout ce qui regarde le soldat. Dans Tite-Live, Paul Émile voulait que cela ne tînt qu’à trois choses, à savoir (…)]. {iii}

      1. Rome, 1637, v. note [10], lettre latine 4, à Jan van Beverwijk, datée du 19 juillet 1640.

      2. Chef et soldat.

      3. Suit la triade empruntée.

    51.

    Triades 98-100.

    1. Ce propos du maréchal de Bouillon {a} sur les secrets n’a pas de source que j’aie su identifier. Le commentaire qu’en donne le Borboniana ne surprendrait en rien sous la plume de Guy Patin.

      Henri de la Tour d’Auvergne, duc et maréchal de Bouillon, mort en 1623 (v. note [2], lettre 187).
    2. « Pour celui à qui il faudrait confier la juste administration des finances royales, Mamertinus déclare, dans son Panégyrique à Julianus Augustus, que ce doit être un homme ayant l’esprit désintéressé par l’argent, indifférent aux insultes, inaccessible à la jalousie. »

      Claudius Mamertinus (Mamertin) est un consul romain du ive s. dont l’abbé Louis-Sébastien Le Nain de Tillemont (1637-1698) a résumé l’existence dans sa monumentale :

      Histoire des empereurs et des autres princes qui ont régné durant les six premiers siècles de l’Église, des persécutions qu’ils ont faites aux chrétiens, de leurs guerres contre les juifs, des écrivains profanes, et des personnes les plus illustres de leur temps. Justifiée par les citations des auteurs originaux, avec des notes pour éclaircir les principales difficultés de l’histoire. Tome quatrième. Qui comprend depuis Dioclétien jusqu’à Jovien. Par le sieur D.T. {a}

      Article xiv, sur l’empereur Julien, {b} « Du Consul Mamertin : Julien prend Aquilée, embellit Constantinople. L’an de Jésus-Christ 362 » (volume quatrième, pages 515‑516) :

      « Julien avait désigné Mamertin et Nevitte pour consuls dès devant la mort de Constance. {c} […] Mamertin était fort âgé lorsque Julien le fit consul. [Nous ne voyons rien de sa naissance.] {d} Il dit lui-même qu’il n’était pas riche. Il avait exercé divers emplois quand on l’y avait appelé, ne les ayant, dit-il, jamais désirés par ambition, ni refusés par lâcheté ou par paresse. Il avait toujours néanmoins désiré le consulat, qui n’était alors qu’un honneur sans peine, [et sans presque aucune fonction. Il se pique fort de probité, d’honneur, de générosité et d’intégrité.] {d} Il dit que c’était pour cela que Julien l’avait élevé ; et qu’après lui avoir donné le soin de garder et de distribuer les finances, il l’avait fait préfet du prétoire [d’Illyrie,] {d} et enfin consul. Cependant, Ammien, {e} païen comme lui, nous apprend qu’il fut mis en justice sur la fin de 367, comme coupable de péculat, [et ne dit point qu’il s’en soit justifié.] {d} Il dit même qu’il fut déposé sur cela de la préfecture que Valentinien {f} lui avait conservée. »


      1. Paris, Charles Robustel, 1697, in‑4o de 726 pages ; ensemble composé de 6 tomes. Un portrait de l’auteur orne le premier d’entre eux, paru en 1690.

      2. Julianus Augustus, que les chrétiens ont surnommé l’Apostat, v. note [15], lettre 300.

      3. L’empereur Constance ii (337-361), prédécesseur de Julien (361-363). Nevitta était un militaire barbare (goth) que Julien avait promu au consulat en même temps que Mamertin, en 361.

      4. Les passages entre crochets marquent les additions de l’abbé de Tillemont. Le reste est tiré des sources qu’il référence dans la marge de son texte.

      5. L’historien latin Ammien Marcellin, v. note [51] du Faux Patiniana II‑2.

      6. Valentinien ii, empereur de 375 à 392.

      Parmi quelques autres écrits, Mamertin a laissé un panégyrique pro Consulatu gratiarum actio Iuliano Augusto [pour remercier l’empereur Julien de lui avoir attribué le consulat]. Il était alors imprimé (entre autres) dans les :

      xii. Panegyrici veteres, ad antiquam, qua editionem qua scripturam, infinitis locis emendati, aucti, nuper quidem ope Ioh. Livineii, nunc vero opera Iani Gruteri ; præter quorum notas accedunt etima coniecturas Valentis Acidalii, et Conradi Rittershusii.

      [Douze Panégyriques anciens, augmentés et corrigés en conformité avec l’édition et l’écriture antiques, naguère par Johannes Liveneius, {a} et maintenant par Janus Grüter. {b} Outre leurs annotations, on y a ajouté les conjectures de Valens Acidalius {c} et de Conradus Rittershusius] {d}.


      1. Jan Lievens, 1546-1599.

      2. V. note [9], lettre 117.

      3. Valentin Havekenthal, 1567-1595.

      4. Francfort, Nicolaus Hoffmannus, 1607, in‑8o de 615 pages.

        V. notule {b}, note [9], lettre latine 229, pour Rittershusius (Conrad Rittershausen, 1560-1613).

      Le passage cité par le Borboniana s’y lit à la page 209, qui est la première du panégyrique de Mamertin, et forme un plaisant contraste avec le récit de l’abbé de Tillemont :

      Et sane in his honoribus quibus me prius honestaras minor esse causa ad agendas gratias videbatur ; nam cum me ærarium publicum curare voluisti, cum quæreres virum animi magni adversus pecuniam, liberi adversus offensas, constantis adverusu invidiam, me (qui tibi viderer ejusmodi) dilegisti, idque eo tempore quo exhaustæ provinciæ partim deprædatione barbarica, partim non minus exitiabilibus quam pudendis præsidentium rapinis, ultro opem Imperatoris exposcerent, milites sæpe anteactis temporibus ludo habiti, præsens stipendium flagitarent ; quoquo modo videbat honorem onere pensare.

      [Pour les charges dont tu m’avais précédemment honoré, il ne me semblait vraiment pas y avoir de motif à t’en rendre grâces ; mais quand tu as voulu me confier les finances publiques, recherchant un homme ayant l’esprit désintéressé par l’argent, indifférent aux insultes, inaccessible à la jalousie, c’est moi que tu as choisi (car je te paraissais correspondre). Cela m’échoit pourtant au moment où, d’un côté, les provinces sont ruinées, pour partie à cause des pillards étrangers, et pour partie à cause des rapines, non moins funestes que honteuses, perpétrées par les gouverneurs, et elles réclament à hauts cris des aides qui dépassent les richesses de l’empereur ; et de l’autre, les soldats, dont l’humeur était naguère souvent joyeuse, exigent le paiement sans délai de leur solde. À tout point de vue, cette charge semblait plus un boulet qu’un honneur].

    3. Cette ultime triade rabâche une oiseuse raillerie contre les Méridionaux, Provençaux et Languedociens du « pays d’Ousias » (v. note [5], lettre 260) ou « d’Adieusias » (v. note [2], lettre 397). Patin l’a proférée trois fois dans ses écrits :

      • lettre à Charles Spon du 16 janvier 1652 (fin du premier des deux passages datés du 12 janvier), où elle est attribuée à « un de nos docteurs » ;

      • lettre à André Falconet du 19 décembre 1660, où Honoré d’Urfé en est déclaré auteur (dans L’Astrée, v. sa note [7]) ;

      • le Patiniana I‑1, où elle est mise sur le compte du même d’Urfé (v. sa note [46]).

      La paternité de cette moquerie est ici conférée à « M. A. », initiales qui ont été biffées dans le manuscrit (mises entre accolades dans ma transcription), mais que je ne suis pas parvenu à sûrement déchiffrer : dans le roman, la boutade est prononcée par le berger Silvandre (qui représente d’Urfé lui-même) ; mais parmi les docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris, Martin iv Akakia (v. note [30], lettre 392) pourrait correspondre.

      Quoi qu’il en soit, je ne pouvais rêver invective plus parlante pour y lire une signature de Patin, le désignant comme auteur des cent triades, au-delà de tout doute raisonnable. Je ne pense guère me tromper non plus en croyant qu’elles traduisent ses intimes convictions morales, sociales, politiques et religieuses ; mais sans la moindre trace d’inclination pour le scepticisme athée que d’aucuns lui attribuent. En me fondant sur les dates des références imprimées les plus tardives (1649, v. supra note [45] et [46]), j’estime que les triades du Borboniana ont dû être rédigées, au moins en partie, vers 1650.


    Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Ana de Guy Patin : Triades du Borboniana manuscrit

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    (Consulté le 10/04/2024)

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