[Page 77 | LAT | IMG] Fuir la lumière des hommes, et se soustraire au jugement du vulgaire, voilà certes la meilleure manière de vivre tranquille, comme l’enseigne cet antique proverbe rebattu, Vis caché, que le poète [2] a élégamment traduit :Crede mihi, bene qui latuit, bene vixit, et infra
Fortunam debet quisque manere suam. [1]N’y a-t-il pas lieu de méditer sur ce précepte que les Anciens ont justement énoncé autrement ? Surtout quand nous avons sous la main l’opuscule que Plutarque a tout entier consacré à ce sujet, où il nie qu’il faille suivre ce conseil des sages antiques ? [2][3] Et plus encore, quand nous avons du même auteur un autre traité, Comment on peut se louer soi-même sans s’exposer à l’envie, où il enseigne fort élégamment qu’il est permis au sage de se louer lui-même ? [3] Quoi qu’il en dise, cela est assurément tout à fait étranger à ma disposition d’esprit, car je ne connais absolument rien de plus imprudent que d’écrire sur soi-même ni, certes, rien qui me soit plus désagréable ; mais plusieurs raisons sont ici parvenues à m’empêcher de respecter ma volonté et ma résolution : l’une est de produire un ouvrage que j’ai estimé ne pas devoir laisser incomplet ; une autre tient aux prières de mes amis qui, depuis longtemps, ne se contentent pas de me demander cela, mais [Page 78 | LAT | IMG] l’exigent comme un dû, car ils n’ignorent pas quel a été mon sort, qui m’a roulé deçà delà comme un jouet de la Fortune, [4] et poussé, bien contre mon gré, à voir tant d’hommes et de contrées, et à m’exhiber sur le théâtre du monde. Pour donc ne pas paraître repousser leur affectueux conseil ni mépriser leur souhait, j’ai à cœur de dire aussi maintenant quelque chose de moi. [4] Au jugement de Tacite, dans la Vie d’Agricola, c’est la confiance en leurs bonnes mœurs ou quelque forme d’arrogance qui détermine les auteurs à écrire leur propre vie. [5][5] Ni l’une ni l’autre ne m’a poussé à le faire, mais bien l’exigence du livre que je publie ; et sans aucun désir de gloire, j’y exposerai mon existence telle qu’elle s’est véritablement déroulée, en la donnant aux autres à voir comme au travers d’une claire-voie.
[Enfance, 1633-1647]
J’ai eu pour père Guy Patin, médecin et professeur royal, [6] à la suite de Jean Riolan. [7] Ce fut un homme éminent et doté d’un immense savoir, à qui on donnait les surnoms de bibliothèque vivante et de musée ambulant. [6][8] Je semblerais retrancher à sa gloire méritée si j’ajoutais quoi que ce soit à la piété que j’ai montrée à l’égard de sa mémoire. Le souvenir de cet homme est encore maintenant en honneur dans les esprits des lettrés : il l’y a animé par la maîtrise de son art et par l’étendue de sa doctrine, unies à la singulière intégrité de ses mœurs, et en France et dans les pays voisins. J’en appelle au témoignage des Allemands, les plus sincères des hommes, qui avaient coutume de rechercher à l’envi ses opinions et ses avis, [9] et non seulement de l’appeler leur ami commun, mais aussi leur parent. Il avait épousé Jeanne Janson, [10] à l’amour de qui je dois le lait que j’ai bu pendant 20 mois et [Page 79 | LAT | IMG] la vigilante édification de ma petite enfance. [11] Aux femmes qui l’engageaient à me trouver une nourrice, moyennant salaire, comme on aime fréquemment à le faire, elle objectait inlassablement que les mères plus désireuses de faire des enfants que les allaiter ou les élever étaient coupables d’intolérable lâcheté, et qu’elles corrompaient souvent ainsi leur descendance chérie en la nourrissant de l’indigne lait tiré d’un autre sein. [12] En outre, je dois à cette excellente et très pieuse mère ma parenté avec les plus nobles familles, qui n’auront jusqu’ici pas eu à douter que je les reconnais et salue comme liées à mon sang. [7][13]Un fait survenu au tout début de mon existence mérite d’être rapporté, car ceux qui professent l’art divinatoire prétendent en général qu’il s’agit d’un heureux signe et d’un bon augure : [14] quand je suis venu au monde, la membrane me couvrait la tête à la manière d’une coiffe, comme si la Nature m’avait jeté cette enveloppe sur les paupières pour retarder le moment où je verrais les misères de la vie humaine, ou plutôt pour m’armer contre les épreuves qui m’attendaient. Pour dire ce que j’en pense, je crois qu’il s’agit d’un dédoublement de la dernière des membranes qui enveloppent le fœtus, qu’on appelle l’amnios, [15] simple fantaisie de la Nature, sans autre signification prophétique. [8]
Étant ainsi né le 23 février 1633 à Paris, capitale de la France, je me suis attaché à étudier avant même de savoir ce qu’étaient les études. En femme d’esprit vigoureux, ma mère m’avait enseigné la lecture à trois ans, et l’écriture à quatre ans. Mon père, dans la mesure où il en avait le temps, la seule chose dont il fût très avare, m’a appris à comprendre le latin familier et à le parler, si bien qu’avant d’avoir six ans, comme par aisance naturelle, [Page 80 | LAT | IMG] j’étais capable de converser en latin avec les gens instruits, et en français avec le commun de mon entourage.
Mon père étant débordé par l’exercice de son métier, M. Gontier [16] l’a soulagé de son amicale et diligente sollicitude. Il est encore aujourd’hui le principal médecin de Roanne, [17] sa ville natale, qui est une cité assez connue sur les rives de la Loire. [18] Je reconnais avec gratitude devoir à cet homme non seulement les rudiments de ce qu’on appelle [9] les humanités, mais aussi tout ce qu’il était possible de m’inculquer en cet âge tendre, et particulièrement les éléments d’histoire grecque et latine.
La bibliothèque de mon père, [19] jadis extrêmement riche, par l’abondance de ses ouvrages, mais aussi par leur rareté et leur choix, que n’a surpassée aucune de celles qu’on a jamais vues chez un particulier, m’a certes procuré des livres à foison, mais elle semblait insuffisante à satisfaire l’ardent désir de lire qui me consumait. Sur sa double foi en mon habileté et en mes dispositions naturelles, mon père m’a décrété non pas héritier, mais patron de tous les livres que je saurais comprendre sans le secours d’une traduction. Ces mots de mon précepteur augmentant ainsi ma bonne fortune, que je ne puis comparer à celle d’aucun roi, je mis alors tous mes soins à apprendre le grec, et il m’a vu si bien y parvenir et dépasser de si haut le vœu qu’il formulaitt, que Plutarque, [20] Dion, [21] Diodore de Sicile, [22] Denys d’Halicarnasse, [23] Xénophon, [24] ainsi qu’Homère, [25] le père des poètes, et certains autres écrivains d’éminent renom me sont devenus familiers. Ce faisant, je n’ai négligé ni les Italiens ni les Espagnols, brûlant du désir très assidu d’accéder à leurs élégances et à leurs Grâces, [26] soit pour me cultiver l’esprit, soit pour me reposer d’études plus austères. [10]
À onze ans, pour ne pas perdre de temps à aller et venir, je fus mis en pension au Collège de Presles-Beauvais [27] [Page 81 | LAT | IMG] recommandé aux bons soins et à l’amitié de Cl. Albertus, homme d’une singulière érudition qui, dans sa charge ordinaire d’enseigner la rhétorique, exposait le matin les faits remarquables de la guerre de Troie, et l’après-midi, les lois des Douze Tables. [11][28] Ses démonstrations n’étaient à mon avis pas moins agréables à écouter que dignes de l’être. J’avoue que ces leçons me captivaient l’esprit, mais mes condisciples les jugeaient soit inutiles, soit trop ardues. Comme les régents avaient remarqué que j’étais plus attentif à ce qu’ils enseignaient, ils me destinèrent à d’autres apprentissages, capables de contenir opportunément les élans d’un esprit adolescent. C’est ainsi que je fus initié aux rites de la philosophie. Je consacrai deux ans aux disputations et aux argumentations, en ajoutant même mes soirées aux journées qui me paraissaient trop courtes.
Mes études progressaient ainsi heureusement, quand survint un accident qui me troubla fortement l’esprit : avant de faire imprimer mes conclusions gréco-latines (qui, à la mode parisienne, étaient fort longues car elles contenaient la philosophie tout entière), je les soumis à la censure de mon professeur, Roger O’Moloy, [29] philosophe irlandais non dénué de quelque célébrité, mais il refusa de les examiner, disant qu’il ne pouvait les approuver en aucune façon et que je m’étais attaqué à un monstre hors de ma portée. À mon souvenir, jamais flot de larmes ne pourra surpasser celui que je versai alors, pensant que c’en était fait de moi (je me repens encore aujourd’hui de ma pusillanimité). Le savoir-faire de mon père put seul trouver un accommodement : il invita à dîner mon directeur d’études, le R.P. Cyrillus Rhodocanacis, originaire de l’île de Chio [30] (qui a depuis été, dit-on, nommé patriarche en Orient), et ils convinrent que, si la force d’âme ne me faisait pas défaut, je devais m’acquitter de mon devoir, même sans protection [Page 82 | LAT | IMG] et en dépit de toute la difficulté qui s’y rencontrerait, pour la bonne raison que ce professeur n’entendait rien à la langue grecque. Je me serais certainement engagé dans un si rude combat, tant le désespoir m’avait rendu téméraire, si une plus sage réflexion n’avait déterminé mon régent à préserver sa bonne réputation. Si bien que le 4 juillet 1647, ayant atteint l’âge exigé de 14 ans, en présence du nonce apostolique, de 34 évêques, d’éminents personnages de la cour, du Parlement et de la Ville, après une dispute de cinq heures dans les deux langues, je fus heureusement honoré du titre de lauréat en philosophie, que les Parisiens intitulent plus modestement magisterium artium. [12]
[Études en droit puis en médecine, 1647-1655]
Après avoir sacrifié quelques semaines aux délices de la chasse, auxquels il n’est pourtant pas rare que les meilleurs esprits se distraient, je m’en évadai pour retourner aux études, à quoi me portait une ardeur innée, pour ne pas dire une véritable furie. De retour à Paris, je fus accaparé par la réflexion sur le métier que je choisirais. J’avais en vue la médecine, sœur de la très chérie philosophie, art de la vie et gardienne du salut. Mon père m’avait inspiré pour elle un amour peu commun. Un certain mien oncle maternel s’y opposait pourtant ; il était lui-même juriste et comme il se voyait sans enfants, il avait promis de me déclarer héritier de ses biens et de m’adopter pour fils, tout en pourvoyant à la dépense pour que je devinsse un avocat de quelque mérite ; c’était assurément ce qu’on appelle aureos montes polliceri. [13][31] Il nous sembla, à mon père et à moi, que nous étions dans l’impossibilité de refuser l’offre de cet oncle qui jouissait d’une grande autorité sur notre maison. Je m’attaquai donc au droit, autant de gré que de force, de sorte que celui qui y avait dirigé ma formation, le célèbre [Page 83 | LAT | IMG] lecteur de droit Mongin, [32] décida après 16 mois que le moment était venu pour moi d’accéder au doctorat dans les deux droits. Ce qui fut dit fut fait, par les préalables poitevins, nom qu’ils donnent aux licences ; [33] et je prêtai serment devant le Parlement de Paris, présenté par le très éloquent M. Bataille, [34] dont j’étais naturellement l’obligé, pour attribuer à chacun la juste part qui lui revient. En tout, j’ai consacré six ans à ces études, à savoir au droit romain, qui comprend les Institutes, le Digeste, le Codex [35] et les autres lois, à quoi j’ai ajouté notre droit français. [14][36] Tandis que je m’y exerçais, je passais pourtant la plus grande partie de mes soirées, comme en cachette, à m’initier aux plus plaisantes études de la médecine.Je ne veux pas taire ici la sagesse de mon père qui, ayant sondé la vérité des choses, m’a avisé d’être plus attentif à mes intérêts et de tirer mauvais présage du silence de mon oncle. Soyez avocat, disait-il, soyez juge, jamais vous ne pourrez accéder aux plus hautes magistratures, car elles sont réservées aux puissants les plus opulents. Vous pâtiriez de vous nourrir du lait que vous promet un oncle avare et chiche. Désirez-vous être continuellement asservi à la réputation ou à l’ignorance d’un autre, voire même à sa fourberie ? Si vous abandonniez au contraire les disputes du barreau et vous tourniez vers la médecine, pour pénétrer les merveilles de la nature, auxquelles vous avez déjà prêté quelque attention, en hésitant à vous y consacrer, vous pourriez un jour être utile à vous-même, aux vôtres, à la patrie et peut-être aussi au monde entier. Vous apprendriez et enseigneriez l’art qui ne prescrit pas seulement ses lois aux magistrats, mais aussi aux rois et aux empereurs. Enfin, vous verriez tous les plus sages boire vos paroles et se soumettre à votre arbitrage. Souvenez-vous, mon cher stoïque [37] (ainsi avait-il coutume de m’appeler, [Page 84 | LAT | IMG] en raison de ma prétendue impassibilité) de notre Marescot, [38] qui proclamait devoir trois choses à notre art sacré, dont il n’eût pas joui s’il s’était résolu au sacerdoce qu’ambitionnaient pour lui ses parents : une santé d’athlète en sa 82e année d’âge, cent mille écus d’or, et l’intime amitié d’innombrables personnages illustres. [15] Il y ajoutait la facilité que j’y trouverais en m’entretenant ou en étudiant avec lui à la maison. Ayant sur-le-champ promis de tout faire à son idée, je rangeai les ouvrages disparates de mon petit cabinet de façon que nul, hormis mon père, ne sût que j’avais substitué Hippocrate [39] à Justinien, et les médecins aux juristes. Riolan, [40] Pardoux, [41] Valleriola, [42] Fernel, [43] Paré, [44] Hofmann, [45] Renou, [46] Houllier, [47] Duret [48] et d’autres, qui m’étaient en quelque façon déjà familiers, m’ont enseigné l’apprentissage du métier que j’avais adopté, où mon père éclairait ma route. Au moment où j’ai été propulsé au grand large, et sur le conseil de mon père et de mon propre chef, j’ai choisi Galien [49] pour capitaine de mon petit navire et pour guide de mes études, car j’avais compris qu’il est le véritable génie de la Nature. J’y ai joint Dioscoride, [50] Celse, [51] Avicenne [52] et d’autres princes de la médecine, dont la diversité me délassait l’esprit quand j’étais fatigué. [16]
[Médecin à Paris, 1655-1667]
Me voilà enfin docteur régent de la Faculté de médecine de Paris, après avoir été paré de la dignité de bachelier, à la suite d’un examen de 4 jours, d’une singulière minutie, [53] suivi des coutumières deux années et demie d’études, au prix d’innombrables examens de théorie et de pratique, tant publics que privés, et d’une somme de deux mille livres tournois. [17][54][55]Vers ce temps-là, mon père saisit l’occasion d’un des entretiens secrets qu’il avait avec moi dans son cabinet, tard dans la soirée, tandis que la famille dormait, pour m’embrasser avec fougue, [Page 85 | LAT | IMG] me témoigner sa joie, allant jusqu’aux larmes, me remercier d’avoir si diligemment conduit mes études et me promettre tous les biens qu’il posséderait à sa mort. J’ai toujours méprisé la fortune, disait-il, à lui seul, l’amour que je vous porte surpasse déjà mes désirs : outre mes maisons de Paris [56] et des champs, [57] et ma bibliothèque, jouissez comme vôtre de mon argent. [18] Je répondis à cela que je ne lui avais encore rien prouvé, tout en le remerciant beaucoup la générosité de son affection paternelle, que je ne m’étais pas acquitté de ce que je lui devais, mais que je ne manquerais jamais de constance à me souvenir de mes obligations à son égard. Il voulut alors que je me loge dans une maison séparée de la sienne et la meubla très généreusement, incluant une bibliothèque, remarquable pour son excellent choix d’ouvrages, touchant principalement à la médecine et à littérature la plus élégante ; j’y ajoutai toute sorte d’ossements et des instruments chirurgicaux, un bahut rempli de médicaments venus d’Europe et des pays lointains, des cartes de géographie, des tables chronologiques, des portraits de gens célèbres et des médailles, à tel point que n’y manquait presque rien de ce qu’on peut imaginer pour instruire, distraire ou enflammer l’esprit. [58]
Il s’émerveillait, et moi plus encore que lui, de la multitude de gens qui recouraient à mes services, où j’avais très rapidement progressé du menu peuple à la haute société. La multitude des pratiques plus urbaines me poussa à dire adieu aux couvents de moniales qui m’employaient comme médecin. N’en ayant retenu que l’hôpital dit des Incurables, [59] qu’on célèbre parmi les mieux fournis du monde pour la très grande rareté des maladies qu’on y soigne, et qui me dotait d’obligations et d’un renom fort estimables. [60]
[Page 86 | LAT | IMG] Je soignais seul les maladies les plus bénignes et les plus banales ; mais pour les cas graves, je ne prescrivais rien sans avoir pris l’avis de mon père. Je garde plus de mille billets emplis de ses conseils, qui levaient mes doutes et que j’appliquais avec plus d’assurance qu’oracles émanant du trépied de Delphes. [61] J’ai plaisir à en rapporter ici un cas qui, à mon avis du moins, peut être utile ailleurs. J’avais prodigué mes soins à un jardinier de la cinquantaine que sa bile [62] baignée de suc mélancolique [63] avait rendu intelligent, studieux et même poète. Saisi par une fièvre tierce, [64] il en guérit heureusement après quatre ou cinq paroxysmes, à l’issue desquels il restait affligé d’une insomnie rebelle. Comme nous étions en octobre, je redoutais qu’au cours du prochain hiver, la tierce fût suivie d’une quarte. [65] Selon mon habitude, j’écrivis tout cela à mon père. J’ajoutai que j’avais en vain recouru aux somnifères, que le patient était extrêmement impatient, qu’il conservait tant soit peu de force, ne ressentait plus ni fièvre ni douleur, n’admettait de remède que pour mieux dormir, avantage dont sa coutumière anathymiasis [66] le privait ; mais qu’il y avait péril en la demeure et que je pensais donc devoir recourir à des substances plus énergiques en prescrivant, s’il y consentait, un petit grain d’opium, [67] sans penser à ce qui se vend sous le nom de diacode [68] ou de laudanum. [69] À quoi, il me répondit : Ô mon cher fils, comme vous défendez bien l’opium ! Comme vous me semblez vous en faire l’avocat ! Comme vous n’avez rien omis de ce qui s’opposerait à son emploi ! Donnez-en donc si ça vous chante, mais souvenez-vous qu’on décrit éloquemment l’opium en le comparant à un serpent : il cherche d’abord à flatter, mais ensuite, il mord et tue. Je mis ce billet sous les yeux du patient, et il lui inspira la frayeur de toute tentative périlleuse ; je lui conseillai de remettre la décision à plus tard, en lui disant n’avoir pas été formé dans une école où on achète quelques heures de repos [Page 87 | LAT | IMG] au hasard de la vie. Il approuva et tint mon sage conseil pour précieux. De fait, il dormit plusieurs heures la nuit suivante, soit par l’effroi du remède empoisonné, soit pour avoir digéré ce qui lui restait de matière morbifique. [19]
J’ai plaisir à transcrire ici certains préceptes particuliers que mon excellent père m’a inculqués vers cette époque, afin qu’ils témoignent de son immense amour pour moi et renforcent la réputation de sagesse et d’éminente intelligence de l’art qui ont fait sa valeur. [70] Je vous ai recommandé, disait-il, le divin Hippocrate et Galien afin que vous ne doutiez en rien qu’il faille les préférer aux autres auteurs qui ont écrit sur notre art. Je n’ai pas à cœur de vous répéter ce que le premier, dans son Serment, [71] et le second, dans son Exhortation aux bonnes pratiques des arts, [72] et bien ailleurs, ont enseigné aux jeunes médecins sur ce qui touche à la philosophie des mœurs. Je veux vous aviser de quelques autres conseils. Sachez que vous n’aurez pas affaire à moins de fous que de sages : cette condition est commune à tous les mortels et particulièrement aux médecins. Vous peinerez à rencontrer un malade qui soit totalement sain d’esprit : l’un ne veut pas être guéri, l’autre vous veut du mal ; presque tous mettent en doute la supériorité du médecin, sans pourtant vous égaler en savoir. Ils sont fréquemment trompés, mais désirent plus fréquemment encore être trompés. Beaucoup s’inventent des merveilles dans la constitution de leur corps, dans leurs idiosyncrasies, [73] dans le genre de leur maladie, et aussi dans le choix de leurs remèdes. Vous les contredirez si vous exercez votre métier avec probité, science et jugement. Pour parvenir plus heureusement à cela, après avoir méprisé tant de vaines questions, qui visent toutes à la pure recherche d’intérêts, ne vous consacrez qu’à celles qui pourront mettre au jour les maladies par n’importe quel moyen : quand vous aurez ainsi acquis le pouvoir de présager, qu’on appelle le pronostic, vous ne serez pas très éloigné du talent de guérir. Je loue la botanique, qui est la plus instructive partie de l’histoire naturelle, mais je ne voudrais pas que vous la cultiviez outre mesure : [Page 88 | LAT | IMG] faites-en ut e Nilo, canis. [20][74] Gardez-vous de toute curiosité et ne vous intéressez qu’à ce qui vous est utile. Je ne conteste pas que l’anatomie soit l’œil de la médecine et qu’elle n’y ait pas moins de valeur que n’a eu le fil d’Ariane [75] pour Thésée, [21][76] mais je ne voudrais pas que vous vous impliquiez trop dans des controverses dont je me contente d’entendre parler : n’existe-t-il pas des ovaires chez les femmes ? [77] les surrénales [78] ne recueillent-elles pas l’atrabile [79] pour la mélanger à la masse du sang ? le cervelet [80] ne dirige-t-il pas les mouvements incessants, et le cerveau, les mouvements volontaires ? les glandes conglobées et conglomérées n’ont-elles pas des fonctions différentes ? [22][81] Cela certes est beau, mais demande qu’un homme s’y consacre tout entier, en l’éloignant peu à peu de la véritable étude de la pratique. Qu’on loue la chimie autant qu’elle le mérite, [82] mais prenez garde à ne pas la préférer à la sage méthode : ayez en tête le grand nombre de gens qu’elle a tués, et le peu qu’elle a sauvés ! Je n’ajouterai qu’une chose : ne vous opposez pas seulement aux empiriques [83] et aux petites bonnes femmes, mais aussi aux sages personnages qui désirent juger et même décider en un métier qu’ils ne comprennent pas. C’est ainsi que vous serez continuellement utile et jamais ne nuirez. [23]
Je m’absorbai alors dans mes occupations médicales, quand la dive Fortune me sourit de nouveau : comme le docteur Lopès [84] avait été appelé à se rendre à Bordeaux de manière impromptue, il abandonna sa charge de professeur de pathologie, [85] qui est la plus importante de l’École. [24] La très salubre Faculté fut aussitôt convoquée pour attribuer cette chaire à l’un de ses docteurs. Selon la coutume, elle désigna cinq électeurs parmi les présents, qui s’entendirent pour proposer trois noms. [86] Les trois billets furent mélangés dans l’urne et la main du doyen en tira un qui fut celui de Charles Patin. [25][87] La condition avait été préalablement posée que celui qui serait proclamé aurait dispense du discours inaugural habituel, de manière à enseigner sans délai, étant donné le peu de temps dont on disposait. C’est ainsi qu’à un âge auquel personne n’avait encore professé à [Page 89 | LAT | IMG] Paris, je devins titulaire de cette chaire. Je dirigeai la première anatomie [88] publique de cette année-là dans l’amphithéâtre des Écoles sur le cadavre d’une femme qui avait eu la bonne fortune de m’échoir ; le dissecteur fut Paul Emmerez, [89] chirurgien fort expérimenté. Il ne m’appartient pas de représenter avec quel succès j’ai rempli les devoirs de ma charge : cinquante étudiants en médecine, [26] qui, je pense, sont maintenant tous docteurs, témoigneront de ce que j’ai accompli ; tout autant que les apprentis chirurgiens qui désiraient apprendre de moi les préceptes de l’art. En vertu d’un décret que la très salubre Faculté avait voté, je leur ai enseigné, pendant les quelques années qui ont suivi, la manière de connaître l’histoire des tumeurs, de traiter les plaies, les ulcères, les luxations et les fractures, et d’exécuter les grandes opérations de chirurgie sur des cadavres. Comme aussi je commentais les dissections en français, un grand concours de courtisans et de dames me fit l’honneur de venir y assister chez moi. La rumeur enflait disant que j’expliquais chacune des fonctions du corps et de chacune de ses parties en prenant soin de ne rien dire qui pût offenser de chastes oreilles. [27]
Je pense ne pas m’écarter du sujet en insérant ici une observation médicale qui confirme la vigilance, la sagacité et la sagesse de la nature. J’étais depuis dix ans le médecin d’un très honnête marchand nommé Jean Le Blond, [28][90] octogénaire en proie aux symptômes de la pierre, [91] mais autrement en bonne santé. Bien qu’affligé de douleurs continues, jamais leur incommodité ne le conduisit à garder le lit ou à délaisser sa boutique. Cela l’obligeait cent fois par jour à quérir son pot de chambre pour y déverser à toute occasion un peu d’urine, s’il n’y substituait pas une éponge placée aux endroits adéquats. [92] [Page 90 | LAT | IMG] Quand il fut à bout de forces, je le persuadai de s’aliter et l’engageai cordialement à bientôt dire adieu aux douleurs, à la maladie, à la vieillesse et à la vie. Cet homme, qui n’était pas dénué de tout amour de la sagesse, bien qu’il fût étranger aux muses, entendit allègrement ce que je lui disais, m’affirmant trouver merveilleux de ne confier qu’au sort le soin de l’emporter, à la différence de tant d’autres qui meurent ensevelis sous les médicaments, et se réjouissant d’être tombé sur un médecin qui lui permettait de mourir paisiblement. [93] Ainsi trouva-t-il une mort dénuée de toute douleur, après avoir établi un testament dont il me faisait l’exécuteur, en m’y désignant comme son plus grand ami. Suivant la coutume de nos concitoyens, on procéda à l’ouverture de son cadavre, [94] où l’on découvrit que tous les organes avaient une constitution intacte et saine, à l’exception de la vessie et d’un uretère : son volume égalait et même dépassait celui des intestins car, depuis le rein gauche jusqu’à la vessie, il était distendu par une énorme quantité de sérum, [95] dont les enfants des médecins apprennent qu’il ne mérite pas le nom d’urine. La vessie était entièrement remplie par un calcul arrondi et oblong, lisse et poli, pesant 14 onces. [29] Qu’elle ait pu atteindre une telle dimension sans risque de rompre s’expliquait par le fait que, dans sa partie antérieure, la nature, en habile architecte, avait ouvert un canal qui surpassait toute l’habileté des chirurgiens : n’importe qui constatait aisément que l’urine avait pris l’habitude de s’y écouler goutte à goutte parce que la vessie était incapable d’en recevoir plus de quelques-unes, et que, sur ordre de la nature, l’uretère s’acquittait de la fonction normalement impartie à la vessie, en devenant le réceptacle du sérum ou de l’urine et en se dilatant jusqu’à atteindre un volume quatre fois supérieur à la normale ; de là provenaient les douleurs, qui étaient permanentes sans toutefois être très violentes.
[Exil et errances en Europe, 1667-1676]
L’extrême faveur des grands adoucissait les vicissitudes de ma pratique, car ils me jugeaient digne de leur servir à la fois de médecin et d’intime ami. [Page 91 | LAT | IMG] Survint pourtant alors le malheur, ou plus exactement le mensonge, et je dirai même la calomnie, qui m’a terrassé et jeté dans une iliade de maux. Laisse-moi, bienveillant lecteur, imiter Timanthe [96] qui, peignant les témoins consternés de la scène et mettant tout son art à figurer la tristesse, a voilé la face du père, [97] qui se tenait sur le chemin d’Iphigénie [98] quand elle s’en allait périr sur l’autel, tant il désespérait d’en rendre assez le chagrin. [30][99] Jetons ici un voile sur notre consternation, qu’il traduise notre chagrin devant les sorts malheureux ou notre charité envers la fourberie des jaloux.Je jugeai plus sage de quitter ma patrie que de risquer ma liberté. J’ai alors puissamment ressenti la valeur de cette stoïque indifférence qu’on m’avait si souvent reprochée ; elle a préservé mon esprit de la destruction ou de la ruine sans permettre que je verse la moindre larme. J’avais dessein de gagner les Provinces-Unies, [100] refuge ordinaire des gens de lettres, à quoi une multitude d’amis hollandais semblait m’inviter. Sur cet avis, je me rendis à Rouen, [101] Dieppe [102] et enfin, au Havre-de-Grâce. [103] Voulant embarquer sur un navire en partance pour Rotterdam, [104] on m’apprit que des corsaires d’Ostende [105][106] dévastaient les parages avec grande violence sans épargner personne, cherchant par tous moyens à tirer butin de toute proie et à jeter dans la mer les Français contre lesquels ils étaient particulièrement mal disposés. Cela terrifia si fort le valet de peintre avec qui je voyageais, qu’il refusa d’embarquer ; ce qui fit que, balançant entre sa pusillanimité et ma détermination, je décidai, puisque ce voyage n’était pas de telle importance, de retourner à Paris.
Delà, je résolus d’aller à Heidelberg, [107] où le sérénissime électeur [108] m’avait quelquefois très généreusement invité dans ses lettres. [Page 92 | LAT | IMG] Son vœu fut exaucé ; le prince m’accueillit avec la plus grande amabilité et mit tout en œuvre pour me consoler, ce qui ne surprendra pas celui qui connaît la gentillesse des Allemands. Alors, comme je coulais des jours tranquilles, et apprenais leur langue et leurs mœurs, je décidai enfin et de me moquer des vaines délibérations des hommes, et de me consacrer tout entier à la philosophie et à la médecine. Ceux qui en sont réduits à cet état ont certes souvent coutume d’embrasser la vie monastique, mais pourquoi le faire quand j’étais marié et entouré d’avis qui s’y opposaient ? En somme, je confesse de bon cœur n’y avoir pas même songé.La démangeaison du voyage s’empara de moi, en vue de connaître plus intimement les cours des princes et les secrets bien cachés des médecins, et je ne disconviens pas qu’à cause de cela je recherchais assidûment leur affection. Cela a si heureusement réussi que je me suis attiré non seulement la bienveillance, mais encore l’intime amitié de plusieurs d’entre eux. Je dois une part de ma consolation et de l’accomplissement de mes vœux à la générosité de quelques personnages, et souhaite qu’ils souffrent ici d’être nommés, en souvenir de ma profonde reconnaissance et de la joie qu’ils m’ont procurée. Pour ses immenses largesses et les immenses honneurs qu’il m’a conférés, l’auguste empereur Léopold [109] a légitimement coutume de s’y revendiquer la première place. Les électeurs de Bavière, [110] de Saxe, [111] de Brandebourg [112] et le Palatin ont bien voulu parfois se départir de leur majesté pour me faire très familièrement participer à leurs conversations, en discutant régulièrement avec moi de philosophie pendant leurs repas et leurs chasses. Les trois frères Eberhard, [113] Friedrich [114] et Ulrich, [115] ducs de Wurtemberg, les meilleurs des hommes, m’ont conféré tant d’honneurs que leur souvenir ranime tout le respect [Page 93 | LAT | IMG] que je leur dois. [31] Les princes de Bade, et principalement Frédéric, chef de la lignée de Durlach, et son fils Frédéric Magnus, [116] n’ont jamais cessé de m’honorer de leurs immenses faveurs et de leur intime affection. Seul celui qui saura à quel point Ferdinand Maximilien de Bade [117] m’a entouré de son amitié comprendra quelle perte j’ai éprouvée à sa mort. Partant pour Vienne, je lui avais dit adieu tandis qu’il se préparait à partir chasser. Le lendemain, les violentes secousses du carrosse firent éclater son fusil, dont les balles le blessèrent au bras, sans toucher du tout le fils du sérénissime électeur palatin [118] et les autres princes qui se tenaient à ses côtés. Ce malheureux prince demanda instamment qu’on lui coupât le bras, mais il n’y avait aucun chirurgien dans les parages pour le faire à temps ; une gangrène se développa et l’emporta rapidement dans l’au-delà. [32] Je me souviendrai aussi de l’archevêque de Salzbourg qui, quand il reçut aimablement mes déférentes salutations, déclara publiquement que j’étais Charles Patin, etc., et qu’il me connaissait fort bien ; puis il ordonna incontinent que mon portrait fût sorti de sa bibliothèque pour me le faire voir. [33][119] Du sérénissime roi de Grande-Bretagne, je proclamerai que tous les trésors qu’il tient profondément cachés donnent la preuve flagrante de son pouvoir. [120] Il se rappelait avec plaisir que, quand il vivait à Paris, [121] il avait appris de moi, encore tout jeune homme, certaines choses sur les éclipses [122] et les comètes, [123] et que je lui avais fourni les réponses à diverses questions qu’il se posait à leur sujet. Je reconnais devoir beaucoup à la reine Christine, [124] aux cardinaux Francesco Barberini [125] et Camillo Massimi, [126] au grand-duc de Toscane [127] et à son oncle le cardinal Léopold de Médicis, [128] ainsi qu’au prince Francesco, [129] dont j’apprends [Page 94 | LAT | IMG] qu’il accédera bientôt à la pourpre cardinalice, en juste récompense de ses mérites. [34] Le sérénissime duc Alphonse de Modène, [130] etc., m’a aimablement autorisé à examiner les pièces opulentes et savantes, sceaux, orfèvrerie et médailles, qui lui restaient des princes arétins, [131] de les copier dans mes cahiers et de les communiquer à la république des lettres. Tant qu’il m’est possible, j’ai soin d’honorer les princes de Savoie [132] et le duc de Parme, etc., [133] en reconnaissance des bienfaits que j’ai reçus d’eux. [35]
J’en viens maintenant aux médecins, dont j’avais à cœur de découvrir les mœurs, la doctrine et la pratique. Je désirais particulièrement savoir à quelles méthodes ils recouraient pour conserver et restaurer la santé des malheureux mortels, car je les savais s’écarter tant de celles de Paris que je désirais ardemment savoir comment ils pouvaient s’acquitter correctement de leur devoir. Je n’y ai rencontré aucune difficulté ni aspérité, car j’ai partout été accueilli avec cette très douce amitié et cette très grande politesse que l’on se doit de respecter très exactement entre gens instruits. J’ai exercé la médecine aux côtés de Fausius, [134] archiatre d’Heidelberg, sans rien y voir qui contredise la nôtre. Je vénère l’érudition et le renom du très célèbre < Johann > Caspar Bauhin, [135] qui s’est lié d’une très étroite amitié tant avec mon père qu’avec moi. Quand j’étais à Bâle, [136] il m’a permis de puiser à profusion dans les réserves de son savoir, tout comme a fait le très éminent Bernhard Verzascha, [137] qui brille par son heureuse méthode pour remédier. Je ne dois pas omettre Jakob Harder, [138] bien qu’il fût tout jeune alors : il enseigne aujourd’hui dans cette même ville et s’est acquis un renom peu commun par son art et ses écrits médicaux. J’estime tout particulièrement Johann Georg Volckamer, [139] citoyen et très noble médecin de Nuremberg, parce que [Page 95 | LAT | IMG] j’aurais été mieux avisé de ne jamais quitter sa compagnie, et qu’il a été un des fidèles correspondants de mon père, au rang desquels je compte aussi Hermann Conring, [140] qu’on surnomme familièrement le Phénix de l’Allemagne. La brillante réputation des Bartholin est connue de quiconque aime la médecine, et qu’il me soit permis de tirer une véritable gloire de ce que le père [141] et le fils [142] m’ont souvent serré dans leurs bras. [36] Lucas Schröck [143] d’Augsbourg est digne de toute considération, il couve avec talent le souvenir de son compatriote Georg Welsch, [144] que j’ai compté parmi mes plus grands amis. Je me félicite fort d’avoir aussi compté parmi eux Melchior Sebizius [145] et Johannes Kupperus, [146] médecins de Strasbourg, qui eurent jadis grande réputation : le premier, presque centenaire, m’a jugé digne de converser avec lui en latin, en grec, en français, en italien et en allemand ; le second était archiatre de presque tous les princes du voisinage. [37] Johann Albrecht Sebizius [147] reflète brillamment l’éclat du renom paternel, et j’ai vu ses collègues Marc Mappus [148] et Georg Franck [149] exercer la médecine suivant les règles bien pesées de l’art. < Johann Daniel > Horst [150] et Sebastian Scheffer, [151] à Francfort, et Johann Peter < sic pour : Matthias > Faber, [152] à Heilbronn, [153] se sont acquis le prestige d’Esculape [154] par leur habileté dans l’art de remédier, et me sont tous chers à de nombreux titres. [38][155] J’ai appris la mort de Werner Rolfinck, [156] très célèbre professeur de l’Université d’Iéna : il connaissait la médecine sur le bout des ongles, dévoilant très libéralement ses règles les plus secrètes, que j’aurais pourtant voulues moins imprégnées de pratique chimique ; puisse son souvenir ne jamais me sortir de la mémoire. L’archiatre [Page 96 | LAT | IMG] Paulus de Sorbait [157] brille d’un immense éclat non seulement à Vienne, mais dans le monde entier : lui doit-on une parfaite méthode pour remédier, ainsi que des écrits parfaitement élaborés ? Je réponds oui à ces deux questions. Hoffmann [158] à Altdorf, Ammann à Leipzig, [159] Sigalinus à Côme, [160] Seb. Jovius à Lugano, [161] Pierre D’Apples à Lausanne [162] méritent l’affection de tous les médecins pour leurs éminents talents à soigner. [39]
La mort a déjà emporté Nicolaas Tulpius, [163] Johannes Antonides Vander Linden, [164] Theodor Kerckring, [165] Reinier de Graaf [166] et Silvius de Le Boë [167] qui furent jadis mes amis et que leurs écrits et le nombre de médecins qu’ils ont formés ont rendus très célèbres. À leur suite, je me souviens des grands Belges : Swammerdam, [168] qu’on a souvent surnommé l’Hippocrate de son siècle, et Drelincourt [169] ont atteint un haut niveau d’estime en Flandre pour leur talent à remédier. [40] J’évoque avec très douce pensée le souvenir du très savant Thomas Puellez [170] (dont le nom sonne comme celui de pucelle, donzella, c’est-à-dire de vierge), archiatre de la très-chrétienne reine Marie-Thérèse : [171] le roi très-catholique d’Espagne [172] l’avait tiré de sa chaire de Salamanque [173] pour accompagner cette princesse de Madrid à Paris ; il m’a dit avoir beaucoup progressé dans la connaissance de l’art au contact de médecins venus de tous les pays, mais ne respecter que ceux de Paris, auxquels il se fiait entièrement en toutes choses, tant pour leur très pure méthode thérapeutique que pour la sainteté de leurs mœurs.
Thomas Willis, [174] célèbre pour sa profonde érudition et ses démonstrations originales sur le cerveau, est mort à Londres. Pour mon malheur, quand j’y étais, je manquai l’occasion [Page 97 | LAT | IMG] de rencontrer Walter Charlton, [175] personnage de très grand renom, car le temps brumeux m’avait poussé à regagner des régions plus clémentes. [41]
Je ne puis manquer de louer aussi les très célèbres médecins lyonnais que sont < André > Falconet [176] et Charles Spon, [177] qui, de tous, a été l’ami le plus affectueux et le plus cher de mon père. Chacun des deux a eu un très savant fils médecin. [178] Celui du second, Jacob Spon, [179] m’est particulièrement précieux pour le plaisir que me valent ses très exquises recherches et pour l’amitié qui nous a soudés en Allemagne et en Italie. [42]
J’ai aussi parfaitement connu : le chevalier Terzago, [180] dont le renom rayonne sur Milan ; Francesco Redi, [181] le très raffiné médecin du grand-duc de Toscane ; Marcello Malpighi de Bologne, que ses écrits ont rendu célèbre dans le monde entier, [182] et son ami le très habile anatomiste Silvestro Bonfigliuoli ; [183] Florio Bernardi, [184] jadis correspondant de mon père, médecin dont l’art est si aiguisé qu’il préside à la santé de nombreux grands personnages de Venise. En outre, j’ai intimement connu Marcus Brunius, Ant. Scarellius et Jac. Grandius, [185] médecins vénitiens de grande réputation. J’ai aussi eu parfois le privilège de faire des consultations médicales en compagnie d’excellents médecins de Vicence, [186] légitimement reconnus pour leurs mérites : Aloysius de Antoniis, Giorgio Fontana, Girolamo Copelazzi, Giacomo Gonzati, qui ont partagé la réputation de leur méthode thérapeutique avec feu Bernardino Malacreda (que j’ai de même fort bien connu). [43][187]
Bien qu’ils ne fussent pas médecins, la fréquentation de savants m’a en outre profondément réjoui l’esprit, car j’ai tissé avec eux des liens très étroits. Parce qu’ils sont morts plus tôt que les autres, je nomme en premier Johann Heinrich [Page 98 | LAT | IMG] Boeckler, professeur d’histoire à Strasbourg, [188] Johann Peter Lambeck de Hambourg, [189] Johann Peter Lotich de Francfort, [190] < Johannes Andreas > Bosius, professeur d’histoire à Iéna, [191] et Johann Chrsitian Keck, de Durlach ; [192][193] leur vertu et leur gloire rendront leur souvenir immortel. Je brûle encore du désir de nommer Sébastien Fesch, [194] professeur en l’un et l’autre droit à Bâle, mon très grand ami, pour sa connaissance des antiquités et des belles-lettres, ainsi que les très brillants Johann Rudolf Wettstein, très honorés professeurs de théologie, [195] pour le père, et d’éloquence, pour le fils, qui m’ont tous deux gratifié de leur affection. Je ne quitterai pas Bâle, qui fut pour moi un très réconfortant refuge, sans nommer les autres professeurs qui continuent d’y embellir la république des lettres : Jacobus Rüdinus en rhétorique, [196] < Johann Jakob > Hofmann en langue grecque, [197] Johann Jakob Buxtorf en Écriture sainte. [44][198] Zurich [199] est voisine de Bâle et a aussi nourri de très éminents savants qui ont parfois montré de la bienveillance à mon égard : Switzer, Otte, [200] Hottinger [201] y brillent par leur omnisciente érudition. Jul. Richeltus, [202] professeur de mathématiques à l’Université de Strasbourg, est à tenir en très haute considération pour ses élégants écrits, et principalement pour les observations qu’il a menées avec art. J’ai eu pour intimes et utiles amis Johann Christoph Vagenseilius, professeur de droit et de langues orientales à Altdorf, [203] et Ioannes < sic pour : Jacobus > Gronovius, [204] personnage digne de son père, [205] à qui il a succédé dans la chaire d’histoire de Leyde. [206] Johann Jakob Kerscher [207] et Johann Ludwig Prasch, [208] [Page 99 | LAT | IMG] magistrats de Ratisbonne, [209] contribuent fort à la réputation de l’Allemagne par l’étendue de leur omniscience. Tobias Hollanderus, [210] proconsul de la République de Schaffhouse, [211] mérite un plus ample éloge que ce que je puis en écrire ici, tant pour sa fine connaissance des antiquités que pour les services particuliers qu’il m’a si aimablement rendus. Nul ne peut se dire instruit s’il n’a pas connu Antonio Magliabeschi, [212] conseiller bibliothécaire du sérénissime grand-duc de Toscane, tant il met de bienveillance à écouter tout le monde, comme il m’est arrivé de le constater de mes propres yeux toutes les fois que je suis allé le voir à Florence. [45]
À Rome, où j’ai séjourné pendant quelques mois, j’ai eu de très plaisants entretiens avec deux authentiques Romains dont nous admirons les bonnes mœurs et l’érudition : l’abbé Braccesi, [213] franciscain, était secrétaire du pape Urbain viii ; [214] < Giovanni > Pietro Bellori [215] a été le conservateur des antiquités de plusieurs pontifes, avec une remarquable compétence, dont témoignent les explications qu’il a publiées sur les colonnes de Trajan [216] et de Marc-Aurèle. [46][217] J’ai admiré Ezechiel Spanheim, [218] à Paris, puis à Heidelberg et enfin à Cologne, car ce n’est pas un mince éloge que je dois à cet homme de la plus rare érudition. Je me suis intimement lié à lui, ainsi qu’à son frère Johann Friedrich, professeur de théologie à Heidelberg puis à Leyde. [47][219] Passerai-je sous silence Petrus Paulus Bosca, [220] archiprêtre de Monza, [221] qui fut jadis conservateur de la Bibliothèque Ambrosienne ? [222] Sûrement pas ! Je ne l’oublie pas, tant pour son opuscule De Serpente æneo que pour son insigne savoir et pour sa bienveillance à mon égard. [48]
[Page 100 | LAT | IMG] De même que je n’ai cité aucun Parisien car le nombre des précepteurs que j’y vénère est immense, de même je juge inutile de nommer ici ceux de Padoue car, outre les professeurs de cette Université dont je parle dans ce livre, j’en ai connu beaucoup qui se sont rendus illustres par la diversité de leur érudition. Néanmoins, sans du tout me livrer à la basse flatterie, je me dois de mentionner deux médecins qui professent tous deux à Padoue : Io. Fortius [223] et Hier. Vergerius [224] furent des juges très affûtés en l’art de soigner ; le souvenir de leur générosité à mon égard m’ordonne d’honorer profondément leurs mânes, car j’ai appris d’eux quantité de règles sur la sagesse politique, la prévoyance des médecins et le profit des malades. [49]
Si j’ai pu dépeindre comme ayant été mes amis tous et chacun de ceux que j’ai ainsi nommés, suivant le propos de Socrate, [225] dis-moi qui tu fréquentes et je devinerai tes mœurs, il n’est pas permis de me juger plus favorablement que je ne le désire, car j’en ai rencontré tant et me suis si souvent entretenu avec eux que je n’ai presque jamais quitté leur compagnie sans avoir accru en quelque façon mon savoir ou ma sagesse. Et cela fut partout pour moi un immense soulagement étant donné que, suivant le propos de Chrysostome, [226] ceux qui sont riches en amis ne sauraient éprouver la tristesse. [50]
[Padoue, 1676-1682]
La guerre déclarée entre les Français et les Allemands [227] m’incita à sérieusement envisager d’autres projets : à peine se passait-il un jour sans que, depuis mon cabinet de Bâle, je visse des contrées incendiées chez l’un ou l’autre des belligérants. La bonté de sa terre, la célébrité de son antiquité, la gloire de ses lettres et la sagesse de son peuple me persuadaient de préférer l’Italie aux autres pays, car elle est le jardin du monde, la fourmilière des bonnes choses. Ma détermination [Page 101 | LAT | IMG] fut accrue par les lettres de son Excellence le chevalier Grimaldi, personnage qui excelle dans les arts de la paix comme de la guerre, et aussi des grands de Venise, que seule une heureuse fortune avait acquis à ma cause, où j’étais sollicité pour briguer une chaire de médecine à l’Université de Padoue. [228] D’autres courriers, au contraire, modéraient mon ardeur en me rappelant la différence des coutumes qu’on y suit. La réflexion qui m’avait d’abord inspiré l’emporta cependant, et je me résolus courageusement à surmonter toutes les adversités imaginables. Je franchis les Alpes pour me rendre à Padoue en compagnie de ma très chère épouse, Madeleine, [229] qui est la fille de Pierre Hommetz, [230] éminent médecin de Paris. [51] Je ne veux pas taire ici l’exceptionnelle magnificence d’un citoyen de Padoue, le comte Giovanni de Lazara : [231] dès mon arrivée, il m’accueillit dans une très vaste maison, dont il signa même le bail, en témoignage d’une générosité telle qu’il me parut impossible de souhaiter plus grande faveur. Parmi les Vénitiens, Battista Nani, [232] procurateur de Saint-Marc, [233] surnommé la lumière de la République, s’est le premier montré mon protecteur, tant qu’il a vécu ; désormais, c’est Silvestro Valier, procurateur de Saint-Marc et président de l’Université, qui remplit cet office à mon égard ; [234] en 1678, avec ses collègues, il m’a attribué la chaire vouée à l’interprétation d’Avicenne, avec un salaire annuel de 300 ducats, [235] ce qui a été immédiatement confirmé par un arrêt du Sénat. [52][236]Trois ans plus tard m’advint un autre honneur, qui fut d’être promu à la dignité de chevalier, [237] que l’excellentissime Sénat me conféra très superbement, et je fus décoré du collier d’or par Alvise Contarini, sérénissime Doge de Venise. [238]
En l’an du Christ 1681, tandis que je me consacrais tout entier tant à enseigner mon art [Page 102 | LAT | IMG] qu’à l’exercer, et que je méditais déjà, l’esprit en paix, sur ma mort future, voilà que, deux fois dans la même semaine, des oiseaux de bon augure m’apportèrent à Padoue une très heureuse nouvelle. Et si elle m’était parvenue une troisième fois, je n’aurais pas laissé de m’exclamer, comme Philippe de Macédoine : [239] « Ô dieux, compensez par un léger malheur le bonheur de tant de succès ! » De Rome, de Paris, de Vienne et de Venise me parvenait la même rumeur disant que le roi très-chrétien, Louis vraiment le Grand, [240] dans son immense clémence, m’avait accordé sa grâce, dont j’avais jadis été exclu, sans savoir hélas par quel mauvais sort ! C’est ce que j’avais tenu pour le plus cher de mes souhaits, car jamais mon esprit, accablé plutôt que brisé, ne s’était résolu à perdre tout espoir ou tout désir de l’obtenir. [53] Dans la même période, la chaire de chirurgie étant devenue vacante, elle me fut attribuée par le triumvir qui dirigeait l’Université, Hier. Basadonna, [241] Io. Maurocenus, [242] et Nic. Venier, dont l’éminentissime Sénat confirma le décret sur-le-champ. [54]
[Calomnie allemande contre Guy Patin]
Je dois, je pense, ajouter à cela une autre nouvelle, bien qu’elle soit de moindre importance : des lettres reçues de la Faculté de médecine d’Iéna [243] m’avisaient d’exiger quelque réparation car j’avais, depuis quelques mois, à me plaindre vivement d’un certain Johann Conrad Axt [244] qui, à un petit livre de Arboribus coniferis imprimé là-bas en 1680, avait ajouté une lettre de Antimonio [245] où j’estimais qu’une très grave insulte avait été proférée contre la bonne réputation de mon père, ce que je n’aurais jamais pu tolérer. Cette très salutaire Faculté a contraint l’auteur à se rétracter et j’ai eu avis qu’on avait chargé les imprimeurs de supprimer la calomnie [Page 103 | LAT | IMG] par ces mots : À l’édition de ce traité de Arboribus, bienveillant lecteur, j’avais adjoint une Epistola de antimonio, où j’avais mis un conte au sujet du très illustre Guy Patin. Ayant découvert que cela était certainement faux, et sans doute ébruité par des gens jaloux de lui, j’ai pris soin de faire réimprimer l’Epistola ; j’en ai ôté la fable et reconnais hautement avoir insulté la mémoire de ce très brillant personnage. [55][246][247][248][249][250][251]
[Stoïque conclusion]
Ami lecteur, voilà ma vie, qui a été un tissu de bonheurs et de malheurs, et tu jugeras toi-même si elle devait être celée ou étalée au grand jour. Je pourrais néanmoins faire état d’innombrables autres faits qui l’ont agitée si j’avais la liberté de coucher sur le papier tout ce qui m’y est arrivé ; mais qu’il est donc ardu d’écrire sur soi-même ! Il est plaisant d’exposer les éminents mérites des autres, non sans en inventer parfois, s’ils n’en ont guère eu : tel n’est pas le sort ingrat de celui qui raconte sa propre vie, puisqu’il ne lui est pas même permis d’imaginer ces dons, pour autant qu’il en ait eu. J’ai relaté quantité de faits et de propos sans craindre d’être accusé de mensonge et, comme chacun le doit, je dédaigne la flatterie. Il y a encore deux choses dont je voudrais m’excuser, qui sont de m’être trop laissé aller, au fil de la plume, soit à la gratitude, soit à de douces réminiscences. Sache enfin que je ne partage pas l’avis de Brutus, [252] qui pensait que la vertu est la servante de la fortune, puisque je crois, comme Épictère, [253] que la fortune, étant donné sa frivolité naturelle, est une putain qui n’offre jamais gratuitement ses faveurs à personne : en vérité, la vertu est la seule maîtresse qu’il faille éternellement honorer. [56]J’éduque mes deux filles, Gabrielle-Charlotte et Charlotte-Catherine, [254] qui se sont vouées aux études, principalement pieuses, philosophiques et historiques, et avec lesquelles [Page 104 | LAT | IMG] j’ai coutume de converser très agréablement, comme si les très gracieux attraits de leur esprit dissipaient les affligeantes aigreurs d’âme qui m’envahissent parfois. [57] Pour elles comme pour moi, Quis scit quid serus vesper vehat : [255][256] Θεοι δε τε παντα δυνανται. [58][257]
[Autobibliographie]
Nous avons précédemment publié :Itinerarium Comitis Briennæ, [258][259] Paris, 1662, in‑8o ;
Familiæ Romanæ ex ant. numismatibus, [260] 1663, < Paris, > in‑fo ;
Traité des tourbes combustibles, [261] Paris, 1663, in‑4o ;
Introduction à l’histoire des médailles, Paris, 1665, Amsterdam, 1667, in‑12 ;
Thesaurus Numismatum, Amsterdam, 1672, in‑4o ;
Quatre relations historiques, Bâle, 1673, Lyon, 1674, in‑12 ;
Pratica delle medaglie, Venise, 1673, in‑12 ;
Suetonius illustratus, [262] Bâle, 1675 ;
De numismate antiquo Augusti et Platonis, [263][264] Bâle, 1675, in‑4o ;
Encomium moriæ Erasmi, cum fig. Holbenianis, [265][266] Bâle, 1676, in‑8o ;
De optima Medicorum secta, Padoue, 1676, in‑4o ;
De Febribus, Padoue, 1677, in‑4o ;
De Avicenna, Padoue, 1678, in‑4o ;
De Numismate ant. Horatij Coclitis, 1678, in‑4o ;
De Scorbuto, [267] Padoue, 1679, in‑4o ;
Iudicium Paridis, [268] Padoue, 1679, in‑4o ;
Le pompose feste di Vicenza, Padoue, 1680, in‑8o ;
Natalitia Iovis, [269] Padoue, 1681, in‑4o ;
Quod optimus Medicus debeat esse chirurgus, Padoue, 1681, in‑4o. [59]Auxquels on peut ajouter :
Lyceum Patavinum, Padoue, 1682. [a]
Lyceum Patavinum, sive Icones et Vitæ Professorum, Patavii, mdclxxxii. publice docentium. Pars prior, Theologos, Philosophos et Medicos complectens. Per Carolum Patinum, Eq. D. M. Doctorem Medicum Parisiensem, Primarium Chirurgiæ Professorem [L’Université de Padoue, ou les portraits et les vies des professeurs enseignant publiquement à Padoue en 1682. Première partie qui contient les théologiens, philosophes et médecins. Par Charles Patin, chevalier de Saint-Marc (v. infra note [53]), docteur en médecine de Paris, premier professeur de chirurgie] (Padoue, Petro Maria Frambotti, 1682, in‑4o, pages 77‑104). Il n’a pas paru de seconde partie.
Le frontispice est composé d’un médaillon représentant un oiseau qui vole en direction d’une ville fortifiée (Padoue ?), avec un fragment d’Ovide (Fastes, livre i, vers 493), Omne solum forti patria est [Pour l’homme courageux, toute terre est une patrie]. Il est flanqué, à gauche, par Hygie (υγιεια, déesse de la santé, v. note [2], lettre de Jean de Nully, datée du 21 janvier 1656), et à droite, par Athéna (αθηνη, sic pour αθηνα, Pallas ou Minerve, déesse de la sagesse et du savoir, v. note [13], lettre 6).
Toujours cité par les chercheurs qui ont exploré l’œuvre médicale et numismatique, et la vie personnelle de Charles Patin, ce précieux texte n’a, à ma connaissance, jamais été intégralement traduit et publié en français. J’y ai ajouté [entre crochets] des intertitres pour en faciliter la consultation. J’ai mis en italiques les mots latins ou français que Charles a lui-même soulignés de cette façon, et mon interprétation de ses mots grecs. J’ai aussi ajouté les prénoms de quelques personnages que Charles a oubliés et marqués par des points de suspension, mais sans parvenir à retrouver la trace certaine de plusieurs autres.
Le portrait qui illustre cette annexe vient de l’exemplaire conservé à la BnF, v. son commentaire médical dans la note [166] des Déboires de Carolus.
Patrick Ferté a donné une analyse prosopographique de cette autobiographie dans son article intitulé De Paris à Padoue, le grand tour d’un universitaire proscrit par Louis xiv : Charles Patin, médecin, numismate (1633-1693) » (Les Cahiers de Framespa, no 6, 2010).
Ovide, Tristes, livre iii, élégie iv, vers 5‑6 :
« Crois-moi, qui s’est bien caché a bien vécu, et chacun doit demeurer dans les bornes de sa condition. »
Charles Patin se référait à la courte Œuvre morale de Plutarque intitulée Ει καλλος ειρηται το Λαθε βιοσας [S’il est vrai qu’il faut vivre caché]. Les mots qu’il emploie pour en parler renvoient aux Opuscula varia édités par Henri Estienne (Paris, v. note [22] de la Thèse sur la Sobriété). Elle y figure sous le titre de : Plutarchi, num recte dictum sit Λαθε βιοσας, id est, Sic vive ut nemo te sentiat vixisse, Erasmo Roterodamo interprete [Plutarque, S’il est vrai qu’il faut vivre caché, c’est-à-dire vivre en sorte que personne ne se rende compte qu’il a vécu, dans la traduction d’Érasme de Rotterdam] (tome 3, pages 504‑509).
Autre Œuvre morale de Plutarque intitulée Περι του εαυτον επαινειν ανεπιφθονως, qui figure dans l’édition de Henri Estienne (tome 2, pages 181‑195) sous le titre Plutarchi, Quomodo se quispiam citra invidiam laudare possit, Thoma Naogeorgo interprete [Plutarque, comment n’importe qui peut se louer lui-même sans jalousie, dans la traduction de Thomas Naogeorgus (théologien protestant allemand, 1508-1563)].
Le curieux adverbe in præsentiarum est une variante d’impræsentiarum ou inpræsentiarum, contraction de in præsentia rerum, « pour le moment » (Gaffiot).
Tacite, Vie d’Agricola (v. note [18] du Borboniana 7 manuscrit), chapitre i (préface), § 3 :
Ac plerique suam ipsi vitam narrare fiduciam potius morum quam adrogantiam arbitrati sunt.[Maints personnages ont jugé bon de raconter leur propre vie, mais plus par confiance en leurs bonnes mœurs que par arrogance].
Propos d’Eunape de Sardes sur le philosophe Longin, que Guy Patin a appliqué au chanoine Nicolas Belin dans la lettre qu’il a écrite à son frère, Claude ii, le 4 janvier 1633, v. sa note [3] (repris dans le Faux Patiniana II‑4, v. sa note [43]).
Charles Patin donnait les deux surnoms en grec et en latin, en inversant leur ordre.
V. note [9], lettre 10, pour Jeanne Janson et sa parenté avec l’insigne famille parisienne des Miron (v. note [9], lettre 82), dont Guy Patin tirait lui-même grande fierté.
Charles Patin était né coiffé. En obstétrique, pour Furetière :
« la coiffe {a} est la petite membrane qu’on trouve à quelques enfants, qui enveloppe leur tête quand ils naissent. Drelincourt {b} croit que ce n’est qu’un lambeau des tuniques du fœtus, {c} qui se crève pour l’ordinaire à la naissance d’un enfant. Lampridius {d} témoigne que les sages-femmes vendaient bien cher cette coiffe à des avocats, qui étaient persuadés qu’en la portant sur eux ils auraient une force de persuader à laquelle les juges ne pourraient résister. Les Canons {e} défendent de s’en servir, parce que les sorciers en usaient dans leurs maléfices. »
- Coeffe dans l’orthographe du xviie s.
- V. note [2], lettre 941, pour Charles ii de La Sale Drelincourt et son traité de Partu octimestri vivaci [sur l’Accouchement viable au 8e mois] (Paris, 1668 pour la 3e édition).
- Amnios (amnion en grec) ou poche des eaux. Ces résidus des membranes fœtales sont normalement expulsés après la naissance de l’enfant, lors de la délivrance, et portent les noms vulgaires de secondines ou d’arrière-faix (v. note [2], lettre de François Rassyne, datée du 27 décembre 1656).
- Ælius Lampridius, un des auteurs de L’Histoire Auguste, v. notule {a}, note [43] du Faux Patiniana II‑2.
- Le droit canonique.
En France.
V. note [2], lettre 143, pour Pierre Gontier, mort en 1686, à qui Guy Patin avait confié l’instruction de Charles entre les âges d’environ 9 et 11 ans.
Dans la première phrase de ce paragraphe, pour donner un sujet au verbe suppeditavit (« a procuré à foison »), j’ai interprété Ex instructissima parentis bibliotheca comme un cas nominatif, pour dire « La bibliothèque de mon père jadis extrêmement riche », où ex est une particule signifiant « précédemment » ou « ci-devant » ; et non comme un cas ablatif, « Tiré de la bibliothèque extrêmement riche de mon père », où ex est une préposition (souvent abrégée en e). Je pousse peut-être trop loin la spéculation en pensant que :
Les Douze Tables constituent le premier corpus écrit du droit romain, rédigé au ve s. av. J.‑C., rédigé par les décemvirs. Elles ont été suivies dix siècles plus tard par les codes théodosien puis justinien (v. notes [10], lettre 736, et [22], lettre 224).
Je n’ai pas identifié ce Cl. Albertus, régent du Collège parisien de Presles-Beauvais (v. note [29], lettre 449). Le Cl. qui précède son nom pouvait être l’abréviation de son prénom (Claudius ou Clemens) ou de l’épithète clarissimus [le très brillant, ou distingué].
Son père a vanté avec émotion la brillante « maîtrise ès arts » de Charles Patin dans sa lettre à Claude ii Belin, datée des 18 et 22 août 1647 (v. sa note [32]).
V. note [11] des Affaires de l’Université en 1651‑1652 dans les Commentaires de la Faculté de médecine de Paris pour Roger O’Moloy. Je n’ai pas mieux identifié le bienveillant Cyrillus Rhodocanacis, que son patriarcat d’Orient et son titre de R.P. (Révérend Père) désignent comme catholique, mais non pas comme jésuite car il régentait dans un collège de l’Université de Paris.
Dans une lettre à Jan de Wale, datée de Paris le 31 décembre 1645, transcrite dans la note [18] de la lettre 468, Thomas Bartholin a raconté sa visite au Collège de Presles-Beauvais, où il avait admiré le talent de Charles Patin à disputer en philosophie. Bartholin en a même été si frappé qu’il s’en est souvenu au début de sa lettre à Guy Patin datée du 30 septembre 1663.
« promettre des montagnes d’or » : adage gréco-latin qu’Érasme a commenté (no 815).
Dans six de ses lettres écrites en 1649-1652, Guy Patin a évoqué la brève et modeste carrière de Charles Patin au barreau de Paris, sans jamais parler de cet oncle maternel, sans doute beau-frère de Jeanne Patin , qui lui a servi de tuteur et de mécène, mais que je ne suis pas parvenu à identifier.
L’Université de Paris n’a institué un enseignement de droit civil qu’en 1679. Jusque-là, la Sorbonne n’enseignait que le droit canonique (v. notule {g}, note [8], lettre 679), et seules quelques facultés provinciales (Orléans, Poitiers, Bourges, Angers, Valence, Pont-à-Mousson) graduaient en droit civil. Avec ses præviis pictaviensibus, que j’ai littéralement traduits par « préalables poitevins » et que Charles Patin disait être les licences, il semblait dire qu’il avait pris ses degrés à Poitiers, mais ce ne sont que les spéculations d’un traducteur peu familier avec les études juridiques parisiennes sous l’Ancien Régime.
Au début de sa lettre du 24 mai 1661 à André Falconet, Guy Patin a parlé de M. Mongin, « maître en droit » à Paris, de prénom inconnu, mais sans mentionner de lien avec le passé de son fils Charles dans les prétoires.
V. note [65], lettre 101, pour les avocats parisiens portant le nom de Bataille. Celui qui se prénommait Gilles mourut en mars 1652 (v. note [10], lettre 284), et avait défendu Théophraste Renaudot dans son procès contre Guy Patin en 1644.
V. note [22], lettre 224, pour les Institutes, le Digeste et le Codex qui forment le Corpus justinien du droit civil romain. Charles Patin n’a pas évoqué l’étude du droit canon, tout en parlant de postuler un I.V. Doctoratus, c’est-à-dire un doctorat dans les deux droits, Iure Vtroque.
V. note [14], lettre 98, pour Michel i Marescot et sa brillante carrière médicale à la cour de Henri iv, mais il était mort en 1605 à l’âge de 67 ans.
Marescot avait été le beau-père du Grand Piètre et un très chaud partisan de la saignée. Guy Patin l’a même dit auteur du livre de Botal de Curatione per sanguinis missionem [sur le Traitement par la saignée] (Lyon, 1577) : v. note [4], lettre latine 17.
Charles Patin insistait sur la lourde influence que son père avait exercée sur sa réorientation vers la médecine, mais tenait aussi à y montrer une certaine liberté d’esprit avec la liste des auteurs qui l’inspiraient, où il distinguait, sans le dire ouvertement, ceux que Guy Patin louait sans réserve (d’Hippocrate à Galien) et ceux dont il contestait l’autorité (de Dioscoride à Avicenne).
Charles Patin a été reçu bachelier en médecine le 28 mars 1654 (v. note [3], lettre 345), après une préparation réduite à deux années (v. note [2], lettre 39), licencié deux ans plus tard, et docteur régent le 18 janvier 1657 (v. note [17], lettre 459).
V. note [60] des Décrets et assemblées de la Faculté de médecine de Paris (1651-1652) pour le coût d’un cycle complet d’études, ici diminué de plus de moitié par le fait que Charles était fils de docteur régent et vivait à Paris chez ses parents.
Toujours sans évoquer le nom de son frère aîné Robert (alors encore célibataire), Charles Patin confirmait ce qu’il avait laissé supposer plus haut (v. supra note [10]) sur la bibliothèque de leur père. Il la disait même ici augmentée de tout ce que possédait Guy Patin, qui aurait donc voulu déshériter le reste de ses enfants, ce qui est tout de même difficile à concevoir : ou Guy, emporté par l’émotion, s’était laissé aller à d’intenables promesses ; ou Charles, distillant sa bile noire quelque 25 ans plus tard, noyait ses rancœurs dans la rumination de souvenirs fantomatiques.
Cette édifiante observation emploie le mot grec anathymiasis, αναθυμιασις, qui signifie « exhalaison, évaporation », mais qui est très peu courant dans les textes médicaux et n’appartient pas au vocabulaire hippocratique. On le lit cependant deux fois dans notre édition : lettre 172 (en relation avec une épilepsie, v. notule {a} de sa note [1]), et Consultation 20 (en relation avec une fièvre accompagnée de paralysie, v. sa note [9]).
Je ne l’ai vu clairement mis en relation avec le sommeil que dans le commentaire de Louis Duret sur les Hippocratis magni Coacæ Prænotiones [Prénotions coaques du grand Hippocrate] (Paris, 1588, v. note [10], lettre 11), au chapitre De melancholia et mania [Sur la mélancolie et la manie] du livre ii (fin du § 2, page 377), à propos de « ceux qui ne sont pas agités » (non turbulenti) :
i. somni silentium et placide dormientium exactam ad noctem, qui faciunt breves tenebras : quia nihil serpunt gratissimi, curasque leniunt et corda oblita laborum. Ex quibus significatio sit redintegrati cerebri, et sanæ mentis nec amplius perturbatæ. Nam turbulentos facit η ταραχη et acris tetraque anathymiasis.[c’est-à-dire qui ont le sommeil calme et dorment leur nuit entière, sans veiller longtemps dans l’obscurité, car ils trouvent très agréable de se mettre au lit pour adoucir leurs soucis et oublier leurs peines ; ce qui se traduit (au réveil) par un cerveau rafraîchi et un esprit dispos, où tout désordre s’est dissipé. Ce sont en effet le trouble des pensées, et l’exhalaison funeste et violente qui provoquent l’agitation].
Dans la langue littéraire latine, Pétrone (v. note [14], lettre 41) semble être le seul à avoir employé ce mot (Satyricon, chapitre xxxvii), dans le contexte plus trivial du soulagement que procure l’évacuation des flatulences (ou gaz, peut-être la meilleure traduction moderne d’anathymiasis) et des excréments intestinaux :
Nec tamen in triclinio ullum vetuo facere quod se iuvet, et medici vetant continere. Vel si quid plus venit, omnia foras parata sunt : aqua, lasani et cetera minutalia. Credite mihi, anathymiasis si in cerebrum it, et in toto corpore fluctum facit. Multos scio periisse, dum nolunt sibi verum dicere.[Même à table, je n’ai jamais empêché personne de péter, et les médecins défendent de s’en retenir. Quand vient une plus grosse envie, j’ai tout mis dehors à leur disposition : eau, pot de chambre et autres menues commodités. Crois-moi, si l’exhalaison remonte au cerveau, tout le corps s’en ressent. J’en connais plusieurs qui sont morts de ne pas avouer leur besoin].
Ces quatre contextes donnent à anathymiasis le sens général d’« évaporation ou exhalaison », et le sens particulier de « flatulence intestinale », notamment liée à la constipation (dont souffrait le patient de Charles, et qui le rendait rebelle à la purgation), pour éviter l’emploi d’un mot plus trivial (que je me suis permis de laisser échapper dans ma traduction de Pétrone).
Guy Patin a souvent mis en garde contre les opiacés, prévention qu’il a longuement exposée dans sa leçon latine du Collège de France De Laudano et Opio [Sur le Laudanum et l’opium]. V. note [7], lettre 767, pour le double sens latin du mot experimentum, « expérience » et « péril ».
« comme fait un chien buvant dans le Nil. »
Ut canis e Nilo est un adage antique qu’Érasme a commenté (no 880) :
Qui leviter, ac velut obiter artem quampiam, aut auctorem degustant, hi ceu cani e Nilo degustare dicentur. Id adagij natum est ex apopthegmate quodam, cuius meminit Macrobius Saturnalium libro secundo : Id est huiusmodi : Post fugam Mutinensem, quærentibus, quid ageret Antonius, quidam familiaris eius respondit : Quod canis in Ægypto, bibit, et fugit. Nam in illis regionibus constat, canes, raptu Crocodilorum exterritos, bibere, et fugere.[Certains ne goûtent à un métier ou à un auteur que du bout des lèvres et comme en passant, et on dit d’eux qu’ils y goûtent comme un chien fait à l’eau du Nil. Cet adage vient d’un propos illustre que Macrobe a rapporté au deuxième livre des Saturnales, {a} et voici ce qu’il en dit : à ceux qui se demandaient ce qu’allait faire Antoine après sa fuite de Modène, {b} un de ses proches leur répondit qu’il ferait « ce que fait un chien en Égypte, il boit et s’enfuit aussitôt. » Le fait est que dans ce pays les chiens boivent et détalent, dans la terreur d’être happés par un crocodile].
- Saturnales de Macrobe (v. note [2], lettre 52), livre ii, chapitre ii : Quod canis in Ægypto, bibit et fugit.
- Déroute de Marc Antoine (v. note [8], lettre 655) à Modène en 43 av. J.‑C., lors de la guerre civile qui suivit l’assassinat de Jules César.
La prévention de Guy Patin à l’égard de la botanique est surprenante parce qu’il enseignait cette discipline au Collège de France, et que presque tous les médicaments qu’il prescrivait venaient du règne végétal. Il préférait de très loin les simples aux compositions qui les combinaient. Les seules plantes médicinales dont il redoutait les effets étaient l’opium, les purgatifs violents (drastiques) et les poisons.
V. note [7], lettre latine 78, pour ce qu’on entendait pas l’idiosyncrasie au xviie s.
Son Serment (v. note [8], lettre 659) reste le plus célèbre texte qu’on attribue à Hippocrate : Guy Patin l’a notamment cité dans ses putatifs Préceptes particuliers d’un médecin à son fils (v. leur note [56]).
Pour Galien (dans Kühn, volume 1, pages 1‑39), le titre latin exact de son Exortatio ad bonas artes [Exhortation aux bonnes pratiques des arts] est :
Galeni Paraphrastæ Menodoti Adhortatio ad artes addiscendas.[Exhortation de Galien, paraphraste de Ménodote, {a} pour l’apprentissage des arts]. {b}
- Ménodote de Nicomédie, médecin empirique et philosophe sceptique du ier‑iie s. de notre ère, dont Galien a blâmé les écrits. En langue soutenue, un paraphraste est un auteur qui en paraphrase un autre.
- Γαληνου Παραφραστου του Μηνοδοτου προτρεπτικος λογος επι τας τεχνας. Une édition de référence est la première partie de la Galeni medicorum Principis Exhortatio ad bonas arteis [archaïsme pour artes], præsertim medicinam, de optimo docendi genere, et qualem opporteat esse medicum. D. Eras. Roter. interprete [Exhortation de Galien, prince des médecins aux bons principes des arts, principalement la médecine ; sur la meilleure manière de l’enseigner, et quel doit être le médecin. Dans la traduction de D. Érasme de Rotterdam] (Bâle, Ioan. Froben, 1526, in‑8o).
V. note [5], lettre 671, pour l’anatomie comme « œil de la médecine » sous la plume de Guy Patin. Il la comparait en outre ici au fil d’Ariane, qui est une célèbre légende antique (Fr. Noël) :
« Ariane, fille de Minos, roi de Crète, charmée de la bonne mine de Thésée, {a} venu pour combattre le Minotaure, {b} lui donna un peloton de fil, à la faveur duquel il sortit du labyrinthe. Thésée, en quittant la Crète, emmena sa libératrice, mais la délaissa dans l’île de Naxos. Bacchus y vint peu de temps après, la consola de l’infidélité de son amant et, en l’épousant, lui fit présent d’une belle couronne d’or, chef-d’œuvre de Vulcain, laquelle fut dans la suite mise au rang des astres. »
- Légendaire héros grec, Thésée, fils d’Égée, fut le dixième roi d’Athènes, qu’il libéra du joug de Minos.
- Monstre mi-homme mi-taureau, né des amours de Pasiphaé, femme de Minos, avec un taureau, le Minotaure était enfermé dans le labyrinthe construit par Dédale, où on lui donnait à dévorer les 14 jeunes otages que lui envoyait Athènes tous les 7 ans.
Guy Patin (ou Charles, ici son interprète) passait sous silence les questions touchant aux circulations du sang (v. note [12], lettre 177) et de la lymphe (v. note [26], lettre 152), pour s’intéresser à d’autres controverses anatomiques et physiologiques qu’il a rarement ou même jamais évoquées dans les écrits qui nous restent de lui. Je soupçonne Charles de les avoir mises au goût du jour : en 1682, nul ne contestait plus les circulations, et il n’aurait pas honoré la mémoire de son père en évoquant ce qui était devenu des lubies surannées.
« est la partie de derrière du cerveau, à qui il est joint par bas ; mais par en haut il en est séparé par le repli de la dure-mère. […] Willis {a} distingue les fonctions du cerveau et du cervelet, et donne l’un pour principe des actions volontaires, et l’autre des involontaires, comme sont la respiration, le battement du cœur, etc. » {b}
- V. note [8], lettre de Thomas Bartholin, datée du 25 septembre 1662, pour Thomas Willis.
- On sait à présent que le cervelet agit sur la régulation fine des mouvements volontaires commandés par le cerveau. Les mouvements involontaires, ici dits « incessants » (continuæ), ne dépendent pas du cervelet, mais du système nerveux autonome (sympathique et parasympathique ou vague, v. notule {d}, note [11] du Naudæana 4), dont les centres se situent dans le tronc cérébral, auquel est attaché le cervelet.
« C’est une partie molle, rare, {a} spongieuse, destinée à séparer de la masse du sang quelque matière particulière. Glandula. Malpighi, Bellini, Nuck, {b} habiles anatomistes, ont découvert que les glandes ne sont autre chose que des convolutions et des replis différents de petites artères, dont la dernière branche doit être cylindrique. Les glandes sont de différentes grosseurs, et il y en a une infinité dans le corps : elles ont des artères, des veines, des nerfs, des vaisseaux lymphatiques et des conduits excrétoires. Les Anciens ont cru que les glandes ne servaient que comme d’un coussinet pour appuyer les parties voisines, ou d’éponge pour en attirer les humidités superflues ; mais les Modernes leur attribuent des usages bien plus considérables : ils croient que ce sont des cribles qui servent à la séparation de différentes matières, et que la partie corticale du cerveau, par exemple, qui n’est qu’un amas de petites glandes, {c} sert à la séparation des esprits animaux, que les parotides {d} servent à la séparation de la salive, les glandes du foie à celle de la bile, et qu’il en est de même des autres. {e}On divise ordinairement les glandes en conglobées et en conglomérées. Les glandes conglobées sont composées d’une substance continue, et ont une surface égale, comme sont les glandes subcutanées. {f} Les glandes conglomérées sont un amas de plusieurs glandes renfermées dans une même membrane, et qui ont une surface inégale : telles sont les glandes maxillaires, la fagoue, le pancréas, etc. » {g}
- On dit rare un « corps naturel qui est poreux, ou fluide, qui a beaucoup d’étendue et peu de matière ou de densité » (ibid.).
- V. note [19] de Thomas Diafoirus (1673) et sa thèse (1670) pour Marcello Malpighi.
Lorenzo Bellini (1643-1704) et Anton Nuck (1650-1692) ont respectivement professé l’anatomie à Florence et à Leyde.
- Les circonvolutions du cerveau donnent à sa surface (cortex) l’apparence trompeuse d’une juxtaposition inextricable de glandes serrées les unes contre les autres.
- V. note [5], lettre 195.
- V. note [17], lettre latine 78, pour l’Adenographia de Thomas Wharton (Londres, 1656) qui donna naissance aux conceptions modernes sur les glandes.
- Les glandes sous-cutanées (sudoripares et sébacées) font partie de celles qu’on dit à présent tubulaires.
- La fagoue ou thymus fait partie des glandes qu’on dit à présent acineuses (en forme de grappe de raisin), comme les glandes salivaires sous-maxillaires ou le pancréas.
La classification des glandes est aujourd’hui moins volontiers liée à leur structure qu’à leur fonction, suivant la destination de leur sécrétion : endocrine quand elle se déverse dans le sang (thyroïde, surrénales, etc.), exocrine quand elle déverse à l’extérieur ou dans une cavité corporelle (glandes sudoripares, gastriques, salivaires, etc.), ou mixte (testicule, pancréas, etc.).
J’ai mis en exergue ces préceptes particuliers (privata præcepta) que Charles Patin attribuait à son père car ils portent le même titre que les Préceptes particuliers d’un médecin à son fils et leur ressemblent, bien qu’ils soient plus médicaux qu’eux, et moins philosophiques ou religieux. Ils ajoutent un élément aux questions que posent le « manuscrit de Guy Patin pour l’instruction de ses deux fils » (manuscript written for the instruction of his two sons), dont a parlé le médecin écossais Robert Sibald, et aux doutes que j’ai exprimés sur l’authenticité des Préceptes particuliers conservés dans le manuscrit de Vienne et transcrits dans Pintard a : v. leurs notes [1] et [72].
Le 23 novembre 1658, la Faculté avait donné à François Lopès (v. note [46], lettre 442) l’autorisation (renouvelée le 25 octobre 1659) de quitter la chaire de pathologie (« choses contre nature », v. note [5] des Actes de la Faculté de médecine (1650-1651)), pour aller soigner le prince et la princesse de Conti à Bordeaux.
Ces précisions, comme celles qui sont fournies dans les notes [25] et [27] infra, sont extraites du tome xiv des Comment. F.M.P., année 1659, sous la plume du doyen François Blondel.
Cette élection, par cooptation suivie de tirage au sort, eut lieu le 18 novembre 1659. Les cinq électeurs étaient trois anciens, Guy Patin, Germain Préaux et Pierre Le Mercier, et deux jeunes, Armand-Jean de Mauvillain et Philippe Douté. Suivant la règle, leur délibération avait abouti à trois propositions : deux anciens, Philippe Hardouin de Saint-Jacques et Jean Garbe, et un jeune, Charles Patin, alors âgé de 26 ans et reçu docteur régent moins de trois ans plus tôt (v. supra note [17]).
Les quingenti medicinæ studiosi, « cinq cents étudiants en médecine », du Lyceum Patavinum dépassent toutes les estimations plausibles, car les trois promotions complètes de philiatres et de bacheliers inscrits à la Faculté de médecine de Paris au cours d’une même année se situait entre 100 et 200 (v. note [4], lettre 60). Ma traduction a donc remplacé quingenti par quinquagenta, « cinquante ».
V. note [5], lettre 645, pour Paul Emmerez, maître chirurgien-barbier reçu en 1655.
Charles Patin demeura professeur de pathologie jusqu’en novembre 1660. Comme les docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris y étaient alors parfois autorisés, il continua à donner ensuite chez lui des leçons privées d’anatomie et de chirurgie.
Dans son article Charles Patin in Paris… [Charles Patin à Paris…], Christian E. Dekesel (v. notule {c}, note [133] des Déboires de Carolus) reproduit (pl. ii) la couverture d’un cahier manuscrit, conservé à la Bibliotheca Universitaria de Padoue, intitulé Pathologicæ Prælectiones habitæ in Scholis Medicorum a M. Carolo Patin Doctore Medico Parisiensi et Scholarum Professore. 1659 & 1660 [Leçons de Pathologie prononcées aux Écoles des médecins par M. Charles Patin, docteur en médecine de Paris et professeur des Écoles, en 1659 et 1660].
Ce Jean Le Blond pouvait être parent (père ?) :
Environ 450 grammes.
Jean Fernel a bien souligné l’étroite relation entre le sérum (partie liquide du sang, v. note [33], lettre latine 4) et l’urine (Medicina [Médecine ou Pathologie médicale], Paris, 1578, livre iii, chapitre vii, page 218) :
Est enim urina serum vehiculumque sanguinis renum vi secretum. Ut in lacte dum concrescit, ita et in sanguine serum a crassiore terrenaque substantia seiungi secernique animadvertitur : quod idcirco sanguini permiscebatur, ut hunc fibrarum copia iam crassum ac lentum dilueret, et tanquam vehiculum per venas tenuissimas in coporis extrema deduceret. Oritur quidem serum ex potu, aut ex liquore quocunque cibus solidior diluitur, et sine quo vix quicquam emolumenti corpus ex cibi benignitate perciperet.[L’urine est en effet le sérum et le véhicule du sang, que l’action des reins en a séparé. Tout comme dans le lait qui coagule, {a} on voit dans le sang le sérum se séparer et s’extraire de la substance plus épaisse et limoneuse ; car il s’était jusque là mêlé au sang afin de le délayer, tant il est rendu épais et visqueux par l’abondance des fibres qu’il contient, et afin de lui servir comme de véhicule pour couler par les veines les plus fines jusqu’aux extrémités du corps. Le sérum vient bien sûr de la boisson, et du liquide que contient tout aliment solide et sans lequel le corps ne tirerait presque aucun profit des bienfaits de la nourriture].
- Petit-lait est le sens premier de serum en latin.
Ceux que Charles Patin appelait les iatrôn païdes, littéralement les « enfants des médecins », devaient être les étudiants en médecine, à qui on enseignait curieusement que le liquide retenu dans les voies urinaires obstruées ne méritait pas le nom d’urine, mais celui de sérum. En prenant païdes dans le sens de « serviteurs », Charles pouvait aussi penser aux chirurgiens, mais pour des raisons qui m’échappent tout autant. V. note [10], lettre 209, pour la rétention d’urine et ses symptômes, ici fort bien décrits.
La triple référence de Charles à la lithiase urinaire, au sérum et à l’abstention thérapeutique, génératrice de mort paisible et résignée (« belle mort » ou euthanasie) renvoie étrangement au trépas de Jacques Miron que Guy Patin a détaillé dans sa lettre du 19 juillet 1640 à Jan van Beverwijk : v. ses notes [29]‑[33], mais peut-être ne s’agit-il que d’une coïncidence. Ni Charles ni son père n’ont dit s’ils s’étaient résolus à administrer quelques grains narcotiques pour aider leur patient à mourir sereinement.
Agamemnon, roi d’Argos et de Mycène, était le chef des Atrides et le généralissime des armées grecques assiégeant Troie. Son épouse, Clytemnestre, lui donna un fils, Oreste, et deux filles, Électre et Iphigénie. Fr. Noël a conté leur légende :
« Un calme opiniâtre arrêtant trop longtemps l’armée des Grecs dans l’Aulide, Calchas {a} leur apprit que Diane, {b} irritée contre Agamemnon, ne pouvait être apaisée que par le sang d’une princesse de sa famille. Agamemnon, après avoir hésité, accorda sa fille aux sollicitations des princes ligués ; mais Diane, apaisée, mit à la place d’Iphigénie une biche qui lui fut immolée, et transporta dans la Tauride cette princesse pour en faire sa prêtresse. »
- « Fils de l’Argonaute [v. notule {b} de la triade 82, note [41] du Borboniana 11 manuscrit] Thestor, Calchas avait reçu d’Apollon la science du passé, du présent et de l’avenir. L’armée des Grecs, qui se rassemblait pour le siège de Troie, le prit pour son grand prêtre et son devin. Il prédit que le siège durerait dix ans et que la flotte, retenue par les vents contraires au port d’Aulide, ne ferait voile qu’après qu’Agamemnon aurait sacrifié sa fille Iphigénie » (ibid.).
- Artémis, v. note [16], notule {a}, du Borboniana 5 manuscrit.
Le chef-d’œuvre de Timanthe, peintre grec du ive s. av. J.‑C., a été son Sacrifice d’Iphigénie, qui se voyait encore à Rome sous le règne d’Auguste : près de la jeune fille qui va être immolée, Timanthe avait représenté Calchas, Ulysse, Ménélas et le père de la victime ; avec un art infini, il avait donné aux trois premiers une expression de douleur qui variait selon leurs caractères propres ; quant à Agamemnon, il lui avait voilé la face, dans l’impossibilité où il se trouvait, au dire des Anciens, de donner une expression suffisante à son désespoir paternel.
V. notes :
Frédéric vi (1617-1677), margrave de Bade-Durlach en 1659, était le père de Frédéric vii Magnus (1647-1709), qui lui succéda en 1677.
V. note [9], lettre 340, pour Ferdinand Maximilien, mort le 4 novembre 1669, qui était le fils aîné et héritier présomptif de Guillaume ier (1593-1677), margrave de Bade-Bade. L’organisateur de la partie de chasse était l’électeur Palatin Karl Ludwig, dont le fils aîné Karl von Wittelsbach (1651-1685), qui ne fut pas blessé dans l’accident, succéda à son père en 1680.
Maximilian Gandolph von Künburg (Graz 1622-Salzbourg 1687), archevêque de Salzbourg et primat d’Allemagne en 1668, cardinal en 1686, fut un insigne massacreur de protestants, de prétendus sorciers et de mendiants.
Après avoir amplement évoqué ses souvenirs d’Allemagne, Charles Patin passait à ceux d’Angleterre et d’Italie, v. notes :
Camillo Massimi (Rome 1620-ibid. 1677), nommé cardinal en 1671, était un grand collectionneur de médailles et autres antiquités.
Arezzo, ville de Toscane, dont les habitants portent le nom d’Arétins (Aretini), était l’ancienne capitale des Étrusques, mais avait été dominée par Florence depuis le xive s.
V. notes :
L’impressionnante liste de souverains que Charles a courtisés et les nombreux pays qu’il a visités lui confèrent une personnalité tout à fait différente de son père : Guy Patin n’a guère quitté l’Île-de-France et ne cherchait pas les faveurs des grands de son temps ; seuls leurs faits et gestes le rendaient curieux ; le monde qu’il admirait était celui des lettres, des sciences et de la médecine, auquel Charles allait maintenant s’intéresser.
Johann Jakob Harder (Bâle 1656-ibid. 1711) avait étudié auprès des maîtres de sa ville natale, puis à Paris, avant d’être reçu docteur de la Faculté de médecine de Bâle en 1675, où il enseigna diverses matières à partir de 1685. Le premier ouvrage qu’il a publié est l’Examen anatomicum cochleæ terrestis domiportæ etc. cui subjungitur Prodromus physiologicus naturam explicans humorum nutritioni et generationi dicatorum [Examen anatomique de l’escargot terrestre qui porte sa maison sur le dos, etc., auquel est jointe une Introduction à la physiologie, expliquant la nature des humeurs qui sont dédiées à la nutrition et à la reproduction] (Bâle, Jacobus Berthschius, 1679, in‑8o).
Notre édition contient un total de 136 lettres que Guy Patin a échangées avec :
Lucas Schröck (Schrockius, Augsbourg 1646-ibid. 1730), premier médecin de sa ville natale, est surtout connu pour avoir mis à jour la Pharmacopœia Augustana (v. note [2], lettre 312). Il a aussi écrit le Memoria Welschiana, sive Historia Vitæ Viri Celeberrimi Dn Georgii Welschii, Augustani… [Mémorial welschien, ou Histoire de la vie du très célèbre M. Georgius Velschius, natif d’Augsbourg] (Augsbourg, Theophilus Gobelius, 1678, in‑8o), avec le portrait de son maître, Georg Hieronymus Velsch (Welsch ou Velschius, v. note [7], lettre latine 239).
Melchior Sebizius, mort en 1674 à l’âge de 96 ans, a correspondu avec Guy Patin. Johannes Kupperus n’a pas laissé de trace dans les biographies médicales.
V. notes [8], lettre latine 100, pour Johann Albrecht Sebizius, fils de Melchior, et [3], lettre latine 468, pour Georg Franck.
Marc Mappus (Strasbourg 1632-ibid. 1701), docteur en médecine de l’Université de Padoue en 1653, devint professeur dans sa ville natale, où il brilla par ses travaux en botanique et en pathologie, dans la droite ligne de la doctrine hippocrato-galénique (Éloy).
Johann Daniel Horst et Sebastian Scheffer ont correspondu avec Guy Patin.
Faber, médecin d’Heilbronn (v. note [9], lettre 135), ne se prénommait pas Johann Peter, mais Johann Matthias (1626-1702). Il a dédié à Charles Patin {a} un curieux ouvrage intitulé :
Strychnomania explicans Strychni manici antiquorum, vel solani furiosi recentiorum, historiæ monumentum, indolis nocumentum, antidoti documentum. Quam, occasione stragis, qua crebitate, qua celeritate, qua gravitate mirabiliter noxiferæ, ac miserabiliter neciferæ, in Ducali Wurtemberg. sede, quæ est Neostadii ad Cocharum obortæ, anno 1667. prid. Kal. Septembris Styl. Jul. Memoriæ : Cautelæ, Medelæ gr. publico bono dedicat, Johannes Matth. Faber, August. M.D. Sereniss. suæ Celsit. ibid. a Consil. Med. atque nunc Imperialis Heilbronnæ Poliat. Primar.[Strychnomanie expliquant la connaissance historique, les qualités vénéneuses, la liste des antidotes du Strychnum manicum des auteurs anciens, ou Solanum furiosum des modernes : {b} à l’occasion du carnage qu’il a provoqué, tant par l’abondance que par la rapidité et la gravité de son effet merveilleusement nocif et misérablement mortifère, dans la résidence ducale de Wurtemberg, {c} qui est Neuenstadt am Kocher, le 31 août 1667, ancien style julien. {d} Johann Matthias Faber, auguste conseiller et médecin de Son Excellence Sérénissime, et maintenant premier médecin de la ville impériale d’Heilbronn, le dédie à sa mémoire et au bien public, pour sa protection et guérison] (Augsbourg, Theophilus Gœbelius, 1677, in‑4o, avec planches botaniques).
- Viro nobilissimo Carolo Patino, Guidonis, Med. quond. Regii Paris. F. Medico experientiss. Profess. Parctico Patavino Excellentissimo [Au très noble M. Charles Patin, médecin très expérimenté, très brillant professeur de pratique à Padoue, fils de Guy, jadis médecin (sic pour professeur) royal à Paris].
- Ce traité relate en détail 13 observations d’intoxication accidentelle collective par le στρυχνος μανικος (strychnos manikos ou strychnos qui rend fou, Solanum furiosum en latin), fruit de la noix vomique ou Datura Stramonium, solanée « qui fait mourir les chiens, et qui endort les corneilles, les pies » (Furetière), dont Pelletier et Caventou (v. note [7], lettre 309) ont extrait la strychnine en 1818, qui est un puissant excitant du système nerveux. La casuistique est complétée par une bibliographie très détaillée, botanique et médicale.
- Le duc Friedrich de Wurtemberg-Neuenstadt, v. supra note [31].
- Le 9 septembre dans le calendrier grégorien, nouveau style (v. note [12], lettre 440).
Werner Rolfinck, mort en 1673, et Moritz Hoffmann, ont correspondu avec Guy Patin.
Paul de Sorbait (Dessorbaix, von Sorbait ; Montbliart, Hainaut 1624-Vienne, Autriche 1691) fut d’abord « soldat guérisseur » dans les armées impériales avant d’obtenir un doctorat en médecine à Padoue en 1653. Il a pratiqué dans diverses villes d’Europe avant d’exercer et de professer à Vienne, où il s’acquit un grand renom et publia plusieurs ouvrages médicaux (Éloy).
Paul Ammann (Breslau 1634-Leipzig 1691), docteur de l’Université de Leipzig en 1662, y enseigna la médecine jusqu’à sa mort. Il a écrit de nombreux ouvrages où il a exposé avec vivacité son opposition aux préceptes hérités de Galien (ibid.).
Le médecin italien de Côme (Lombardie) dénommé Sigalino n’a pas laissé de trace dans les biographies et bibliographies médicales. Il en va de même pour Seb. Jovius de Lugano (canton suisse du Tessin), dont le patronyme rappelle celui de Paulus Jovius (l’évêque Paolo Giovio, v. note [2], lettre 533), natif de Côme, sans autoriser à rien en dire de plus.
L’article ii des Nouvelles de la République des lettres. Mois de juillet 1709. Par Jacques Bernard (Amsterdam, Pierre Mortier, 1709, in‑12) est intitulé Mémoires sur le Faltranck, ou Décoction vulnéraire, qui est la Panacée helvétique, communiqués à l’auteur de ces Nouvelles par M. Jean Benjamin D’Apples, docteur en médecine à Lausanne en Suisse (pages 17‑25). Ce Jean-Benjamin, reçu docteur en 1707, était fils de Jean-Pierre D’Apples (1616-1704), médecin de Lausanne et professeur en son Académie, qui est sans doute celui dont Charles Patin évoquait ici le souvenir.
Selon ces mentions, Charles, avant de s’installer à Padoue en 1676, avait visité le nord et le sud du massif alpin, sans pouvoir dire avec assurance jusqu’où l’avait alors mené son voyage en Italie.
Après les Allemands, les Suisses et les Italiens, Charles Patin en venait aux médecins qu’il avait connus et admirés ailleurs en Europe.
V. notes :
Charles Patin a raconté sa visite de Londres (sans parler des rencontres médicales qu’il y a faites) dans la troisième de ses Quatre relations historiques, datée de Strasbourg en octobre 1671.
La correspondance de Guy Patin n’aurait pas survécu au temps sans le cœur qu’en forment les lettres échangées avec les Lyonnais André Falconet (au nombre de 440) et Charles Spon (335).
V. notes [2], lettre 388, pour Noël Falconet (né en 1644), fils d’André, et [6], lettre 883, pour Jacob Spon (né en 1647) qui, quoique de 14 ans son cadet, devint l’intime ami de Charles Patin : ils avaient une passion commune pour les antiquités et ont préparé la première édition des Lettres choisies de Guy Patin.
Paolo Maria Terzago (Milan 1625-ibid. 1695), docteur de Pavie, a dirigé le Collège des médecins de sa ville natale.
Francesco Redi (Arezzo 1626-Florence 1697), premier médecin des grands-ducs de Toscane Ferdinand ii et Cosme iii de Médicis, a publié plusieurs ouvrages de médecine et d’histoire naturelle, ainsi que de philologie et de poésie.
V. note [19] de Thomas Diafoirus (1673) et sa thèse (1670) pour Marcello Malphighi (mort en 1694), anatomiste infiniment plus connu que son ami Silvestro Bonfigliuoli (Silvester Bonfiliolus, 1637-1696), médecin qui fut élu membre de la Royal Society de Londres en 1696. Il n’a rien publié et nous n’avons de lui que quelques témoignages écrits par ses contemporains. Le plus éloquent m’a paru être celui que Giovanni Alfonso Borelli (v. la susdite note [19]) a rapporté, à propos des injections intraveineuses et de la transfusion sanguine, dans la seconde partie de son traité posthume De Motu animalium [Sur le Mouvement des animaux] (Rome, Angeli Bernabo, 1681, in‑4o), Propositio ccxxiv. Experimentis comprobatur, quod sanguis alteratus a caliditate, putredine, vel ab admixione salium, aut sulphuris, febrem non prodit [Proposition 224. Expériences prouvant que le sang altéré par la chaleur, la putréfaction ou l’addition de sels ou de soufre, ne provoque pas de fièvre] (page 457) :
Insuper, dum Pisis degerem, solertissimi, et docti Anathomici Carolus Fracassatus, et Siluester Bonfigliolus me præsente, infuderunt intra canis vivi iugularem venam olei sulphuris unam, vel alteram dragmam, et post aliquos eiulatus ligata vena canis solutus, adeo vegetus, et immunis a febre remansit, ut avidissime ossa corroderet, debitis temporibus ederet, et dormiret, ut nullum signum inualitudinis ostenderet, et sic permansit usque ad diem octauum, quando aufugit a cubiculo, in quo detinebatur.[En outre, pendant mon séjour à Pise, les très adroits et savants anatomistes Carlo Fracassati {a} et Silvestro Bonfigliuoli ont injecté sous mes yeux une ou deux drachmes d’huile de soufre {b} dans la veine jugulaire d’un chien vivant. Après qu’il eut poussé quelques gémissements et qu’on eut lié sa veine, on lui rendit la liberté. Il se montra si vif et demeura si exempt de fièvre qu’il se mit à ronger des os avec avidité et, après quelque temps, à manger et à dormir, sans montrer aucun signe de mauvaise santé ; et ce jusqu’au huitième jour, quand il s’enfuit de la niche où on le tenait captif].
- Bologne vers 1630-Messine 1672, professeur de médecine et d’anatomie à Pise puis à Bologne, ami de Malpighi.
- Soit 4 à 8 grammes ou millilitres d’acide sulfurique dilué, corps chimique qui a l’intérêt de rendre le sang incoagulable. Cette expérience était préliminaire à des essais de transfusion sanguine (v. note [5], lettre latine 452).
Notre édition contient une lettre de Guy Patin à Florio Bernardi, datée du 11 octobre 1658.
Giacomo Grandi (Gajato 1646-Venise 1691) enseigna l’anatomie à Venise et s’illustra dans plusieurs académies savantes comme orateur et poète (Éloy). Je n’ai rien trouvé sur ses collègues à qui Charles Patin donnait les noms latins de Marcus Brunius et Ant. Scarellius.
Je n’ai pas non plus trouvé trace des cinq médecins de Vicence (v. note [6], lettre 536) qu’il citait avec éloge.
Notre édition contient trois lettres que Guy Patin a écrites à Johann Peter Lotich.
V. notes :
Johann Christian Keck (Strasbourg 1631-Durlach 1687), philologue, antiquaire et littérateur latin, a enseigné au collège de Durlach, ville du Bade-Wurtemberg qui est aujourd’hui devenue un faubourg de Karlsruhe ; mais Charles Patin le croyait mort quand il évoquait son souvenir en 1682.
Fils et homonyme d’un homme politique influent de Bâle, mort en 1666, Johann Rudolf Wettstein (1614-1684) a professé la théologie protestante dans la même ville. Son fils, de même prénom (1647-1711), y professa l’éloquence puis la théologie (à partir de 1696).
Jacobus Rüdinus (Jacob Rüdin, dates inconnues) appartenait à une grande famille juive de Bâle.
Johann Jakob Hofmann (1636-1706) a occupé les chaires de grec (1667) puis d’histoire (1683) de l’Université de Bâle. Parmi plusieurs autres ouvrages d’histoire religieuse et profane, il a publié en 1677, puis mis à jour une encyclopédie latine intitulée Lexicon universale [Lexique universel].
Je n’ai pas identifié Suitzerus ; les deux autres éminents savants de Zurich étaient :
Suivaient :
Sans doute franciscain (Franc.), l’abbé Giovanni Braccesi (dates de naissance et de mort inconnues), a été destinataire de la De Numismate antiquo Horatii Coclitis per optimum Imperatorem Traianum restituto : Epistola Caroli Patini [Lettre de Charles Patin sur l’antique médaille d’Horatius Coclès (v. note [93] du Faux Patiniana II‑7) représenté par l’excellent empereur Trajan] (Padoue, Cardorinus, 1678, in‑4o de 13 pages). Charles l’y remercie de lui avoir ouvert les portes de sa bibliothèque et de son trésor pour lui montrer et offrir cette médaille ; dont l’avers représente cocles, et le revers, imp. cæs. traian. aug. ger. dac. p.p. rest. [l’empereur César Trajan Augustus Germanicus Dacicus, père de la patrie, l’a représenté] . Le pape Urbain a régné de 1623 à 1644 (v. note [19], lettre 34).
Giovanni Pietro Bellori (Rome 1613-ibid. 1696), antiquaire et historien romain, a surtout veillé sur les collections du pape Clément x (1670-1676, v. note [8], lettre 982), et fut bibliothécaire de la reine Christine. Il est surtout connu pour ses Vite de’ pittori, scultori et architetti moderni [Vies des peintres, sculpteurs et architectes modernes] (Rome, 1672, livre dédié à Jean-Baptiste Colbert). Charles Patin recommandait ici deux autres fastueux ouvrages auxquels il a contribué :
Friedrich ii (ici Johann Friedrich) Spanheim (Genève 1632-Leyde 1701), fils de Friedrich i (v. note [11], lettre 16) et frère cadet d’Ezechiel (v. note [8], lettre latine 371), a professé la théologie calviniste à Heidelberg (1655) puis à Leyde (1670). Il a défendu les thèses radicales de Gisbertus Voetius (v. note [8], lettre 534) et publié un très grand nombre d’ouvrages théologiques en latin. Il a aussi été numismate et diplomate, assurant plusieurs ambassades à Paris pour l’électeur palatin en 1666, puis pour celui de Brandebourg, entre 1681 et 1698.
Pietro Paolo Bosca (Petrus Paulus Boscha, mais Busca dans le texte imprimé ; 1632-1699) a été préfet de la Bibliothèque Ambrosienne de Milan (v. note [5], lettre 827) de 1669 à 1680. Son catalogue recense plusieurs de ses manuscrits et deux ouvrages en latin, dont les cinq livres de sa De Origine et statu Bibliothecæ Ambrosianæ Hemidecas [Demi-dizaine sur l’origine et le statut de la Bibliothèque Ambrosienne] (Milan, Ludovicus Montia, 1672, in‑4o). Il y manque la De Serpente æneo Ambrosianæ Basilicæ Mediolani Micrologus. Auctore Petro Paulo Bosca ex Sodalitio Sacerdotum Oblatorum S. Th. D. et Bibliothecæ Ambrosianæ Præfecto… [Petite étude sur le Serpent d’airain de la basilique Saint-Ambroise de Milan. Par Pietro Paolo Bosca, de la Congrégation des prêtres oblats (des saints Ambroise et Charles, v. la fin de la note [29] du Patiniana I‑1), docteur en théologie sacrée et préfet de la Bibliothèque Ambrosienne…] (Milan, Franciscus Vigonus, 1675, in‑8o). Il y décrit la colonne surmontée d’un serpent lové en forme d’oméga qui se trouve dans cette église et qui a fait l’objet de nombreuses légendes.
Charles Patin ne citait pas ce livre par hasard, car il y est mentionné avec honneur, pages 14‑15 :
Porro ne Græca tantum numismata consuluisse viderer, exploravi etiam Latina ; ad hæc subtilissimus numismatum omnium iudex Carolus Patinus, subiecta oculis seprentis Ambrosiani imagine, pernegavit, se nullum unquam numisma illa anguis Aesculapij specie cusum vidisse ; eximij viri judicium candide significavit Antonius Magliabechius (quem ego tanti facio, quanti Bibliothecam Medicæam, cui præsidet) Francisco Bondicho utriusque nostrum amantissimo : Essendo da me il Sig. Carlo Patino, famosissimo Antiquario Franzese, ed auendogli io mostrato il disegno (erat species anguis Ambrosiani, quem ego affabre pictum ad plures viros scrutandæ antiquitatis studiosissimos Florentiam alioque miseram) mandato mi dal Sig. Bosca, domandandogliene il suo giudizio, mi ha risposto di non auer mai veduto il Serpente di Esculapio in quella maniera. Il giudizio del detto Sig. Patino fara giuoco, e sara di utile per la scrittura del Sig. Bosca, giacche il Sig. Patino e molto famoso per gli volumi delle Medaglie, che ha dati in luce.[En outre, pour ne pas sembler n’avoir examiné que les médailles grecques, j’ai aussi exploré les latines. À cette fin, j’ai montré une image du serpent Ambrosien à Charles Patin, le plus subtil des juges en matière de numismatique, et il m’a instamment affirmé n’avoir jamais vu ce genre de serpent frappé sur une médaille d’Esculape. {a} Antonio Magliabeschi (que je tiens en haute estime, tant pour sa personne que pour la Bibliothèque des Médicis qu’il dirige) a clairement exposé le jugement de ce remarquable personnage à Francesco Bondicho, qui est notre grand ami commun : {b} Le sieur Charles Patin, très fameux antiquaire français, est venu me voir et je lui ai montré le dessin que m’avait envoyé le sieur Bosca (c’était l’image du serpent Ambrosien que j’avais peinte avec art et envoyée, à Florence et ailleurs, à plusieurs experts en antiquités afin qu’ils l’examinassent) en lui demandant ce qu’il en pensait. Il m’a répondu n’avoir jamais vu le serpent d’Esculape représenté de cette façon. Le jugement du dit sieur Patin importera et sera utile au sieur Bosca pour l’écriture de son livre, car le sieur Patin est fort célèbre pour les ouvrages qu’il a publiés sur les médailles].
- V. note [31] du Faux Patiniana II‑3 pour les attributs emblématiques d’Esculape.
- V. supra note [45] pour Antonio Magliabeschi. Je n’ai pas identifié Franciscus Bondichus.
- Avant 1676, Charles Patin avait publié cinq traités de numismatique ; ils figurent dans la liste bibliographique qui conclut son autobiographie (v. infra note [59]).
Après 1680, Bosca a été nommé protonotaire apostolique et archiprêtre de Monza (Modoetia en ancienne langue lombarde) en Lombardie. Les souverains lombards y étaient parfois couronnés dans la basilique Saint-Jean-Baptiste, qui était confiée à un archiprêtre dépendant de l’archevêque de Milan, mais possédant le pouvoir et les insignes sacerdotaux d’un évêque.
Charles Patin tenait à rendre hommage à deux de ses défunts collègues :
La première citation est un proverbe courant que Charles Patin attribuait à Socrate, sans que j’aie su en vérifier la source.
Pour la seconde, saint Jean Chrysostome (v. note [4], lettre latine 322) a fait un vibrant éloge de l’amitié à la fin de sa deuxième homélie sur la Première épître de saint Paul aux Thessaloniciens, mais je n’y ai pas exactement retrouvé le fragment grec que Charles a ici cité (et peut-être adapté).
La guerre de Hollande (ici dite franco-germanique) a opposé la France et ses alliés (Grande-Bretagne, Münster, Liège, Bavière et Suède) à la Quadruple-Alliance (Provinces-Unies, Saint-Empire, Brandebourg, Espagne). Déclarée en mars 1672, elle se conclut par la paix de Nimègue, le 10 août 1678.
Je n’ai pas identifié le chevalier qui appartenait à la grande et noble famille des Grimaldi, originaire de Gênes, et qui a encouragé Charles Patin à partir pour Padoue.
V. notes [6], lettre 698, pour Pierre Hommetz, et [1], lettre 744, pour sa fille Madeleine, que Charles avait épousée en 1663.
Le comte Giovanni de Lazara (1621-1690) appartenait à la plus ancienne famille noble de Padoue, fondée au xie s., et possédait une très riche collection de médailles.
L’historien et archiviste Battista Nani (Venise 1616-ibid. 5 novembre 1678) avait été ambassadeur de la République sérénissime en France de 1643 à 1668. À son retour il avait été nommé bibliothécaire de Venise et procurateur de Saint-Marc. Son Historia della Republica Veneta couvre la période 1613-1671 et a été traduite en français par l’abbé François Tallemant : L’Histoire de Venise par Bapt. Nani, cavalier et procurateur de S. Marc (Paris, Louis Billaine, 1679, 4 tomes, in‑8o).
Silvestro Valier (Venise 1630-ibid. 1700), procurateur de Saint-Marc en 1649 et directeur de l’Université de Padoue (Università degli Studi di Padova) de 1662 à 1683, était le fils de Bertucci Valier (1596-1658), doge de Venise de 1656 à sa mort. Silvestro fut lui-même élu doge en 1694.
Nommés à vie, les procurateurs de Saint-Marc étaient de hauts magistrats vénitiens (Trévoux) :
« originairement il n’y avait à Venise qu’un procurateur de Saint-Marc. En 1442, l’on en augmenta le nombre jusqu’à neuf ; et alors le Sénat fit un décret qui portait qu’à l’avenir aucun ne serait admis à cette dignité qu’après la mort de l’un de ces neuf ; mais dans les besoins de la République, l’on en a grossi le nombre jusqu’à quarante. De tous ces procurateurs, il n’y en a que neuf ordinaires, appelés procurateurs par mérite, et dont on remplit régulièrement la place après leur mort. Ces procurateurs sont les administrateurs de l’église ducale, ou < basilique > de Saint-Marc, et des revenus qui y sont attachés. Ils sont comme les tuteurs des orphelins et les exécuteurs des testaments. Cette charge a plus d’éclat par le mérite de ceux qui l’exercent que d’autorité. Ils sont habillés de noir ou de violet, à manches ducales. »
ducat (Furetière) :
« monnaie d’or et d’argent qui est battue dans les terres d’un duc, et qui vaut environ un écu {a} en argent, et deux étant d’or. […] L’origine des ducats vient d’un Longinus, gouverneur d’Italie qui se révolta contre Justin le Jeune empereur, {b} qui se fit duc de Ravenne […]. Après lui, les Vénitiens ont été des premiers qui ont fait fabriquer des ducats, qui s’appelèrent aussi cecchins, {c} à cause du nom de la Monnaie où on la fabriquait, qu’ils appellent Zecca. Ce fut au temps de Jean Dandolo en l’an 1280. » {d}
- Trois livres tournois.
- Flavius Iustinius Junior Augustus, empereur byzantin du vie s.
- Sequins.
- Giovanni Dandolo fut doge de Venise de 1280 à 1289.
Fondé à une date inconnue, mais sûrement attesté au xve s., l’Ordre des chevaliers de Saint-Marc (cavalieri di San Marco) récompensait les Vénitiens les plus méritants, militaires comme civils.
Alvise Contarini (Venise 1601-ibid. 1684) avait été élu doge de Venise en 1676.
L’exclamation de Philippe de Macédoine (v. note [61], lettre 336) est une adaptation de Plutarque, dans ce passage des Apophtegmes des rois et des capitaines célèbres (traduction de Dominique Ricard, 1844) :
« Il reçut en un même jour plusieurs nouvelles heureuses : “ Fortune ! s’écria-t-il, fais que j’éprouve quelque léger revers pour compenser de si grandes faveurs. ” » {a}
- Charles Patin citait sans doute de mémoire car son latin ne se réfère pas à la traduction de Guilielmus Xylander (Plutarchi Opuscula varia [Opuscules variés de Plutarque], Paris, Robert Estienne, 1572, v. note [22] de la Thèse sur la Sobriété, tome deuxième, page 302), plus fidèle au texte grec :
Quum una die multis de prosperis eventis nuncii ei adferrentur : O fortuna, exclamavit, pro tot tantisque bonis parvum aliqudo mihi retribue malum.
L’amnistie royale de Charles Patin, prononcée en juin 1681, est transcrite dans les Déboires de Carolus (v. ses notes [145]‑[149]).
Girolamo Basadonna, mort en 1697, avait été maire de Padoue, dignité qui apparaît dans le titre des Applausi dell’ Accademia de Ricovrati alle Glorie della Serenissima Republica di Venezia. In congiuntura, che si partiva dal reggimento di Padova l’Eccellentissimo Signor Girolamo Basadonna suo Podesta. Sotto il principato di Carlo Patino [Applaudissements de l’Académie des Ricovrati (v. note [165] des Déboires de Carolus) à la gloire de la Sérénissime République de Venise. Pour célébrer le départ de la milice de Padoue de son maire, l’excellentissime Monsieur Girolamo Basadonna. Sous la présidence de Charles Patin] (Padoue, il Cadorino, 1679, in‑4o).
Ce recueil de discours et d’éloges contient :
Giovanni Morosini (1633-1682) a été ambassadeur de Venise en France de 1668 à 1671. Charles Patin est auteur de la dédicace Serenissimo Principi et Excelso decemvirorum Consilio [au Sérénissime Doge et au noble Conseil des dix] et de l’avis Benevolo Lectori [au bienveillant lecteur] (qui laisse à penser qu’il en est le compilateur posthume) du Thesaurus Numismatum, Antiquorum et Recentiorum, ex Auro, Argento, et Ære, ab Illustriss. et Excellentiss. D. D. Petro Mauroceno, Senatore Veneto, Serenissimæ Reipublicæ Legatus [Trésor des médailles antiques et plus récentes, en or, argent et bronze, par le très illustre et excellent M. Pietro Morosini, sénateur de Venise, ambassadeur de la Sérénissime République] (Venise, Io. Franciscus Valuasens, 1683, in‑4o). La différence des prénoms, Giovanni et Pietro, distingue nettement ces deux Morosini l’un de l’autre, malgré les similitudes de leurs carrières.
Je n’ai trouvé aucune information certaine sur Nic. Venier, dont le nom est celui d’une autre noble famille vénitienne.
La lettre qui scandalisait Charles Patin est imprimée à la suite du Tractatus de Arboribus coniferis et Pice conficienda aliisque ex illis Arboribus provenientibus, Opera Iohannis Conradi Axtii Med. l<icentia>ti. Accessit in fine Epistola de Antimonio [Traité sur les Arbres conifères et la manière de fabriquer la poix (v. note [75], lettre latine 351), et d’autres produits venant de ces arbres, par Johann Conrad Axt, licencié de médecine. Une lettre sur l’antimoine a été ajoutée à la fin] (Iéna, Johann Bielcken, 1679, in‑12).
Johann Conrad Axt (1638-1714) a dédié son livre, en date d’Arnstadt (Thuringe) le 30 avril 1679, à ses deux maîtres de l’Academia Julia (Helmstedt, v. note [19], lettre 340), Hermann Conring et Heinrich Meibomius, qui ont tous deux correspondu avec Guy Patin. La thèse inaugurale [Dissertatio inauguralis] d’Axt, de Paracentesis in hydrope [sur la ponction péritonéale dans l’hydropisie] a été imprimée à Helmstedt en 1670. Il a aussi publié Dialogus de partu semestri [Dialogue sur l’accouchement à six mois] (Iéna, 1679, in‑12) et Abortus in morbis acutis lethalis, oder Frage ob einem christlichen Medico zugelassen, bey einer schwangern Frauen welche an einer schweren kranckheit darnieder lieget die Frucht abzutreiben… [L’avortement est létal dans les maladies aiguës, ou la question d’extraire l’enfant que le médecin chrétien se pose sereinement en présence d’une femme enceinte alitée pour grave maladie…] (Iéna, Johann Nisius, 1681, in‑12).
Axt conclut son salut Benevolo Lectori [Au bienveillant lecteur] du Tractatus de Arboribus par cette phrase sibylline (page A4 ro) :
Quid sibi epistola subnexa velit, ex ipsa intelliges.[Tu comprendras ce qu’elle dissimule en lisant la lettre qui a été ajoutée à la fin] (en prenant velit, « elle voudrait », pour une coquille, à la place de velat, « elle dissimule »).
On peut seulement présumer qu’Axt est l’auteur de l’Epistola ad amicum de antimonio [Lettre à un ami sur l’antimoine] (pages 119‑131), sans du tout s’interdire d’orienter les soupçons vers l’un de ses deux dédicataires, Conring ou Meibomius, qui connaissaient Guy Patin bien mieux que lui, et étaient de tout-puissants professeurs d’Helmstedt, si bien que ce traité et sa lettre n’auraient jamais pu être imprimés sans leur permission : la biographie de Meibomius laisse notamment penser qu’il avait pu se lier d’amitié avec les fils Patin lors de son séjour à Paris, au début des années 1660. En maigre indice qui peut plaider pour ma déduction, je note que, dans sa longue liste des médecins qu’il a rencontrés, Charles a cité Conring (v. supra note [38]) mais a omis Meibomius, qu’il avait pourtant connu à Paris et aussi probablement revu quand il est passé à Helmstedt.
L’Epistola s’ouvre sur ces deux vers d’Ovide :
Temporibus medicina valet : data tempore prosunt,
Et data non apto tempore vina nocent. {a}
Ovide (Les Remèdes à l’amour, vers 131‑132) :
Temporis ars medicina fere est : data tempore prosunt,
[La médecine n’est presque que l’art de la circonstance : {i} l’utile est ce qu’on donne quand il faut, et les potions sont néfastes si on ne les donne pas au moment opportun].
Et data non apto tempore vina nocent
- « La médecine tire sa valeur des circonstances » dans la version citée (Temporibus medicina valet).
On y lit (pages 123‑125) cette attaque d’une virulence inouïe contre Guy Patin et les ennemis de l’antimoine (antistibiaux) :
Sed mitto alios, qui antimonium summis afficiunt laudibus, ut Crollium, Libavium, Poppium, Agricolam, Rulandos, Codronchium, Gesnerum, Pedemontanum, Bovium, etc. Nec curo Iacobum Grevinum, Lucam Strengelium, Bernardum Dessenium, Ioannem Cratonem, Thomam Erastum, Iohannem Baptistam Gemmam et alios, qui contra stibium scripserunt, neque etiam Casparum Hoffmannum, qui plura non sine præiudicio carpsit, multo minus Guidonem Patinum, medicum Parisiensem, et Carolum Sponium, medicum Lugdunensem, omnium minime sententiam Collegii Medicorum Parisiensium ante annos centum et decem de antimonio latam, hi enim omnes aut usum et vires antimonii nescierunt, aut ex nimia perversitate hoc fecerunt. Audi, quid hodierni medici Parisienses de antimonio sentiant. Cum enim lites inter medicos quosdam de antimonio valde incaluerint, tandem ad easdem componendas Supremæ Curiæ autoritatem accersi oportuit, quæ etiam conclusit, ut Facultas Medica deliberationis circa hanc materiam instituendæ gratia conventum iniret. Huius igitur sententiæ exequendæ ergo Doctores Medici convenerunt, et numero quidem 102. die videlicet 29. mensis Martii, ubi 92. fuerunt, quorum constans fuit sententia, poni debere inter medicamenta purgantia vinum emeticum, quod ex vitro antimonii præparatur. Secundum horum vota etiam Facultas decretum fecit, in quo antimonii usum approbavit, uti videre est ex Ephemerid. Eruditor. tom. 2. ephem. 24. Narrabo historiam de iam nominato Guidone Patino, quam a viro fide dignissimo accepi. Ille habebat filium ægrotantem, quem ex medio tollere volebat, (terrorem mihi incutit tale nefandum Patris in filium facinus, quod tamen ille non curavit) huic propinavit antimonium, et optavit, ut illud filium interficeret : sed suum venenum hominem egregie purgavit, et omnem saburram extra corpus eliminavit, ita ut præter spem ægrotans pristinam sanitatem recuperaverit. Hoc tamen nullo modo effecit, ut Patinus ad saniorem mentem redierit.
[Je renvoie à bien d’autres qui ont couvert l’antimoine des plus hautes louanges, tels Crollius, Libavius, Poppius, Agricola, les deux Rulandus, Codronchius, Gesnerus, Pedemontanus, Bovius, etc. ; et ne me soucie guère de Grevinius, Stengelius, Dessenius, Crato, Erastus, Iohannes Baptista Gemma, {a} et autres, qui ont écrit contre l’antimoine ; non plus même que de Caspar Hofmann, qui a recueilli plusieurs faits non dénués de préjugés, et encore moins de Guy Patin, médecin de Paris, et de Charles Spon, médecin de Lyon ; et pas le moins du monde, de la sentence du Collège des médecins de Paris prononcée il y a 110 ans. {b} Tous ceux-là n’ont en effet pas connu l’emploi et les vertus de l’antimoine, ou n’en ont eu que des notions profondément erronées. Écoutez donc ce que pensent les médecins parisiens d’aujourd’hui : les litiges se sont fort échauffés entre certains des leurs à propos de ce remède, mais il a fallu l’autorité de la Grand’Chambre pour les réconcilier ; elle a conclu qu’on parviendrait à un accord en imposant d’entreprendre une délibération sur cette matière. Les docteurs en médecine s’assemblèrent donc alors pour exécuter cette sentence, à savoir au nombre de 102, le 29e de mars < 1666 >, et 92 d’entre eux furent d’avis que le vin émétique, qui est extrait du verre d’antimoine, serait rangé parmi les médicaments purgatifs. La Faculté fit un décret selon leurs votes, approuvant l’emploi de l’antimoine, et on peut en prendre connaissance dans le tome 2 du Journal des Sçavans (no 24). {c} À propos du susdit Guy Patin, je relaterai cette histoire que j’ai reçue d’un homme tout à fait digne de foi : il avait un fils malade qu’il voulait éliminer (ce crime d’un père contre son fils me terrifie, mais lui ne s’en souciait guère) ; il lui fit boire de l’antimoine dans l’espérance que cela le tuerait ; mais son poison le purgea heureusement et élimina toute l’ordure qu’il avait dans le corps ; si bien que, contre l’espérance du père, le malade récupéra une pleine santé ; mais pour autant, Patin n’en devint pas plus sage]. {d}
V. notes :
- [3], lettre 460, pour Codronchius (Battista Codronchi) ;
- [7], lettre 9, pour Conrad Gesner (Gesnerus) ;
- [5], lettre 359, pour Grevinius (Jacques Grévin) ;
- [16], lettre 516, pour Lucas Stengelius (Stengel) et son « Apologie contre l’éponge d’antimoine » (Augsbourg, 1565 et 1569) ;
- [2], lettre 845, pour Johann Crato ;
- [31], lettre 6, pour Thomas Lieber, dit Erastus (Éraste) ;
- [17] de l’Observation xi de Guy Patin et Charles Guillemeau pour Bernardus Dessenius (Cronenburgius) et son livre « sur la Composition des médicaments » ; il a aussi publié une Medicinæ veteris et rationalis, adversus oberronis cuiusdam mendacissimi atque et impudentissimi Georgij Fedronis, ac universæ Sectæ Paracelsicæ imposturas, defensio… [Défense de la médecine antique et dogmatique contre les impostures d’un certain hobereau fort menteur et impudent dénommé Georgius Fredo, et de toute la secte paracelsiste…] (Cologne, Ioannes Gymnicus, 1573, in‑4o).
Les cinq autres auteurs cités apparaissent ici pour la première fois dans notre édition.
- Hamer Poppius est un médecin chimiste balte, natif de Tallin (Estonie), auteur d’une Basilica antimonii… [Basilique de l’antimoine…] (Francfort, Antonius Hummius, 1618, in‑4o, v. note [1], lettre latine 279).
Georgius Agricola (Georg Bauer, Zwickau 1490-Chemnitz 1555), médecin et chimiste allemand, fut l’un des premiers à introduire les métaux en thérapeutique. Ses recherches ont été réunies dans les De Re metallica libri xii. Quibus officia, instrumenta, machinæ, ac omnia denique ad Metallicam spectantia, non modo luculentissime, sed et per effigies, suis locis insertas, adjunctis Latinis, Germanicisque appellationibus ita ob oculos ponuntur, ut clarius tradi non possint. Eiusdem De Animantibus subterraneis liber, ab autore recognitus : cum indicibus, quicquid in opere tractatum est, pulchre demonstrantibus, atque omnibus nunc iterum ad archetypum diligenter restitutis et castigatis [Douze livres de la Métallurgie, où sont mis sous les yeux, avec une clarté qui ne pourrait être égalée, les emplois, instruments, machines et enfin tout ce qui concerne les métaux, non seulement avec la plus grande splendeur, mais surtout à l’aide d’images. On y a ajouté : les appellations latines et allemandes ; le livre des Animaux souterrains, revu par l’auteur ; des index recensant utilement tout ce que contient l’ouvrage. Le tout a été revu et corrigé en conformité avec les éditions originales] (Bâle, Froben, 1556, in‑fo).
Alexius Pedemontanus (Alesso Piemontese, probable pseudonyme de Girolamo Ruscelli) a laissé six livres De’ Secreti [Des secrets], publiés en italien pour la première fois en 1555 à Venise (multiples rééditions en latin et en allemand).
Bovius (Thomas Bovio, mort en 1609), médecin de Vérone, fut un fervent adepte de l’or potable (v. note [6], lettre 155).
- Sans parenté avec le médecin antistibial flamand Cornelius Gemma, {i} Johannes Baptista Gemma, natif de Venise, a été médecin de Sigismond iii Vasa, roi de Pologne de 1587 à 1632, {ii} et lui a dédié le seul livre qu’il a publié, intitulé De vera ratione curandi bubonis atque carbunculi pestilentis, deque eorundem præcautione Commentarius [Commentaire sur la véritable manière de soigner et de prévenir le bubon et le charbon pesteux]. {ii} On y lit pages F3 vo et suivante ce jugement, plus critique à l’égard des chimistes qu’à celui de leur pharmacopée :
Chymistæ vero qui hoc potissimum tempore novam quandam medicinam quam a præceptore Theophrasto Paracelso didicerunt, varijs remedijs chymica arte paratis, et hunc morbum curare satis superciliose profitentur, quorum nonnulla hic in medium afferam, ut medicinæ studiosi, et de ijs aliquando periculum facere possint. In morbo enim adeo sævo et rebelli extrema quoque experiri licet, in primis vero gloriantur de suo Antimonij vitro seu floribus illius, mirum immodum quoque extollunt Mercurium præcipitatum adeo præparatum, ut sine ulla noxa per os sumi possit ad varios et pernitiosissimos morbos profligandos, cui sententiæ se subscripsit Mathiolus Senensis simplicium medicamentorum optimus indagator, hic enim tractatu de morbo gallico scriptum reliquit, pulverem Mercurij præcipitati cum succo cardui benedicti, vel electuaro de gemmis exhibitum, pestem priusquam in corpore sese offirmarit, abigere, vomitu, deiectione, et sudore provocatis. Idem Antimonium præparatum præstare testatus est. Chirurgum cognovi qui securius ut ille dicebat hoc modo exhibebat. Accipiebat unc. ij. vitri antimonij, vini malvatici ℔ ij. per diem et noctem relinquebat in infusione in calidis cineribus, deinde in balneo mariæ coquebat ad tertiæ partis consumptionem, huius liquoris propinabat coclear unum vel alterum peste correptis fœlici cum successu. Idem præstare nonnulli aiunt si drag. unam accipiamus vitrioli Romani in aqua rosarum dissoluti, vel spiritus vitrioli drag. i. cum aqua acetosæ, modus vero præparandi chymica hæc medicamenta, medicinæ studiosi, cum apud Weccherum, tum vero apud Iosephum Quærcetanum in suo antidotario spagirico, ut non videatur necessarium velle ea hoc in loco ambitiose transcribere, unicum tantum describere decrevi, cum apud eos authores non facile inveniatur, et pro summo secreto a chymicis haberi soleat, pro præservatione potissimum ipsius pestis.[Les chimistes affirment assez péremptoirement qu’ils préparent divers remèdes chimiques capables de guérir cette maladie, grâce à leur nouvelle médecine, qu’ils ont aujourd’hui principalement apprise de leur maître Théophraste Paracelse. {iv} J’en exposerai ici quelques principes car leur emploi peut être parfois périlleux pour le médecin. De fait, il arrive que tout un chacun se permette d’essayer les remèdes extrêmes dans une maladie si cruelle et rebelle. Ils tirent par-dessus tout gloire du verre d’antimoine ou de ses fleurs. {v} Ils s’émerveillent aussi sans réserve du mercure si bien préparé qu’on peut l’administrer par la bouche sans causer aucun tort pour terrasser diverses maladies des plus pernicieuses. Matthiole de Sienne, le meilleur investigateur des médicaments simples, s’est rangé à leur avis, ainsi qu’il l’a écrit dans son traité sur le mal français : {vi} par le vomissement, le flux de ventre et la sudation qu’elle provoque, la poudre de précipité mercuriel, prise avec du suc de chardon bénit ou de l’électuaire de pierres précieuses, {vii} chasse la peste avant qu’elle ne soit solidement établie. Il a été prouvé que l’antimoine préparé exerce le même effet. J’ai connu un chirurgien qui l’administrait sans danger, disait-il, en le préparant comme suit : il mêlait deux onces de verre d’antimoine à deux livres de vin de mauve et laissait le tout infuser pendant un jour et une nuit, posé sur des cendres chaudes ; il cuisait ensuite la solution au bain-marie jusqu’à la réduire au tiers de son volume, puis en administrait une ou deux cuillerées aux malades atteints de peste, avec heureux résultat. Certains disent obtenir le même effet en donnant une drachme de vitriol romain dissous dans de l’eau de rose, ou une drachme d’esprit de vitriol avec de l’eau vinaigrée. Il me semble néanmoins inutile de transcrire ici complaisamment ce que le médecin intéressé trouvera sur la manière de préparer ces médicaments chimiques dans Wecker ou dans l’antidotaire spagirique de Joseph Duchesne. {viii} Je veux n’en décrire qu’un seul car on ne le trouve pas facilement chez ces auteurs, puisque les chimistes ont pour habitude de le tenir absolument secret, tout particulièrement pour sa vertu à prévenir la peste]. {ix}
- V. note [25] de l’Observation ii de Patin et Guillemeau.
- V. notule {f}, note [31], lettre 211.
- Dantzig, Iacobus Rhodus, 1599, in‑4o de 9 feuilles, pour la deuxième de trois éditions.
- V. note [7], lettre 7.
- V. notes [4], lettre 538, pour le verre, et [9] de l’Observation ii de Guy Patin et Charles Guillemeau pour les fleurs d’antimoine.
- V. note [15], lettre 1020, pour les Opera omnia [Œuvres complètes] d’Andrea Mattioli (André Matthiole, Bâle, 1598), dont le dernier traité est consacré au mal français (syphilis).
- V. note [7], lettre 99, pour le chardon bénit, et l’Observation vi de Patin et Gillemeau pour les discutables vertus médicinales des pierres précieuses.
- V. notes [20], lettre 1033, pour Johann Jakob Wecker, et [11], lettre 211, pour Joseph Duchesne (Quercetanus).
- Suit la formule de la préparation à base de fleur de soufre (v. note [28], lettre 503) que, dans son Liber de febribus [Livre des fièvres] (Leyde, 1598), Jan i van Heurne (v. note [3], lettre 139) a appelée Eleusinium chymistarum sacrum [Éleusis sacré des chimistes].
V. notes :
- [7], lettre 228, pour la condamnation de l’antimoine dans les deux livres De Medicamentis officinalibus [Sur les Médicaments officinaux] de Caspar Hofmann (Paris, 1646) ;
- [10] de la Préface de la première édition des Lettres (1683) et ses auteurs pour le Chymica Appendix [Appendice chimique] de Charles Spon (Lyon, 1664), seul ouvrage qu’il ait publié sur la médecine chimique, où il a néanmoins recommandé l’emploi raisonné des préparations antimoniales dans de nombreuses indications ;
- [8], lettre 122, pour le décret de la Faculté de médecine de Paris qualifiant l’antimoine de poison, le 30 juillet 1566.
V. note [8], lettre 54, pour ce long article du Journal des Sçavans (7 juin 1666), intitulé Décret de la Faculté de médecine et arrêt du Parlement touchant l’usage de l’antimoine.
Charles Patin et Jacob Spon ont largement cité cet extrait dans la Préface de la première édition des Lettres (1683) et ses auteurs : v. ses notes [8], [9] et [10].
Aucun indice biographique ne permet d’identifier sûrement celui des fils de Guy Patin qui aurait pu être la victime de cette aberrante tentative d’assassinat stibial ; mais le seul dont il pouvait vouloir se venger si cruellement était son aîné, Robert (v. Comment le mariage et la mort de Robert Patin ont causé la ruine de Guy), bel et bien mort de maladie en 1670. La malignité du clan antimonial contre le pire de ses défunts ennemis (mort en 1672) ne connaissait décidément aucune limite.
Je n’ai trouvé aucune information crédible sur une réédition du traité d’Axt. L’éclaboussure qui y souillait hideusement la mémoire de Guy Patin n’a donc jamais été lavée par la censure qu’exigeait Charles.
Avec Jacob Spon, Charles a néanmoins exhumé, et largement cité et diffusé, la calomnie de l’Epistola de Antimonio dans leur Préface de la première édition des Lettres (1683). Elle a été reprise dans toutes celles qui ont paru aux xviie et xviiie s., et dans L’Esprit de Guy Patin, continuant de projeter un sombre doute sur l’ignominie de leur auteur, quoi qu’on en puisse croire.
V. note [3], lettre 540, pour Brutus, le plus célèbre des assassins de Jules César, et son propos sur la fortune et la vertu, rapporté par Dion Cassius.
Je n’ai pas trouvé à qui Charles Patin a emprunté la contradiction d’Épictète (v. note [2], lettre 530), mais elle est dans le droit fil de sa philosophie stoïque qui tenait la vertu pour la seule source possible du bonheur.
V. note [165] des Déboires de Carolus pour les deux filles de Charles Patin : en 1682, l’aînée, Gabrielle-Charlotte, était âgée de 19 ou 20 ans, et la cadette, Charlotte-Catherine, de 15 ou 16 ans.
Charles Patin concluait sur deux citations dont les sens se complètent pour proclamer son fatalisme que son père qualifiait de stoïque.
Lepidissimus liber est M. Varronis ex Satiris Menippeis, qui inscribitur nescis quid vesper serus vehat, in quo disserit de apto convivarum numero deque ipsius convivii habitu cultuque.[Le plus charmant livre des Satires Ménippées de Varron est intitulé Tu ignores ce que peut t’apporter la profonde nuit, {a} où il disserte sur le nombre convenable des convives, et sur l’ordonnance et le raffinement d’un festin].
- Livre aujourd’hui perdu, dont Charles inversait le sens du titre en remplaçant Nescis, « Tu ignores », par Quis scit, pour dire : « Chacun sait ce que peut apporter la profonde nuit », en pensant sans doute à sa propre mort.
« Les dieux, eux, peuvent tout. » {a}
- Sans rapport avec le propos de Charles, les trois vers précédents chantent les vertus du moly : v. note [31] de la thèse sur la Sobriété.
Ces 19 titres sont, dans leur ordre de parution :
Quatre ouvrages cités dans notre édition manquent à cette liste :
Charles a plus tard mis au jour une dizaine d’ouvrages d’antiquités et de médecine, dont le dernier a paru en 1690, trois ans avant sa mort.
Giovanni Gorini a publié une photo du marbre commémoratif de Charles Patin dans la cathédrale de Padoue (duomo Santa Maria Assuntade) : {a}
D O M
carolo patino paris. eq. d. m.
prisc. numismatum studiis clarissimo
famam celeberrimi patris emulato
e patrio in patav. lyceum excepto
post totam europam lustratam premiis
et maiorum principum gratia aucto
cum calumnia fœliciter luctato
ac pro fund. virtutis
fortunæ ruinis uso
ob veterem eruditionem erutam
posterorum cultum promerito
magdalena hommetz paris. uxor
gabrielis carola s. paulina et carola caterina f.
extremo amoris argumento
annuente capitulo
parentant
ob. a. d. m c cx ciii. vi. id. oct.
æt. s. a. lix. mens. viii. d. v.[Dieu tout-puissant
À Charles Patin, natif de Paris, chevalier de Saint-Marc, très célèbre pour ses études des médailles antiques : il a cherché à égaler le renom de son père, il a quitté sa patrie et été accueilli en l’Université de Padoue, après avoir visité toute l’Europe, par les faveurs et la grâce des plus grands princes ; il s’y est épanoui et a lutté avec succès contre la calomnie, et sur la foi de sa vertu et en employant les ruines de sa fortune, il a amplement mérité le respect de la postérité pour avoir mis au jour le savoir ancien.
Madeleine Hommetz native de Paris, son épouse, Gabrielle-Charlotte Santapaulina {b} et Charlotte-Catherine, leurs filles, honorent sa mémoire en lui dédiant cette inscription, en témoignage de leur amour.
Il est mort le 10 octobre 1693, âgé de 59 ans, {c} 8 mois et 10 jours].
- Figure. xx, Charles Patin numismatico a Padova, [Charles Patin numismate à Padoue] (Quaderni per la storia delle’Università di Padova, Padoue, 1996, v. notule {c}, note [133] des Déboires de Carolus.
- Gabrielle-Charlotte avait épousé le comte Luigi Santapaulina en 1692.
- Sic pour 60 (lx), Carolus étant né le 23 février 1633 ; sa dernière maladie et son autopsie sont détaillées à la fin de ses Déboires.
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Carolus PatinusLucem hominum fugere, vulgique judi-
cio seipsum subducere, tranquilis-
simum equidem vitæ genus esse docet
contritum illud vetustate proverbium,
Λαθε βιοσας ; quod eleganter expressit
PoëtaCrede mihi, bene qui latuit, benè vixit, et infra
Fortunam debet quisque manere suam.Iam rectène an secus traditum hoc sit ab antiquis præ-
ceptum, hujus loci non est excutere ; maximè cùm in
manibus habeamus ea de re singularem libellum Plu-
tarchi, ubi negat sequendum esse hoc priscorum Sa-
pientium consilium. Quin imò quod idem alio libello
περι του εαυτον επαινειν ανεπιφθονως pereleganter docet, licere
interdum sapienti seipsum laudare. Quidquid ejus sit,
est hoc certè a mente mea alienissimum ; nam et de me
ipso nihil omnino scribere tutius fore scio, et mihi
mehercle gratius. Sed ut hic judicio voluntatique
meæ indulgere possem, causæ plures obstiterant, in
quibus sunt instituti argumenti ratio, quod imperfe-
ctum relinquere consultum non putaui ; et amicorum
preces jamdudum tale quid a me non rogantium, sed
Page 78
tanquam debitum exigentium, cùm singularem meam
ειμαρμενην non ignorarent, quæ me tanquam fortunæ
pilam hinc inde volutauit, ut in tot hominum gentium-
que conspectum atque hanc mundi scenam, etiam
invitum prodire compulit. Ne igitur horum vel
auctoritatem aspernari, vel voluntatem negligere
videar, de me quoque quædam in præsentiarum dicere
animus est ; non fiducia morum, nec arrogantia quacun-
que inducto, quarum alterutra sui ipsius scriptores soli-
citari opinatur Tacitus, in vita Agricolæ, sed ut vitam
meam, quoniam id tractationis nostræ ratio requirit,
procul ab omni gloriæ cupiditate, ut reuera acta est,
exponerem, et quasi per transennam alijs inspiciendam
exhiberem.Guido Patinus mihi parentus fuit, medicus Professor-
que Regius, Io. Riolani successor : ανηρ αριστος και πολυμα-
θεστατος, Deambulantis musæi, spirantisque bibliotheca co-
gnomina adpetus, βιβλιοθηκη τις εμψυχος και περιπατουν μουσειον.
Meritis ejus laudibus detrahere viderer, si patefacta
quam ejus Manibus debeo pietate, quicquam superad-
derem. Viget etiamnum in Litterarorum animis ejus
viri memoria, quam artis peritia et doctrina varia, cum
singulari morum sanctitate conjuncta, in Gallia et vici-
nis ei regionibus excitauit. Germanos appello ejus
rei testes, hominum sincerissimos, qui cùm consilia
ejus et opiniones certatim expeterent, non solùm com-
munem amicum sed etiam parentem vocare consueue-
rant. Matri nomen Ioannæ Ianssoniæ fuit, cujus amori
et lac per xx. menses haustum debeo, et sollicitam
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pueritiæ institutionem. Hæc monentibus matronis
ut me nutrici pretio quæsitæ, ut frequenter fieri amat,
committeret, indesinenter, obijciebat intolerandæ
ignaviæ reas esse matres, generare infantes quàm lacta-
re aut educare cupidiores, sicque optimam sæpè sobo-
lem degeneri nutrimento lactis alieni corrompentes.
Coniunctionem præterea cum nobilissimis Familijs ma-
tri huic optimæ et pientissimæ debeo, quam etiam illæ
hucusque profiteri meque cognatum salutare non
dubitarunt.Dignum est relatu quod in ipso statim vitæ limine
mihi accidit, quod ij qui diuinandi artem profitentur,
lætum signum auspiciumque esse communiter asserunt.
Membrana galeæ ad instar, nascentis caput tegebat,
quasi Natura inusitatum hoc involucrum palpebris
oculorum obijecisset, ut humanæ vitæ miserias tardiùs
aspicerem ; vel ut me potius contra tot impedentes
ærumnas armaret. Hanc, ut dicam quod sentio, vltimæ
membranæ fœtum involuentis, quam αμνιον nuncupant,
reduplicaturam esse censeo, ludentis Naturæ nec aliud
vaticinantis opusculum.Natus xxiii. Februarij, an. mdcxxxiii. Lutetiæ
Parisiorum Galliæ metropoli, priùs me studijs occupa-
tum sensi, quàm quid essent studia novissem. Tertio æta-
tis anno legere, quarto scibere, mater mea virilis animi
fæmina docuerat : Pater pro temporis modulo, cuius
solius erat auarissimus, familiari colloquio latinè
audire et fari ita instituerat, ut antequam sextum annum
attingerem, naturali quasi facilitate latinè cum litte-
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ris, et gallicè cum domesticis verba facere liceret.Immersum artis exercitio Parentem meum soler-
tibus amicisque curis subleuavit D. Gontier, quo suo
præcipuo medico etiamnum utitur Roanna eius patria,
vrbs ad Ligerim satis celebris. Huic viro, humanio-
rum, ut vocant, litterarum non rudimenta solùm, sed
et quidquid tenellæ ætati infundi poterat, debere me
grato animo profiteor, et præcipuè historiæ tum græcæ
tum latinæ syntagmata. Ex instructissima Parentis
bibliotheca, copia librorum et raritate atque dele-
ctu, nullius unquam hominis priuati visa est inferior,
libros quidem suppeditauit, sed parciùs quàm cupidi-
tas legendi quâ ardebam requirere videbatur : Quare
calliditatem utroque innatæ autoritati adiungente,
librorum omnino non hæredem modò sed patronum
me pronuntiauit Parens, quos sine versionis auxilio
intelligerem : Fortunam nulli Regum comparandam
verbis aomplificante Præceptore, omnem operam addi-
scendæ linguæ græcæ addixi, eòque effecisse visus sum,
ut re supra votum eorum succedente, Plutarchum,
Dionem, Diod. Siculum, Dion. Halycarnassæum,
Xenophontem, Homerum etiam Poëtarum patrem
cum aliis quibusdam præcipui nomnis Sciptoribus
mihi reddiderim familiares. Italos interea Hispanosque
non neglexi, quorum elegantias et χαριτες, seu ad cul-
tum animi, seu ad seueriorum studiorum intermissionem
magna cum sollicitudine comparare gestiebam.Undecimo ætatis anno, ne tempus eundo redeun-
doque perderem, in collegio Prælleo-Bellouaco collo-
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catus, Cl. Alberti curæ et amicitiæ commendatus sum,
singulari doctrina viri, qui solito docendæ Rhetoricæ
muneri, præclara belli Troiani facinora manè, xii.
tabularum leges vesperi exponebat ; Non minus di-
gnum quàm gratum audienti mihi argumentum. Ra-
piebant animum, fateor, quæ condiscipulis aut duriora
aut inutilia studia censebantur : Quare cùm me illis
attentiorem notassent Præceptores, alijs me destina-
runt studijs quibus adolescentis animi impetus maturè
coërceretur. Sic sacris Philosophiæ initiatus, biennium
excercitationibus argumentationibusque transegi, no-
ctibus etiam breuiori, ut videbatur, dierum spatio,
adiectis.Ita studijs bellè succedentibus, supervenit quod
mentem impensè turbaret. Conclusiones meas græco-
latinas (pro solito Parisiensium more amplissimas, ut<->
pote totam continentes philosophiam) typis expressas
cùm Professori meo Rogerio Omoloy, Hiberno,
philosopho non incelebri, censuræ causâ detulissem,
negavit eas se inspecturum, me monstrum aggredi
insuperabile, id quod nullo modo comprobare posset.
E memoria nunquam excidere poterunt lacrymæ tunc
temporis profusæ, actum esse de me (pœnitet me
etiamnum puerilis animi) existimabam. Sola Parentis
solertia modum tulit : Cùm enim ad se R.P. Cyrillum
Rhodocanacem Chium studia mea moderantem (quem
postea Patriarcham in Oriente renuntiatum fama est)
vocasset, unâ decreuerunt me, si animo vires non dees-
sent, etiam absque præside officio fungi debere, diffi-
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cultate omni in eo posita, quòd linguæ græcæ planè
ignarus esset Professor. Commisissem me certò tanto
certamini, adeo temerarium effecerat desperatio, ni
prudentiori consilio Professor suam famam agi edoctus
fuisset : Itaque iv. Iul. mdcxlvii. post exactum ætatis
annum xvi. præsentibus Nuntio Apostolico,
xxxiv Episcopis, Aulæ, Senatus, Urbisque Proceribus, post
bilingue quinque horarum discrimen, feliciter laurea
philosophica decoratus fui, quam modestiori titulo
Magisterium artium Parisienses nuncupant.Post elapsas aliquot hebdomadas venationis dele-
ctationi destinatas, à qua tamen non rarò inspectoribus
illusis, ad studia me surripiebam, ad quæ innato quo-
dam ardore dicam an furore ferebar, Parisios reuersus
de vitæ conditione eligenda consilium agitari cepit.
Medicinam gerebam in oculis, dilectissimæ Philoso-
phiæ sororem, artem vitæ salutisque custodem, cujus
amorem Parens meus non vulgarem inspiraverat.
Obstabat auunculus quidam meus, et ipse Iuriscon-
sultus, qui cùm se sine liberis videret, me fortunarum
suarum hæredem scribere et in filium adoptare, simulque
pro forensi aliqua dignitate mihi comparanda pecunias
suppeditare promiserat : Est hoc nimirum χρυσα ορη
υπισχνεισθαι ut aiunt, aureos montes polliceri. Tantæ autem
autoritatis viro, ut hic erat in nostra domo, neque ego
neque Parens meus quidquam quod tanto beneficio
reponeremus habere nobis videbamur. Iurispruden-
tiam itaque aggredior, tanto cum desiderio, tantaque
animi contentione, ut qui mihi præerat celebris ante-
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cessor Monginus, post xvi. menses, adipiscendi I.V.
Doctoratus tempus esse pronuntiauerit. Dictum,
factum, prævijs Pictauientibus, ut vocant licentijs,
sacramentum in medio Senatu Parisiensi præstiti, præ-
sentante me eloquentissimo viro D. Bataille, quo scilicet
ad jus unicuique tribuendum obligabar. Sexennium
totum hisce studijs impendi, Iuri scilicet Romano,
Institutis, Digestis, Codice, legibusque alijs compre-
henso, quibus et Ius nostrum Gallicum junxeram. In
his tamen dum versabar nocturni temporis magnam
partem quasi furtim, artis medicæ jucundioribus studijs
addiscendis consumebam.Sapientiam parentis mei hic reticere nequeo, qui
quæ vera essent expiscatus, monuit me rebus meis
attentiorem esse debere, silentiumque Auunculi in
malis esse habendum. Sis Patronus, inquiebat, sis
Iudex, nunquam ad amplissimos magistratus prouehi poteris,
solis scilicet Proceribus opulentissimisque servatos. Parci
tenacisque Auunculi promissis lactari te decipique non ultrò
patiaris. An continuò alterius sive opinioni, sive ignorantiæ,
fortè et nequitiæ mancipatus esse cupis ? si derelictis è contra
forensibus jurgijs, ad Medicinam te contuleris, naturæ pene-
trando miracula, quibus jam aliquam collocasti operam,
labanti tandem opem ferre, tibi, tuis, patriæ, forsitan et orbi
prodesse aliquando poteris. Artem disceres doceresque non
Magistratibus tantum sed Regibus ipsis et Imperatoribus
leges præscribentem : Sapientissimos tandem quosque ab ore
tuo pendentes, tuoque submissos arbitrio cerneres. Recorderis,
mi Stoice (sic quippe ob nescio quam απαθειαν me compel-
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lare solebat) Marescottum nostrum tria se sacræ arti nostræ
debere professum, quibus caruisset, si propositum a Parentibus
sacerdotium suscepisset, sanitatem athleticam ætatis anno
lxxxii. Centum aureorum millia, atque intimam innume-
rorum illustrium amicitiam. His addebat rerum agenda-
rum facilitatem familiari suo colloquio seu studio com-
parandam. Me omnia ad ejus mentem facturum illico
pollicitus, musæoli stromata ita disposui, ut præter
Parentem nullus sciuerit Iustiniano substitutum Hippo-
cratem, Iuridicis Medicos. Riolanus, Perdulcis, Val-
leriola, Fernelius, Paræus, Hofmannus, Renodæus,
Hollerius, Duretus, alijque mihi iam aliquo modo
familiares, susceptæ artis tyrocinium, viam præeunte
Patre, docuerunt, donce in altissimum artis oceanum
protrusus, Galenum et monitu Patris et proprio marte,
naviculæ gubernatorem studiorumque ducem selegi,
quem verum Naturæ genium esse intellegebam. Dio-
scoridem adjunxi, Celsum, Auicennam, cœterosque
medicinæ Principes, quorum diversitate fatigatum
remitterem animum.Ecce me tandem post examen iv. dierum singulari
ακριβεια, dignitate Baccalaurei decoratum, et post
duos deinde annos cum medio, ut solet, præceden-
tibus tum innumeris theoreticæ practicæque publicis
et privatis examinibus, tum bis mille nummorum solu-
tione, Facultatis medicæ Parisiensis Doctorem.Circa hæc tempora, Pater arcani colloquij occasio-
nem nactus, quod plerumque noctu in ejus musæo,
dormiente familia instituebatur, in amplexus ruere,
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gaudium ad lacrymas usque testari, mihi ob tam grata
sibi studia gratias agere, omnia quæ sua essent, polliceri.
Fortunam semper contempsi, inquiebat, quam in
solius tui amorem, ampliorem jam cupio : Ædibus
porrò, villa, bibliotheca, pecunijsque meis ut tuis
utere. Ad hæc me pro ipso nihil adhuc præstitisse
reposui, abundè agnoscere paterni affectus abundan-
tiam ; non soluisse me quod deberem, cæterùm in reti-
nenda debita obseruantia constantiam mihi nunquam
defuturam. Ædes separatas a suis tunc me habitare
voluit, quas honestissima supellectile decorauit, supe-
raddita bibliotheca selectissimis libris conspicua, ad
rem præcipuè medicam atque politiorem litteraturam
pertinentibus : Cui præterea et σκελετους omnis generis,
et instrumenta chirurgica, et abacum Europæis ac
exoticis medicamentis refertum, et tabulas geogra-
phicas chronologicasque, et illustrium virorum icones,
et numismata adjunxit ; adeoque vix quidquam excogi-
tari potuit animo erudiendo, oblectando, aut inflam-
mando aptum quod hîc defuerit.Mirabatur ille atque ego magis, hominum frequen-
tiam mea opera utentium, facto a plebeis initio ad Ma-
gnates citissimè progressus sum. Monacharum mona-
sterijs quibus opem medicam ferebam, urbanorum
negotiorum multitudo valedicere coëgit : Solo incura-
bilium, ut vocatur, xenodochio retento, quod ut inter
totius orbis locupletissima celebratur, sic rarissimis
suis morbis mihi et utilitatem et honorem non
contemnendum afferebat.
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Mitioribus frequentioribusque morbis pro arbitrio
medebar, grauioribus nil nisi consulto Patre præscri-
bebam. Plus mille schedularum asseruo consilijs ejus
plenarum, dubijs meis satisfacientium, quibus tutiùs
quàm Delphici tripodis oraculo utebar. Unam hic
referri non pigeat, cujus et alibi, meo quidem judicio,
usus esse potest. Medicam manum admoueram sartori
quinquagennario, quem bilis succo melancholico affusa
solertem, studiosum, tandemque poëtam effecerat.
Is febre tertiana correptus, post quatuor aut quinque
paroxysmos faustè sanatus est, exceptis quibus preme-
batur jugibus vigilijs. Verebar ne instante hyeme,
Octobrem enim agebamus, tertianæ quartana succe-
deret : Hæc omnia pro more Parenti scripsi, addito me
hypnoticis frustra usum, patientem esse impatientis-
simum, viribus utcunque pollere, nullo modo febrici-
tare aut dolere, soli vigilanti cerebro medicinam adhi-
bendam, quam solita αναθυμιασις procurare nequierat,
quare ad validiora confugiendum esse opinari me, atque
si ita ipsi probaretur, exhibendum Opij granulum,
omissis quæ Diacodij Laudanique nomine circumferun-
tur ; periculum enim esse in mora. Ad hæc ille : O fili
mi, quantum pugnas pro Opio ! tantus videris illius esse patro-
nus, ut nihil quod contra ipsum sit omiseris. Tradas ergo si
lubet, sed memineris Opium serpentis similitudine bellè desi-
gnari, abblandientem scilicet, mordentem deinde et necantem.
Schedulam ipsi ægro aperui, et toti periculi timore
perfuso, consului vlteriùs expectaret, ne me in ea
esse educatum schola, qua aliquot horarum quietem,
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vitæ discrimine redimerem. Annuit ille et sapientis
consilij pretium tulit ; nocte quippe subsequenti pluri-
bus horis dormiuit, seu venenati pharmaci formidine,
seu digestis materiæ morbificæ reliquijs.Priuata quadam præcepta hic scribere placet ab
optimo Parente circa tempus infusa, ut quæ summum
suum in me testabantur amorem, sapientiæ quâ polle-
bat ac summæ artis intelligentiæ famam confirment.
Diuinum Hippocratem Galenumque ita tibi commendaui,
inquiebat, ut ipsos cæteris artis nostræ Scriptoribus præla-
turum te nullus dubitem : Nec repetere animus est quæ ille in
Iureiuranduo, hic in Exortatione ad bonas artes, et passim
ad morum philosophiam spectantia, juuenes Medicos docuit.
Aliquot alia te monitum volo. Scias te non cum minori stul-
torum numero quàm sapientum rem habiturum ; talis est mor-
talium ac præcipuè Medicorum conditio. Vix ullum expe-
rieris ægrotantem ex toto sanæ mentis : Alius sanari non vult,
alius malè vult : Dubitant ferè omnes de Medici præstantia,
tui tamen cognoscendæ pare non sunt : Frenquenter decipiuntur,
frequentiùs cupiunt decipi ; Miracula sibi plerique fingunt in
corporis constitutione, in ιδιοσυνκρασια, in morbi specie, atque
etiam in remediorum delectu : His occurres, si artem cum
probitate, eruditione, et judicio exercueris. Quod ut feliciùs
tibi succedat, spretis tot vanis quæstionibus, totque ad me-
ram rerum disquisitionem pertinentibus, solis illis te tradas,
quæ morbos quovis modo declarare poterunt : Cum enim exinde
vaticinium acquisiueris, προγνωστικον vocant, a sanandi
facilitate non procul aberis. Botanicam laudo, physicæ partem
curiosissimam, sed nollem te hanc supra modum excolere :
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Fac ut è Nilo, canis : Curiositatem omnem cohibeas, et soli in-
sistas, quæ ad usum reuocetur. Anatomiam medicinæ oculum
esse non inficior, nec minoris esse utilitatis quàm Theseo filum
Ariadnes ; Verùm nollem te ijs quas audio controversijs nimis
implicitum : Sint-ne ouaria in fœminis ? Atram bilem recipiunt
ne renes succinturiati, eamdem massæ sanguineæ commixturi ?
cerebellumne solas motiones continuas, cerebrum verò volun-
tarias dirigit ? Diuersus est ne conglobatarum aut conglomera-
tarum glandularum usus ? Hæc puidem {a} pulchra sunt, sed quæ
totum hominem requirunt, eumque paulatim à veræ praxeωs
sudio abducerent. Laudetur Chymia quantum meretur, sed
caueas hanc sapienti methodo præferre : Quot homines neca-
uerit, quot paucis saluauerit, recordare. Hoc unum addo,
ne Empiricis solùm aut mulierculis obstistas, sed et sapientibus
viris de arte quam non intelligunt judicare porro et decernere
cupientibus. Sic continuò proderis, nusquam nociturus.Medicis occupationibus immerso, mihi nouam
adjecit Fortuna : Cùm enim Doctor Lopez Burdegalam
ire de repente destinasset, pathologicæ suæ professioni,
quæ scholæ primaria est, valedixit. Convocata subitò
saluberrima Facultas, cujus est unum è suis ad id mune-
ris destinare, Electores quinque ex adstantium Medi-
corum numero pro more nuncupauit, quorum consensu
tres proponerentur : Horum nominibus in urnam im-
missis, Decani manu unum extrahitur quod Carolum
Patinum exhibuit : Hac priùs declarata condi-
tione, ut qui Professor renuntiaretur, statim doceret,
nulla orationis inauguralis ob temporis angustias habi-
ta ratione. Sic ea ætate quâ fortasse nullus unquam
- Sic pour quidem.
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Parisijs docuit, cathedram conscendi, et factâ mulie-
bris cadaueris copiâ primam illius anni anatomiam in
publico scholarum theatro celebraui, dissectore P.
Emmerez Chirurgo peritissimo. Quo successu hæ
peracta sint, meum non est declarare : Quingenti me-
dicinæ studiosi quos nunc tot doctores opinor, rei gestæ
testimonium ferant : Ferant et chirurgiæ tyrones qui
artis præcepta a me tunc certatim expetebant, quibus
suffragante saluberrimæ Facultatis decreto, per aliquot
subsequentes annos morem tuli, tumorum historiam
aperiendo, vulnera, ulcera, luxationes, fracturasque
sanandi modum tradendo, operaque magna chirurgica
in cadaveris exercitando. Cùm autem dissectiones
explicarentur vernaculè, mirum quantus Aulicorum
Matronarumque concursus ædes meas cohonestauerit :
Increbuerat quippe rumor me singulas corporis actio-
nes, singulasque ejus partes, datâ operâ explicare, ut
nisi esset quod pudicis auribus negotium facesseret.Obseruationem medicam hîc inserere non abs re
autumo, quæ naturæ vigilantiam, sagacitatem et sa-
pientiam confirmat. Ioanni Le Blond, honestissimo
mercatori medicinam a decennio faciebam, viro octua-
genario, cœtera sano, si calculi symptomata exceperis.
Is quamvis doloribus continuis vexaretur, nunquam
tamen eò molestiæ deductus est, ut lecto detineretur,
vel officinam intermitteret. Præcipuum ei negotium
facessebat, quòd matulam centies in die quæreret,
aliquidque urinæ singulis vicibus profunderet, nisi
spongia ijs in locis collocata matulæ officium subiret.
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Fractis tandem viribus, ei suasi ut in lectulo se conti-
neret, bono animo esse jussi, breui doloribus, morbo,
senio, ac vitæ valedicendum. Alacriter dicentem
excepit vir non omnino αφιλοσοφος, quamvis αμουσος, mi-
rarique se affirmabat, non ut plures alios medicamentis
obrutos necari, quem sola Sors perimeret, gauisus talem
medicum nactum fuisse, quo cum quietè mori posset :
Et quidem absque ullo dolore prouisam moetem occu-
buit ; testamento condito, cujus me executorem ut
summum scilicet amicum scripserat. Pro solito Ciuium
nostrorum more dissectum fuit cadaver, in quo omnia
naturaliter et salubriter constituta, exceptâ vesicâ,
illiusque uretere deprehensa sunt. Hic intestinorum
amplitudinem æquabat superabatque, a rene sinistro ad
vesicam seri copia distentus, quod nondum urinæ no-
men mereri docent ιατρων παιδες. Vesica in tantum ex-
plicabatur quantum absque rupturæ periculo poterat,
tota calculo rotundo et oblongo, læui et terete repleta,
xiv. uncias pendente, per cujus anteriorem partem
architextrix Natura canalem effecerat, omnem artifi-
cum industriam superantem. Cuilibet facile fuit ani-
maduertere vrinam guttatim prodire solitam, quòd in
vesica vix præter guttulas quidquam contineri potue-
rit, vreteremque ab imperante natura vesicæ munus
obijsse, qui feri seu urinæ esset receptaculum, sicque
ad amplitudinem quadruplo solita majorem processisse,
unde continui dolores, neque tamen grauissimi.Labores meos solabatur amplissimus Magnatum
favor, qui me et Medico et amico familiari uti digna-
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bantur ; cum ecce ατυχια, veriùs διαβολων, et calumniam
dixero, me præcipitem egit, et κακων ιλιαδα intulit. Timan-
thum imitari liceat, Benigne Lector, qui cùm mœstos
pinxisset adstantes, et tristitiæ omnem imaginem con-
sumpsisset, ob Iphigeniam stantem ad aras perituram,
patris vultum velauit quem satis mœstum pingere
desperabat. Velum hic protendamus, seu dolore com-
moti ob fortunas perditas, seu charitate ob invidiorum
nequitiam.Excedere patria consultius fuit quàm libertatis di-
scrimen subire. Sensi tunc maximè cujus esset pretij
απαθεια illa stoica toties mihi exprobata, quæ aut frangi
animum aut imminui prohibebat, quæque vllam lacry-
mam effluere non passa est. In Belgium fœderatum ire
destinaueram, frequens Litteratorum asylum, ad quem
me invitare videbatur amicorum Belgarum multitudo.
Rhotomagum, Diepam, tandemque Portum-Gratiæ,
eo consilio perveni. Conscensuro navim Roteroda-
mum properantem, nuntiatum est Ostendenses pyratas
magno impetu hasce oras depopulari, nullis parcen-
tes, prædam ex singulis conquirere ; Gallos præterea
in quos præcipuè essent animati, in Oceanum demer-
gere. Hæc tanto terrore, pictoris quo famulo utebar,
animum percusserunt, ut se eò nauigaturum negaret.
Quo factum est ut nutans inter ejus pusillanimitatem
meamque constantiam, statuerim, cùm tanti momenti
iter istud non esset, redire Parisios.Hinc Heidelbergam ire decreui, quo me Sereniss.
Elector benignissimè litteris aliquando compellauerat.
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Cessit ad votum res, Principe maxima cum humanitate
me excipiente, et solatium omnis generis exhibente :
Nouum id non erit cui Germanicæ gentis comitas
perspecta est. Dum ita tranquillam dego vitam, lin-
guamque et mores Germanorum addisco, constitui
tandem et vana hominum consilia irridere, sic mea
interpretabor, et totum me philosophiæ medicinæque
tradere. Solent equidem plerumque in hunc statum
redacti vitam monasticam amplecti ; sed quid facerem
vxore comitatus, et alijs implicitus consiliis ? In
summa, de hoc nequidem cogitasse me ultro profiteor.Peregrinandi pruritus me invasit, ut Principum
aulas Medicorumque arcana recondita propriùs co-
gnoscerem, quorum ideo amicitiam studiosè aucupa-
tum me esse non diffiteor. Tanta felicitate id successit,
ut plerosque non ad benevolentiam modò, verùm et ad
familiaritatem pertraxerim. Patiantur hic nominari
quorum magnificentiæ solatij votorumque partem me
debere magno animi cum fructu atque lætitia recordor.
Leopoldus Augustus, immensis suis largitio-
nibus, immensis mihi collatis honoribus, inter illos
primas sibi vindicare meritò solet. Sereniss. Electores
Bauarus, Saxo, Brandemburgicus et Palatinus, maje-
statem interdum deponere dignati sunt, quò familia-
riùs mecum colloquerentur, et in ipsis epulis aut vena-
tionibus pro more philosopharentur. Serenissimi fra-
tres Duces Wirtembergici, Eberardus, Fridericus, et
Vlricus, hominum optimi, tanta in me contulerunt me-
rita, ut mihi etiam recolenti memoria pudorem reno-
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uent. Badenses Principes et præcipuè Durlacensis
lineæ caput Fredericus, ejusque filius Fridericus Ma-
gnus, intima familiaritate et ingentibus officijs deco-
rare me nunquam intermiserunt. Quantam jacturam
fecerim Ferd. Maximiliani Badensis Principis morte,
solus is intelliget qui sciuerit quanto affectu me sit
complexus. Postridie quàm ipsi venationi intento
valedixissem, Viennam properans, sclopetum rhedæ
motu violentiùs agitatum in ejus brachium globulos
suos explosit, illæsis planè Serenissimo Electoris Pala-
tini filio alijsque Principibus eadem rheda vectis. Infe-
licem hac in parte Principem, cui etsi postulanti non
aderat Chirurgus qui brachium maturè abscinderet,
superveniens enim gangrena illum ad plures breui
proficici coegit. Archiepiscopum Salisburgensem
etiam memorabo, qui cùm meum humaniter excepisset
salutationis obsequium, Carolum Patinum etc.
me esse pronuntiauit, sibi valde notum, cujusque effi-
giem mihi monstrandam ex bibliotheca illico afferri
jussit. Quid de Sereniss. magnæ Britanniæ Rege profe-
ram, cujus imperio reconditissima qæque κειμηλια sta-
tim monstrata sunt. Gratè is meminerat se olim Parisijs
commorantem quædam de Eclipsibus Cometisque li-
benter ex me vix adolescente audiuisse, variorumque
de ijs quæsitorum respondum tulisse. Christinæ Regi-
næ, cardinalibusque Franc. Barberino et Camillo de
Maximis multum me debere profiteor, ut et Ser. Magnæ
Hetruriæ Duci, hujusque patruo Leopoldo cardinali
Medicæo, Principique Francisco, cui dignitatem Car-
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dinalitiam et meritò quidem proximè destinari audio.
Quæ sibi superant ex Aretinis principibus erudita
opulentaque signa, toreumata, et numismata, mon-
strari, meis schedis inseri, et Reipublicæ litterariæ
communicari benignè permisit Sereniss. Alphonsus
Mutinæ etc. Dux. Multa præterea Allobrogum Prin-
cipibus, et Parmæ etc. Duci, quibus me in acceptorum
beneficiorum compensationem quanto possum studio
addico.Sed ad Medicos progredior, quorum mores, doctri-
nam et praxim indagare animus erat. Scire maximè
cupiebam quibus præcipuè artibus vterentur in con-
seruanda restituendaque miserorum mortalium valetu-
dine : Adeo enim illos a Parisiensi methodo discrepare
intellexeram, ut quomodo rectè officio fungi possent,
scire summopere cuperem. Nihil difficile nihil aspe-
rum mihi fuit, suauissimam familiaritatem maximamque
humanitatem, qualem Litteratos apprimè decet, ubi-
que ferè experto. Cum Heidelbergensi archiatro…
Fausio medicinam feci, nullo nostrum ab altero dissen-
tiente. Celeberrimi Gasp. Bauhini eruditionem, tum
paterna necessitudine, tum propria conjunctissimi,
nomenque veneror, è cujus penu cùm essem Basileæ,
multa elicere licuit, ut et amplissimi Bern. Verzascha,
felici medendi methodo clari. Nec reticendus est qui
ibidem publicè docet Iac. Harderus, qui juuenis licet
arte scriptisque medicis nomen non vulgare quæsiuit.
Io. Georg. Volckamerum, patritium Norimbergen-
sem medicum nobilissimum unicè diligo, quòd ab ejus
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consortio nunquam nisi doctior recesserim, quodque
Parenti meo intimus fuerit amicus. Cui etiam adnu-
mero Hermannum Conringium Helstadiensem, Phœ-
nicem Germaniæ vulgò nuncupatum. Illustre Bartholi-
norum nomen cuique medicinam amanti notum est,
mihi verò gloriari liceat quod parentem et filium sæpè
fuerim amplexus, et utriusque in amicorum censu nu-
merer. Lucas Schrockius Augustanus honorifica qua-
libet commendatione dignus, affinis sui doctissimi Io.
Georg. Velschij, atque illius inter primores amicos
meos numerati, famam egregiè tuetur. Melch. Sebi-
zium et Io. Kupperum, Argentoratenses Medicos,
maximæ olim famæ, quòd pro amicis habuerim, valde
mihi gratulor. Ille centesimo fermè ætatis anno, latinè,
græcè, gallicè, italicè, et germanicè, me alloqui
dignatus est : Hic vicinorum Principum ferè
omnium erat archiater. Claritati paterni nominis egregiè res-
pondet Io. Albertus Sebizius, cujus collegas cl. Marc.
Mappum et Georg. Francum juxta regulas artis bene
perpensas medicinam exercere mihi perspectum est.
… Horstius, Sebast. Schefferus, et Io. Petrus Faber,
Æsculapij nomen artis medendi peritia sunt adepti,
hic Hailbrunæ, illi Francofurti, omnes mihi multis
nominibus chari. Fato functum audiui celeberrimum
Guernerum Rolfinckium, in academia Ienensi Profes-
sorem : Medicinam ille callebat ad unguem, recondi-
tiora ejus axiomata liberalissimè profundens, quæ
tamen minori chymiæ vsui conjuncta esse voluissem :
Parcant ejus Manes meæ huic opinioni. Archiater
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Paulus de Sorbait, non Viennæ tantùm, sed ubique terra-
rum exstat clarissimus : An id optimæ medendi metho-
do debetur, an laboriosissimis scriptis ? utrumque
arbitror. Hofmannus Altorfi, Amannus Lipsiæ, Siga-
linus Comi, Seb. Iouius Lugani, Petrus Dapples Lau-
sannæ, suis præclaris in medendo dotibus Medicorum
omnium amici esse merentur.Ad plures jam transijsse audio mihi olim amicos
Nic. Tulpium, Io. Ant. Vander Linden, Theod.
Kerchringium, Regnerum de Graef, et Franc. Siluium
delle Böe, scriptis suis celeberrimos et Medicorum
quos docuerunt numero. Postremum hunc a Proce-
ribus Belgis ut Hippocratem hujus sæculi sæpe cogno-
minatum recordor… Svvammerdam et Drelin-
curtus Gallus ob eandem medendi artem in Belgio
sigularem existimationem sunt consequuti. Maxima
cum animi suavitate recordor doctissimi viri Thomæ
Poëllez (pucelle, donzella, seu virginis nomen sonat)
Christianissimæ Reginæ Mariæ Theresiæ αρχιατρου qui
è Salamanticiensis cathedra illius Principis Madrito Pa-
risios proficiscentis a Cathol. Hispan. Rege præfectus
fuit. Is mihi non rarò asseruit cujuslibet regionis Me-
dicos magna quidem arti incrementa addidisse, verùm
solos esse a se obseruatos Parisienses quibus tum ob pu-
rissimam medendi methodum, tum ob motum sancti-
tatem, omnibus in rebus maximè fideret.Perijt Londoni Thomas ille Willisius recondita
eruditione et ignota hactenus cerebri demonstratione
celebris. Tunc etiam malo meo fato perijt occasio
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virum cognoscendi maximæ famæ Gualterum Charle-
ton, brumali tempestate reditum in mitiores regiones
urgente.Percelebros illos Medicos Lugdunenses non possum
non laudare… Falconetum, et Car. Sponium, quibus
nemo Parenti meo amicior, nec jucundior, nec charior
fuit, utrumque Medicorum doctissimorum parentem.
Hujus autem filium cl. Iacobum, et suavissimorum
studiorum delectatio, et contracta in Germania Italia-
que familiaritas, vltrò charum mihi commendant.Mihi etiam apprimè innotuit Eques Terzago nomi-
nis claritate Mediolanum illustrans, Franciscusque
Redi Magni Hetruriæ Ducis medicus politissimus. Et
Marcellus ille Malpighius Bononiensis, fama et scri-
ptis toti orbi notus, ejusque amicus Siluester Bonfi-
liolus, in anatomicis versatissimus. Florius Bernardus
parenti meo olim amicus, in medendo acutissimus est,
ideo multorum Venetorum Procerum valetudini præ-
fectus. Familiariter præterea noui Marcum Brunium,
Ant. Scarellium, et Iac. Grandium, Venetos medicos
magni nominis. Aliquando etiam consilia medica
conferre licuit cum Excell. viris Aloisio de Antonijs,
Georgio Fontana, Hier. Copelazzi, Iac. Gonzato,
medicis Vicentinis, egregia medendi methodo, fa-
mam a defuncto (quem etiam apprimè noueram) Ber-
nardino Malacreda partam, optimo jure meritis.Mentem præterea summè exhilarauit adepta cum
eruditis viris necessitudo, qui quamvis Medici non
sint, mihi tamen fuere conjunctissimi. Io. Henr.
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Bœclerum historiarum Professorem Argentoteratensem,
Io. Petr. Lambecium Hamburgensem, S. Cæs. M. jisto-
riographum et bibliothecarium, Io. Petr. Lotichium,
Francofurtensem,… Bœsium historiarum Profes-
sorem Ienensem, Io. Christianum Keckium Durlacen-
sem imprimis nomino, quòd citiùs cœteris viuere hi
desierint : Horum porro recordationem Virtus et Fama
a mortalitate vindicabit. Sebast. Feschium Basilien-
sem, I.V. Professorem, antiquitatis politiorumque
litterarum cognitione, summaque mihi amicitia con-
junctum hoc etiam nominare gestio, ut et cll. Io. Rudol.
We<tt>steinios, patrem theologiæ, filium oratoriæ Pro-
fessores dignissimos, quòd familiares habuerim. Nec
Basilæ dulcissimò mihi hospitio recedam, innominatis
Iac. Rudino Rhetoricæ,… Hofmanno linguæ græ-
cæ, Ioh. Iacobo Buxtorfio SS. linguæ Professoribus, R.
P. litterariam suis scriptis continuò ditantibus. Vici-
num Basilæ Tigurum plures etiam alit litteratissimos
viros, mihi aliquando summa benevolentia conjunctos,
Suitzerum, Ottium, Hottingerum, omnigena erudi-
tione præstantes. Maximi habetur Iul. Richeltus ma-
theseωs Professor in academia Argentoratensi, litteris
elegantioribus ac præcipuè suæ artis observationibus
insigniter conspicuus. Io. Christoph. Vagenseilium
I.V. et linguarum orientalium Professorem Altorfinum,
Ioannemque Gronovium, dignum patris incrementum,
cui in historiarum professione Lugduni Batavorum
successit, inter intimos meos et necessarios habeo.
Io. Iac. Kerscherum et Io. Lud. Praschium Ratisbo-
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nenses Senatores, ob ingentem suam πολυμαθειαν Germa-
niæ famam egregiè sustinent. Tobias Hollanderus R.
P. Schaphunsianæ Proconsul, tum sua rerum antiquarum
peritia, tum priuatis officijs in me humanissimè colla-
tis, majus quam hic scribo meretur elogium. Ant.
Magliabechium Ser. Magno Hetruriæ Duci a consilijs
e bibliotheca, nullum opinor esse litteratum qui non
nouerit, adeo beneficus omnibus audit, quodquidem
et præsenti mihi cùm multoties iuissem Florentias,
experiri contigit.Suauissimum mihi fuit in Urbe per aliquot menses
degenti colloquium, cum Franc. Abbate Braccesio,
Petroque Bellorio, viris seu mores seu eruditionem
spectemus, verè Romanis : Ille Vrbano viii. P.M. ab
epistolis et secretis erat ; hic plurimis Pontificibus rei
antiquariæ interpres fuit, cujus insignem doctrinam
testantur columnarum Trajanæ et Antoninianæ ab ipso
editarum explicationes. Ezechielem Spanheimium
Parisijs primùm, Heidelbergæ, et tandem Coloniæ
admiratus sum, cùm minus encomium non debeam
rarissimæ eruditionis viro. Frequens etiam mihi ne-
cessitudo fuit cum Io. Friderico ejus fratre, tunc Hei-
delbergæ, nunc Lugduni-Batauorum Theologiæ Pro-
fessore. Tacerem Archi-presbyterum Modoëciensem
Petrum Paulum Busca, {a} olim Ambrosianæ bibliothecæ
custodem ? Certè non debeo, seu libelli quem edidit
De serpente æneo, seu singularis doctri-
næ, seu tandem benevolentiæ erga me maximæ non
immemor.
- Sic pour Bosca.
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Ut Parisienses nullos recensui quorum ingentem nu-
merum pro præceptoribus veneror, sic è Patauinis
nullum hic adscibendum censeo, quamvis præter Pro-
fessores in hoc libello designatos, multos nouerim varia
eruditione insignes. Cœterùm non possum quin ab
omni adulationis specie vacuus duos nominem maximi
nominis medicos. Io Fortis {a} et Hier. Vergerius ambo
Patauini Professores, acerrimi fuere in medendo judi-
cij, quorum Manibus benè precari me jubet accepto-
rum beneficiorum recordatio, cum ex utroque αξιοματα
multa ad ciuilem prudentiam, Medicorum cautelas,
et ægrotantium commoda didiscerim.Si unusquisque ita institutus pronuntiaretur qualem
Amici effingere potuissent, juxta illud Socratis, Dic
cum quibus versaris et tuos mores conijciam, fauorabiliùs
quàm desidero judicium experturum me dubitare non
licet, cùm tot tantosque amicos coluerim et frequenter
adlocutus fuerim, a quorum consortio vix unquam
nisi aliquo auctus eruditionis aut sapientiæ incremento
discesserim. Quod certè mihi maximum fuit ubicun-
que solatium, juxta illud Chrysostomi, οι φιλων ευπορουντες
ουκ αν εν θλιψες γενοιντο.Bello inter Gallos Germanosque exorto, de alia
studiorum sede seriò cogitandum duxi : Vix enim vnus
excurrebat dies, quin unius aut alterius gentis pagos
incensos è Basiliensi musæo perspicerem. Italiam or-
bis hortum αγαθων μυρμηκιαν cœteris regionibus præfe-
rendam suadebat terræ bonitas, antiquitatis fama,
litterarum gloria, gentisque prudentia. Animum
- Sic pour Fortius.
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addiderant Excell. Equitis Grimaldi, pacis bellique
artibus clarissimi, atque etiam Venetorum Magnatum,
quos mihi sola αγαθη τυχη conciliauerat, litteræ, quibus
ad suscipiendam in archi-Lyceo Patauino medicinæ
professionem sollicitabar. Sufflaminabant è contra-
rio litteræ aliæ morum diuersitatem memorantes. Vicit
tamen quam primùm susceperam cogitatio ; virtute
superare quælibet aduersa forti animo recepi. Patauium
cum uxore dilectissima Magdalena, Petri Hommetz
medici Parisiensis eximij filia, superatis Alpibus ac-
cessi. Hic reticere nequeo unius Patauini magnificen-
tiam, Ioannis Comitis a Lazara, qui aduentantem me
ædibus amplissimis excepit, pro quarum locatione
etiam scriptis consignato tantæ liberalitatis testimo-
nio, ne beneficij quidem gratiam quamcunque postu-
lare visus est. Inter Venetos, Baptista Nanius, D.
Marci Procurator, Reipublicæ lumen
cognominatus, mihi imprimis dum viueret patronus
exstitit : Nunc ejus mihi locum explet Siluester Vale-
rius, D. Marci Procuraor et Academiæ Moderator,
qui una cum collegis cathedram Auicennæ interpre-
tando destinatam cum annuo ccc ducatorum stipen-
dio, mdclxxvi. concessit, quod illico Senatus Con-
sulto confirmatum est.Tribus abhinc annis mihi nouus honos accessit,
equestris scilicet dignitas, ab Excell. Collegio perho-
norificè collata, quam torque aureo publicè condeco-
rauit Serenis. Venetiarum Dux Aloysius Contarenus.Anno C. mdclxxxi. dum in arte mea tum docen-
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da tum ad usum transferanda totus sum, jamque præte-
rita vitæ discrimina tranquillo animo ruminor, en
bonis auibus duplex faustissimus nuntius eadem hebdo-
mada ad me Patauium aduolat, cui si tertius accessisset,
exclamare cum Philippo Macedone non intermisissem,
O Dii, levem calamitatem pro tot successibus rependite. Ro-
ma, Parisijs, Vienna, Venetijsque constans rumor ad
me delatus est, Regem Christanissimum, Ludo-
vicum verè Magnum, me in gratiam ex qua
nescio quo malo fato, eheu ! quondam excideram, sum-
ma clementia recepisse. Id certè imprimis in votis
habuissem, ni oppressus potiùs quàm fractus animus
quidquam sperare aut cupere non decreuisset. Hoc ipso
tempore vacantem primariam Chirurgiæ cathedram,
duplicato stipendio, mihi honorificè destinauerunt
Trium-Viri Academiæ Moderatores, Hier. Basadonna,
Io. Maurocenus, et Nic. Venier, quorum decretum
illico sua autoritate firmauit Excell. Senatus.His accensendum puto alium ejusdem temporis
nuntium, quamvis minoris momenti ; cùm a Facultate
Medica Ienensi litteras acceperim, quibus mihi aliquo
modo satisfactum esse significabatur : Cùm enim ante
paucos menses apud hanc de quodam Io. Conr. Axtio
conquestus essem, qui libello de Arboribus coniferis Ienæ
impresso, mdclxxx, Epistolam de Antimonio adjun-
xerat, in qua gravissimam Parentis mei famæ iniuriam
intulisse opinabar, qualemque nunquam perferre po-
tuissem, Saluberrima Facultas illum παλινοδιαν canere
coëgit, quam suppressa calumnia typis mandatam ad me
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transmisit his verbis : Editioni Tractatus hujus de Arbo-
ribus, Benevole Lector, subjunxeram Epistolam de Anti-
monio, cui relationem de Illustrissimo Guidone Patino inser-
ueram : Quia autem certò comperi illam falsam, et ab ipsius
maleuolis sine dubio effictam esse, Epistolam rursus imprimi
curaui, fabulam expunxi, et Manibus celeberrimi illius
viri injuriam factam esse apertè profiteor.Vitam bonis malisque intertextam habes, Amice
Lector : reticendane fuerit, an in lucem protrahenda,
ipse judicabis. Sed essent præterea res innumeræ qui-
bus hanc conturbatam confirmare possem, si omnia
quæ mihi in vita contigerunt litteris consignare liceret.
Perquam enim arduum est de se scribere ! Præclariores
aliorum dotes exponere juuat, quin et interdum, si
defuerint, fingere : Hoc turpe cuilibet de se scribenti
contingeret, cùm nequidem eas, si quæ sint, honestè
cogitare liceat. Facta dictaue multa retuli, in quibus
falsitatis accusari non metuo : Adulationis notam, ut
decet, auersor. Duo porrò sunt in quibus excusari
velim, si fortè in scribendo vel gratitudini meæ vel
recordationis suauitati nimiùm indulserim. Scias de-
nique me a Bruto dissentire, Virtutem esse For-
tunæ ministram sentiente, cùm hanc juxta Epictetum,
meretricem esse innata leuitate nec unquam consultò
cuiquam fauentem opiner, Virtutem verò matronam
æternùm unicèque colendam.Filias duas instituo, Gabrielidem Carolam, et
Carolam Catharinam, utramque studijs deditam, pijs
præcipuè, philosophicis, et historicis, quorum suavis-
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sima conversatione ceu gratissimis mentis illecebris,
molestas animi ægritudines si quando contingerint,
discutere soleo. Ipsis ut mihi, Quis scit quid serus
vesper vehat : Θεοι δε τε παντα δυνανται.Hæc olim edidimus.
Itinerarium Comitis Briennæ : Parisijs, 1662. in 8.
Familiæ Romanæ ex ant. numismatibus : Paris. 1663. fol.
Traité des tourbes combustibles : Paris, 1663. in 4.
Introduction à l’histoire des medailles : Paris, 1665. Amsterdam, 1667. in 12.
Thesaurus Numismatum : Amstelodami, 1672. in 4.
Quatre relations historiques : Basle, 1673. Lyon, 1674. in 12.
Prattica delle medaglie : Venezia, 1673. in 12.
Suetonius illustratus : Basileæ, 1675.
De numismate antiquo Augusti et Platonis : Basileæ, 1675. in 4.
Encomium moriæ Erasmi, cum fig. Holbenianis ; Basil. 1676. in 12.
De optima Medicorum secta ; Patavij, 1676. in 4.
De Febribus, Patavij, 1677. in 4.
De Auicenna, Patavij, 1678. in 4.
De Numismate ant. Horatij Coclitis ; 1678. in 4.
De Scorbuto ; Patavij, 1679. in 4.
Iudicium Paridis ; Patavij, 1679. in 4.
Le pompose feste di Vicenza : Padoua, 1680. in 4.
Natalitia Iovis : Patavij : 1681. in 4.
Quod optimus Medicus debeat esse chirurgus : Patavij, 1681. in 4.Ijs adiungi potest.
Lyceum Patauinum, Patavij, 1682.