L. française reçue 50.  >
De Samuel Du Clos,
le 26 décembre 1657

De Metz, [1] le 26e décembre, l’an 1657.

Monsieur, [a][2][3]

Celui qui vous rendra cette lettre est un honnête marchand de cette ville, nommé M. Jassoi, qui, allant faire son emplette [1] à Paris, a cru se devoir prévaloir de cette occasion pour prendre avis de deux ou trois célèbres médecins, pour se pouvoir précautionner contre un rhumatisme auquel il est sujet, et dont il a été depuis peu de temps travaillé deux ou trois fois entre mes mains. Je ne vous dirai rien de sa constitution particulière, que vous reconnaîtrez assez être fort sanguine, [4] ni des accidents de sa maladie, qui n’a rien d’extraordinaire, et dont il vous détaillera lui-même aisément les circonstances. Seulement vous dirai je qu’en la cure de ce mal j’ai eu recours aux saignées fréquentes, [5] dont il se trouve toujours soulagé, aux lavements rafraîchissants, aux juleps [2][6] de même vertu, et aux purgatifs doux et bénins, [7] sur le déclin du mal et de la fièvre. Pour la précaution, je lui ai conseillé : 1o de tremper bien tout son vin, [8] qui est chose à laquelle il a peine de se résoudre, parce qu’il ne trouve pas l’eau bonne ; 2o de se faire saigner tous les trois mois, aux environs des équinoxes et des solstices, et se purger deux fois, au printemps et à l’automne ; 3o prendre du petit-lait dans la saison convenable pour tempérer l’ardeur de ses entrailles ; [9] et enfin, de boire au mois de juin prochain les eaux minérales de Pont-à-Mousson, [3][10] qui sont teintées d’un vitriol de fer, et en toutes choses assez semblables à vos eaux de Forges, [11] hormis qu’elles lâchent plus ordinairement et plus fort le ventre que celles-là, à cause de quoi elles sont en plusieurs maladies plus salutaires, parce qu’elles vident puissamment par les urines et par le ventre.

Vous verrez, Monsieur, avec ceux de vos amis que vous voudrez appeler, ce que vous trouverez bon de changer ou d’adjoindre à cela, et prendrez s’il vous plaît la peine de le lui bailler par écrit. Je l’ai prié de m’acheter à Paris le livre du sieur Chicot de Rheumatismo[4][12] Vous m’obligerez de lui dire le libraire chez qui on le vend, et si vous le voulez charger des thèses de médecine de monsieur votre second fils, [13] vous me ferez honneur et plaisir tout ensemble. Je le congratule, et vous aussi Monsieur, de sa promotion au doctorat, et prie Dieu de bon cœur qu’il vous en donne toute la joie et consolation que vous avez raison d’espérer. Faites-moi, je vous prie, la grâce de me mander si l’assemblée du Clergé [14] ne se doit pas séparer bientôt et si on a traité par devant eux le différend des curés de Rouen et de Paris contre les jésuites au sujet de leur théologie morale. [15] J’ai donné ordre de chercher à Strasbourg le Duret in‑4o que vous désirez, [5][16] mais je n’en ai point encore de nouvelles. Continuez, je vous prie, Monsieur, de m’aimer et soyez persuadé que je serai toute ma vie,

Monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur,

Du Clos.

Le fils de M. Guyot se loue fort des bons offices qu’il reçoit de vous, dont je vous remercie. Il a un camarade fils de M. Joly, [17] apothicaire de cette ville, qui est fort de mes amis. Vous m’obligerez de lui faire connaître aux occasions que j’ai pris la liberté de vous le recommander.


a.

Lettre autographe de Samuel Du Clos « À Monsieur/ Monsieur Patin,/ conseiller médecin et professeur du roi,/ logé en la place du Chevalier du Guet, à Paris » : ms BIU Santé no 2007, fo 336 ro‑337 vo.

1.

Achat de marchandises.

2.

V. note [7], lettre 135.

3.

« On trouve près de cette ville quatre sources que l’on a regardées comme minérales. La première, qui bouillonne sans être chaude, sort du milieu de la montagne de Mousson et tombe dans un bassin de pierre dont la surface est enduite d’une matière jaunâtre. Cette eau est claire, brillante, ans odeur ni saveur ; elle laisse sur la langue un goût un peu astringent quand on l’abue, et contient, suivant Pacquotte [en 1719], du muriate de soude et un nitrate qui la rend apéritive. L’hypocondrie, l’ictère, la chlorose paraisent être les maladies dans lesquelles on l’a plus particulièrement recommandée. Elle coule abondamment en hiver comme en été. La deuxième source, appelée fontaine rouge, passe pour être ferrugineuse : elle est située à un quart de lieue de la ville, au levant de la côte Saint-Pierre. La troisième, qui est à Montrichard, est moins ferrugineuse que la précédente. La quatrième se trouve sur la côte de Rupt. Toutes ces eaux sont froides » (Encyclopédie méthodique).

4.

V. note [5], lettre 904.

5.

Probablement une ancienne édition, épuisée, du commentaire de Louis Duret sur les Coaques d’Hippocrate (v. note [10], lettre 11), ouvrage qui était alors en cours de réimpression à Paris (v. note [25], lettre 516).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Samuel Du Clos, le 26 décembre 1657

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=9057

(Consulté le 18/04/2024)

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