L. latine reçue 26.  >
De Thomas Bartholin,
le 25 septembre 1662

[Bartholin c, pages 91‑96 | LAT | IMG]

À Guy Patin à Paris. [a][1][2]

Vous avez très exactement décrit Aubry ; [3] on le dépeint chez nous avec d’autres couleurs. Depuis l’Allemagne, on nous raconte en effet qu’il peut accomplir des miracles ; et il ne manque pas de gens à qui une réputation de charlatan, [4] quelle qu’elle soit, fait dresser l’oreille. Je vois que vos lithotomistes n’approuvent pas la section de la vessie en passant par le pubis ; [5] Rousset la loue pourtant très hautement, surtout chez les enfants, suivant en cela un certain Franco, dont il dit qu’est venu ce nom de section franconienne. [1][6][7] Elle n’est pas non plus sans déplaire à Hilden dans les calculs de grande taille qui ne peuvent être extraits par le périnée sans menace de vives souffrances et d’hémorragie ; la cicatrisation ne l’effraie pas car la vessie est dotée de fibres charnues, qui accroissent sa chaleur innée [8] et permettent à ses plaies de se refermer. [2][9][10] Je tiens pour assuré que la vessie blessée se répare souvent avec bonheur, contre le pronostic d’Hippocrate, comme en témoignent quantité d’observations exemplaires. [3][11] Et puisque l’estomac et l’utérus peuvent être incisés et guérir sans dommage, je ne vois pas qu’il puisse y avoir de danger dans cette taille de la vessie si elle est pratiquée par une main exercée. Je ne sais pas ce qui doit m’en détourner, en dehors du fait que cette opération n’aurait pas réussi à vos cystotomistes, autrement reconnus pour leur dextérité dans ce genre d’interventions. Je suis fort peiné par la mort de votre Des Gorris, qui fut un immense pilier de la médecine ; [12] ainsi s’éteignent les grandes gloires. Pour vous faire de même partager notre chagrin, un de nos collègues vient tout juste de périr ; mais pour ne pas sembler vous en rien écrire, je vous conterai son malheur par le menu.

En sa 44e année d’âge, le révérend Daniel Pfeiffius, notre docte collègue, [4][13] homme sanguin et de bonne complexion, mais souvent sujet à des coliques néphrétiques, [14] a soudain été pris d’ischurie en août dernier, [15] avec une douleur sourde du côté gauche, faisant penser qu’un calcul s’y était bloqué ; comme on le savait incapable de passer de l’urine par l’uretère droit, il en a résulté une suppression totale de la duirèse : hormis une ou deux gouttelettes de matière blanche, sans odeur désagréable, il ne pissait plus. Il persistait pourtant un écoulement de matière fécale, à la fois spontané et induit par le lavement. [16] Étant donné l’abondance des liquides ainsi éliminés, nous ne nous inquiétions pas outre mesure du blocage de la voie urinaire. Il était constamment pressé de vomissements, ce qui est signe d’un calcul bloqué dans les reins, mais il rendait une bile porracée. [5][17] Prescrit suivant les règles de l’art ou sur le conseil d’amis, nul remède, qu’il fût externe ou interne, même très puissant, n’est parvenu à déloger le calcul de là où il siégeait, ni à rétablir la diurèse, hormis cette décoction de cantharide, que j’ai décrite, qui lui fit émettre à trois reprises la valeur d’une ou deux cuillerées d’urine ; [6][18] mais la suppression persista car la cause de l’obstruction ne put être levée, et le calcul qui bloquait presque entièrement l’orifice de l’uretère gauche ne voulut pas se déplacer. Pendant tout le temps de l’anurie, le malade n’a pourtant ressenti aucune douleur aiguë, peut-être parce que le calcul recouvert de pituite ne provoquait pas d’irritation, [19] comme l’ont aussi observé Borel chez M. Nivelle de Castres dans l’observation lxiii de sa 2e centurie, [7][20][21] et Willis, chez une dame, dans son livre de Urinis[8][22] La région du pubis était tout à fait souple et un sondage a confirmé la vacuité de la vessie. [23] La suppression d’urine s’est prolongée jusqu’au 13e jour, quand sont survenues de légères convulsions avec une abondante hémorragie nasale, en raison de l’excès de sérosité qui inondait le corps, avec oppression du diaphragme responsable d’une dyspnée, d’une dilution du sang et d’une atteinte de la fonction cérébrale. En effet, bien que la sérosité s’éliminât en abondance par l’intestin, il en restait plus qu’il ne convient dans les veines, ce qui se manifesta, dès le milieu du cours de la maladie, par un engourdissement des extrémités des doigts. Le pouls s’est toujours maintenu ferme, à mon grand étonnement. Au 14e jour, qui était le 13e d’août, le malade mourut dans une convulsion. Jean-Baptiste d’Ornano, votre maréchal de France, [24] demeura en suppression d’urine pendant 11 jours, comme en témoigne Scipion Dupleix dans son Histoire de France[9][25] Au livre iv de ses Observationes, chapitre v, observation xi, Johann Peter Lotich l’a observée pendant une durée de 12 jours chez un marchand. [10][26] Selon le pronostic de Lommius au livre ii de ses Observationes medicinales, l’ischurie tue en sept jours ; [11][27] Beverwijk le cite en exemple au chapitre ix de son traité de Calculo ; [12][28] mais d’autres histoires témoignent que de nombreux malades ont dépassé ce terme : Forestus, au livre xxv, observations xii, xvii et xviii, a noté qu’il peut atteindre quatre, cinq et dix jours ; [13][29] Schenck en a compté huit et seize dans ses Observationes ; [14][30] Tulpius, huit et dix, au livre ii de ses Observationes, chapitre xlv, en disant pourtant qu’il n’a vu personne survivre après onze jours ; [15][31] mais Piso a observé la guérison d’une ischurie par la sudation au 19e jour. [16][32] Fonseca mentionne une suppression d’urine qui a duré six mois, au tome ii de ses Consultationes medicæ, consultation xcvi ; [17][33] et qui bien plus est, Ruffus d’Éphèse ajoute une durée de 12 ans au chapitre viii de ses Affections de la vessie[18][34] Notre malade a été heureux de rester en vie pendant tant de jours grâce à ses évacuations intestinales qui ont toujours été fluides, comme chez d’autres qui, ainsi que j’ai dit, ont survécu plus longtemps en étant secourus par la sudation ; mais, dans sa lassitude de vivre, il accusait la tinctura solaris d’Amelung, dont de très flatteuses rumeurs avaient récemment conduit le commun des mortels à s’enticher ; certains la louaient pour sa capacité à chasser les calculs, mais d’autres la rejetaient. [19][35] Je n’ai pas voulu porter un jugement défavorable sur le secours que procure ce remède, car il n’a pas pu nuire en étant prescrit avec méthode ; mais notre malade, dont le corps était peut-être vicié, en avait promptement bu plusieurs gouttes que lui donnaient certains de ses amis, dont le dangereux office est ordinairement de louer les remèdes nouveaux, pour ainsi expulser la matière lithiasique du corps et offrir au calcul, jusque-là immobile, une occasion fort commode d’être très promptement propulsé vers les orifices des uretères. Il n’est pas rare que les gens s’égarent en faisant les choses de travers, même les plus utiles. J’ai ainsi coutume d’inciter mes amis, pendant leurs repas, à ne manger ni boire d’aliments qui propulsent un chyle non encore digéré vers les voies urinaires, [36] ce qui doit faire craindre de graves obstructions aux calculeux. Cette précaution leur est d’autant plus nécessaire que leur fragilité les dispose aux maladies : tel est le conseil de Celse à l’intention des patients au livre i[20][37] Si le malade se plaignait toujours fort de l’odeur de son urine, cela venait sans doute, croyons-nous, du fait que cette teinture secrète d’Amelung est composée de sel d’ammoniac, de nitre et d’antimoine. [38] Puisse Dieu vous en préserver, vous et nos autres amis, de telle torture, ainsi que de celles qui lui ressemblent. Vale, éminent Monsieur, et que nous, vos amis, nous jouissions comme vous d’une belle santé. De Copenhague, le 25e de septembre 1662.

Tout à vous,
Th. Bartholin.


a.

Réponse de Thomas Bartholin à la lettre que Guy Patin lui avait écrite les 24 et 26 août 1662, imprimée dans Bartholin c, Centuria iv, Epistola xxi (pages 91‑96), De Sectione Franconiana. Urinæ suppressio ad xiv. dies [De la section franconienne. Suppression d’urine durant 14 jours] : fort érudite, elle décrit la mort par anurie en lien avec une insuffisance rénale terminale, syndrome qu’on a depuis appelé urémie ou mal de Bright (v. note [30], lettre de Jan van Beverwijk, datée du 30 juillet 1640).

1.

V. note [11], lettre 33, pour la taille franconienne de la vessie, ou haut appareil. Guy Patin avait effleuré la question en commençant son post-scriptum du 26 août 1662 (v. sa note [7]), à propos d’une thèse de Nicolas Piètre sur la cystotomie.

Thomas Bartholin est revenu plus en détail sur ces sujets urologiques dans sa lettre latine datée du 18 octobre 1662 (v. ses notes [6] et [7]).

2.

Guillaume Fabrice de Hilden (v. note [7], lettre 62), Opera omnia [Œuvres complètes] (Francfort, 1646, v. note [12], lettre 516), livre v, De Lithotomia vesicæ [Extraction de la pierre vésicale], fin du chapitre xvii De quinto operandi modo, qui præfato quoque Petro Franco adscribitur [Cinquième manière d’opérer employée dans la lithotomie, qu’on attribue, comme la précédente, à Pierre Franco], page 733 :

Hac Methodo instituta operatione, dummodo (ut dictum) calculus ad inguen elevari poterit, in magnorum calculorum extractione, minus periculum quam per collum Vesicæ certum est. Quandoquidem ingens ac magnus calculus, ut per collum Vesicæ extrahatur, propter ejus angustiam longum requirit tempus ; Interim æger ingentibus affligitur doloribus, Vesica, ipsiusq. fibræ dilacerantur, sanguis copiose profluit, Vires dissolvuntur, maximoque cum cruciatu æger vel in ipsa operatione, aut paulo post extinguitur. Operatio vero in inguine, sine ulla fere dilaceratione Vesicæ perficitur, hæmorrhagia præterea non usque adeo verenda est. Vesicam præterea in suo fundo vulneratam consolidari quoque posse observatum est : suas enim fibras carnosas habet, quarum beneficio calor ejus innatus fovetur, et vulnera curantur, ut cap. 5 ostendi. Contra vero Vesicam circa collum insigniter dilaceratam, difficulter consolidari posse, inde manifestum fit, quod eo in loco ureteres ingrediuntur, vulnusque continuo humectant, et consolidationem impediunt, sequiturque perpetuum stillicidium Urinæ.

[Dans l’extraction des calculs volumineux, quand l’opération est pratiquée suivant cette méthode, pourvu (comme on a dit) qu’on ait pu faire remonter la pierre jusqu’à l’aine, le danger est certainement moindre qu’en la faisant sortir par le col de la vessie ; quand le calcul est très gros, l’extraire par le col, en raison de son étroitesse, requiert donc beaucoup de temps, durant lequel le malade endure d’immenses douleurs, la vessie et ses fibres se dilacèrent, le sang coule en abondance, les forces du patient se désunissent ; et il meurt avec très grande torture pendant l’opération même, ou peu après. Quand on opère en passant par l’aine, sans presque dilacérer la vessie, l’hémorragie n’est cependant pas autant à craindre. On observe en outre qu’une plaie du fond de la vessie peut aussi cicatriser, car elle possède ses propres fibres charnues qui accroissent sa chaleur innée {a} et permettent à ses plaies de se refermer, comme j’ai montré au chapitre v. {b} En revanche, quand elle a été notablement dilacérée près de son col, la vessie peut difficilement se réparer ; et ce pour l’évidente raison que c’est l’endroit où les uretères y pénètrent, et qu’ils empêchent la cicatrisation en humectant continuellement la plaie ; avec pour résultat une fuite perpétuelle d’urine goutte à goutte].


  1. V. première notule {a}, note [14], lettre 150.

  2. Chapitre v, Descriptio brevis Anatomica Vesicæ [Courte description anatomique de la vessie] (pages 714‑717).

    La base de la vessie est formée par le trigone en forme d’entonnoir, dont les trois sommets sont les entrées des deux uretères en arrière et la sortie de l’urètre (col vésical) en avant. Le dôme (ou fond) et les parois latérales du réservoir vésical possèdent une épaisse paroi musculeuse (détrusor).

    Deux abords étaient disponibles pour extraire la pierre par cystotomie (ouverture chirurgicale de la vessie, v. note [11], lettre 33) : une incision médiane basse du périnée (petit et grand appareils) ouvrait le col de la vessie ; tandis qu’une incision antérieure du pubis (haut appareil), soit médiane, soit latérale (juste au-dessus d’une des deux aines), abordait le réservoir vésical à bonne distance du trigone plus incommode (car plus profond, et richement vascularisé et innervé).

    Dans des deux cas, deux doigts d’une main de l’opérateur, introduits dans le rectum, et son autre main, appuyant sur l’abdomen, repoussaient préalablement la pierre vésicale vers l’endroit de l’incision. Le recours complémentaire à des instruments introduits dans la vessie (dessinés dans le livre de Fabrice de Hilden) distinguait le grand du petit appareil.

    La suture de la vessie à l’aide de fil, après son incision chirurgicale, n’avait alors pas encore été inventée : on abandonnait à la bonne nature le soin fort aléatoire de la cicatrisation (v. infra note [3]), mais avec un risque élevé de fuite urinaire consécutive (fistule vésicale).


3.

Au début du chapitre cité dans la note [2] supra, Fabrice de Hilden écrit à propos de la cicatrisation simple des plaies de la vessie (page 732) :

Raro tamen illud contingit, firmumque manet, quod scribit Hippocrates lib. 6. Aphorism. 18. Vulnera Vesicæ lethalia esse quemadmodum enim una hirundo non facit Ver, ita etiam se habent Vesicæ vulnera, et quamvis unum aliquod sanetur, e contra tamen decent aut plures deplorati obeunt ; propterea quod caro sive Parenchyma Vesicæ, non facile sanationem recipit, sed quoniam Vesica e genere nervoso, et fere exsanguis est, ideoque ipsius vulnera non facile, raroque coalescunt.

[Cela arrive pourtant rarement, et ce qu’écrit Hippocrate, 6e section, aphorisme no 18 demeure solide : les plaies de vessie sont mortelles. {a} De même qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, de même en va-t-il des plaies de vessie ; et bien qu’il arrive à quelque malade d’en guérir parfois, il faut reconnaître que quantité d’autres en meurent dans le désespoir. En outre, la chair ou tissu de la vessie ne cicatrise pas aisément ; mais, étant donné que la vessie est de structure musculeuse et peu vascularisée, ses plaies ne se réunissent que rarement et difficilement].


  1. « Les plaies de la vessie, ou de l’encéphale, ou du cœur, ou du diaphragme, ou de quelqu’un des intestins grêles, ou de l’estomac, ou du foie, sont funestes ».

4.

Thomas Bartholin décrivait ici la dernière maladie de Daniel Pfeiffius (né en 1618), pasteur de l’église Saint-Pierre et professeur de théologie à Copenhague.

Les Elogia Germanorum quorundam Theologorum, collecta a Georgio Henrico Goetzio, Doct. Superint. Lubec. [Éloges de certains théologiens germaniques, recueillis par Georg Heinrich Götze, docte recteur de l’Église de Lübeck] (Lübeck, Johann Wiedermeyer, 1709, in‑8o) contiennent celui de Pfeiffius (éloge xxxiix, pages 369‑375), qui s’achève sur ces vers mystico-pharmaceutiques de Thomas Bartholin adressés Piis Manibus Dn. M. Danielis Pfeiffii Theologi Magni olim Amici et Collegæ, Nephretico affectu extincti [aux Mânes sacrés de M. Daniel Pfeiffius, grand théologien qui fut jadis mon ami et collègue, et qui mourut d’une lithiase urinaire] :

Cum tua præduro cruciaret viscera saxo
Tortor inhumanus difficilisque silex ;
Expressit Tibi dira graves vesica dolores,
Lymphaque per venas irrequieta stetit.
Nil tum solaris potuit tinctura, nec ulla
Ex salibus medica venit ab arte salus.
Mollia nec duros valuerunt vota lapillos
Frangere, nec lachrymis gutta cavare piis.
A Christi roseo manabat vulnere lympha
Una salus rigidis et medicina malis.
Hermetis sileant pulli. Tinctura reperta est,
Qua solvit lapides Spiritus ille Dei
.

[Parce qu’un fâcheux calcul, tel un bourreau barbare, te torturait les viscères d’une très dure pierre, ta redoutable vessie a engendré d’intenses douleurs et ton urine s’est bloquée sans rémission par toutes tes veines. La teinture solaire {a} n’y a rien pu, et nul salut n’est venu de tous les sels que procure l’art médical. Les tendres prières n’ont pas eu le pouvoir de briser les fermes petites pierres, ni les pieuses larmes, celui de les éroder goutte après goutte. L’eau qui s’écoulait de la plaie vermeille du Christ est la seule à procurer le salut aux endurcis et à soulager les malheureux. Que les enfants d’Hermès {b} se taisent donc, car on a trouvé la teinture qui dissout les pierres : c’est l’esprit de Dieu].


  1. Teinture antinéphrétique d’Amelung, v. infra note [19].

  2. Les adeptes de la médecine chimique, disciples d’Hermès Trismégiste (v. note [9], lettre de Thomas Bartholin, datée du 18 octobre 1662) et de Paracelse.

5.

Porracée : verte comme du jus de poireau (porrum en latin) ; la bile est normalement jaunâtre ou verdâtre.

6.

Thomas Bartholin a donné la composition de son remède dans l’Hist. lxxxii, Cent. v, intitulée Cantharidum ussus internus [Usage interne des cantharides], de ses Historiarum anatomicarum et medicarum rariorum [Histoires anatomiques et médicales plus que rares] (Copenhague, 1661, centurie v, histoire lxxxii, pages 159‑161) :

Scrupulus unus Cantharidum in pulverem redactus, infundatur unciis tribus vel quatuor vini Rhenani, vel spiritus vini, stetque in infusione per aliquot dies, deinde per chartam bibulam filtretur, ut ex substantia Cantharidum nihil admisceatur. Ex colato liquore cochlear unum septem aliis seu vini seu cerevisiæ admisceatur, et ex hoc mixto primo die unum, altero duo cochlearia, et sic deinceps propinentur. In gonorrhea virulenta, lotii suppressione et calculo, felicem hujus præparatæ potionis eventum expectus est D. Jac. Fr. Kotzbue Vir Medica eruditione et experientia inclytus, cui mecum hoc lector debet.

[Répandre un scrupule de cantharides {a} réduites en poudre dans trois ou quatre onces de vin du Rhin ou d’esprit-de-vin, laisser l’infusion reposer pendant quelques jours, puis la filtrer sur du papier buvard pour que ne s’y mêle plus aucun fragment de cantharides. Mélanger, à proportion de 1 pour 7, la liqueur qu’on a épurée dans du vin ou de la bière, et en faire prendre une cuillerée le premier jour, deux cuillerées le second, et ainsi de suite. M. Jac. Fr. Kotzbue, homme renommé pour son érudition médicale et pour son expérience, a éprouvé l’heureux effet de cette potion préparée dans la gonorrhée virulente, {b} dans la suppression d’urine et dans le calcul. Le lecteur la lui doit, ainsi qu’à moi].


  1. V. note [9], lettre 515.

  2. Chaude-pisse (v. note [14], lettre 514).

7.

Petri Borelli, Medici Regii Castrensis, historiarum et observationum medicophysicarum Centuriæ iv, in quibus non solum multa utilia, sed et rara, stupenda ac inaudita continentur. Accesserunt D. Isaaci Cattieri, Doctoris Monspeliensis et Medici Regii, Observationes medicinales raræ, Dom. Borello communicatæ, et Renati Cartesii Vita eodem P. Borello authore. Quæ omnia nunc primùm in lucem prodeunt.

[Quatre Centuries d’histoires et d’observations médico-physiques de Pierre Borel, {a} médecin du roi, natif de Castres, qui contiennent des faits non seulement utiles, mais aussi rares, étonnants et inouïs. On y a ajouté les Observations médicales rares de M. Isaac Cattier, {b} docteur de Montpellier et médecin du roi, qu’il a communiquées à M. Borel, ainsi que la Vie de René Descartes par ledit P. Borel. Le tout publié pour la première fois]. {c}


  1. V. note [35], lettre 387.

  2. V. note [11], lettre 351.

  3. Paris, Jean Billaine et la veuve de Mathurin Dupuis, 1656, in‑8o.

L’observation lxii (et non pas lxiii) de la 2e centurie (pages 158‑159) est intitulée Calculi vesicæ rari, et cochleæ in saxum conversæ [Calculs rares de la vessie, tournés en forme de coquille d’escargot] :

Cum de calculis miris vesicæ egerimus, historiam sequentem notatu dignissimam, de renum calculo admirando recensendam esse existimavi. D. Nivelle, procurator Castrensis, annum octuagesimum attigit, sine ullis fere renum doloribus, nec urinæ suppressione, et tamen cum febre periisset, in cadaveris dissectione, ren sinister repertus est luto refertus, in dextro vero lapis cineritius obscurus, ponderis septem unciarum inventus fuit, à Joh. Riverio Chirurgico ; lapis autem ille figuram valde irregularem habuit : fuit enim instar castaneæ mar. cui appendix adhærebat.

[Puisque nous avons traité des calculs remarquables de la vessie, j’ai cru bon de relater l’observation que voici d’un calcul admirable des reins : M. Nivelle, procureur de Castres, avait atteint sa 80e année d’âge sans presque avoir jamais ressenti de douleurs aux reins, ni été affecté de suppression d’urine ; le malade étant mort de fièvre, à l’ouverture du cadavre, le chirurgien Jean Rivière a remarqué que le rein gauche était distendu par de l’urine, tandis que du côté droit on a trouvé une pierre grise comme de la cendre et pesant sept onces ; mais elle avait une forme très irrégulière, ressemblant à une châtaigne à laquelle était attaché un pédicule]. {a}


  1. Ce volumineux calcul (environ 225 grammes) devait occuper entièrement le bassinet du rein droit et émettre un prolongement dans l’uretère. Borel s’étonnait à juste titre qu’il n’eût provoqué aucun symptôme durant la vie du malade. Une obstruction de l’autre rein dut provoquer sa mort par urémie.

8.

Thomas Willis (Great Bedwyn, Wiltshire 1622-Londres 1675) est le médecin et anatomiste anglais dont le nom reste attaché au polygone artériel qui réunit les unes aux autres les quatre artères nourricières du cerveau à la base du crâne (les deux carotides en avant et les deux vertébrales en arrière). Il a publié pour la première fois son traité « des Urines » en latin à La Haye (1659, in‑8o, pour la première de nombreuses rééditions) ; il a été traduit en français : Dissertation sur les urines. Tirée des ouvrages de Willis, très célèbre médecin d’Angleterre… (Paris, Laurent d’Houry, 1683, in‑8o).

Le passage auquel Thomas Bartholin faisait allusion se trouve dans le chapitre v, Des choses contenues dans l’urine des malades (pages 111‑112) :

« Les petites pierres passent quelquefois au travers des conduits de l’urine et sont chassées au dehors, et il vaut mieux que les grandes demeurent immobiles dans leurs cavités. Les endroits où elles s’engendrent ordinairement sont les sinuosités anfractueuses des reins ; et si les plus petites qui tombent de là dans la vessie ne sont évacuées, elles se forment en de grandes pierres. J’ai vu une fois plusieurs grandes pierres vers les côtés de la vessie, qui étaient renfermées entre les membranes comme dans une bourse. Ces pierres, sans doute étant tombées des reins quand elles étaient encore petites, demeuraient dans les conduits des uretères qui passent entre les membranes de la vessie, et là elles s’augmentaient peu à peu. Une dame attaquée de cette maladie jeta par le conduit de l’urine, longtemps avant sa mort, une membrane épaisse et large remplie d’une matière de sable qui (comme il parut par la dissection que l’on fit de son cadavre) était une partie de la tunique interne de la vessie qui avait été froissée et rompue par les pierres qui y étaient renfermées. »

9.

Histoire de Louis le Juste, xiiie du nom, roi de France et de Navarre. Par M. Scipion Dupleix [v. note [9], lettre 12]… (Paris, Claude Sonnius, 1635, in‑8o), Punition du comte de Chalais, mort du Connétable et de trois maréchaux (pages 433‑434) :

« Jean-Baptiste d’Ornano, {a} maréchal de France, était en termes de recevoir pareil châtiment que Chalais, {b} y ayant plus de preuves de ses pratiques que contre l’autre, touchant les mauvaises impressions et dangereux avis qu’il tâchait de donner à Monsieur, tant pour le détourner de son mariage avec la princesse de Montpensier, {c} que pour lui faire rechercher une alliance étrangère. Mais sa mort naturelle {d} devançant l’instruction de son procès l’exempta d’une honteuse. L’on remarqua en lui que dès lors qu’il entendit la nouvelle de l’accomplissement du susdit mariage, il commença à se dessécher et à décliner journellement à vue d’œil jusques à son trépas, qui fut le 11e jour de novembre ensuivant.

J’admire l’impudence et l’imposture de ceux qui ont osé publier que ses jours lui avaient été avancés par poison ; l’ouverture de son corps et la relation des médecins ayant fait foi des vraies causes de sa mort. Car étant un corps de très mauvaise constitution, on voyait premièrement en sa face une mélancolie extrême. En second lieu, il était sujet à une suppression d’urine ; et en cette dernière maladie, il demeura onze jours sans uriner. Pour une troisième incommodité, il était souvent agité d’un vertigo, {e} duquel il recevait quelque soulagement par de fréquentes purgations ; et n’en ayant pas voulu user durant sa maladie, tous ces mauvais accidents, avec la tristesse de sa prison et l’affliction de ce à quoi il avait eu le plus d’aversion (qui était le susdit mariage de Monsieur) l’accablèrent. Ce n’est pas pourtant qu’il ne fût assisté des médecins, car il en eut continuellement trois qui sont en bonne réputation, Carré, Brayer et Le Tellier ; {f} lesquels ayant fait l’ouverture et la dissection de son corps, trouvèrent qu’il avait la tête pleine d’eau, cause de son vertigo ; l’un de ses rognons pourri, et entre l’autre rognon et l’uretère, un callus {g} qui lui causait la rétention d’urine. Ainsi, durant sa maladie il n’eut aucun symptôme de poison ou de venin, et après sa mort, il ne s’en trouva en son corps aucune marque. »


  1. Mort en 1626 (avec variantes sur la date précise), âgé de 45 ans (v. note [8], lettre 96).

  2. V. note [20], lettre 403, pour Henri de Talleyrand-Périgord, comte de Chalais, principal acteur d’une conspiration contre Richelieu, et qui fut décapité à Nantes le 19 août 1626.

  3. Le 6 août 1626, après l’échec de la conspiration de Chalais, Gaston d’Orléans, Monsieur, avait dû se plier à la volonté de son frère, Louis xiii, et de Richelieu, en épousant Marie de Bourbon, duchesse de Montpensier (v. note [55] du Borboniana 5 manuscrit), qui mourut en donnant naissance à la Grande Mademoiselle (v. note [18], lettre 77).

  4. Dans la prison du château de Vincennes.

  5. « Étourdissement qui est causé par quelques vapeurs ou fumées épaisses et chaudes, qui viennent des intestins et montent par les artères carotides à la tête, et troublent le mouvement des humeurs et des esprits contenus au cerveau, et ainsi causent l’éblouissement et offuscation de la vue, en sorte qu’il semble que tous les objets présents tournoient, comme il arrive à ceux qui ont trop bu » (Furetière).

  6. V. notes  [9], lettre 126, pour Gaspard i Brayer, et [30], première notule {b}, des Décrets et assemblées de la faculté de médecine de Paris (1651-1652), pour Simon Le Tellier. Il ne figure pas de médecin nommé Carré dans le catalogue des docteurs régents parisiens établi par Baron.

  7. Une carnosité : v. note [13], lettre 539.

10.

Jo. Petri Lotichii Consiliorum et observationum medicinalium libri vi. In quibus plerorumque corporis humani affectuum curationes, præsertim remedia euporista, ab ipsomet autore partim inventa, partim ab aliis ante experta et mutuata, luculenter, et historice, tanquam in diario, proponuntur [Six livres de consultations et d’observations médicales de Johann Peter Lotich. Où sont présentés de manière claire et chronologique, comme dans un journal, les traitements de très nombreuses affections du corps humain, en particulier les remèdes faciles à se procurer que l’auteur a soit lui-même inventés, soit précédemment expérimentés et empruntés à d’autres] (Ulm, Johannes Guerlinus, 1644, in‑4o) :

Urinæ omnimoda per dies xii suppressio, lethalis : ejusque causa, sectione cadaveris post mortem inventa in mercatore [Suppression complète et mortelle d’urine pendant 12 jours chez un marchand, avec sa cause qu’on a découverte à l’autopsie] (livre iv, chapitre v, observation xi, pages 386‑391) ; le rein droit était entièrement détruit par une infection purulente, le gauche était sain, mais sa voie excrétrice contenait plusieurs petits calculs.

11.

Observationum medicinalium libri tres [Trois livres d’observations médicales] de Jodocus Lommius (Anvers, 1560, v. note [8], lettre latine 125), deuxième livre, chapitre intitulé Observationes in vicijs renum, et vesicæ utiles [Observations sur les défauts des reins, et sur les utiles fonctions de la vessie] (page 89 ro) :

Si urinæ stillicidio volvulus accesserit, primis diebus septem hominem tollit, nisi febris quoque interventu fluere ubertim urina cœperit.

[Si une colique néphrétique s’est ajoutée à l’écoulement de l’urine goutte à goutte, {a} elle tue le patient dans les sept premiers jours ; à moins que, par la survenue d’une fièvre, l’urine ne se soit remise à couler en abondance].


  1. Ischurie.

12.

Le chapitre ix (pages 104‑136) du livre de Calculo renum et vesicæ [sur le Calcul des reins et de la vessie] de Jan van Beverwijk (Leyde, 1638, v. note [11], lettre 72) est intitulé :

Calculi signa demonstrativa : Hippocratis loci explicati. Doloris nephritici modus : de eo variantia Hippocratis loca conciliata. Circuitus nephriticis admirandum exemplum : ejus caussa et symptomata. Manardi locus examinatus, et rationes notatæ. Urina nephreticorum. Ejus suppressio lethalis ; et comatis soporiferi caussa. A Dureto et Iacotio dissensum. Urinæ potus noxius. Urina arenosa non est calculi signum ; nec arenæ rubræ calculi renum. Hippocratis verba benigne interpretata. Ejusdem aphorismus enodatus præter mentem interpretum. Carunculæ cum urina excretæ. Torpor cruris nephreticorum unde. Galeni in eo, Langii, et Iacotii error. Testis retracti, nauseæ, vomitus caussa. A Galeno et Avicenna dissensum. Colici et nephretici doloris differentia. Celsi locus explanatus.

[Signes qui indiquent le calcul : explication de passages d’Hippocrate. Caractères de la douleur néphrétique : recueil des passages d’Hippocrate sur sa diversité. Exemple remarquable de la récurrence néphrétique : sa cause et ses symptômes. Examen du passage de Manardus et remarques sur son raisonnement. L’urine des néphrétiques. Sa suppression est mortelle, et la cause du coma stuporeux. Désaccord entre Duret et Jacot. Boire l’urine est néfaste. Une urine sableuse n’est pas un signe de calcul et des sables rouges ne sont pas ceux d’un calcul des reins. Paroles d’Hippocrate abondamment expliquées. Son aphorisme dénoué au delà de l’interprétation des traducteurs. Les particules charnues excrétées avec l’urine. D’où vient l’engourdissement de la jambe chez les néphrétiques. Erreur de Galien, de Langius et de Iacotius à son sujet. Cause de la rétraction du testicule, de la nausée et du vomissement. Désaccord entre Galien et Avicenne. Différence entre les douleurs colique et néphrétique. Explication du passage de Celse].

Beverwijk n’y cite pas Lommius, mais écrit (chapitre xii, page 117) :

Plerunque vero urina impedito descensu ad cerebrum transfertur, et coma infert inexpugnabile, quo non paucos quinque, sex, septem dierum ischuria sine ulla doloris querela continuo sopore vidi extinctos.

[En vérité, la plupart du temps, quand on empêche sa sécrétion, l’urine se porte au cerveau et provoque un coma incurable ; j’ai vu un sommeil continu emporter bon nombre de gens après une ischurie de cinq, six ou sept jours sans avoir souffert aucune douleur].

La lithiase urinaire n’est pas la seule cause de l’insuffisance rénale terminale (anurie).

13.

Le livre xxv des Observationum et curationum medicinalium [Observations et de guérisons médicales] (Francfort, 1602, v. notule {b}, note [27], lettre latine 4) de Petrus Forestus (Peter Van Foreest, v. note [13], lettre 401) est intitulé De vesicæ malis et affectibus [Des maux et affections de la vessie] et contient ces trois observations :

  1. xii (pages 520‑521), De ischuria quatuor diebus perdurante [Une ischurie qui s’est prolongée quatre jours] ;

  2. xvii, (pages 526‑527) De urina per quinque dies suppressa, cum ingenti circa vesicam dolore [Une suppression d’urine pendant cinq jours, avec très grande douleur dans la région de la vessie] ;

  3. xviii, (pages 527‑529) De quodam rustico, qui per decem dies mingere non potuit [Un paysan qui n’a pas pu uriner pendant dix jours].

14.

La partie De Ischuria [L’Ischurie] (pages 464‑467) du livre iii des Observationum medicarum rariorum [Observations médicales plus que rares] de Johann Georg Schenck (Lyon, 1644, v. note [6], lettre 72) consigne 13 observations, dont les deux qui se rapportent au propos de Thomas Bartholin (page 465) :

15.

Livre ii des Observationum medicarum libri tres cum æneis figuris [Trois livres d’observations médicales] de Nicolaus Tulpius (Amsterdam, 1641, v. note [3], lettre latine 118), Caput xlv, Calculus ureterem obturans [Chapitre xlv. Calcul obstruant l’uretère] (page 172) :

Non esse in medico, semper relevetur ut æger. Sed dicat quis ? quem terminum ponunt Medici, morti ; exsurgenti a suppresso lotio ? annon alios citius, alios vero occidit tardius ? Valentia corpora ut interdum excurrunt diem vigesimum : sic attingunt infirma, vix septimum, vel octavum. Certum est, aliquos durasse ad undecimim, et tamen, ex toto, iterùm convaluisse. Sed post illum diem, equidem certe vidi neminem enavigasse, periculosum hoc syrtium æquor.

[Non esse in medico, semper relevetur ut æger. {a} Mais qui donc le dirait ? Quel terme les médecins mettent-ils à la mort quand survient une suppression d’urine ? Ne tue-t-elle pas les uns plus tôt et les autres plus tard ? Les corps vigoureux atteignent le vingtième jour, tandis que les faibles ne dépassent pas le septième ou le huitième. Il est avéré que certains sont parvenus jusqu’au onzième et ont néanmoins recouvré une parfaite santé ; mais il est tout aussi avéré qu’après ce terme je n’ai vu personne en réchapper, c’est la périlleuse mer des Syrtes]. {b}


  1. « Il n’est pas dans le pouvoir du médecin de toujours guérir le malade » (Ovide, v. notule b, note [17], lettre 126).

  2. Les Syrtes étaient deux bas-fonds sur la côte nord de l’Afrique, entre Cyrène (actuelle Libye) et Carthage (Tunisie).

16.

Carolis Pisonis, Doct. Paris. Consiliarii et Cubicularii Medici Henrici ii, Serenissimi Ducis Lotharingiæ, etc. Decani Facultatis Medic. Academiæ Pontanæ, et Domini de Champel, etc. selectiorum observationum et consiliorum de prætervisis hactenus morbis affectibusque præter naturam ab aqua, seu serosa colluvie et diluvie ortis, liber singularis. Opus novitate et varietate doctrinæ utile juxta atque jucundum. Cum Præfatione Hermanni Boerhaave, quod novissima hac editione, correctius multo, elegantius, notis marginalibus necessariis, et triplici indice auctius prodit.

[Livre singulier d’observations et de consultations fort choisies de Carolus Piso, {a} docteur de Paris, médecin conseiller et valet de chambre du sérénissime Henri ii, duc de Lorraine, etc., doyen de la Faculté de médecine en l’Université de Pont-à-Mousson, et seigneur de Champel, etc., sur les maladies et affections contre nature, jusqu’ici ignorées, qui tirent leur origine de l’eau, et de l’impureté et du débordement des sérosités. Ouvrage utile ainsi que plaisant, par la nouveauté et la diversité de sa doctrine. Avec une préface d’Hermann Boerhaave ; ce qui est publié dans cette toute nouvelle édition est beaucoup plus correct, plus élégant, et augmenté de notes marginales utiles et d’un triple index].


  1. Charles Le Pois, v. note [15], lettre 9.

  2. Amsterdam, frères de Tournes, 1768, in‑8o ; première édition à Pont-à-Mousson, 1618, in‑4o.

Le Caput vi. De Ischuria memorabili cum sudore perenni. Obs. cxxvii [Chapitre vi. Une ischurie mémorable avec sudation intarissable. Observation cxxvii] (pages 370‑371) de la Sectio iv. Morbi ventris inferioris, à proluvie serosa [Section iv. Maladies du bas-ventre par débordement séreux] relate l’ischurie qui s’empara soudainement d’Antoine de Gâtinais, seigneur de Drouville :

Septem interea dies integri dilabuntur et nullam aquæ guttulam reddit, imo quatuor supra diffugiunt, cum primum urinam ad libras duas circiter fundit ; sed iterum urina supprimitur, et novemdecim dies sicci prætervolant, quos ischuria secundo totos urget. Quæ certe siccitas non mediocriter animum meum tum pupugit, quod meminissem classicos auctores uno consensu ischuriam septem dierum lethalem affirmare ; et nihilominus Vir magnanimus non despondit animum. Circa trigesimum autem circiter diem a prima suppressione sex circiter libras affatim eminxit, sed mox tertium ischuria repetiit æque ut ante pertinax. Tum vero corpus universum jam ante per plusculos dies uvidum spectabili continuoque cœpit diffluore sudore, et tam insuavi et olido, ut vix ferrem præsentiam colendissimi Affinis. Dies autem jam decem sudor ille noctesque tenebat, cum ecce derepente dolor renum atrocissimus causarium adoritur, sed is mox (nam nullus dolor atrox et acerbus idemque diuturnus) semicupio paucas intra horas cedit, et simitu duo ab illo excreti calculi forma et caractere dactylorum nucleis similes sed longe majores, quorum enixu successit liberalis diuque optata, et facilis deinceps mictio.

[Sept jours entiers se sont alors écoulés sans qu’il ait rendu la moindre gouttelette d’eau ; et même quatre autres se passent encore, avant qu’il n’expulse environ deux livres d’urine ; mais la suppression d’urine rechute ensuite et, pour la seconde fois, l’ischurie nous accable tous, avec 19 jours secs qui se suivent. Cette sécheresse n’a alors pas manqué de me tourmenter l’esprit, parce que je me souvenais des auteurs classiques qui affirment unanimement qu’une ischurie de sept jours est mortelle ; et néanmoins, ce noble homme n’a pas rendu l’âme, mais vers le 30e jour depuis le début de la première poussée d’ischurie, il a pissé à profusion jusqu’à environ six livres d’urine. Bientôt pourtant et pour la troisième fois, l’ischurie a rechuté, aussi opiniâtre que précédemment ; mais alors, le corps tout entier, déjà moite depuis quelques jours, s’est mis à fondre en sueur, sans relâche et à profusion ; elle était si désagréable et puante que je supportais difficilement d’être auprès de ce très honorable voisin. Cette sudation durait déjà depuis dix jours et dix nuits, quand voici qu’une douleur absolument atroce des reins attaque soudainement le malade ; mais bientôt (car nulle douleur atroce et cruelle ne peut durer longtemps), le demi-bain l’apaise en quelques heures, avec deux calculs qu’il a simultanément expulsés, d’aspect et de forme semblables à des noyaux de datte, mais beaucoup plus volumineux. Une miction généreuse, depuis longtemps désirée et dès lors aisée, a succédé à leur expulsion].

17.

Roderici Fonseca Olysipponensis olim Pisis Medicinam suparordinariam, nunc Patavii practicam priore loco profirtensis Consultationes medicæ singularibus remediis refertæ non modo ex antiqua, verum etiam ex nova Medicina depromptis, ac selectis, quorum usu exactissima Methodo explicatur, et experimentis probatur. Opus cunctis Medicinæ studiosis propter secreta in eo contenta magno in pretio habendum. Accessit de consultandi ratione breve Compendium et Consultatio de Plica Polonica : cum duplici indice copioso, altero consultationum, altero rerum notabilium in toto Opere contentarum. Ad Potentissimum et Felicissimum Sigismundum Poloniæ et Sueciæ Regem huius nominis Tertium.

[Consultations médicales de Rodericus Fonseca, {a} natif de Lisbonne, autrefois professeur de médecine spéciale, maintenant premier professeur de médecine pratique à Padoue. Elles sont emplies de remèdes singuliers choisis et tirés non seulement de la médecine ancienne, mais aussi moderne, dont l’emploi est expliqué par une méthode très précise, et éprouvé par des expériences. Ouvrage auquel tous ceux qui étudient la médecine doivent accorder un grand prix en raison des secrets qu’il contient. On y a ajouté un court abrégé sur la manière de consulter et une consultation sur la plique polonaise ; {b} avec deux copieux index, le premier des consultations, le second des faits notables contenus dans tout l’ouvrage. Dédié au très puissant et très prospère Sigismond iii, {c} roi de Pologne et de Suède]. {d}


  1. Rodrigo da Fonseca (Lisbonne 1550-Padoue 1622) a publié de nombreux autres ouvrages.

  2. V. note [2], lettre latine 224.

  3. V. notule {f}, note [31], lettre 211.

  4. Francfort-sur-le-Main, Wechel (Daniel et David Aubrius, et Clemens Schleichius), 1625, in‑8o

La Consultatio xcvi, Pro retentione urinæ non illabentis in vesicam [Consultation xcvi, Pour une rétention d’urine ne s’écoulant pas dans la vessie] (pages 558‑562) contient la singulière remarque à laquelle Thomas Bartholin faisait allusion :

Historia est de moniali Patavina, cui per sex menses urina fuit prorsus retenta, supervixit nihilominus, quia sudabat quotidie circa ventrem, et umbilicum, quo sudore urina excernebatur.

[Il y a l’histoire d’une religieuse de Padoue dont l’urine a été entièrement supprimée pendant six mois ; elle a néanmoins survécu parce qu’elle suait tous les jours autour du ventre et de l’ombilic, sudation par laquelle l’urine s’évacuait].

18.

Le Traité des maladies des reins et de la vessie [Περι των εν νεφροις και κυστει παθων] se trouve au début des Œuvres de Rufus d’Éphèse, {a}, texte collationné sur les manuscrits, traduit pour la première fois en français, avec une introduction. Publication commencée par le Dr Ch. Daremberg, continuée et terminée par Ch. Émile Ruelle, bibliothécaire à la Bibliothèque Sainte-Geneviève (Paris, Imprimerie nationale, 1889).

Pour ce qu’en disait Thomas Bartholin, je n’y ai pas trouvé mieux que ce passage du chapitre 2 (page 10), Traitement des reins qui suppurent [Περι διαπυησηαντων νεφρων] : {b}

« Praxagore {c} raconte avoir vu un homme qui rendait les urines par l’anus et qui vécut ainsi douze ans ; il ajoute qu’il ne sait pas si ce malade vécut encore après ce temps, car il s’en alla, et lui n’en entendit plus parler. » {d}


  1. V. note [4], lettre latine 57.

  2. Danc cette édition, le chapitre 8, consacré à l’hémorragie de la vessie, ne parle par de rétention urinaire.

  3. Médecin grec du ive s. av. J.‑C.

  4. Soit un cas de fistule entre la vessie et le rectum, qui n’a rien d’une anurie : l’urine s’écoule seulement par un autre orifice que le méat de l’urètre.

19.

Teinture antinéphrétique (Stein Tinctur), dite solaire (dont Thomas Bartholin a donné la composition à la fin de sa lettre), alors nouvellement inventée par Just Christian Amelung (Tanna, Thuringe 1611-Leipzig 1680) médecin chimiste allemand de Leipzig.

20.

Traité de médecine de A.C. Celse. Traduction nouvelle… par le Dr A. Védrènes… (Paris, G. Masson, 1886 ; préface du livre i, pages 38‑39) :

Estque etiam proprium aliquid et lco et temporis istis quoque auctoribus : qui quum disputant, quemadmodum sanis hominibus agendum sit, præcipiunt, ut gravibus ut locis aut temporibus magis videtur frigus, æstus, satietas, labor, libido ; magisque ut conquiescat iisdem locis aut temporibus, si quis gravitatem corporis sentit ; ac neque vomiti stomachum, neque purgatione alvum sollicitet. Quæ vera quidem sunt ; a communibus tamen ad quædam propria descendunt. Nisi persuadere volunt, sanis quidem considerandum esse, quod cœlum, quod tempus anni sit ; ægris vero non esse :quibus tantomagis omnis observatio est, quanto magis obnoxia offensis infirmitas est.

[Il y a aussi, d’après ces auteurs, certaines particularités inhérentes aux saisons et aux lieux ; car lorsqu’ils discutent sur la manière dont les personnes en santé doivent se régler, ils prescrivent d’éviter avec le plus grand soin, dans les pays malsains et dans les saisons rigoureuses, le froid, la chaleur, l’intempérance, la fatigue et les entraînements de la volupté ; de prendre, dans ces mêmes circonstances, plus de repos si l’on éprouve de la pesanteur, et de ne pas irriter l’estomac par des vomitifs, ou les intestins par des purgatifs. Toutes ces recommandations sont justes ; toutefois, en les faisant, ils descendent du général au particulier, à moins qu’ils veuillent nous persuader que les personnes bien portantes doivent se préoccuper du climat et des saisons, et que les malades, à qui, cependant, cette précaution est d’autant plus nécessaire que leur santé est plus ébranlée et plus accessible aux influences morbides, n’en ont pas besoin]. {a}


  1. La méthode du Docteur Knock, dont Jules Romains s’est si bien moqué, est aussi vieille que la médecine.

s.

Bartholin c, page 91.

Epistola xxi

De Sectione Franconiana. Urinæ suppression
ad xiv. dies.

Guidoni Patino Lutetiam.

Aubrium graphicè descripsisti, aliis
coloribus inter nostros depictum.
Miracula enim præstare posse, ex Ger-
mania nobis narratur. Nec desunt qui ad
quamvis agyrtæ famam aures arrigant.
Calculi ex inguine sectionem vestris Li-
thotomis non probari video, quam tamen
tantopere laudat
Roussetus, ex Franco quo-
dam, à quo sectio illa Franconiana illi di-
citur, in pueris præsertim. Nec
Hildano
displicet in grandioribus calculis, qui ad
perinæum perduci non possunt, minori
enim cum dolore ac periculo hæmorrha-
giæ ibi extrahi. Vesicæ consolidatio il-
lum non terret, quia fibras carnosas ha-
bet, quarum beneficio calor ejus innatus

Bartholin c, page 92.

fovetur, et vulnera curantur. Certè vul-
neratam vesicam sæpe contra
Hippocratis
prognosticum feliciter curatam memini,
et passim exempla in observationibus signa-
ta testantur. Et quum ipse ventriculus,
uterusque sine damno et vulnerentur et
sanentur, quid in hac vesicæ sectione pe-
riculi subesse possit, non video, si exerci-
tata manus accesserit. Non scio quid me
absterrere debeat, nisi quod vestris Cysto-
tomis non successerit ista operatio, quo-
rum aliàs in operationibus hisce dexteritas
nota est. Doleo magnum vestrum
Gor-
ræum excessisse, ingens medicinæ columen.
Sic pereunt magna nomina. Ut nobiscum
quoque doleas, periit et nuperrimè Col-
lega quidam noster, cujus fatum Tibi
perscribam, ne nihil scribere videar. Vir
Reverendus M. 
Daniel Pfeiffius, Collega
noster eruditus, sanguineus et boni hab-
itus, sed nephreticis doloribus non rarò
vexatus, ætatis anno XLIV. in ischuriam
repente incidit ipso Augusti mense, cum
dolore obtuso sinistri lateris, ubi calculus
hærere putabatur, nam ex dextri lateris
uretere nullum existimavit sibi subsidium
ad lotium reddendum ; hinc suppressio uri-
næ totalis, nisi quod guttula una vel altera
materiæ albæ, non fætentis, excernere-
tur, alioqui nihil prorsus minxit. Alvus

Bartholin c, page 93.

tamen fluxit et clisteribus irritata et Spon-
te sua, multisque liquidis ejectis, non-
nihil alterius viæ urinariæ defectum sola-
bamur. Vomitus semper urgebat, hæren-
tis calculi in renibus signum. Emovebat
verò bilem porraceam. Nullis remediis
seu externis seu internis, etiam validissi-
mis ex arte et amicorum consilio præscri-
ptis potuit calculus loco suo depelli, vel
lotium promoveri, nisi sola cantharidum
infusione à me descripta, qua ter cochleare
unum vel alterum lotii emisit. Sed sup-
pressa mansit urina, quia causa obstruens
amoveri non potuit, nec calculus prope
ureteris exitum impactus sinistro reni sta-
tionem deserere voluit. Toto autem sup-
pressionis tempore nullum dolorem acu-
tum sensit, fortasse quia calculus pituitâ
obductus non vellicabat, quod etiam in
D. Nivelle Castrensi annotavit
Borellus
Cent. 2. Obs. 63. et in matrona illustrissi-
ma
Willis l. de Urin. Pubis regio prorsus
flaccida, et vesicam vacuam syringa con-
firmavit. Protracta fuit lotii suppressio
ad tertium et decimum diem, quo con-
vulsiones leves apparuere cum larga nari-
um hæmorrhagia, propter seri restagnan-
tis copiam, qua et diaphragma pressum,
unde dyspnœa, et sanguis attenuatus, et
cerebrum tentatum ; quanquam enim per

Bartholin c, page 94.

alvum abundè serum, eliminarit mansit ta-
men plus justo in venis, impedito per
ureteres exitu naturali, quod etiam stupo-
re se exseruit digitorum extremorum sta-
tim in medio morbi cursu. Pulsus, quod
miratus sum, semper sibi constitit. Deci-
mo quarto die, qui erat XVIII. Augusti,
convulsus obiit. Urinam per undecim
dies suppressam pertulit Jo. Bapt. d’Orna-
no Marescallus Galliæ vestræ, sicut testa-
tur
Scipio de Pleix in Hist. Gall. In mer-
catore duodecim dies observavit
Jo. Petr.
Lotichius l. 4. Obs. cap. 5. Obs. 11. Ischu-
riam intra diem septimum occidere
Lommii
est Pronosticum l. 2. Obs. Med. cujus
exemplum habet
Beverovicus de Calc. c.
9. quem tamen terminum non paucos
transgressos esse, historiæ aliæ testantur.
Ad quartum, quintum, decimum diem
protractam annotavit
Forestus l. 25. Obs.
12. 17. 18. Octo dies et sexdecim nume-
ravit
Schenckius in Obs. Octo et decem
Tulpius l. 2. Obs. c. 45. qui tamen post
undecimum diem nullos vidit evasisse.
At
Carolus Piso Obs. 125 decimo nono
curatam sudore observavit. Per sex men-
ses suppressam urinam Fonseca Tom. 2.
Cons. Med. 96. memorat, et, quod ma-
gis, annos duodecim addit
Ruffus Ephesius
de Ves. Aff. c. 8. Noster æger beatus

Bartholin c, page 95.

tot dierum moras vivus pertulit beneficio
alvi semper quasi lubricæ, sicut alii, quos
ultra processisse dixi, sudore adjuti fuere.
Incusabat autem inter vitæ tædia Tin-
cturam Solarem Amelungi, quæ nuper
per ora hominum vulgari magnis encomiis
ceperat, in pellendo calculo à nonnullis
laudata, ab aliis rejecta. Nolui ego de
remedii præstantia sinistrius judicare,
quod ex methodo præscriptum obesse non
potuit. At æger noster forsan impuro
existente corpore, guttas numero plures
amicorum quorundam, quorum præceps
solet esse in laudandis novis remediis offi-
cium, biberat, hincque præcipitata ex
corpore calculosa materia et ipso calculo
antea quieto ad ureterum orificia vehe-
mentius propulso obstructionis facillima
occasio emersit. Peccant non rarò mor-
tales præpostero rerum etiam utilissimarum
usu, authorque amicis meis esse soleo, ne
in prandio illa vel edant vel bibant, quæ
ad vias urinæ præcipitant chylum necdum
satis coctum, unde graves calculosis ob-
structiones metuendæ. Calculosis quippe
tanto magis omnis observatio necessaria
est, quanto magis obnoxia offensis est in-
firmitas, quod ad ægros fuit consilium
Celsi l. 1. Semper sanè de urinæ sapore
conquerebatur æger, quia scilicet ex sale

Bartholin c, page 96.

Deus Te aliosque
amicos ab hac similique carnificina præ-
servet. Vale, Vir Summe, ut bene te-
cum amici valeamus. Hafniæ 25. Sept.
1662.

T.T.

Th. Bartholinus.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Thomas Bartholin, le 25 septembre 1662

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(Consulté le 25/04/2024)

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