À Claude II Belin, le 14 mai 1630
Note [8]
Les paranymphes (de παρανυμφος, jeune homme qui jadis, chez les Grecs, conduisait l’époux à ses noces) étaient un rituel que la Faculté de médecine de Paris célébrait en grande pompe tous les deux ans.
Le paranymphe était à la fois le discours composé pour cette occasion (oratio panegyrica) à la gloire de la Faculté, et le digne personnage qui le prononçait, un lettré distingué ou l’un des bacheliers promus (v. note [2], lettre 157, pour le paranymphe de Robert Patin en 1648). Suivaient autant de discours encomiastiques (orationes encomiasticæ), c’est-à-dire d’éloges, qu’il y avait de candidats à la licence (v. note [4], lettre 1).
Tout ce cérémonial, qui se concluait par le classement des licenciés, était soigneusement réglé par trois articles des Statuta F.M.P. (1660).
Sed antequam Licentiis donentur, nouis Baccalaureis comitati Senatum Parisiensem, ejusque Classes singulas Rationibus Regiis Præfectos, Summos Regiorum Vectigalium Iudices, Proprætorem Parisiensem, Mercatoris Præfectum, et Ædiles, omnesque Urbis Ordines, reuerenter adeant, ab illisque Facultatis Medicinæ nomine petant, ut die lecto in Scholas Medicorum inferiores conuenire velint, ex Paranympho audituri, quos, quales, et quot Medicos, Vrbi atque adeo vniverso orbi, Medicorum Collegium isto biennio suppeditaturum.[Mais avant d’être gradués, que les licenciés, accompagnés des nouveaux bacheliers, {a} aillent respectuesement saluer le Parlement de Paris et chacune de ses chambres, les présidents aux comptes, les hauts magistrats de la Cour des aides, le gouverneur de Paris, le prévôt des marchands et les échevins, et tous les ordres de la ville, pour les inviter, au nom de la Faculté de médecine, à bien vouloir se réunir, le jour qui a été choisi, dans les basses salles des Écoles des médecins, et entendre de la bouche du paranymphe les nombre, noms et qualités des médecins que le Collège va fournir dans les deux prochaines années à la ville, et donc au monde entier]. {b}
Eo die, post singulas Paranymphi Actiones, singuli a Bidello ex Academia in Ecclesia Parisiensi Cancelarij Mandato nominatim vocentur, illisque ad Licentiarum Gradum suspiciendum dies dicatur.[Ledit jour, après que le paranymphe aura accompli chacun de ses actes, que le bedeau, sur mandat du chancelier en l’Église de Paris, {c} fasse un appel nominal de tous les licentiandes et leur signifie la date à laquelle ils seront promus au grade de licencié].
Die a Cancellario dicto ad Licentias, omnes Medicinæ Doctores in majorem Episcopi Parisiensis Aulam hora quinta matutina conveniant, ibique præstito coram Cancellario solenni jurejurando, se nihil gratiæ, nihil fauori daturos, sed Doctrinæ tantum rationem in ferendis suffragiis habituros, singuli singulas tabellas in Urnam conjiciant, quibus Licentiandorum Ordo describatur : quibus tabellis a Cancellario et Doctoribus collatis, Licentiandorum Ordo ita disponatur, ut primo, secundo, tertio, quarto, quinto loco, et ita deinceps collocentur, prout ad istos locos obtinendos suffragiorum numero vicerint.[Au jour que le chancelier aura fixé pour les licences, que tous les docteurs en médecine se réunissent dans le grand palais de l’évêque de Paris à cinq heures du matin. Alors, après avoir prêté le serment accoutumé entre les mains du chancelier, jurant de n’exprimer son suffrage sans se laisser guider par quelque complaisance ou faveur que ce soit, mais seulement par la capacité des impétrants, que chacun des docteurs jette dans l’urne le billet où il aura inscrit son classement des licentiandes. {d} Après que le chancelier et les docteurs auront conféré lesdits bulletins, qu’on règle le rang des licentiandes, en sorte que les premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième lieux, et ainsi de suite, soient attribués selon le nombre de suffrages que chacun aura obtenu]. {e}
- Chaque année paire, les examens organisés par la Faculté de médecine de Paris recevaient entre cinq et dix bacheliers, au mois de mars, et autant de licenciés, en juin suivant.
- La formule surprend si on se réfère aux reproches que Paris adressait aux autres Faculté de médecine pour l’emploi de la formule hic et ubique terrarum [ici et partout sur terre] (v. note [17] de L’ultime procès de Théophraste Renaudot).
- V. note [39] des Décrets et assemblées de 1651‑1652 dans les Commentaires de la Faculté de médecine de Paris, pour le chancelier de l’Université qui résidait à Notre-Dame. La réunion avait lieu à la fin de juin ou au début juillet, le dimanche précédant la remise des licences. À trois heures de l’après-midi, dans les basses salles des Écoles, richement décorées, les nouveaux bacheliers honoraient le mariage symbolique de la Faculté avec leurs collègues, de deux ans plus avancés qu’eux, admis aux licences (licentiandes ou bacheliers émérites).
- Le classement attribué par chaque docteur régent aux licentiandes dérivait de l’examen particulier qu’il leur avait fait subir après Pâques (v. note [13], lettre 155).
- Il est admirable qu’un scrutin aussi impartial et réglé ait présidé au classement des licenciés : le premier lieu échoyait presque toujours à un fils de docteur régent, lequel remerciait ses collègues en faisant don d’une somme conséquente à la Faculté (v. notes [9] des Comptes de la Faculté en 1650‑1651 et [15] des Comptes de l’année suivante) ; v. aussi la note [11] de la lettre 155 pour une intervention de puissante influence visant à obtenir qu’un licentiande jouît d’un classement favorable.
Des 48 premiers lieux attribués entre 1578 et 1670, que j’ai examinés dans le catalogue de Baron, plus de la moitié (26, soit 54 pour cent) l’ont été à des fils ou gendres de docteurs régents.
Le lieu de licence influençait la vie entière des quelque 120 médecins que rassemblait la Faculté car en découlait immuablement l’ordre dans lequel étaient reçus les docteurs régents, et donc le rang qu’ils occupaient sur le tableau d’ancienneté (v. note [20], lettre 7). Cette liste, méticuleusement mise à jour chaque mois de novembre, décidait de tous les grands événements du cycle académique : préséances, tour de présidence aux actes (v. note [18], lettre 459), passage du petit au grand banc (c’est-à-dire du statut de jeune à celui d’ancien) et, tout au bout de la carrière, désignation de l’ancien (doyen d’âge, v. note [20], lettre 17), dignité prestigieuse et lucrative dont chacun rêvait pour se consoler de vieillir.