À Claude II Belin, le 26 mai 1637

Note [15]

Les premiers croquants sont apparus à la fin des guerres de Religion (1593-1595) ; Pierre Victor Palma Cayet (1525-1610), Chronologie novénaire (Orléans, H. Herluison, 1875, livre vi, page 635, année 1594) :

« Tandis que beaucoup de seigneurs et grandes villes de France avaient leurs députés à Paris en la cour du roi pour faire leur accord, il advint un grand remuement par le pays de Limousin, Périgord, Agenais, Quercy et pays circonvoisins, par un soulèvement général qui s’y fit d’un grand nombre de peuple, prenant pour prétexte qu’ils étaient trop chargés de taille et pillés par la noblesse ; principalement de quelques gentilshommes du parti de l’union qui se retiraient en leurs châteaux, faisant de grandes pilleries sur le pauvre paysan. Du commencement, on appela ce peuple mutiné les tard advisés, pource que l’on disait qu’ils s’avisaient trop tard de prendre les armes, vu que chacun n’aspirait plus qu’à la paix ; et ce peuple appelait la noblesse croquants, disant qu’ils ne demandaient qu’à croquer le peuple ; mais la noblesse tourna ce sobriquet de croquant sur ce peuple mutiné, à qui le nom de croquants demeura. »

La première révolte des croquants, qui avait gagné les provinces voisines, ne fut apaisée qu’au bout de deux ans. Elle reprit avec une certaine vivacité en 1637 ; mais cette fois elle fut promptement étouffée grâce à la trahison du général des mutins, et une sage amnistie acheva de pacifier le peuple. Le mot de croquant survécut à la révolte. Pendant le xviie s., croquant fut synonyme de paysan. Ce même nom avait été donné, sous Henri iv, aux traitants et aux financiers. On prétend que ce roi dit un jour, en mettant dans un chapeau une somme d’argent qu’il venait de gagner à la paume : « Mes croquants ne la prendront point » (G.D.U. xixe s.).

En avril 1636, alors qu’on se battait contre les Espagnols près de Corbie, des troubles avaient éclaté près d’Angoulême, dans les châtellenies de Barbezieux, Chalais, Montmoreau, Blanzac. En juin, dans cette dernière localité, un jour de foire, des paysans avaient arrêté et mis tout nu un chirurgien de Bergerac qu’ils avaient pris pour un agent du fisc. Ils lui avaient coupé un bras, l’avaient promené sanglant et finalement mis à mort. À La Couronne, près d’Angoulême, un artisan avait été tué pour avoir traité les paysans révoltés de « croquants ». Des incidents avaient éclaté dans les provinces voisines, non pas un soulèvement massif, mais des foyers allumés sur divers points. En avril 1637, d’autres croquants se soulevaient à leur tour dans le Périgord. Ayant mis à leur tête, de gré ou de force, un gentilhomme, La Mothe Le Forest, ils réussirent à prendre Bergerac, puis La Sauvetat-du-Dropt, près d’Eymet (Dordogne), et à rallumer la révolte de l’Angoumois ; mais le duc de La Valette accourut et les maigres forces dont il disposait lui suffirent pour prendre La Sauvetat où les rebelles s’étaient « renfermés […] partout, ou de murailles, ou de bonnes barricades ». Les croquants de l’Angoumois furent eux aussi dispersés, tués ou faits prisonniers. Une « abolition » fut accordée, dont furent exclus les plus coupables, qu’on pendit ou envoya aux galères (R. et S. Pillorget).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 26 mai 1637, note 15.

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(Consulté le 25/04/2024)

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