À Claude II Belin, le 16 septembre 1637

Note [10]

Liste funèbre des chirurgiens de Paris pages 95‑97) :

« M. Jean Juif, né à Châtillon-sur-Indre, chirurgien du roi, était dans une estime générale par son habileté dans toute l’étendue de la chirurgie ; mais plus particulièrement estimé du cardinal-duc de Richelieu, premier ministre. Il brilla sur tous les chirurgiens de son temps par son adresse et son intrépidité dans la pratique des opérations les plus dangereuses et les plus difficiles. Il rendit la chirurgie des incisions plus commune qu’elle ne l’était auparavant, et l’on peut dire qu’en rendant cet usage plus familier, il abrégea considérablement la cure de la plupart des maladies chirurgicales. Le fameux Voiture {a} le célèbre dans ses Landeriri par les deux couplets suivants, à l’occasion d’un ulcère fistuleux dont il le traitait :

“ J’ai reçu deux coups de ciseaux
Dans un lieu bien loin du museau,
Landerirette,
Je m’en porte mieux Dieu merci.

J’en mettrais encor plus de six,
Mais je ne puis plus être assis,
Landerirette,
Je m’en vais trouver M. Juif. ” {b}

Au surplus, cet excellent chirurgien malgré ses grandes occupations qui l’appelaient auprès des personnes de la plus haute qualité, ne laissait pas de trouver du temps pour aider les pauvres de son art et de ses aumônes ; de sorte qu’il ne se rendit pas moins recommandable par sa piété et par ses œuvres charitables que par ses autres talents qui le rendaient un chirurgien accompli. Il mourut le 30e de décembre de l’année 1658. Il communiqua à son fils aîné, qui avait embrassé l’état ecclésiastique, le louable penchant qu’il avait à faire de bonnes œuvres, et particulièrement à secourir les pauvres malades. Ce qui fit qu’il succéda dans l’hôpital de la Charité des hommes à un bon prêtre connu sous le nom du P. Bernard, où il imita cet homme en assistant les pauvres malades dans les fonctions de charité les plus viles et les plus rebutantes. Son second fils, qu’il avait revêtu d’une charge de conseiller auditeur en la Chambre des comptes de Paris, dissipa en peu de temps tout son patrimoine et ne fit pas d’honneur à sa mémoire. »


  1. Vincent ii Voiture, v. note [9], lettre 210.

  2. La rime prouve qu’on prononçait Jui le nom de Juif.

Tallemant des Réaux a aussi parlé de Jean Juif avec éloge (Historiettes, Générosités, tome ii, page 746) :

« Feu Juif, ce fameux chirurgien, traita un homme fort riche d’un mal fort dangereux. Cet homme guéri envoya sa femme chez Juif avec une somme considérable en or. “ Jésus ! Madame, dit le bonhomme, en voilà très bien. ” Il prit trente pistoles, et trois pour son garçon, à qui elle en voulait donner douze ; et quoi qu’elle fît, il n’en voulut jamais prendre davantage. Au voyage qu’il fit en Savoie pour Madame, {a} étant défrayé du roi, il ne voulut jamais prendre un sol de tous ceux qu’il traita, disant que ce n’était pas pour eux qu’il faisait le voyage. Madame lui donna 40 000 livres. »


  1. Christine de France, dite Madame Royale (v. note [10], lettre 45).

Raymond Fourmentin, chirurgien de Saint-Côme, mourut le 1er janvier 1659 (Index funereus chirurgicorum Parisiensium, pages 44‑45).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 16 septembre 1637, note 10.

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(Consulté le 25/04/2024)

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