À Claude II Belin, le 7 avril 1638

Note [2]

Le baccalauréat de médecine (autrement appelé jubilé, jubileum, pour marquer sa solennité, v. note [26] des Décrets et assemblées en 1651‑1652) était le premier grade (principium) conféré par la Faculté.

Chaque année, les étudiants s’inscrivaient aux Écoles pour y entamer (les premières inscription n’étaient prises que les années paires) ou poursuivre leur premier cycle d’études. À partir du lendemain de la Saint-Luc (18 octobre, v. notes [46] des Décrets et assemblées de 1650‑1651 dans les Commentaires de la Faculté de médecine de Paris), ces apprentis ou écoliers, qu’on surnommait philiatres (« aimant la médecine », au sens littéral), suivaient les enseignements faits (en latin) par les professeurs (élus pour un ou deux ans parmi les docteurs régents, v. note [5] des Actes de 1650‑1651 dans les Commentaires de la Faculté de médecine de Paris) et par les bacheliers émérites (legentes de mane [lecteurs du matin]) : explication des aphorismes d’Hippocrate, étude des choses naturelles (anatomie et physiologie), des choses non naturelles (hygiène et régime, v. note [13] des pièces liminaires du Traité de la Conservation de santé) et des choses contre nature (pathologie et thérapeutique). Ces leçons avaient lieu dans les salles basses (Scholæ inferiores, rez-de-chaussée) de la Faculté (rue de la Bûcherie dans l’actuel ve arrondissement, v. note [14] des Décrets et assemblées de la Faculté en 1650-1651), le matin et le soir, tous les jours sauf le dimanche, le jeudi et les nombreux jours fériés, fixés par l’article xv (pages 18‑26) des statuts de la Faculté. Un congé d’été s’y ajoutait chaque année (Statuta F.M.P., art. xvii, page 24‑25) :

A quarto Calendas Iulias ad Idus Semptembres, id est, a pervigilio D.D. Petri et Pauli Apostolorum, ad pervigilium Exaltatationis Sanctæ Crucis, Disputationum et Lectionum publicarum, Vacatio Medicorum Collegio concedatur : ita ut ne Vesperiarum quidem aut Doctoratus Actum liceat hoc tempore celebrare, nisi petita venia a Medicinæ Facultate, ad id legitime convocata. Si qui tamen Doctores, Licentiati, vel Baccalaurei hoc Vacationis tempore velint docere, hoc liberum illis esto.

[Que du 28 juin au 13 septembre, c’est-à-dire de la veille de la fête des saints Pierre et Paul apôtres à celle de l’Exaltation de la Sainte Croix, soit accordée au Collège des médecins une vacance des disputes et leçons publiques ; en sorte qu’il n’est pas permis pendant cette période de célébrer d’acte de vespérie ou de doctorat, sauf demandée à la Faculté de médecine, expressément convoquée à cette fin. Néanmoins, si des docteurs, des licenciés ou des bacheliers veulent enseigner pendant ce temps de vacances, ils sont libres de le faire].

Durant toute l’avant-dernière (cinquième) semaine du carême de chaque année paire avaient lieu les épreuves du baccalauréat. Les candidats à l’examen (candidati) devaient présenter des certificats prouvant qu’ils avaient été reçus maîtres ès arts ou philosophie dans l’Université de Paris depuis plus de quatre ans, ou dans quelque autre Université, mais depuis plus de huit ans, ainsi que des attestations des professeurs ordinaires de la Faculté de médecine prouvant qu’ils avaient assisté aux leçons publiques pendant au moins quatre ans ; ou bien, au lieu des unes et des autres, présenter leur diplôme de docteur en médecine obtenu régulièrement dans quelque autre Université du royaume. L’article viii des Statuta (page 14) ajoutait que :

liceat tamen Decano et Facultati hac studii quadriennalis lege solvere solos Doctorum Medicorum Parisiensium filios, et illis unum aut alterum annum indulgere, quos, juxta Hippocratis præceptum, omni favore et gratia excipi par est, dum tamen in Academia Parisiensi sint Artium Magistri, et examinati ad Medicinæ Baccalaureatum idonei judicentur.

[le doyen est toutefois autorisé à faire remise aux fils des docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris d’une ou deux des quatre années d’études préparatoires ; en vertu du précepte d’Hippocrate, il est juste de leur accorder cette grâce et faveur, pourvu qu’ils soient maîtres ès arts de l’Université de Paris et qu’après examen, ils aient été jugés aptes à se présenter au baccalauréat de médecine].

En somme, pour les Parisiens, la durée minimale du premier cycle médical était de quatre ans (cinq inscriptions), mais pouvait s’abaisser à deux ou trois ans (trois ou quatre inscriptions) pour les plus privilégiés d’entre eux, les fils de maîtres. Tous étaient obligatoirement des hommes ; mais au temps de Guy Patin, n’avaient plus cours les clauses imposant le baptême dans la religion catholique, le célibat (v. note [12], lettre 254) et l’âge de 22 ans révolus.

La veille du quatrième dimanche de carême avait lieu une cérémonie solennelle (supplique) de présentation des candidats au Corps entier de la Faculté. À partir du lundi suivant, le doyen et les quatre examinateurs (v. note [1], lettre 38) soumettaient les candidats aux épreuves (orales et bien sûr en latin) du baccalauréat (ibid., article ix, page 15) :

Diebus ab Examinatoribus dictis, Cadidati de Rebus Naturalibus, non Naturalibus, et præter Naturam sigillatim examinentur : sed et cæteris Doctoribus præsentibus liceat, si libuerit, Candidatos interrogare : postremo Examinis die, singulis Candidatis ab Examinatoribus proponatur unus Hippocratis Aphorismus, die sequenti pro more explicandus.

[Qu’aux jours fixés par les examinateurs, les candidats soient individuellement examinés sur les choses naturelles, {a} non naturelles {b} et contre nature ; {c} mais qu’il soit aussi permis aux autres docteurs présents, s’ils le souhaitent, d’interroger les candidats ; que le jour suivant ces épreuves, {d} les examinateurs soumettent à chacun des candidats un aphorisme d’Hippocrate qu’il aura, le lendemain, {e} à expliquer dans les règles].


  1. Anatomie et physiologie le lundi.

  2. Hygiène le mardi.

  3. Pathologie le mercredi ; v. note [13] des Pièces liminaires du Traité de la Conservation de santé pour la manière traditionnelle (galéniste) de classer les choses ou qualités composant la matière médicale.

  4. Le jeudi.

  5. Le vendredi.

Le samedi (veille des Rameaux), après une messe solennelle, les examinateurs faisaient leur rapport à la Compagnie assemblée qui votait l’admission ou le refus du candidat, selon que celui-ci était sufficiens ou incapax. Ceux qui avaient obtenu les deux tiers des suffrages étaient admis. Devenant bacheliers de médecine, ils prononçaient un serment les engageant à observer les statuts de la Faculté, à en respecter les maîtres, à les aider dans leurs luttes contre les ennemis de l’École, et à assister aux messes solennelles, aux cours et actes de l’École pendant les deux années de préparation à la licence (v. note [47] des Décrets et assemblées de 1650‑1651 dans les Commentaires de la Faculté de médecine de Paris). « Si le nombre des bacheliers était insuffisant pour préserver le prestige de l’École de médecine », les candidats déclarés incapaces pouvaient bénéficier d’un examen de rattrapage (dénommé jubilé, v. notes [37] et [49] des Décrets et assemblées de 1651‑1652) à la Saint-Rémy (1er octobre) suivante (ç’avait été le cas de Guy Patin, Jacques Thévart et François Foucqué en 1624) ; s’ils échouaient de nouveau, ils devaient attendre deux années supplémentaires pour se présenter au baccalauréat suivant (ibid., article xi, page 16).

Le baccalauréat ne conférait pas le droit d’exercer la médecine (ibid., article lix, page 56) :

Nullus Lutetiæ Medicinam faciat, nisi in hac Medicorum Schola, Licentiatum aut Doctoratum assecutus, aut in eorum Collegium more solito cooptatus, aut in Domesticorum album inter Medicos Regios relatus sit, Regique Christianissimo reipsa inserviat : ita ut ne Baccalaureis quidem hujus Facultatis liceat in urbe, aut suburbiis sine Doctore Medicinam exercere : Cæteri illicite Medicinam facientes reprobentur.

[Que nul n’exerce la médecine à Paris s’il n’a pas obtenu une licence ou un doctorat dans cette Faculté de médecine, ou s’il n’a pas été agrégé dans les règles à son Collège, ou s’il n’a pas été inscrit sur la liste des officiers royaux, parmi les médecins de la Couronne, pour servir effectivement le roi très-chrétien : il n’est donc pas permis aux bacheliers de cette Faculté d’exercer la médecine dans la ville ou dans ses faubourgs où il n’y a pas de docteur ; ceux qui pratiquent autrement la médecine seront réprouvés].

Quelques bacheliers de Paris partaient présenter leur licence dans une autre ville où son obtention était réputée plus facile et plus courte (et donc moins coûteuse). Le cas inverse n’était en principe pas possible : pour devenir licencié de Paris, il fallait y avoir été reçu bachelier.

Les Décrets et assemblées de la Faculté en 1651-1652 illustrent abondamment l’ensemble de ces coutumes et pratiques appliquées aux deux sessions du baccalauréat qui eurent lieu en mars et octobre 1652.

Je n’ai en revanche trouvé aucun texte permettant de savoir précisément quelle proportion des philiatres d’une promotion postulait le baccalauréat. Le nombre des candidats à qui la Compagnie refusait l’examen était faible (généralement inférieur à quatre) ; celui des bacheliers reçus tous les deux ans était tacitement calculé pour maintenir l’effectif de la Compagnie des docteurs régents autour de 120 ; les étudiants qui partaient se faire graduer plus rapidement et à moindre frais dans une faculté provinciale étaient plus nombreux, mais l’estimation de leur effectif a jusqu’ici échappé à mes recherches.

La scolarité étant gratuite jusqu’au baccalauréat (v. note [11] des Comptes de la Faculté de médecine en janvier 1652), les registres de la Faculté ne permettent pas de connaître le nombre annuel des inscrits en premier cycle. Toutefois, une estimation fondée sur le Catalogue des plantes cultivées à présent au Jardin royal des plantes médicinales… de Guy de La Brosse (Paris, 1641, v. note [4], lettre 60) établit que le cumul annuel des philiatres inscrits à la Faculté de médecine de Paris devait se situer entre 100 et 200.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 7 avril 1638, note 2.

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(Consulté le 10/12/2024)

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