À Claude II Belin, le 5 mai 1638

Note [17]

Gangrène (qu’on écrivait alors volontiers cangrène ou cangraine) avait à quelques nuances près le même sens qu’aujourd’hui (Furetière) :

« C’est une disposition de la chair qui tend à mortification de la partie blessée, qui n’est pas encore morte ni privée de tout sentiment, mais qui se meurt peu à peu, en sorte que si on n’y met ordre, elle se mortifiera jusqu’à l’os. Quand cette mortification est parfaite, les Grecs l’appellent sphakelos ou nekrosis, les Latins sideratio, les Arabes estiomenos et le vulgaire, le feu saint Antoine ou de saint Marcel. Elle se fait quand les esprits sont empêchés de venir en quelque partie, qui par conséquent se corrompt, et quand la chaleur naturelle s’y éteint. Mais les Modernes croient qu’elle se forme d’une certaine vermine comme cirons, {a} qui s’engendrent par la corruption de la chair, soit par le manque d’esprits vitaux et animaux qui ne peuvent arriver à la partie, {b} soit par une cause externe, comme par quelque contusion. Cette chair morte, livide et pourrie qu’on coupe sans douleur, ayant communication avec la partie vivante, produit une innombrable quantité de ces petits vers qui rongent et pénètrent dans la chair vive et la corrompent pareillement ; et comme ils multiplient sans cesse, on les peut faire mourir ou avec de l’eau de chaux ou en baignant incessamment la plaie avec de l’esprit de vin, mais le plus sûr est de couper la partie affligée dans la chair vive. […] Les petits phlegmons se terminent par résolution, les grands par suppuration, et les énormes par gangrène. »


  1. Petits vers blancs.

  2. Préfiguration de ce qu’on appelle aujourd’hui ischémie ou interruption de l’irrigation sanguine.

On devine là-dedans les deux principales formes actuelles de gangrène, par infection et par arrêt de la circulation du sang. Spécifiquement, la gangrène qui complique un érysipèle porte le nom de fasciite nécrosante.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 5 mai 1638, note 17.

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(Consulté le 24/04/2024)

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