À Claude II Belin, le 14 septembre 1638

Note [8]

Pour amiral, « en Espagne on dit l’Admirante [sic pour Almirante] ; mais l’amiral n’est là que le second officier, qui a un général d’armée au-dessus de lui » (Furetière).

Fontarabie (Hondarribia en espagnol, Fons rapidus et Œso en latin) est une ville d’Espagne, dans la province de Guipuzcoa, à 17 kilomètres au nord-est de Saint-Sébastien et 22 kilomètres au sud-ouest de Bayonne, sur une petite presqu’île formée par le golfe de Gascogne, près de la rive gauche de la Bidassoa. Une armée française, commandée par le prince de Condé, avec le duc de La Valette pour lieutenant général, assiégeait Fontarabie depuis deux mois et en était presque venue à bout ; mais les renforts espagnols l’en délogeaient le 8 septembre. Le poids de la défaite tomba sur La Valette qui, appelé à la cour pour rendre compte de sa conduite, trouva plus prudent de se retirer en Angleterre. Il fut jugé par contumace (Triaire).

Montglat (Mémoires, pages 71‑72) :

« Le prince de Condé investit Fontarabie et fit travailler à la ligne, qui fut bientôt achevée, parce que le pays était si rude et si montueux qu’il est aisé d’en empêcher l’abord. La tranchée fut ouverte à la mi-juillet par deux endroits, et les batteries dressées deux jours après. […] Le 8e d’août, les mineurs furent attachés aux bastions […]. En quatre jours les mines furent en état de jouer et le matin, on y mit le feu, qui fit un grand effet car deux bastions sautèrent et les Français se logèrent sur les brèches, en sorte que la ville ne pouvait plus tenir que deux jours ; mais le roi d’Espagne, dès le commencement du siège, avait mis le plus de forces ensemble qu’il avait pu, pour secourir Fontarabie. Le grand prieur de Navarre assemblait un corps à Saint-Joseph ; le marquis de Los-Veles, vice-roi de Navarre, un autre à Tolosette ; et l’amirante de Castille, un troisième à Saint-Sébastien ; lesquels sachant que Fontarabie était à l’extrémité, se joignirent ensemble et marchèrent pour attaquer les lignes. Le pays est fort montueux et rude, car les Pyrénées viennent jusque-là ; et sur le bord de la mer, il y a une petite plaine où est situé Fontarabie, à l’embouchure de la rivière Bidassoa. Un matin, les Espagnols commencèrent à paraître à la descente des montagnes qui donnent à la plaine ; et dès que les Français les aperçurent, ils furent saisis d’une telle épouvante qu’ils se mirent tous à fuir ; et cette terreur panique les pressa tellement que, sans tirer un coup de mousquet, toute l’armée en même temps prit la fuite sans savoir pourquoi et sans que les chefs y pussent donner aucun ordre ; lesquels furent contraints, se voyant demeurés seuls, de se sauver comme les autres ; les soldats, pour aller plus vite, jetant leurs mousquets et leurs piques. Les Espagnols, d’abord, ne surent ce que c’était ; mais enfin, voyant cette déroute causée par un si grand effroi sans sujet, ils entrèrent dans le camp, poussèrent les fuyards et prirent ou tuèrent les plus paresseux. Ainsi, ils sauvèrent Fontarabie sans tirer ni épée, ni mousquet, et furent maîtres sans combattre du canon et du bagage des Français. Ce désordre fâcha fort le cardinal de Richelieu ; lequel ne sachant à qui s’en prendre, à cause que les chefs jetaient la faute les uns sur les autres, déchargea sa colère contre le duc de La Valette, accusé d’avoir fui des premiers ; mais en étant averti, il s’enfuit en Angleterre. Il avait épousé la fille de Pontchâteau, cousin germain du cardinal ; et cette alliance ne le mit pas à couvert, parce qu’il {a} châtiait sévèrement lorsqu’on manquait à son devoir, et n’épargnait non plus ses parents que les autres. Aussi, voyant ce duc échappé de ses mains, il lui fit faire son procès à Saint-Germain, le roi y présidant. Les princes du sang, les ducs et pairs, maréchaux de France et présidents au mortier y assistèrent, et le condamnèrent à perdre la tête, ses charges et ses biens. Si la consternation fut grande en France, la joie ne fut pas moindre en Espagne, où le roi fit faire des comédies durant l’hiver, qui représentaient la déroute des Français devant Fontarabie. »


  1. Richelieu.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 14 septembre 1638, note 8.

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(Consulté le 16/04/2024)

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