À Claude II Belin, le 28 avril 1639

Note [6]

Michel i Particelli, sieur d’Émery (Lyon 1596-Paris 23 mai 1650) offre un bel exemple de grand financier à succès de la première partie du xviie s., cible idéale de l’exécration « des peuples ». Il appartenait à une famille originaire de Corsaignes (principauté de Lucques en Italie), installée à Lyon depuis deux générations, où elle exerçait le commerce, la banque et la manufacture de la soie, ce qui lui assurait une fortune convenable, et la fréquentation des hautes sphères économiques et politiques de la ville et du royaume, notamment des Lumage de Lyon et de Paris et des Colbert de Reims.

Michel fut le seul de ses quatre frères et sœurs à quitter Lyon pour Paris. Il s’était marié en 1616 à Marie Camus, fille de Nicolas Camus et de Marie Colbert. Elle lui apportait 60 000 livres de dot – mais il en fournissait autant – et l’appui d’un très grand marchand, banquier et financier parisien (il partagea de son vivant 1 288 000 livres entre ses enfants), ce qui avait été particulièrement appréciable en 1619-1620, quand la famille Particelli fut touchée par la faillite de Jean, le frère de Michel.

Dès 1617, Michel avait entamé une carrière prestigieuse en achetant l’office de contrôleur de l’argenterie. En février 1627, il avait acquis pour 21 000 livres une charge de secrétaire du roi. En 1629, il avait été nommé intendant des finances, ce qui le conduisit en Italie jusqu’en 1631, en Languedoc comme commissaire délégué auprès des états jusqu’en mars 1633, en Italie de mars à mai 1633, et à Paris de mai 1633 à septembre 1635. Comme, à cette date, les intendants des finances faisaient trimestriellement fonction de contrôleur général, il se peut qu’il ait exercé cette commission. Le 3 septembre 1635, il avait été nommé ambassadeur à Turin où il demeura jusqu’en octobre 1638 et à nouveau, entre avril et juin 1639 (ainsi que le mentionnait ici Guy Patin).

De 1638 à 1643, Émery retrouva l’intendance des finances à Paris et exerça vraisemblablement le contrôle général en 1638-1639. Bien qu’il fût une cible favorite de la vindicte populaire, « le plus hardi voleur qui fût en France », comme le baptisèrent des mazarinades, assura d’éminentes fonctions jusqu’à sa mort. Il y montra une réelle volonté de servir l’État, une intelligence des problèmes et une aptitude à la négociation ; mais il fut toujours au centre de louches affaires d’argent : dès 1619, on l’avait soupçonné d’avoir détourné une partie de la dot de Marie-Christine de Savoie et donné 20 000 livres à Luynes pour étouffer le scandale ; en 1636, il avait dû rentrer à Paris pour faire examiner les comptes de l’armée d’Italie ; pendant son ambassade à Turin, Bullion, se méfiant de l’utilisation qu’il pourrait en faire, avait mesuré les fonds qu’il lui envoyait ; la politique financière d’Émery favorisa indiscutablement les traitants et les partisans. Dans le privé, il témoignait d’une culture classique assez étendue et d’un sens artistique poussé qui lui fit collectionner les statues de cire et de bronze et 125 tableaux, dont l’Ariane du Guide, que sa femme fit détruire à son décès, pour cause de nudité. Il était apparemment sceptique sur la religion (il avait chez lui une tapisserie de Jeanne de Navarre tournant en dérision la messe et les cérémonies catholiques), bien qu’il fît des legs religieux dans son testament.

Particelli était volage : « Ses amourettes se trouveront par-ci par-là dans les historiettes des femmes qu’il a aimées » (Tallemant des Réaux, Historiettes, tome ii, page 18, qui a nommé trois de ses maîtresses, parmi lesquelles Marion Delorme), et La Vérité toute nue en fit « le plus vicieux » des hommes.

Le titre qui orne son nom provenait de la seigneurie d’Émery (en Brie) qu’il avait achetée en 1619 et revendue en 1654. Il possédait aussi quantité d’autres domaines, témoins de son insondable fortune. Émery a écrit une Histoire de ce qui s’est passé en Italie pour le regard des duchés de Mantoue et de Montferrat, depuis 1608 à 1630 (Bourg, 1632, in‑4o) (G.D.U. xixe s. et F. Bayard, Dictionnaire du Grand Siècle).

Les lettres de Guy Patin ont épisodiquement suivi Particelli d’Émery dans la brillante suite de sa carrière, surtout marquée par deux nominations à la surintendance des finances : du 16 juillet 1647 au 9 juillet 1648 et du 8 novembre 1649 à sa mort.

Pignerol (Pinerolo en italien) est une ville du Piémont. C’était une possession française depuis 1631, célèbre pour sa forteresse qui servit de prison à de nombreux personnages dont le plus célèbre fut Nicolas Fouquet.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 28 avril 1639, note 6.

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(Consulté le 24/04/2024)

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