À Claude II Belin, le 31 juillet 1642

Note [2]

« il est incroyable de voir à quel point ce médicament l’a fait évacuer jusqu’ici. »

Les pétales de plusieurs espèces de roses passaient pour purgatifs : on cite particulièrement, comme jouissant de cette propriété, la rose pâle ou rose ordinaire. M. Jean-François Vincent, rédacteur en chef de notre édition, m’a aimablement procuré le lien qui mène à une jolie gravure de cette fleur, dessinée au xviiie s. Distincte de celle de Provins, qui est d’un rouge plus foncé, la rose pâle figurait parmi les prescriptions favorites de Guy Patin. On n’attendait pas pour la recueillir que ses boutons soient entièrement épanouis : les pétales perdaient de leurs qualités en se développant ; pour les préserver, il était essentiel de les faire sécher promptement. Le sirop simple de roses pâles se préparait avec le suc épuré des pétales et partie égale de sucre, que l’on faisait cuire sur un feu doux jusqu’à consistance de sirop. Ses propriétés laxatives étant faibles, on le composait en y ajoutant du séné ou de l’agaric. L’électuaire de roses, de même, ne devenait purgatif que par l’addition de scammonée (v. note [4], lettre 172). Les pétales de rose servaient de base à un autre médicament réputé cordial et trochistique, le diarrhodon, où on les mêlait à quantité d’autres substances végétales (aloès, safran, réglisse…), et animales (ivoire d’os de cœur de cerf, perles, musc, ambre gris…). Ce médicament était réputé tonique (cordial) et astringent (trochistique), mais Patin n’y recourait pas, considérant qu’il appartenait à la méprisable panoplie des apothicaires avides de sophistication et d’argent.

Dans ses Ordonnances, Nicolas-Abraham de La Framboisière (v. note [17], lettre 7) a décrit avec grande précision la préparation et l’usage du sirop de roses pâles (Œuvres complètes, 1669, pages 694‑695, référence que m’a aimablement indiquée Magdalena Kozluk, historienne de la médecine, département de littérature française de l’Université de Lodz [Pologne]). Il en attribuait l’invention à Mésué, médecin persan du viiie s. (v. note [25], lettre 156), et terminait son discours en décrivant la conserve de rose :

« On garde du suc de rose sans corrompre tout le long de l’année, comme Mésué a enseigné, en y mettant un bien peu d’huile d’olive par dessus, et le tenant l’espace de quarante jours au soleil dans des fioles de verre, ou un pot de terre verni, pour en faire fraîchement du sirop toutes et quantes fois qu’on en a disette. » {a}


  1. Toutes et autant de fois qu’on en manquera.

Ainsi donc, les deux purgatifs favoris de Guy Patin, séné (v. note [6], lettre 15) et roses pâles, lui venaient non pas d’Hippocrate et Galien, mais des « Arabes » (v. note [4], lettre 5), qu’il exécrait indistinctement et obstinément.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 31 juillet 1642, note 2.

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(Consulté le 19/04/2024)

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