À Claude II Belin, le 23 mai 1643

Note [5]

Brève allusion de Guy Patin au lit de justice du 18 mai 1643 : la déclaration pour la régence, faite par Louis xiii le 20 avril (v. note [22], lettre 80), enregistrée par le Parlement le lendemain à l’unanimité, était inconstitutionnelle ; quand le roi mourait, son successeur recevait la plénitude de l’autorité et ne pouvait être lié par un acte du défunt ; en outre, la reine, le prince de Condé et Gaston d’Orléans étaient mécontents d’être soumis, à la pluralité des voix, aux avis d’un Conseil où siégeaient à leurs côtés quatre ministres d’État, créatures du feu cardinal de Richelieu.

Accompagnée du jeune dauphin, qui se contenta de réciter deux phrases, « Messieurs, je vous suis venu voir pour vous témoigner mes affections. Mon chancelier vous dira le reste », Anne d’Autriche venait demander la cassation de l’acte. L’ambiance était au malaise : le Chancelier Séguier était l’un des sept membres du Conseil nommé par Louis xiii ; les officiers du Parlement lui en voulaient encore pour sa participation à la condamnation à mort de l’un des leurs, François-Auguste de Thou ; il convenait, devant son fils et successeur, de médire d’un roi devant lequel chacun se prosternait moins d’une semaine avant.

Après des débats houleux, où intervinrent notamment Omer ii Talon, Barillon et Gayant, la déclaration fut cassée à l’unanimité. Sans parvenir à vraiment sauver la face, le Parlement dut se dédire du tout au tout. Le roi donna à la reine, sa mère, « l’administration libre, absolue et entière des affaires de son royaume pendant sa minorité, avec pouvoir à ladite dame de faire choix de personnes de probité et expérience, en tel nombre qu’elle jugera à propos pour délibérer aux Conseils, […] sans que néanmoins elle soit obligée de suivre la pluralité des voix ». L’avertissement d’Omer ii Talon et les diatribes de Barillon et Gayant ont annoncé la Fronde de 1648 (R. et S. Pillorget).

La reine nommait Mazarin principal ministre et chef du Conseil de régence.

Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 51) :

« Silence fait, on leva le roi tout debout, la reine le tenant d’un côté et Mme de Lansac {a} de l’autre, pour le faire parler ; mais il se rassit plaisamment, sans vouloir rien dire. La reine parla alors, et lui adressa la parole ; mais je ne pus l’entendre. M. le duc d’Orléans parla aussi, se tournant vers le roi, nue tête. J’entre-ouïs quelques mots, par lesquels il se plaignait de la déclaration et demandait qu’elle fût réformée selon que diraient les Gens du roi. M. le Prince en fit de même. M. le Chancelier après monta vers le roi et la reine, se mit à genoux, selon l’ordre, et puis ayant repris sa place, il commença, la voix tremblante, sa harangue, par laquelle il montra d’abord le malheur des États qui perdent leur prince et après, comme Dieu dans ce malheur relevait nos espérances nous ayant donné un roi, et pour la conduite du royaume pendant sa minorité, une reine dont il célébra la piété et la vertu ; elle devait avoir seule la pleine, entière et absolue autorité (c’étaient les mots qu’on lui avait ordonné de dire), et incontinent après il acheva. Sa harangue était bien faite, mais soit qu’il ne la sût pas bien ou qu’il fût interdit, il hésita beaucoup et s’interrompit, dont tout le monde témoignait être bien aise, tant il était haï. »


  1. Jusque-là gouvernante du dauphin, v. note [7], lettre 85.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 23 mai 1643, note 5.

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(Consulté le 19/04/2024)

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