À Claude II Belin, le 2 juin 1643

Note [3]

La Flèche, au cœur du Maine angevin (Sarthe), à mi-chemin entre Le Mans et Angers, possédait depuis 1604 un Collège royal que le roi Henri iv avait confié aux jésuites. Accueillant plus d’un millier d’élèves, c’était, après celui de Clermont à Paris, le plus important collège jésuite du royaume. Il devint en 1808 le Prytanée national militaire, transféré depuis Saint-Cyr.

Dans l’édit de fondation du Collège, Henri iv avait souhaité que son cœur et celui de son épouse, Marie de Médicis, y fussent conservés après leur mort. Le 28 mars 1643, en la basilique Saint-Denis (v. note [27], lettre 166) où il reposait (v. note [14], lettre 65), on ouvrit le cercueil de la défunte reine pour y prélever le sien et le remettre au P. Louis Le Mairat, supérieur de la maison professe de Paris. Le dimanche de Quasimodo, 12 avril, la précieuse relique était arrivée à La Flèche pour être déposée en grande cérémonie dans l’église du Collège. Malheureusement, il intervint une querelle de préséances entre, d’un côté, les édiles municipaux et le clergé de la paroisse, et de l’autre, les jésuites du Collège et leurs nombreux confrères qui avaient accompagné le cœur depuis Paris. Une plume anonyme publia là-dessus un Récit véritable de ce qui s’est passé en la ville et Collège de La Flèche à la réception du cœur de la défunte reine Marie de Médicis, mère du roi (sans lieu ni nom, 1643, in‑8o).

Après s’être beaucoup querellé, on finit par s’accorder et le cœur, tenu par le P. Le Mairat, arriva devant la porte de l’église des jésuites sous un poêle tenu par Messieurs de la Ville. Il y eut une fausse manœuvre où le poêle s’accrocha au linteau de la porte (Henri Fouqueray, chapitre xv, Derniers jours des trois puissants protecteurs [1641-1643], pages 445‑447, citant le Récit véritable…) :

« la pante {a} et la frange se trouvèrent quelque peu décousues et quelques rubans rompus. Ceux qui ne cherchaient que sujet de querelle s’écrièrent que le poêle était déchiré et sans considérer davantage comme il en allait, Monsieur le maire s’emporta à crier plusieurs fois qu’il s’en plaindrait au roi, présentant les poings au visage dudit recteur ; {b} lequel sans s’émouvoir lui demanda ce qu’il voulait faire et de quoi il se plaignait. Le menu peuple entendant la clameur de leur chef fit incontinent une grande rumeur ; et les uns criant que l’on rompait le poêle, les autres que l’on dérobait le cœur de la reine, on se jette sur ces pauvres religieux, on leur porte le pistolet à la gorge, on déchire leur surplis, on les pousse, on en fouille quelques-uns honteusement, leur imputant d’avoir caché le cœur en leurs chausses, {c} on les frappe à coups de poing, on les outrage d’injures […]. Cependant les autres s’écriaient dans la rue que l’on tuait les habitants dans l’église, dont plusieurs y entrèrent avec leurs armes, piques et mousquets. Et si un capitaine mieux avisé que les autres n’eût mis la pique au travers de la porte, menaçant le premier qui entrerait, il eût été répandu beaucoup de sang, vu la furie du peuple échauffé et armé. » {c}


  1. Toile.

  2. Du Collège.

  3. V. note [36], lettre 309.

  4. Enfin, le calme revint et la cérémonie put reprendre son cours sans plus d’accidents.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 2 juin 1643, note 3.

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(Consulté le 23/04/2024)

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