À Charles Spon, le 16 novembre 1643

Note [25]

Jean Bodin (Angers 1530-Laon 1596) fut d’abord avocat au Parlement de Paris avant de se mettre en 1571 au service du duc François d’Alençon. Lieutenant général au bailliage de Laon (1585-1588), il y devint ensuite procureur du roi. Élevé dans la religion protestante, il se convertit au catholicisme en 1589 en engageant Laon dans le parti de la Ligue.

Bodin reste surtout connu pour ses Six livres de la République (Paris, Jacques du Puys, 1576, in‑fo de 759 pages) où il défend la monarchie comme étant le régime le plus conforme à la nature et à ses lois.

Guy Patin évoquait ici son livre intitulé De la Démonomanie des sorciers (Paris, Jacques du Puys, 1580, in‑4o de 502 pages, pour la première de très nombreuses éditions) où il décrit avec profond sérieux et grande application toutes les manifestations de sorcellerie avec les moyens de l’exorciser.

Quant à son judaïsme, Patin s’en référait sans doute au jugement que Gabriel Naudé dans son Apologie pour tous les grands personnages qui ont été faussement soupçonnés de magie (Paris, 1625, v. note [5], lettre 608), chapitre vii, pages 127‑128 :

« Ce premier homme de la France, Jean Bodin qui, après avoir, par une merveilleuse vivacité d’esprit, accompagnée d’un jugement solide, traité toutes les choses divines, naturelles et civiles, se fût peut-être méconnu pour homme et eût été pris infailliblement de nous pour quelque intelligence, s’il n’eût laissé des marques et vestiges de son humanité dans cette Démonomanie, qui a été fort bien jugée par le défunt et sérénissime roi de la Grande-Bretagne, maiori collecta studio quam scripta iudicio ; {a} ce qui peut être arrivé parce que ce grand esprit, qui entendait fort bien la langue sainte, s’est amusé plus qu’il n’était à propos à la doctrine des rabbins et talmudistes, {b} quibus, comme remarque le jésuite Possevin, hoc libro tam videtur addictus, ut ad eos sæpius recurrat quam ad Evangelium. » {c}


  1. « plutôt colligée avec application que rédigée avec jugement ».

  2. V. note [2], lettre latine 233.

  3. « auxquels il semble avoir été si fort asservi par ce livre qu’il recourt plus souvent à eux qu’à l’Évangile. »

    V. note [13], lettre 584, pour Possevin (Antonio Possevino).


Dans sa note O sur Bodin, Bayle cite une lettre de Jacques Gillot (v. note [22] du Borboniana 3 manuscrit) à Joseph Scaliger, datée de Paris le 9 février 1607 :

« Ceux qui montent en chaire ici font des contes, déclament contre Bodin tout un sermon et le déchirent, sans se souvenir que le vilain a été de la Ligue et est mort juif, sans parler de Jésus-Christ par les dernières paroles que j’ai en vers de lui. »

La vie, les opinions politiques, philosophiques et religieuses de Bodin ont beaucoup intrigué les rédacteurs des ana contenus dans notre édition : parmi quinze sur ce sujet, v. la note [31] du Borboniana 6 manuscrit.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 16 novembre 1643, note 25.

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(Consulté le 19/04/2024)

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