À Charles Spon, le 29 avril 1644

Note [50]

V. note [10], lettre 33, pour les Prénotions coaques d’Hippocrate commentées par Louis Duret.

Jean i Des Gorris (Gorræus, 1505-1577), fils de Pierre, père de Jean ii et grand-père de Jean iii, fut doyen de la Faculté de médecine de Paris de 1548 à 1550. Son principal ouvrage est :

Io. Gorræi Parisiensis, Definitionum Medicarum libri xxiiii.  literis Græcis distincti.

[Vingt-quatre livres de Définitions médicales {a} de Jean des Gorris, natif de Paris, suivant l’ordre alphabétique grec]. {b}


  1. Liste alphabétique de mots médicaux grecs définis et plus ou moins longuement commentés en latin : soit un dictionnaire médical gréco-latin.

  2. Paris, Andreas Wechelus, 1564, in‑fo, pour la première de plusieurs éditions. Elle contient un portrait de l’auteur avec ces deux vers :

    Indefinitum ne quid libro esset in isto,
    Illum etiam pingi qui cætera pinxit.

    A. Wechelus typogr.

    [Pour que rien ne soit resté sans définition dans ce livre,
    J’ai aussi peint celui qui en a peint le reste.

    A. Wechel, imprimeur].

    V. notes [11], lettre 117, pour les rééditions de Francfort, 1578 et 1601, et [4], lettre 409, pour celle de Paris, 1622.


Jacques-Auguste i de Thou a parlé de lui (Henri iii, 1577, Thou fr, volume 5, pages 398‑399, livre lxiv) :

« C’était un homme enfin né pour faire l’ornement de son siècle, et pour le bien de la société, généreux, désintéressé, ne le cédant à personne dans Paris pour l’érudition, pour un goût exquis, pour la politesse et l’heureux succès de ses cures. Un accident malheureux changea entièrement ce génie admirable et priva le public de ses soins. Il allait voir Guillaume Viole, évêque de Paris qui était de ses amis et qu’une maladie retenait au lit, lorsque sa chaise fut environnée d’archers. Comme c’était dans le temps de nos troubles, Des Gorris prit ces gens armés pour des assassins ; et il en fut si vivement frappé que, de ce moment même jusqu’à celui où il mourut âgé de 72 ans, il devint absolument méconnaissable et ne fit plus que baisser insensiblement. »

Le protestantisme de Des Gorris revêt un intérêt historique tout particulier. Le 6 novembre 1562, à la rentrée de la Faculté, sous la présidence du doyen Jacques Charpentier (v. note [51], lettre 97), Des Gorris fut radié en même temps que plusieurs autres pour avoir refusé de se convertir au catholicisme, ainsi que l’exigeait désormais l’Université. Tous furent réhabilités par lettres patentes du 17 mai 1571, mais en étant « dispensés » de l’enseignement. Jean ii, le fils de Jean i, dont Guy Patin n’a parlé qu’une fois dans ses lettres (v. note [4], lettre 409), fut pourtant le héros malgré lui d’une affaire qui en dit long sur les mentalités de l’époque. S’étant présenté le 15 mars 1572 pour être admis à la Faculté de médecine de Paris, il fut rejeté à la majorité de deux voix sur 29 opinants pour avoir refusé de prêter un serment rédigé par le légat du pape, que l’on exigeait depuis peu de temps de tous les membres de l’Université (transcrit par R. Desgenettes in Panckoucke, tome 4, pages 486‑487) ; « Ce morceau fort rare, dit Desgenettes, appartient à l’histoire » :

Ego N. credo in unum Deum, Patrem omnipotentem, et in Jesum Christum, Filium ejus unicum, Dominum nostrum, qui conceptus est de Spiritu Sancto, natus ex Maria Virgine, et in Spiritum Sanctum qui ex Patro Filioque procedit.

Certa quoque et firma fide credo Unam, Sanctam, Catholicam et Apostolicam Ecclesiam in terris, quæ in fide et mores errare non potest, cui omnes obedire tenentur, cujus Summus Pontifex Romanus est caput visibile et Christi Vicarius, qui potestatem habet ligandi, solvendi, excommunicandi et indulgentias conferendi, extra quam non est salus.

Ecclesiæ præcepta de audienda missa diebus dominicis et festis et horum dierum observatione, et confessione vocali sacerdoti facienda, de corporis Christi perceptione, semel saltem in anno ; de jejuniis Quadragesimæ et aliorum dierum, de ciborum delectu et abstinentia, et quæcumque ab eadem sunt tradita et sacro-sanctis Conciliis de finita esse observando su peccati pœna ingenui confiteor.

Credo humiliter et ore profiteor septem esse Sacramenta ad nostram salutem a Christo instituta : Baptismum qui unus est et parvulis ad peccati delectionem et spiritualem regenerationem necessarius ; Confirmationem quam soli Episcopi administrantad fidei robur et gratiæ augmentum ; Penitentiam quæ in contritione peccatorum, confessione Sacramentorum et satisfactione consistit ; Eucharistiam cujus perceptio sub utraque specie lacis non est necessaria, et sub integrum ut verum Christi Corpus et Sanguinem contineat ; Sacrum Ordinem ; Matrimonium ; et Extremam Unctionem.

Firmiter etiam credo nos Sanctorum auxillio juvari, quos non solum imitari, sed et venerandi atque orare valde est utile. Neque minus fide teneo missæ sacrificium, piorum videntium supplicationes, orationes, elemosinas, ad sanctas peregrinationes, ac cœtera pietatis opera, tam nobis quam mortuorum animabus, in Purgatorio plurimum prodesse. Sicut non dubito sed constanti fide affirmo statum illud vitæ quem Religionem monasticam professi sequuntur Deo gratam esse. Detestor denique omnem hæresim, præcipue Lutheranorum et Calvinistarum, quos et illorum sectatores externo anathemate dignos esse credo et illa per hoc sacrosanctum Christi Evangelium quod manu tango juro.

[Moi, N., je crois en un seul Dieu, Père tout-puissant, et en Jésus-Christ son fils unique, Notre Seigneur, conçu du Saint-Esprit et né de la Vierge Marie, et en l’Esprit Saint qui procède du Père et du Fils.

Je crois aussi, d’une foi sûre et solide, en une Église unique sur cette Terre, sainte, catholique et apostolique, qui ne peut se tromper en matière de foi et de mœurs, à laquelle tous sont tenus d’obéir, en dehors de laquelle il n’y a pas de salut, dont la tête visible est le Souverain Pontife romain, vicaire du Christ, qui a le pouvoir de lier, de dissoudre, d’excommunier et d’accorder des indulgences.

Je reconnais les commandements de l’Église d’assister à la messe les dimanches et jours de fête, et de porter du respect à ces jours, de me confesser oralement à un prêtre et de recevoir le corps du Christ au moins une fois par an, d’observer les jeûnes du carême {a} et des autres jours, l’abstinence et le choix des aliments, et, de la même manière tout ce qui est prescrit et fixé par les saints et sacrés conciles, sous peine de péché délibéré.

Je crois humblement et je proclame à haute voix que le Christ a institué sept sacrements pour notre salut : le baptême qui est unique et nécessaire aux petits enfants pour la destruction du péché et la résurrection de l’esprit ; la confirmation, que seuls administrent les évêques, pour la consolidation de la foi et l’augmentation de la grâce ; la pénitence qui consiste dans la contrition des péchés, la confession {b} et l’aveu des engagements sacrés ; l’Eucharistie dont la réception sous les deux espèces n’est pas nécessaire aux laïques, et qui contient, véritablement et entièrement sous une seule forme, le corps et le sang du Christ ; l’ordination sacerdotale ; le mariage ; et l’extrême-onction.

Je crois aussi fermement que le secours des saints nous procure de l’aide, qu’il est utile non seulement de les imiter, mais surtout de les vénérer et prier assidûment. Je ne tiendrai pas dans une moindre foi le sacrifice de la messe, les prières des premiers prophètes, les oraisons, miséricordieuses pour les saints pèlerinages et autres actes de piété, tant pour nous que pour les âmes des morts, qui sont salutaires à la purification d’un très grand nombre. Pareillement, je ne mets pas en doute, mais j’affirme avec une ferme foi que la manière de vivre que suivent ceux qui ont professé la dévotion monastique est agréable à Dieu. Enfin, je maudis toutes les hérésies, et principalement celle des luthériens et des calvinistes, que je crois, ainsi que leurs sectateurs, être dignes d’excommunication. Et je jure cela sur l’Évangile saint et sacré du Christ que je tiens en main].


  1. V. note [10] du Naudæana 3.

  2. V. seconde notule {c}, note [54] du Borboniana 5 manuscrit.

Des Gorris le père se présenta, assisté de deux notaires, dans une assemblée de la Faculté et obtint, sur le rejet de son fils, une déclaration motivée. Il appela de suite du décret de la Faculté devant les délégués du roi, pour l’exécution de l’édit de pacification (paix de Saint-Germain, le 8 août 1570, qui avait mis fin à la troisième guerre de Religion). François de Montmorency, pair et maréchal, gouverneur de Paris, et lieutenant général de l’Île-de-France, ainsi que Simon Roger, conseiller au Parlement de Paris, président aux Enquêtes, reçurent ses réclamations, ordonnèrent au doyen de se rendre, seul et sans suite, devant eux pour être entendu, et enjoignirent peu de jours après à la Faculté de procéder à la réception de Jean ii Des Gorris (édit de Charles ix daté du 17 mai 1572) : le requérant devait être reçu « sans être contraint de faire aucun serment concernant la religion ». Le procureur de l’Université, fortement appuyé par les facultés, intervint et forma une opposition régulière. Le 24 août, la Saint-Barthélemy (v. note [30], lettre 211) dispensait les Écoles d’obéir. Après la mort de Jean i en 1577, et de guerre lasse, Jean ii prêta le serment exigé : il fut enfin reçu bachelier en 1578 après avoir déclaré non mente, sed ore [en parole, mais non en pensée] qu’il n’avait embrassé la Réforme que par obéissance à son père, et que dès lors, il ne faisait plus de difficulté à se dire catholique romain. L’édit de Nantes ne mit fin à cet ostracisme qu’en 1598 (R. Desgenettes in Panckoucke, Jestaz et P. Delaunay).

Jean iii Des Gorris, fils de Jean ii, eut pourtant encore à souffrir de sa fidélité au calvinisme : en 1660, la Faculté lui refusa le titre et les prérogatives d’ancien maître (v. note [1], lettre 596).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 29 avril 1644, note 50.

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(Consulté le 19/04/2024)

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