À Charles Spon, le 24 octobre 1645

Note [12]

Bayle (note H) sur les derniers moments de Hugo Grotius :

« Les calomnies que ses ennemis répandirent malignement touchant sa mort sont réfutées d’une manière invincible par le ministre qui le prépara au dernier passage. Ce ministre nommé Jean Quistorpius {a} était professeur en théologie à Rostock. Sa relation porte qu’il fut trouver Grotius qui l’avait fait appeler et qu’il le trouva presque à l’agonie ; qu’il l’exhorta à se disposer à la mort pour aller jouir d’une vie plus heureuse, à reconnaître ses péchés et à en avoir de la douleur ; qu’ayant fait mention du publicain qui se reconnut pécheur et qui demanda à Dieu miséricorde, le malade répondit “ Je suis ce publicain-là ” ; qu’il poursuivit et qu’il lui dit qu’il fallait recourir à Jésus-Christ hors duquel il n’y a point de salut, et que Grotius répliqua “ Je mets toute mon espérance en Jésus-Christ tout seul ” ; qu’il se mit à réciter à haute voix en allemand la prière qui commence ainsi Herre Jesu, wahrer Mensch und [wahrer] Gott, etc., {b} et que le malade le suivait tout bas les mains jointes ; qu’ayant fini, il lui demanda s’il avait entendu et que la réponse fut “ Je vous ai fort bien entendu ” ; qu’il continua à lui réciter les endroits de la parole de Dieu que l’on a accoutumé de rappeler en mémoire aux agonisants, et à lui demander “ M’entendez-vous ? ”, et que Grotius répondit “ J’entends bien votre voix, mais je ne comprends pas tout ce que vous dites ” ; qu’après cette réponse le malade perdit la parole et expira peu de temps après. On se rendrait ridicule si l’on révoquait en doute la sincérité de Quistorpius : aucune raison d’intérêt n’a pu le pousser à mentir et personne n’ignore que les ministres luthériens étaient aussi mécontents que les calvinistes des opinions particulières de Grotius »


  1. Prénom francisé et nom latinisé de Johann Guistorp.

  2. « Seigneur Jésus, vrai homme et vrai Dieu, etc. ».


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 24 octobre 1645, note 12.

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(Consulté le 19/04/2024)

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