À Charles Spon, le 7 février 1648

Note [5]

Gourmer : rouer de coups de poing.

Mme de Motteville (Mémoires, page 143) :

« Le 7 de janvier, huit cents marchands de Paris s’assemblèrent et se mutinèrent à cause d’une taxe qu’on voulait imposer aux propriétaires des maisons, ou pour d’autres causes dont je n’ai pas bien remarqué les particularités. Ils députèrent dix d’entre eux pour parler de leur part au duc d’Orléans. Ils allèrent au Luxembourg ; {a} ils entrèrent dans sa chambre, lui demandèrent justice et firent entendre qu’ils n’étaient pas résolus de souffrir ces impôts ; car malgré la nécessité universelle du royaume, Paris seul voulait être riche et ne voulait point entendre parler de donner de l’argent au roi. Le duc d’Orléans leur fit espérer quelque modération, leur promit d’en parler à la reine, leur remontra leur devoir et l’obéissance qu’ils devaient avoir à ses volontés, et les congédia avec le mot ordinaire des princes : On verra.

Le lendemain cette troupe s’assembla tout de nouveau. Elle alla au Palais et ayant trouvé dans la place le président Thoré, fils d’Émery, surintendant des finances, ils crièrent contre lui, l’appelèrent le fils du tyran, et des menaces il s’en fallut peu qu’ils ne l’outrageassent effectivement ; mais à la faveur de quelques-uns de ses amis, il échappa de leurs mains.
Le jour d’après ils attaquèrent le premier président, {b} ils murmurèrent tout haut contre lui et même le menacèrent de lui faire payer en sa propre personne les maux qu’on leur voulait faire. Cet homme, dont la fermeté va se faire voir en plusieurs occasions égale à celle des plus illustres Romains, leur dit sans s’étonner que, s’ils ne se taisaient et n’obéissaient aux volontés du roi, il allait faire dresser des potences dans la place pour faire pendre sur l’heure les plus mutins d’entre eux. À quoi ce peuple insolent répondit aussitôt qu’elles serviraient plutôt pour les mauvais juges dont ils ne recevraient point la justice et qui étaient esclaves de la faveur. »


  1. Son palais parisien.

  2. Mathieu i Molé.

Ms BnF 1238 :

« Personne ne voulant payer de crainte de la conséquence, toujours dangereuse en matière de taxes, quantité de femmes et d’enfants, et particulièrement de la rue Saint-Denis, se rendirent au Palais et demandèrent avec assez peu de respect la main-levée des saisies que l’on avait faites des loyers de leurs maisons. Ils étaient bien deux ou trois cents qui continuèrent quatre ou cinq jours de se rendre précisément à l’entrée et à la levée de la Cour, criant insolemment et tumultuairement, Main levée ! Main levée ! à quoi ils ajoutaient beaucoup d’autres paroles séditieuses et punissables en tout autre temps. Leur audace passa jusqu’à ce point qu’arrêtant tout court M. d’Émery, président en la troisième des Enquêtes, fils du surintendant des finances, ils lui dirent mille injures et lui poussèrent même quelques coups de poing dans l’estomac, ce qui donna sujet à l’un de ses domestiques de mettre l’épée à la main pour le défendre et repousser cette violence par une autre ; mais il fut aussitôt saisi au collet, son épée rompue, battu et chassé par cette populace ; et parce que le nommé Cadeau, marchand de draps de la rue Saint-Denis, avait été remarqué pour le plus échauffé de toute la troupe, le Parlement ordonna prise de corps contre lui. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 7 février 1648, note 5.

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(Consulté le 20/04/2024)

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