À Charles Spon, le 18 juin 1649

Note [72]

Michel de Marolles, abbé de Villeloin (Genille, Touraine 1600-Paris 1681), avait été nommé dès l’âge de neuf ans abbé de Baugerais en Touraine. Ayant reçu la tonsure en 1610, il était venu faire son éducation à Paris. Entré dans les ordres, il avait refusé l’évêché de Limoges, se vouant tout entier à la culture des lettres et bornant son ambition au bénéfice de Villeloin qui lui valait de cinq à six mille livres de rente. Il séjournait le plus souvent à Paris où il s’était attaché à la famille de Gonzague, devenant l’un des familiers de la princesse Marie, reine de Pologne. Marolles aida aux débuts de Nicolas Boileau-Despréaux et d’Antoine Furetière. Tout en se livrant à ses travaux littéraires, il avait formé à partir de 1644 une riche collection d’estampes que Colbert acheta pour le Cabinet du roi en 1667. Il en commença alors une seconde qui a été dispersée après sa mort (G.D.U. xixe s.).

Dans l’abondante production littéraire de Michel de Marolles, on trouve ses Mémoires (1656 et 1657, v. infra) et de nombreuses traductions des auteurs latins. Guy Patin en citait ici deux :

Dans la Préface de son Virgile, Marolles a voulu justifier sa traduction :

« Quelques-uns ont cru que la prose française ne serait jamais capable de conserver le caractère d’une poésie divine comme est celle de Virgile, où les termes latins, qui font une si grande partie de ses grâces et de sa beauté, sont infiniment au-dessus des nôtres. Il est vrai qu’il ne m’appartient pas de défendre l’opinion contraire par l’exemple de ce que j’ai fait, qui n’est que la copie bien médiocre d’un original très accompli. Mais je pense qu’il faut avoir une meilleure opinion de notre langue, au point que la mettent tous les jours les hommes rares et savants qui l’enrichissent d’une infinité de beaux ouvrages, pour ne rien dire de l’éloquence qui persuade la piété dans les chaires et qui fleurit dans le barreau. J’estime que ceux qui auront entendu les doctes discours qui découlent comme des fleuves d’or de la bouche de M. l’archevêque de Corinthe, coadjuteur de Paris, {a} en jugeront tout autrement. […] Mais pour ce qui touche l’ouvrage que je donne au public, ceux qui n’entendent pas assez le latin, ou qui ne l’entendent point du tout, se pourront assurer, attendant qu’un autre se donne la peine de faire mieux, qu’ils y trouveront le vrai sens de l’auteur que j’ai traduit, auquel je pense n’avoir rien ajouté ni diminué. Et si en cela c’est une faute d’avoir été fort exact, je confesse qu’il ne reste point lieu d’excuse en ma faveur ; car j’ai tâché d’y observer jusques aux moindres figures et sans être barbare en notre langue, j’ai essayé d’y conserver toutes les forces du latin. Je n’ai fait que suivre où {b} la phrase a eu du rapport à notre usage ; mais quand elle lui est contraire, ce qui arrive souvent, il faut inventer et se donner quelquefois bien de la peine pour trouver des expressions équivalentes. En cela principalement, si je ne me trompe, consiste l’art de traduire les grands auteurs ; et je tiens qu’il ne leur faut rien prêter si on ne se veut mettre en hasard de les diminuer ; mais aussi ne leur faut-il rien ôter, de crainte de les anéantir tout à fait. »


  1. Gondi, futur cardinal de Retz.

  2. Quand.

Marolles a parlé des Patin en deux endroits de ses Mémoires.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 18 juin 1649, note 72.

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(Consulté le 18/04/2024)

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