À Nicolas Belin, le 21 juillet 1649

Note [5]

« Dieu avisera des autres. »

Claude Morlot avait été arrêté le samedi 17 juillet, avant même d’avoir achevé de distribuer sa Custode, dont tous les exemplaires saisis furent détruits. Déféré au Châtelet, il fut expéditivement condamné à être pendu et étranglé en place de Grève le mardi 20 juillet. Le compagnon imprimeur qui accompagnait Morlot au gibet se nommait Antoine Pry.

Journal de la Fronde (volume i, fo 63 ro et vo, juillet 1649) :

« Le 20 la Grand’Chambre, l’Édit et la Tournelle du Parlement s’étant assemblés, jugèrent deux procès criminels d’État. {a} […] L’autre fut celui de l’imprimeur Morlot qui est un vieillard de 70 ans, lequel fut condamné à être pendu après avoir fait amende honorable devant l’église Notre-Dame, et son garçon à l’assister au supplice et être fustigé au pied de la potence comme criminel de lèse-majesté pour avoir aussi imprimé plusieurs libelles diffamatoires contre l’honneur de la reine, entre autres un intitulé La Custode de la reine. L’on remarqua qu’en même temps, les présidents au mortier proposèrent au premier président d’envoyer prier M. le Chancelier de leur faire expédier leur grâce, {b} ayant jugé à propos d’en user ainsi pour le service du roi à cause de l’apparence qu’il y avait que le peuple en dût murmurer ; ce qu’on dit que M. le premier président promit de faire et néanmoins, il ne fit point. Sur cela, les autres présidents se retirèrent sans signer l’arrêt, qui le fut après par le premier président seul en présence du procureur général, auquel il donna ordre de disposer les affaires à l’exécution pour l’après-dînée, ce qu’il fit ; mais le peuple voyant la potence dressée à la Grève, commença de s’attrouper vers le Palais, dont le premier président ayant été averti dit qu’il n’y avait rien à craindre. Sur les cinq à six heures du soir, l’on prononça l’arrêt aux criminels dans la Cour du Palais, d’où étant sortis pour être conduits au supplice, Morlot commença à crier au peuple que l’on l’allait faire mourir injustement et qu’il n’avait rien imprimé que contre Mazarin. L’on avait déjà commencé à jeter des pierres sur les archers qui les conduisaient, lesquels n’étaient que douze pour tout avec un exempt ; {c} mais aussitôt qu’on entendit ce discours, on cria “ Sauve ! Sauve ! ” et l’on redoubla les coups de pierre sur les archers, en sorte qu’on les obligea de s’enfuir bien vite, après y avoir été la plupart blessés et y avoir laissé leurs chevaux et armes. Le bourreau prit aussi la fuite et abandonna la charrette qui fut en même temps jetée dans la rivière, et le cheval pris. Ainsi, les imprimeurs furent mis en liberté. Après cela, cette canaille ramassée, qui étaient pour la plupart laquais, bateliers ou crocheteurs, fut à la Grève et abattit la potence qui fut aussi jetée dans la rivière. Le prévôt des marchands {d} ayant voulu menacer ces séditieux d’une fenêtre de l’Hôtel de Ville, ils lui jetèrent quantité de pierres et rompirent toutes les vitres de la face de cet hôtel qui regarde sur la place de Grève ; après quoi, ils accoururent à son logis, menaçant de le piller et y mettre le feu ; mais son fils, le maître des requêtes, sortit avec une hallebarde, assisté d’assez bon nombre de personnes ; et le maréchal de La Mothe qui jouait dans une maison voisine, y accourut aussitôt l’épée à la main et les fit retirer, de sorte qu’il n’y eut que quelques vitres cassées. Toutes ces circonstances, notamment le procédé du premier président, font croire à tout Paris qu’on avait prémédité d’exciter cette rumeur pour sauver ces criminels, et tout le monde veut que M. le cardinal en soit le seul auteur pour avoir un prétexte spécieux de retenir les imprimeurs ni leur fournir aucuns vivres. M. Le Nain, conseiller, fut commis pour informer contre les auteurs de ce désordre, mais l’huissier qui en publia cet arrêt à son de trompe dans les carrefours fut chassé à coups de pierres en divers endroits. »


  1. V. note [31], lettre 186, pour le premier procès.

  2. Droit d’abstention.

  3. Officier établi dans les compagnies de gardes du corps, qui commande en l’absence de capitaine ou de lieutenant.

  4. Louis Séguier.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Nicolas Belin, le 21 juillet 1649, note 5.

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(Consulté le 19/04/2024)

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