À Charles Spon, le 16 novembre 1649

Note [24]

Scazon est un terme de poésie latine (Furetière) :

« espèce de vers qui avait en son cinquième pied un ïambe, {a} en son sixième un spondée, {b} ne différant au reste en rien de l’ïambique. On l’appelait ïambe boiteux ; et ce mot vient du grec skazein, qui signifie boiter. » {c}


  1. Une syllabe brève suivie d’une longue.

  2. Deux longues.

  3. La métrique (rythme) ou scansion (alternance régulière des longues et des brèves), sans rime, fonde toute la poésie gréco-latine, antique comme moderne.

À la fin de La Rome ridicule de Marc Antoine Gérard, sieur de Saint-Amant (v. note [2], lettre 91) se trouve en effet une virulente invective en 19 vers latins, intitulée In Romam, Iosephi Scaligeri Scazon [Scazon de Joseph Scaliger contre Rome] :

Spurcum cadaver pristinæ venustatis,
Imago turpis puritatis antiquæ,
Nec Roma Romæ compos, sed tamen Roma,
Sed Roma quæ præstare non potes Romam,
Sed quæ foveris fraude, quæ foves fraudem,
Urbs prurienti quæ obsoletior scorto,
Et obsoleti more pruriens scorti,
Quæ pæne victa fæce prostitutarum
Te prostituta vincis et tuum facta es
Tibi lupanar in tuo lupanari :
Vale pudoris urbs inanis et recti,
Tui pudoris nominisque decoctrix,
Turpis litura non merentium rerum,
Ocelle quondam, nunc lacuna fortunæ,
Negotiosa mater otiosorum ;
Vale nefanda, constuprata, corrupta,
Incesta cælibum Quiritium manceps
Contaminata : quippe quid tuos mirer
Putere mores, quando vita computret ?

[Rome, immonde cadavre de ta beauté d’antan, honteux spectre de ton antique pureté ! tu n’es plus maîtresse de toi-même, pourtant tu es Rome, mais Rome qui ne peux répondre de Rome ; mais qui auras encouragé à la fourberie, qui nourris la fourberie ; ville qui es plus débauchée qu’une putain languissante, et languissant à la manière d’une putain débauchée, qui es presque surpassée par la lie des prostituées ; prostituée, tu te surpasses toi-même dans ton lupanar et tu t’es toi-même faite lupanar. Adieu ville sans pudeur ni justice, dissipatrice de ta propre pudeur et de ton renom, honteux enduit des affaires sans mérite, jadis joyau, désormais fossé de la fortune, mère affairée des oisifs. Adieu, maquerelle impure, abominable, débauchée, corrompue, incestueuse des jeunes gens romains ! Pourquoi donc m’étonnerais-je que tes mœurs soient pourries, puisque ta manière de vivre pourrira tout ?].

Guy Patin a cité ailleurs (v. note [25], lettre 529) les vers 14‑16, et s’est aussi servi deux fois isolément du vers 15 (v. notes [9], lettre 53, et [28], lettre 332). Suit (dans certaines éditions), pour clore cet ouvrage antiromain en apothéose, un Desiderii Erasmi, Vale dicentis Romanæ Urbi, Distichum [Distique de Désiré Érasme, disant adieu à la ville de Rome] :

Roma, vale, vidi : satis est vidisse :revertar
Cum Leno, Meretrix, Scurra, Cinædus ero
.

[Adieu Rome, j’ai vu ; c’est assez d’avoir vu ; je reviendrai quand je serai maquereau, putain, bouffon ou mignon]. {a}


  1. Preuve, s’il en fallait une brève, des sympathies d’Érasme pour la Réforme.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 16 novembre 1649, note 24.

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(Consulté le 18/04/2024)

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