À Charles Spon, le 8 janvier 1650

Note [11]

Joseph Duchesne (Quercetanus, 1546-1609), sieur de Moramé, de Lyzerable et de La Violette, était originaire du comté d’Armagnac. Il fit un long séjour en Allemagne où il étudia la chimie. Après avoir pris le bonnet de docteur en médecine à Bâle en 1573, il alla passer quelque temps à Genève. Cette ville lui accorda le droit de bourgeoisie (1584), le fit membre du conseil des Deux-Cents (1587) et le chargea de diverses missions diplomatiques vers la Savoie, dont il s’acquitta avec zèle. En 1593, il vint à Paris et obtint la place de médecin ordinaire de Henri iv. Sa carrière fut très orageuse en France : il n’épargna rien pour renverser la médecine galénique et introduire l’usage des préparations chimiques où le mercure tenait une grande place ; cette entreprise révolta la Faculté de Paris, mais l’opposition ne le rebuta point. Il ne réussit pas à introduire les doctrines de Paracelse qu’il avait embrassées, mais il sut en tirer un grand profit pour sa fortune et il contribua du moins à ébranler le vieux colosse de l’humorisme. Ses ouvrages sont remplis de rêveries et d’absurdités, il croyait au pouvoir des signatures (v. notes [5], lettre 340) et à la pierre philosophale (J. in Panckoucke). La plupart de ses livres ont été édités en latin et en français.

Alexandrian (page 314) a honoré la mémoire de Quercetanus :

« Cet auteur curieux, qui publia aussi un poème philosophique, Le Grand Miroir du Monde (1587), est celui qu’il faut consulter pour comparer les deux genres de médecine. Dans Le Portrait de la santé (1606), {a} Joseph Duchesne trace un tableau admirable des conditions à observer si l’on veut bien se porter et exprime son idéal du vrai médecin, qui doit “ avoir suivi les armées et pratiqué dans les hôpitaux ”, voyagé “ en beaucoup de diverses contrées ”, comparé les méthodes de tous ses confrères, être soucieux de tout connaître, depuis les influences des astres jusqu’aux effets des herbes froides (oseille, endive, laitue) et des herbes chaudes (suage, fenouil, menthe, persil, serpolet, etc.) et savoir même comment apprendre à ses malades manquant d’appétit comment préparer “ le biscuit de la reine ”, qui “ se fond à la bouche et s’avale facilement en sustentant ”. Avec La Pharmacie des dogmatiques réformée et enrichie (1607), {b} Joseph Duchesne nous renseigne sur les médicaments employés par ses adversaires et sur ceux qu’il inventa lui-même, l’électuaire hystérique (contre les vertiges), les pilules d’euphorbe (contre la peste), les dragées antiépileptiques, le sirop de coraux “ pour la guérison de toutes les maladies qui naissent de la corruption et d’imbécillité du foie ”, qu’il fit prendre avec succès à la duchesse de Sully. Il a la singularité, en chaque maladie, de prescrire un remède pour les pauvres différent du remède pour les riches. »


  1. Le portrait de la santé. Où est au vif représentée la règle universelle et particulière de bien sainement et longuement vivre. Enrichi de plusieurs préceptes, raisons et beaux exemples, tirés des médecins, philosophes et historiens, tant grecs que latins, les plus célèbres (Paris, Claude Morel, 1627, in‑8o).

  2. La Pharmacopée des dogmatiques, réformée et enrichie de plusieurs remèdes excellents, choisis et tirés de l’art spagirique. Avec un traité familier de l’exacte préparation spagirique des médicaments pris d’entre les minéraux, animaux et végétaux ; et une brève réponse au livret de Jacques Aubert touchant la génération et les causes des métaux (Rouen, Corneille Pitreson, 1639, in‑8o).

En revanche, ses propos ont valu à Guy Patin cette remontrance de Joseph-Barthélemy-François Carrère (Bibliothèque littéraire, historique et critique de la médecine ancienne et moderne, tome second, Paris, Ruault, 1776, in‑4o, page 500) :

« < Duchesne > jouit à Paris d’une grande réputation et sa pratique {a} fut très étendue ; les succès qui l’accompagnèrent le mirent en état de résister aux entreprises de plusieurs médecins de la Faculté, déchaînés contre lui. Son goût pour la chimie et l’usage qu’il faisait, dans sa pratique, des remèdes chimiques, lui attirèrent les persécutions de Guy Patin, qui le couvrit de sarcasmes et de railleries jusqu’à s’en prendre à tout le pays d’Armagnac, qu’il appelé pays maudit : ce médecin, inquiet et malin, ne ménageait rien lorsqu’il s’agissait de décrier les chimistes et leurs médicaments ; cependant, l’expérience a fait voir que Duchesne a mieux rencontré sur l’antimoine que Guy Patin et ses camarades. »


  1. Clientèle.

Sur quoi, Éloy a renchéri (tome 1er, page 610) :

« M. Carrère n’a pas réfléchi que Duchesne, mort en 1609, n’a pu s’attirer, par son goût pour la chimie et l’usage qu’il faisait des remèdes chimiques, les persécutions d’un enfant de sept ans. Or Guy Patin, né en 1602, {a} avait à peine cet âge à la mort de Duchesne, et tout satirique qu’il ait été plus tard, il ne pouvait alors le couvrir de sarcasmes, ni de railleries. »


  1. Sic pour 1601.

Patin en a rajouté contre Duchesne dans sa lettre latine du 20 mars 1659, à Sebastian Scheffer.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 8 janvier 1650, note 11.

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(Consulté le 19/04/2024)

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