À Claude II Belin, le 6 mars 1650

Note [14]

Le coadjuteur jouit à ce moment et brièvement de l’« enthousiasme » du cardinal qui ne dura que « douze ou quinze jours » ; ce fut alors que (Retz, Mémoires, pages 626-627). :

« Le maréchal d’Estrées se servit habilement de ce bon intervalle pour le rétablissement de M. de Châteauneuf dans la commission de garde des sceaux, qui en avait été dépossédé par M. le cardinal de Richelieu {a} et retenu prisonnier 13 ans dans le château d’Angoulême. Cet homme était vieilli dans les emplois et il y avait acquis une réputation à laquelle sa longue disgrâce donna beaucoup d’éclat. Il était parent fort proche et ami fort particulier de M. le maréchal de Villeroy. Le commandeur de Jars avait été sur l’échafaud de Troyes {b} pour ses démêlés {c} avec le cardinal de Richelieu ; il {d} avait été amant de Mme de Chevreuse, et il ne l’avait pas été sans succès. Il avait 72 ans, mais sa santé forte et vigoureuse, sa dépense splendide, son désintéressement parfait en tout ce qui ne passait pas le médiocre, son humeur brusque et féroce, qui paraissait franche, suppléaient à son âge et faisaient qu’on ne le regardait pas encore comme un homme hors d’œuvre. Le maréchal d’Estrées, qui vit que le cardinal se mettait dans l’esprit de se rétablir dans le public en accommodant les affaires de Bordeaux et en remettant l’ordre dans les rentes, prit le temps de cette verve, {e} qui ne durerait pas longtemps, ce nous disait-il, pour lui persuader qu’il fallait couronner ces beaux ouvrages par la dégradation du chancelier, {f} odieux au public, ou plutôt méprisé, à cause de sa servitude naturelle, qui obscurcissait la grande capacité qu’il avait pour son métier, et par l’installation de M. de Châteauneuf, dont le seul nom honorerait le choix. »


  1. En février 1633.

  2. En 1633.

  3. Ceux de Châteauneuf.

  4. Châteauneuf.

  5. Fantaisie.

  6. Pierre iv Séguier.

Journal de la Fronde (volume i, fo 178 ro, mars 1650) :

« Depuis le retour de Leurs Majestés, M. le duc d’Orléans ayant témoigné souhaiter le rétablissement de M. le garde des sceaux de Châteauneuf, le fit résoudre au Conseil le premier du courant. Il en avait été sollicité pendant l’absence de la cour par M. de Beaufort et Mme de Chevreuse. Aussitôt après cette résolution, Son Altesse Royale envoya le baron des Ouches à Monrouge pour porter la nouvelle à M. de Châteauneuf, et en même temps la reine envoya M. de La Vrillière, secrétaire d’État, à M. le chancelier pour lui demander les sceaux, lesquels il rendit sans faire aucune difficulté ; mais comme il était au lit malade, cette nouvelle ne contribua pas à sa convalescence. Le 2 au matin M. de Châteauneuf reçut grand nombre de visites à Montrouge, où l’on allait se conjouir avec lui de son retour ; et le soir du même jour il arriva en cette ville, et fut aussitôt saluer Leurs Majestés qui, l’ayant fort bien accueilli, lui mirent les sceaux entre les mains ; et l’on tint Conseil en même temps, dans lequel il eut séance immédiatement après M. le cardinal. L’on n’a pas pu lui accorder la qualité de chancelier qu’il demandait conformément au brevet qu’il en avait eu, parce qu’on n’a pas pu déposséder M. Séguier. Quelques-uns veulent qu’il n’ait accepté les sceaux que parce qu’il les avait auparavant, et que, comme il se soucie fort peu de les garder, il doit s’en défaire dans quelque temps. En ce cas on croit que le président de Bellièvre y aura bonne part. À la sortie du Conseil M. le cardinal caressa fort M. de Châteauneuf, après quoi il le pressa extraordinairement d’aller loger dans le Palais Mazarin jusqu’à ce qu’il en eut trouvé un qui lui fut commode ; mais il s’en excusa fort civilement et fut loger chez le marquis de Neufville, son neveu ; mais hier au soir la reine lui ayant encore dit qu’il fallait qu’il allât loger audit Palais Mazarin, il y a couché cette nuit et y a été parfaitement bien reçu. On croit qu’il ira loger dans son ancien logis proche Saint-Eustache, quoique l’on lui conseille de prendre celui du feu sieur Loppes, qui est plus proche du Palais-Royal. L’on croit que toutes ces caresses que M. le cardinal lui fait se font par maxime, et que la métamorphose de l’État n’est pas encore achevée.

M. le Chancelier n’a encore reçu aucun ordre de se retirer, mais il n’a pas laissé de demander son congé pour s’en aller aussitôt qu’il sera guéri. L’on ne sait où il ira, mais on croit qu’il aura le choix d’aller en telle de ses maisons qu’il voudra. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 6 mars 1650, note 14.

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(Consulté le 28/03/2024)

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