À Charles Spon, le 1er juillet 1650

Note [11]

Pour satisfaire la curiosité insistante de Guy Patin sur François Feynes, auteur d’une Medicina practica en cours de publication à Lyon (v. note [12], lettre 252), Charles Spon (qui en avait assuré l’édition) écrivit à son ami Siméon Courtaud, professeur de Montpellier. La réponse éruptive de Courtaud, datée du 30 septembre 1650 (ms BIU Santé no 2190, pages 176‑178), dut bien consterner Spon :

« Vous désirez savoir de moi quelque chose de la vie et mort de l’auteur que M. Ravaud a enfin imprimé. Jusque-là je suis tout à vous, mais je ne puis penser sans horreur ni au nom de l’auteur, ni à son ouvrage qui m’est si fatal ; et sa seule mémoire m’étonne, et non sans sujet, la misérable veuve de mon voleur me menaçant derechef de m’appeler en cause {a} pour cette impression à cause qu’elle a été faite sans sa permission, et me disant que j’en suis responsable, quoique j’en sois très bien déchargé et que je n’appréhende point. Je la verrai venir. C’est à M. Ravaud à se donner de garde, car elle l’attaquera. C’est une nécessiteuse à laquelle j’ai assisté après tant de tourment qu’elle m’a donné, car Dieu a maudit tout ce qu’ils ont eu de moi par violence. Si quelquefois je vous ai écrit quelque mot qui parle de l’impression de ce livre (ce que je ne crois point), je vous prie de mettre les lettres au feu. Le chicaneur ne demande que des apparences < de preuve > pour s’y fonder et soutenir. Dispensez-moi donc, je vous prie, et ne trouvez pas mauvais si je chasse de ma mémoire toute cette race malheureuse. Me Deus libera a manu Iudæorum in perniciem Christiani sanguinis anhelantium. {b} Je frémis tout quand je pense à cette engeance de vipères, laquelle trouble et rend déserte cette année toute cette Académie {c} avec résolution de la renverser s’il {d} ne peut venir à bout de tous ses desseins. Ne prenez donc la peine de m’envoyer aucun exemplaire de cet imprimé funeste, et je vous serai plus obligé que si vous feriez autrement. Je me ferais mal au cœur et ne saurais lire ce livre qu’avec douleur, le nom que je lui ai donné. J’ai assez de livres et nous n’en avons que trop. Laboramus ex plethora et cacochymia librorum. » {e}


  1. De me poursuivre.

  2. « Libère-moi, mon Dieu, des mains des juifs haletant à perdre le sang chrétien ».

  3. De Montpellier.

  4. Sic pour si elle.

  5. « Nous sommes affligés par la pléthore et la cacochymie de livres » (v. note [8], lettre 5).

Je n’ai pas su éclaircir cette querelle de privilège entre Courtaud et la veuve de Feynes.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 1er juillet 1650, note 11.

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(Consulté le 19/04/2024)

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