À Charles Spon, le 16 septembre 1650

Note [35]

L’Imitation de Jésus-Christ est un ouvrage anonyme de piété et de prière, écrit au xve-xvie s. Inspiré par la spiritualité de la Devotio moderna (mouvement ascétique et mystique né à la fin du xive s. aux Pays-Bas), il contient quatre livres :

  1. Admonitiones ad vitam spiritualem utiles [Avis très utiles pour s’avancer sur la voie de Dieu] ;

  2. Admonitiones ad interna trahentes [Instructions sur la vie intérieure] ;

  3. De interna Consolatione [Des Consolations intérieures] ;

  4. De devota exhortatione ad sacram Corporis Christi communionem [Du Sacrement de l’autel].

Après plusieurs autres traducteurs en français, Pierre Corneille en a donné une version en vers (Rouen et Paris, Laurent Maury et Charles de Sercy, 1651, in‑12). Le livre « le plus beau qui soit parti de la main d’un homme, puisque l’Évangile n’en vient pas » (Fontenelle) a connu un tel succès que plusieurs ordres religieux en ont revendiqué l’auteur.

La dispute (reprise dans les notes [29], [30], [31] et [32] du Naudæana 3) opposait alors depuis 1616 les bénédictins aux chanoines réguliers de Saint-Augustin : les premiers défendaient Jean Gessen (ou Gersen, abbé bénédictin de Verceil en Piémont, v. note [30] du Naudæana 3), contre les seconds, en faveur de Thomas de Kempen (Thomas a Kempis v. note [29], lettre 525). On se battait à coups d’arguments paléographiques présentés lors de conférences où l’on confrontait les manuscrits et les dates. En 1641, que Richelieu avait chargé de vider la querelle, Gabriel Naudé, fort mal disposé pour les moines, avait pris le parti des chanoines réguliers de Sainte-Geneviève (génovéfains) contre les bénédictins de Saint-Germain-des-Prés (mauristes). Son rapport, dénonçant des falsifications dans les manuscrits en faveur de l’auteur italien, avait été publié en 1649 dans la deuxième édition des Thomæ a Kempis canonici regularis ordinis S. Augustini De Imitatione Christi libri quatuor… [Quatre livres de l’Imitation de Jésus-Christ de Thomas a Kempis, chanoine régulier de l’Ordre de Saint-Augustin…] (Paris, Sébastien Cramoisy, in‑8o) du P. Jean Fronteau (v. note [42], lettre 324).

Deux bénédictins, Dom Robert Quatremaire et Dom Francis Walgrave, y répliquèrent avec virulence ; un procès s’ensuivit et un arrêt du Parlement, daté du 12 février 1652, ordonna « que les paroles injurieuses respectivement employées dans les livres écrits de Quatremaire, Naudé et Walgrave seront supprimées ; ce fait donne main-levée de la saisie des livres faits par Walgrave ; porte défense d’imprimer le livre De Imitatione Christi sous le nom de Jean Gersen, abbé de Verceil ; permet audit abbé et aux religieux de Sainte-Geneviève et de Saint-Victor de continuer à le faire imprimer au nom de Thomas a Kempis, et défend aux parties de plus récidiver sans dépens ».

Le débat reprit en 1671 sous l’impulsion des bénédictins, pour s’achever dans l’indécision en 1687 (Dom Mabillon par Dom Henri Leclerc, in Dom Mabillon, œuvres choisies, Odon Hurel, Paris, Robert Laffont, Bouquins, 2007, chapitre vi, pages 53‑60). À présent, Thomas a Kempis est tenu pour l’auteur de l’Imitation. Guy Patin annonçait ici les factums de Gabriel Naudé sur le sujet (v. note [30], lettre 248).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 16 septembre 1650, note 35.

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(Consulté le 19/04/2024)

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