À Charles Spon, le 28 mai 1652

Note [10]

Il ne s’agissait ici que de l’un des épisodes de la tumultueuse histoire de la Guyane au xviie s.

Le premier établissement français y remontait à 1604, mais la colonie périclita. Toutefois, avec cette heureuse ténacité qui caractérise la race normande, des Rouennais revinrent à la charge, et en 1643, formèrent une société nouvelle sous cette dénomination : Compagnie du Cap Nord. Elle obtint, comme la précédente, la concession de tout le pays compris entre l’Orénoque et l’Amazone à la condition expresse qu’elle y ferait des établissements et les peuplerait. La France était alors la seule nation européenne qui eût planté son pavillon sur ces côtes. L’expédition, composée de 300 hommes, était partie de Dieppe le 1er septembre 1643 sur deux navires. Elle était arrivée à sa destination le 25 novembre. Le pays où elle débarqua était encore peuplé de quelques Français, débris malheureux des premiers établissements. Ces exilés avaient presque oublié leur langue natale pour le galibi et avaient pris les habitudes des naturels de la contrée. Les 300 colons s’établirent dans l’île de Cayenne (v. supra note [8]) et fortifièrent le mont Cépéron pour se mettre à l’abri des attaques des indigènes ; mais Poncet de Bretigny qui était leur chef, se conduisit à l’égard de ses compatriotes avec tant de barbarie, ses extravagances furent telles qu’une partie des colons s’enfuit dans les bois et que les indigènes, poussés à bout par sa cruauté, le massacrèrent.

En 1645, un renfort de 40 hommes envoyé par les Rouennais avait également été massacré. Cette société anéantie, une nouvelle compagnie s’était réorganisée tout aussitôt. Elle se composait de 12 associés appelés les douze seigneurs et portait la dénomination de Compagnie de la France équinoxiale. Elle réunit un capital de 8 000 écus, un personnel de 700 ou 800 hommes et, en 1652, elle obtint des lettres patentes révoquant celles qui auraient été précédemment octroyées.

Toute la troupe s’embarqua au Havre le 2 juillet 1652 sous les ordres M. de Royville (v. supra notule {a}, note [8]) ; mais pendant la traversée les associés conspirèrent contre leur chef, le poignardèrent et jetèrent son corps à la mer. Arrivés le 30 septembre à Cayenne, les associés sommèrent de Navare, commandant le fort de Cépéron pour les Rouennais, de le leur remettre. De Navare n’opposa pas de résistance. Aussitôt débarqués, les colons se groupèrent autour du fort dont ils accrurent les défenses et confièrent l’administration de la colonie à trois des principaux associés qui prirent le titre de directeurs pour la Compagnie. La guerre ne tarda pas à éclater avec les Galibis. La famine se déclara et les restes de cette expédition durent se réfugier à Surinam, d’où ils gagnèrent les Antilles. Quelques Hollandais, sous la conduite de Spranger, vinrent à cette époque s’établir à Cayenne, abandonnée par ses possesseurs. En 1663, le maître des requêtes de La Barre, appuyé par le gouvernement français, expulsa les Hollandais et créa une nouvelle Compagnie équinoxiale qui fut incorporée l’année suivante à la Compagnie des Indes Occidentales, nouvellement créée (G.D.U. xixe s.).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 28 mai 1652, note 10.

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(Consulté le 25/04/2024)

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