À Charles Spon, les 5 et 7 juin 1652

Note [10]

« je crois certes que le sang se déplace, tantôt dans les veines, tantôt dans les artères, de bas en haut et de haut en bas, et de manière circulaire ; mais j’estime qu’il y a lieu de réfléchir plus amplement, parce que la manière dont il le fait n’est pas encore claire : si c’est au travers du septum du cœur, ou au travers des poumons, ou seulement dans la veine cave, ou même dans la veine porte. {a} On voit beaucoup de choses se faire dans la Nature parce qu’elles se sont faites ou après qu’elles se sont faites ; cependant, nous en ignorons le véritable mécanisme. J’en aurais un grand exemple dans le mystère de l’Eucharistie et dans cette fameuse controverse sur la transsubstantiation que les moines ont tant de fois agitée et remuée ; {b} mais en vérité, plutôt que m’égarer hors des sentiers battus, je m’en tiendrai solidement à nos médicaments purgatifs : bien que leur effet soit manifeste, rien dans toute la médecine n’est plus obscur et incertain que leur mode d’action. » {c}


  1. V. notule {b}, note [18] de Thomas Diafoirus et sa thèse.

  2. Le mystère de la transsubstantiation (v. note [5], lettre 952) demeure une question de foi ; mais la découverte des capillaires (Marcello Malpighi, 1661, v. note [19] de la susdite thèse) a définitivement résolu celui de la circulation, en prouvant anatomiquement comment le sang passe des artères dans les veines.

  3. Ce propos semble éclairer la manière dont Guy Patin jugeait les progrès de la connaissance médicale : il n’était que pragmatique, les querelles théoriques visant à expliquer les phénomènes de la Nature lui importaient peu tant qu’elles ne se traduisaient pas par des progrès dans sa pratique. Il faisait donc mine de ne manifester aucune passion dans l’âpre dispute qui s’agitait encore autour de la circulation du sang. Ce point de vue est somme toute assez raisonnable, même si on peut après coup le trouver peu clairvoyant pour un éminent docteur de la Faculté, bientôt professeur d’anatomie au Collège royal. Il pourrait même inviter le lecteur moderne à une certaine indulgence ; mais Patin était-il tout à fait sincère ? Sa lamentable thèse de décembre 1670, obstinément contre la renversante découverte de William Harvey, incite fort à n’en rien croire.

    Néanmoins, Patin n’a jamais exprimé une opinion plus raisonnable sur le sujet que dans sa lettre du 10 février 1666 à Philipp Jakob Sachs von Lewenhaimb (v. ses notes [2][4]).



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, les 5 et 7 juin 1652, note 10.

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(Consulté le 25/04/2024)

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