À Charles Spon, le 1er novembre 1652

Note [25]

Bois-le-Vicomte est aujourd’hui Mitry-Mory (Seine-et-Marne, à 25 kilomètres au nord-est de Paris). Richelieu y avait construit un château en 1630, qui fut rasé en 1815.

Craignant la vindicte royale pour sa conduite à Orléans et à la Bastille, Mademoiselle était esseulée et désemparée (Mlle de Montpensier, Mémoires, première partie, volume 2, chapitre xvi, pages 204‑215) :

« Le lendemain matin, {a} il {b} me vint éveiller à huit heures et demie, et me dit que Goulas venait de lui écrire un billet pour lui dire que Son Altesse Royale était partie pour Limours et qu’elle lui commandait de l’aller trouver. Je l’envoyai, il trouva Monsieur près de Berny. Il descendit de carrosse et lui dit : “ Je vous ai envoyé quérir pour dire à ma fille, de ma part, qu’elle s’en aille au Bois-le-Vicomte et qu’elle ne s’amuse point à toutes les espérances que M. de Beaufort, Mme de Montbazon et Mme de Bonnelle lui pourraient donner de servir M. le Prince et de faire encore quelque chose de considérable, car il n’y a plus rien à faire. Vous savez que je suis plus aimé et plus considéré qu’elle ; l’on m’a {c} vu partir sans me rien dire. C’est pourquoi elle ne se doit attendre à rien et s’en aller. ”

Préfontaine lui dit : “ L’intention de Mademoiselle est de suivre Votre Altesse Royale et de ne la point quitter, ou de demeurer auprès de Madame. Quand la bienséance n’y serait pas, Votre Altesse Royale doit considérer que le Bois-le-Vicomte est une maison seule, au milieu de la campagne, et que les armées sont tout autour, qui pillent tout ce qui passe ; ainsi, les pourvoyeurs de Mademoiselle le seraient tous les jours ; et il n’y a pas plaisir, dans la conjoncture présente, de dépendre pour toutes choses de ces Messieurs les généraux. La bonté de Mademoiselle a fait qu’elle a permis, pendant cette guerre, que force gens se retirassent dans le château : il y a eu force malades ; de sorte qu’il faudrait un long temps pour en ôter l’infection qui y est. ” Monsieur lui dit : “ Je ne veux point qu’elle vienne avec moi ni qu’elle aille avec Madame ; elle est prête d’accoucher, ma fille l’importunerait. Pour le Bois-le-Vicomte, si elle n’y veut pas aller, qu’elle aille à quelque autre de ses maisons. […]

À Paris, l’on était fort en peine de savoir où j’étais, et à Blois aussi. J’avais écrit une lettre à Son Altesse Royale en partant de Paris, par laquelle je lui mandais que, puisque j’étais assez malheureuse pour qu’elle ne me voulût pas souffrir d’être auprès d’elle, je m’en allais en lieu de sûreté chez une personne de condition de mes amies attendre ce que deviendraient les affaires, et que je croyais que Son Altesse Royale m’ayant dénié sa protection, ne trouverait pas mauvais que j’en cherchasse parmi mes proches et mes amis. J’étais bien aise de mettre cela pour lui donner de l’inquiétude et du soupçon, croyant bien qu’elle ne manquerait pas d’entendre sur les parents et amis que je voulais dire M. le Prince et M. de Lorraine. Mme la comtesse de Fiesque, qui se doutait bien que je n’irais point au Bois-le-Vicomte, ne bougea de Paris et allait dire à tout le monde que j’étais allée en Flandre ; et sur cela me daubait comme il fallait au lieu de m’excuser. L’on fit force discours sur ce prétendu voyage. »


  1. 22 octobre 1652.

  2. Préfontaine, secrétaire de Mademoiselle, qui fut chargé de mettre au net ses Mémoires.

  3. Pourtant.

Mademoiselle était à Pont-Sur-Yonne, en chemin pour Saint-Fargeau (une centaine de kilomètres au sud, v. infra note [32]) ; pour tromper le monde, elle se contenta d’envoyer son bagage au château de Bois-le-Vicomte. Bien loin de faire sa paix avec la cour, le prince de Condé, à la tête d’une armée espagnole, entreprenait le siège de Sainte-Ménehould.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 1er novembre 1652, note 25.

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(Consulté le 20/04/2024)

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