À Charles Spon, le 1er avril 1653

Note [30]

Principal auteur de ce complot fomenté à la cour, le P. Berthod, agent de Mazarin, en a donné un récit détaillé dans ses Mémoires (pages 600‑612).

Le P. Jean-Dominique Ithier, ancien confesseur d’Anne d’Autriche, y joua le rôle d’agent double auprès du prince de Conti et de Mme de Longueville dont il s’était acquis la confiance. Le plan capota au dernier moment.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 202 ro et vo, 6 avril 1653) :

« Les lettres de Bordeaux du 24 du passé portent qu’il s’y était découvert un dessein qui aurait fait rentrer Bordeaux dans l’obéissance du roi s’il eût réussi ; que le supérieur des cordeliers de cette ville-là, nommé le Père Ithier, avait fort travaillé pour cet effet à disposer les bourgeois, et particulièrement les principaux de l’Ormée, à se soulever contre M. le prince de Conti et à se saisir de sa personne, et de celles de Mme la Princesse et de Mme de Longueville ; que pour cet effet, il avait fait tous ses efforts pour gagner un des plus accrédités de l’Ormée, nommé Villars, par le moyen d’une religieuse carmélite {a} qui est sa sœur, laquelle lui avait porté parole de grandes récompenses et entre autres, de 15 000 livres par avance en argent comptant ; dont Villars avertit aussitôt ce prince qui, voulant dissimuler la chose, l’obligea de promettre l’exécution de ce qu’on lui demandait et de prendre ce qu’on lui offrait. Aussitôt, ce père cordelier fit payer les 15 000 livres à Villars qui les reçut ; et ensuite, M. le prince de Conti ayant fait approcher des troupes et fait entrer 300 chevaux dans la ville, fit arrêter ce père, le président d’Affis, les sieurs Des Bordes et Castelnaut, conseillers au parlement, un avocat et le curé de Saint-Rémi. Le premier ayant été convaincu d’abord, fit voir un nombre de lettres de la cour qui témoignaient l’ordre qu’il avait eu de faire soulever tous les quartiers de la ville, dans laquelle M. de Vendôme devait faire entrer des gens de guerre par la rivière, et M. de Candale par terre en même temps ; qu’on devait tuer le général Marchin et quelques autres. Plusieurs officiers de l’Ormée demeurèrent hier toute la journée assemblés avec cent bourgeois de l’Ormée sur ce sujet ; et il s’y parla de juger militairement tous ces prisonniers, desquels on prétend faire un exemple mémorable. »


  1. Mère Angélique.

Le P. Berthod parvint à s’échapper, mais Ithier fut arrêté prisonnier. Il ne fut pas condamné à mort, mais sa punition n’en fut pas moins rude (ibid., fo 205 ro, de Bordeaux du 25 mars) :

« Le 24e du courant, le Père Ithier, supérieur des cordeliers, fut jugé par le général Marchin, par le comte de Maure, assistés de quelques capitaines de cavalerie et de six des plus hardis de l’Ormée, et quelques autres. Il fut condamné à faire amende honorable à Leurs Altesses et à être mis entre quatre murailles, réduit au pain et à l’eau. Hier l’exécution en fut faite. Il y avait deux compagnies en armes et tout le guet. On le sortit de l’hôtel de Ville et on le mit sur une charrette après l’avoir rasé et dégradé, couvert d’un méchant habit de pays, la torche au poing, la corde au col, les mains liées et conduit par le bourreau. Les religieux de son couvent sortirent tous revêtus de [mot manquant] et portant des cierges blancs allumés, furent à l’hôtel de Ville pour s’opposer à cette exécution ; mais ils furent repoussés avec violence par ceux de l’Ormée qui les menaçaient de les massacrer s’ils ne se retiraient. Delà, il fut conduit à Saint-André chez M. le prince de Conti, chez Mme la Princesse et chez Mme de Longueville pour y faire l’amende honorable ; et ensuite il fut remis dans l’hôtel de Ville. Après quoi, ce prince envoya chasser tous les religieux du couvent à son de trompe ; et les ayant fait passer la rivière, fit mettre cent hommes de garde dans leur couvent. »

En récompense de ses services à Bordeaux, le P. Ithier fut nommé évêque de Glandèves en juin 1654 ; il y siégea jusqu’à sa mort, en 1672.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 1er avril 1653, note 30.

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(Consulté le 19/04/2024)

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