À Charles Spon, le 16 juin 1654

Note [2]

La Lettre d’un paroissien de Saint-Paul à Monsieur le curé (sans lieu, ni nom, 1654, in‑4o), contre l’abbé Nicolas Mazure (v. note [1], lettre 348), est signée Jean de l’Espine, « votre très humble serviteur et affectionné paroissien », et datée « De la Place Royale, ce 5e juillet 1654 ». Un prétendu paroissien sermonne son curé pour les méchancetés qu’il a débitées dans une lettre contre de bons pères jésuites qu’il a chassés de sa chaire et de l’enseignement du catéchisme aux enfants, les PP. de Lingendes et Lambert (page 3) :

« Quoi qu’il en soit de l’auteur de la lettre, on dit partout, pour la bien louer, qu’elle ne vaut rien et qu’elle vous fait plus de tort qu’elle ne sert à vous justifier ; car outre que tous ceux qui la lisent, voyant tout le contraire de ce qui s’est passé et dont eux-mêmes ont été les témoins oculaires, ils disent que l’auteur de ce passe-volant ne peut être qu’un menteur ou un imposteur gagé du Port-Royal. Elle offense encore et outrage Messieurs nos marguilliers, {a} quantité d’honnêtes personnes de la paroisse que l’on fait passer pour partisans, et surtout les dames de haute condition et de mérite que l’on compare à des chevaux qui jettent la bave et l’écume par la bouche. »


  1. V. note [59], lettre 229.

Pour ce qu’en disait ici Guy Patin, on y lit en effet (pages 6‑7) quelques piques bien senties contre l’opulence du curé :

« Pour moi, je vous monterai quand il vous plaira qu’autrefois on ne prenait pas les dix et vingt louis d’or, {a} comme vous faites, quand on se mariait, mais qu’on se contentait d’un bel écu ; {b} et aujourd’hui vous renvoyez les dix pistoles {c} comme une trop petite récompense de la peine que vous prenez à assister à un mariage ; je ne m’étonne pas si votre cure est de si bon revenu, et si vous avez trouvé de quoi marier si avantageusement Mademoiselle de Saint-Paul, votre nièce, et acheter une maison de plaisance à Villiers ; mais nous sommes nous autres de bonnes gens, quand j’y pense, de nous laisser ainsi tondre la laine sur le dos et couper nos bourses. Pour moi, je ne vous le nie pas, je suis bien résolu de rappeler l’ancienne façon ; et quand je marierai ma fille, je vous enverrai un bel écu blanc selon qu’il est taxé par l’arrêt de la Cour de Parlement, ou tout au plus, parce que tout est renchéri à présent, je vous ferai donner un beau louis d’or ; et pour aller au-devant des respects humains et du que-dira-t-on du monde, ou qu’on ne croie pas que c’est par avarice ou par épargne, je donnerai en même temps charge que l’on distribue les autres neuf louis d’or aux pauvres honteux de la paroisse ou à vos prêtres malades que vous laissez mourir à l’hôpital sans assistance ; et j’espère que mon exemple en attirera beaucoup d’autres après moi et que les pauvres m’en sauront gré. »


  1. 55 et 110 livres tournois.

  2. 3 livres.

  3. 110 livres.

Plus loin (page 8) :

« Si le P. Lambert était de cette opinion qu’il ne faut point faire pénitence en ce monde, comment est-ce, je vous prie, qu’il aurait embrassé le genre de vie très fâcheux à la nature auquel il s’est obligé ? Que ne demeurait-il au monde à passer doucement son temps avec ses amis, à jouïr des plaisirs et des contentements que sa condition et ses biens lui pouvaient fournir honnêtement ? Il eût eu moyen possible d’avoir comme vous, Monsieur le curé, un bon carrosse pour rouler à son aise dans Paris ; il n’eût pas manqué non plus que vous de maisons aux champs et à la ville pour y bien passer son temps. Qu’avait-il donc à faire de renoncer à toutes ces commodités, et de prendre encore tout nouvellement un emploi si pénible et ennuyeux comme est celui d’instruire les enfants et les pauvres, s’il croyait qu’il n’est point nécessaire de faire pénitence en ce monde ? » {a}


  1. Les détails scabreux sur la vie amoureuse du curé ne se lisent pas dans le libelle ; Guy Patin a dû les tirer d’une autre source ou les inventer.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 16 juin 1654, note 2.

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(Consulté le 24/04/2024)

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