À Hugues II de Salins, le 16 juillet 1654

Note [9]

« il aura été pendu pour le crime d’avoir célébré la messe ». Missificare appartient au latin moderne, dit barbare ; George Buchanan l’a en effet employé dans sa Rerum Scoticarum historia [Histoire des affaires écossaises] (Amsterdam, 1643, v. note [7], lettre 740), livre vingtième, pages 727‑728, à propos d’un prêtre fâcheusement indiscret :

Is cum, quæ de cæde Regis antea dixerat, ab Hamiltonio rogatus, unde hæc rescisset ? num ex Confessione auriculari ? id quoque cum ille affirmasset, tum Hamiltonius, Non ignoras, opinor, quæ pœna revelantibus Confessionum arcana sit constituta : nec quicquam amplius ab eo ad id crimen est responsum. Post autem quindecim, aut amplius menses, cum idem Sacerdos, jam tertio inter Missificandum deprehensus, atque ad supplicium, ex legis præscripto duceretur, eadem omnia, quæ ante dixerat, et apertius, et copiosius publice recitavit : eaque adeo brevi fuerunt divulgata, ut Hamiltoniorum clientes, inter se jurgantes, cædem Regis alii aliis objectarent.

[Hamilton {a} l’interrogea sur ce qu’il avait dit de l’assassinat du roi, {b} pour savoir d’où il avait appris cela, et si c’était par une confession auriculaire. {c} Ayant reconnu le fait, Hamilton lui dit : « Vous n’ignorez pas, je pense, la punition qu’on réserve à ceux qui révèlent le secret de la confession » ; à quoi l’autre ne lui répondit rien. Environ quinze mois plus tard, ce même prêtre fut arrêté, tandis qu’il en était déjà à célébrer sa troisième messe, {d} et fut mené au supplice en application de la loi, parce qu’il avait publiquement divulgué haut et fort tout ce qu’il avait précédemment dit, et que le bruit s’en était répandu si vite que les alliés d’Hamilton se querellèrent entre eux, se reprochant les uns les autres d’avoir assassiné le roi]. {e}


  1. John Hamilton, archevêque de Saint-Andrews, fervent (mais hypocrite) prélat catholique écossais : v. note [25] du Borboniana 3 manuscrit.

  2. Lord Darnley, époux de Marie Stuart, roi consort d’Écosse et père du futur roi Jacques ier de Grande-Bretagne, avait été assassiné en février 1567 : v. notes [32], lettre 554, et [39] du Naudæana 3.

  3. V. note [6], lettre 25.

  4. Dans le rite catholique, un prêtre ne peut célébrer plus de trois messes quotidiennes.

  5. Jugé coupable dans la conjuration qui avait mené à l’assassinat du roi, Hamilton fut lui-même exécuté en 1571.

Le prêtre martyr dont parlait Guy Patin était John Southworth (vers 1592-28 juin 1654), natif du Lancashire, ordonné prêtre à Douai après y avoir étudié au collège catholique anglais. Parti évangéliser son pays natal en 1619, il avait eu à subir deux emprisonnements (1627, 1637) et un exil en France (1630) pour la ferveur de sa foi catholique. Revenu en Angleterre, il avait été de nouveau arrêté en 1654 et cette fois, condamné à être pendu puis écartelé en vertu de la législation élisabéthaine contre les prêtres. Après l’exécution, l’ambassadeur d’Espagne avait ramené sa dépouille à Douai pour l’y enterrer dignement. On l’y retrouva en 1927 pour la transférer à la cathédrale Westminster de Londres. Béatifié en 1929, saint John Southworth a été canonisé en 1970 par le pape Paul vi. Il compte parmi les 40 martyrs d’Angleterre et du Pays de Galles, dont la fête est célébrée le 25 octobre.

Ce que Patin appelait « les états d’Angleterre » était le premier Parlement du Protectorat, nouvel avatar du Long Parliament, qui fut élu durant l’été et s’assembla pour la première fois le 13 septembre 1654 (v. note [6], lettre 374).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 16 juillet 1654, note 9.

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(Consulté le 28/03/2024)

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