À Charles Spon, le 30 août 1655

Note [38]

Jean-Baptiste Chassebras (mort en 1691), docteur en Sorbonne (1644), avait été nommé curé-archiprêtre de la petite paroisse de la Madeleine, dans l’île de la Cité (v. note [4], lettre 642), et s’était lié assez tôt avec divers amis du groupe de Port-Royal. Avec plusieurs d’entre eux, il avait signé dès le 25 août 1649 un acte d’appel au Parlement.

Le 28 juin 1655, un mandement du cardinal de Retz, qui se trouvait alors à Rome, l’avait nommé vicaire général en même temps qu’Alexandre de Hodencq, curé de Saint-Séverin. Mazarin s’y était opposé, disant : « Il n’y a pas de plus grand janséniste au monde que ce prétendu grand vicaire. »

Le roi avait convoqué les deux nouveaux vicaires généraux. Tandis que M. de Hodencq acceptait de se rendre à la cour, Chassebras ne voulut pas déférer à cet ordre et tenta de continuer à exercer ses fonctions tout en étant caché dans la tour de Saint-Jean-en-Grève : « Il se tient si bien caché que l’on ne peut savoir où il est », tempêta Mazarin. De là, Chassebras adressait ses mandements et des protestations aux fidèles avec la complicité de Jean Le Houx, proviseur du Collège des Grassins, et de son frère, boucher dans le quartier. La nuit qui précéda la fête de l’Assomption (15 août), il fit afficher sur tous les piliers de Notre-Dame la commission de l’archevêque de Paris qui le nommait grand vicaire, et sa propre acceptation. Il fut dénoncé à Rome par les jésuites comme « un janséniste notoire et des plus zélés du parti ». Mazarin suggéra à tort qu’il se cachait à Port-Royal.

Chassebras publia des mandements contre les évêques de Coutances et de Dol qui avaient procédé à des ordinations à Paris sans avoir son autorisation ni celle du cardinal de Retz. Le 27 septembre 1655, le prévôt de Paris condamna Chassebras au bannissement perpétuel et à la confiscation de ses biens, mais Rome se refusa à sévir contre Retz et contre son grand vicaire.

Le curé de la Madeleine s’opposa encore au roi à l’occasion du jubilé accordé par le pape Alexandre vii en 1655, mais une solution pacifique fut tout de même trouvée à la suite d’un accord intervenu en décembre 1655 entre Retz et la cour. Bien qu’il fût désigné de nouveau par Retz comme vicaire général en mai 1656, Chassebras, qui n’avait pas participé aux débats de la Sorbonne au sujet d’Antoine ii Arnauld, fut remplacé par Antoine Du Saussay puis par Jean-Baptiste de Contes (tous deux bien vus de la cour) et au début de 1661, de manière provisoire, dans ses fonctions de curé de la Madeleine, par Étienne Barré le jeune, docteur de Sorbonne.

Chassebras trouva refuge à Rome sous le nom de sieur de Saint-Aubin. Il y servit, semble-t-il, d’agent secret à Hugues de Lionne. Un accord conclu entre Rome et Retz prévoyait le retour des ecclésiastiques exilés après la démission du cardinal et l’installation de son successeur. Son exécution fut retardée jusqu’en 1664 par la mort du cardinal Pierre de Marca en 1662. Chassebras revint à Paris en 1666. Il mourut prieur de Saint-Pierre de Chaumont (Dictionnaire de Port-Royal, page 255).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 30 août 1655, note 38.

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(Consulté le 18/04/2024)

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