À Charles Spon, le 30 novembre 1655
Note [40]
La grande querelle avait commencé au début de l’année. Roger du Plessis, marquis de Liancourt, duc de La Rocheguyon et pair de France (v. note [34], lettre 485), grand ami de Port-Royal, se confessait habituellement à un vicaire de Saint-Sulpice, Charles Picoté (v. supra note [28]). Le curé de cette paroisse, Jean-Jacques Olier (v. note [6], lettre 318), étant violemment hostile au jansénisme, le vicaire avait demandé au duc, le 1er février 1655, de rompre ses relations avec les gens de Port-Royal. Le duc avait fait la sourde oreille et s’était vu refuser l’absolution.
« Ils n’ignoraient pas que cette Lettre a désabusé plusieurs personnes, qui avaient été jusques alors peu favorables à l’innocence de ceux qui défendent la doctrine si ancienne et si apostolique de saint Augustin touchant la grâce ; et qu’ils ont été tellement étonnés de voir les diffamations, dont on les avait prévenus, si visiblement ruinées, et tout ce qu’on leur avait dit des desseins de schisme et de révolte contre le Saint-Siège si manifestement faux et si absolument détruit, qu’ils ont loué Dieu d’avoir dissipé les illusions et fait évanouir les vains fantômes, par lesquels on leur voulait faire prendre leurs frères pour leurs ennemis, et des enfants si humbles du très saint et très vénérable Père de tous les fidèles et de leur commune et sainte Mère, pour des hérétiques pernicieux et des auteurs détestables d’une faction et d’un schisme contre le pape et contré l’Église. »
Dans sa Cabale des dévots (pages 180‑182), Raoul Allier a produit des arguments convaincants pour discerner l’influence occulte de la Compagnie du Saint-Sacrement (v. note [7], lettre 640) dans cette affaire : avec l’intention finale de supprimer le jansénisme, elle entendait exclure de ses rangs tous les amis de Port-Royal, dont le marquis de Liancourt était l’un des plus influents ; les dévots auraient donc pesé sur son confesseur, l’abbé Picoté, pour le convaincre d’accuser son pénitent d’hérésie et de lui refuser l’absolution.
« “ Ce M. Picoté, a dit Sainte-Beuve, était nécessaire comme point de départ ; sans lui, sans cette affaire de sacristie, point de Provinciales. ” À défaut de cette “ affaire de sacristie ”, il y en aurait eu une autre. Le conflit était inévitable ; il ne lui fallait qu’une occasion, et ces occasions se trouvent toujours ; les Picoté font les gestes qu’on désire. Celui de Saint-Sulpice a fait les siens parce qu’il y avait, depuis près de trente ans, une société secrète, et que, dans cette société, une fraction intriguait contre l’autre. Sans la Compagnie du Saint-Sacrement, point de Provinciales. »