À Charles Spon, le 3 mars 1656

Note [3]

Jacques de Sainte-Beuve (Paris 1613-ibid. 1677) n’allait plus se montrer tout à fait digne de ces louanges. Docteur en Sorbonne (1638), il avait été nommé en 1643 professeur du roi en théologie (chaire royale qui n’était pas sise au Collège de France, mais à la Sorbonne) ; ami de Port-Royal, il y était le supérieur des religieuses depuis 1646. Le 23 février 1656, Sainte-Beuve avait refusé de souscrire à la censure d’Antoine ii Arnauld. Le 26 février, un des commis de Michel Le Tellier lui avait remis une lettre de cachet datée du 24 lui défendant « très expressément de plus enseigner la théologie ». Il se soumit à l’ordre et fut exclu de la Société et Maison de Sorbonne le 24 mars. Guillaume de Lestocq y fut nommé professeur à sa place le 2 mars. En septembre 1656, les religieuses de Port-Royal, qui n’appréciaient pas le manque de zèle de leur supérieur et sa méfiance à leur égard, obtinrent son remplacement. Sainte-Beuve rentra dans le rang et cessa dès lors d’être un héros du jansénisme : en 1661, il signa, par obéissance, le Formulaire condamnant le jansénisme (v. note [9], lettre 733) ; en 1670, il fut nommé théologien du Clergé de France (Dictionnaire de Port-Royal, page 901).

Charles-Augustin Sainte-Beuve (1804-1869), l’auteur du Port-Royal, qui n’était pas apparenté à Jacques, a consacré un long appendice du livre v (tome ii, pages 1031‑1043) à éreinter l’apologie qu’avait écrite un magistrat de la Seine qui se disait être arrière-petit-cousin du théologien renégat. On y lit notamment ce jugement sans appel :

« Il eut beau faire d’ailleurs, l’imputation de jansénisme, cette tache indélébile qu’il avait tout fait pour effacer, lui restait : de janséniste rigide il était devenu janséniste mitigé […]. Après tout, pourquoi s’occupe-t-on aujourd’hui du docteur de Sainte-Beuve ? Son honneur est d’avoir été nommé dans la 17eProvinciale, d’être entré à l’état de variante dans un hémistiche de Nicolas Boileau-Despréaux, d’avoir été mêlé à un badinage de Mme de Sévigné ; autrement, on n’en parlerait pas plus que de tant d’autres savants docteurs de Sorbonne. Respectons donc, en parlant de lui, ce qui était cher à toutes ces personnes qui ont jeté sur son nom un reflet. »

Voici ces trois reflets.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 3 mars 1656, note 3.

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(Consulté le 19/04/2024)

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