À Charles Spon, le 6 mars 1657
Note [12]
Tommaso Campanella (Stilo, Calabre 1568-Paris 1639), enfant prodige, entra chez les dominicains et exposa très vite des idées de tolérance politique et religieuse qui lui valurent les foudres de Rome. Il ne dut son salut qu’à l’intérêt pour l’astrologie qu’il partageait avec le pape Urbain viii. Il vint finir ses jours à Paris sous la protection de Louis xiii et de Richelieu. Ses nombreux ouvrages touchent à la philosophie politique, à la théologie et aux sciences occultes. Guy Patin admirait particulièrement ses surprenants :
Medicinalium, iuxta propria principia, libri septem. Opus non solum medicis, sed omnibus naturæ et privatæ valetudinis studiosis utilissimum.[Sept livres d’affaires médicinales, suivant ses propres principes. Ouvrage qui est fort utile non seulement aux médecins, mais aussi à tous ceux qui ont du goût pour la nature et pour leur santé personnelle]. {a}
- Lyon, Jean Pillehotte, 1635, in‑4o de 690 pages couvrant l’ensemble de la physiologie et de la pathologie médicales, et de la thérapeutique.
Dans son Lectori S. [Salut au lecteur], Campanella a expliqué son puissant intérêt pour la médecine :
Ne vero te terreat, Humanissime Lector, quod abstrusiora in illo Medicinæ præcepta tractentur a Monacho Theologo, id est, a professione artis Medicinæ viro penitus alieno ; alterius siquidem professionis ab ea de qua scripserunt, innumeros fere connumerant antiquorum monumenta Magistros : quos tamen erudite scripsisse scimus. Testis est Celsus ille perfloridus, professione Grammaticus. Testis et Dioscorides non Medicus, sed Miles, quorum tamen amborum extant exquisitissimi de re Medica commentarii. Testis et Aratus, qui cum nil minus quam Astronomiam profiteretur, opus tamen aureum Astronomicum æternitati consecravit. Testis denique Columella, Cato, Varroque, qui mira plane sedulitate immortales atque revera nunquam intermorituros de Agricultura fœtus posteris reliquerunt, licet Agricola illorum nemo unquam existisset. Ideoque ne mireris, optime Lector, si Theologus de Medicina coniungere. Illa siquidem immortalem Animam, hæc mortale Corpus contemplatur.[Ne t’épouvante pas, très aimable lecteur, qu’un moine théologien, homme tout à fait étranger à la pratique de l’art médical, traite ici de ses très secrets préceptes car, de fait, les ouvrages des Anciens comptent un nombre presque incalculable de maîtres qui ont écrit sur une profession qui n’était pas la leur, et nous savons néanmoins qu’ils l’ont fait avec érudition. Témoin, ce très brillant Celse, {a} qui était grammairien ; témoin aussi, Dioscoride, {b} qui n’était pas médecin mais soldat ; mais tous deux ont produit de très raffinés commentaires sur la médecine. Témoin encore, Aratos qui, sans rien connaître à l’astronomie, ne lui en a pas moins consacré un ouvrage qui aura l’éclat éternel de l’or. {c} Témoins enfin, Columella, {d} Caton {e} et Varron, {f} dont l’admirable application a laissé à la postérité d’immortels enfants sur l’agriculture, dont le souvenir ne s’éteindra sûrement jamais, bien qu’aucun d’eux ne fût cultivateur. Ne sois dont pas surpris, excellent lecteur, qu’un moine aille se mêler de médecine, car elle traite du corps mortel quand la théologie traite de l’âme immortelle]. {g}
- V. note [13], lettre 99, auteur latin de huit livres de Medicina, mais dont la profession reste hypothétique.
- V. note [7], lettre 103, pour Dioscoride, botaniste grec qui fut sûrement soldat et peut-être médecin.
- Aratos de Soles, poète grec du iiie s. av. J.‑C., auteur des Phénomènes, long poème sur l’astronomie.
- V. note [32], lettre 99.
- Caton le Censeur, v. note [5] du Manuscrit de Guy Patin contre les consultations charitables de Théophraste Renaudot.
- V. note [1], lettre 14.
- V. notes [9] et [10] du Naudæana 1, pour un complément biographique sur Campanella.