À Hugues II de Salins, le 18 janvier 1658

Note [8]

« sur les Causes cachées des choses, au chapitre 17, avant le milieu, en ces mots : “ D’Inde, récemment, quelqu’un de ma famille ”. »

Ce chapitre de Jean Fernel est intitulé Occultas quasdam esse formæ seu totius substantiæ proprietates, et quot sint illarum differentiæ [Certaines qualités de l’apparence ou de la substance tout entière sont occultes, et combien elles diffèrent entre elles]. Comme tout le reste de l’ouvrage, il a en grande partie la forme d’un entretien entre deux personnages (Philiatre, l’étudiant en médecine, Ph., et Brutus, le médecin, Br.) où Fernel, par la bouche de Ph., donne son point de vue sur les qualités occultes à l’aide, entre autres, de cette amusante petite fable (livre second, chapitre xvii, pages 388‑390, édition de Paris, 1560, v. note [48], lettre 97) :

p. h. Edo vero nulla de re minus quam de gloria laboro. Sed omissis seriis liceat mihi tecum parumper urbanius iocari. Nuper ex India quidam meus familiaris lapillum mire luminosum deportavit, qui totus quasi incesus admirabili lucis splendore fulget, iactisque radiis ambientem aërem lumine quoquoversus implet. Is terræ impatiens, suopte ipse impetu confestim in sublime evolat. Neque vero anguste haberi potest, sed amplo liberoque loco tenendus. Summa in eo puritas, summus nitor, nulla sorde aut labe iniquinato, figuræ species nulla certa, sed inconstans et momento mutabilis. Quumque sit aspectu longe pulcherrimus, sese tamen contrectari non sinit, et si diutius dnitaris feriet acriter : si quid illi demitur, fit nihilo minor. Aievbat insuper huius vim esse ad plurima tum utilem, tum summe necessariam. b r. Itane fabulosis ænigmatibus cum Oedipodibus quibusdam te iocari putas ? p. h. Nihil fabularum texo : rem si ante te constitui voles, oculorum fide verissimam faterebis. b r. Bestiolam aut novi generis aviculam esse oportet. p. h. Nihil istorum, sed res est prorsus inanima atque muta. b r. Novam et admirabilem rem audio, cuius profecto si cuiusquam alterius, proprietas debet occulta censeri. At nullumne illi est inditum nomen ? p. h. Ignis, flamma. b r. Captus sum, et quidem satis suspicabar quippiam fallaciæ subesse. p. h. Quid me fallaciæ aut vanitatis insimulas ? rem profero verissimam. b r. Sed tamen utilissimam et maxime protritam. Hoc uno maxime spem meam fefellisti, quod ex India allatam diceres. p. h. Ergo India si quid eiusmodi rarum carumque sola protulisset, admirarentur scilicet omnes ac laudarent occultas eius proprietates : nunc quoniam vulgare est parvoque parabile, contemptum proinde erit et nullo in precio ? Si ut recte protulit Avicennas ignis inventu admodum difficilis esset, nobisque ab extremis et ignotis regionibus deferetur, illius quidem vim et proprietatem magis, quam cæterorum omnium omnes admiramur illius causas attentius scrutaremur, illiusque multo magis quam magneris effectus nos in admirationem traherent. Si quæram unde ignis comburit aut eas quas dixi vires accepit, non aliud dicere possis, quam summo esse illum calore, et hanc esse illius naturam et proprietatem. Hoc enim certe responso, docte videberis satisfecisse. Et tamen quum magnetem dico ferrum attrahere, aut peoniam comitialem morbum profligare inhenita sibi proprietate, non videor tibi causam satis dilucide exprimere.

[Ph. Pour moi, à la vérité, je ne suis en peine de rien moins que de gloire. Mais permets-moi donc un instant de plaisanter plus civilement avec toi. D’Inde, récemment, quelqu’un de ma famille a rapporté une petite pierre étonnamment brillante qui, comme si elle était entièrement embrasée, luit d’un admirable éclat de lumière et qui, par les rayons qu’elle jette en toutes directions, emplit l’espace de clarté. Incapable de rester par terre, elle s’envole aussitôt, de son propre mouvement, dans les airs. On ne peut à vrai dire la tenir enfermée et il faut la conserver dans un lieu vaste et libre. Sa pureté est extrême, tout comme sa beauté, qui n’est souillée par aucune tache ni aucun défaut, elle n’a aucune forme certaine, mais elle est inconstante et change à tout instant. Alors qu’elle dépasse tout en beauté par son aspect, elle ne se laisse pas attraper et si tu essaies, elle frappera vivement ; si on lui enlève quelque chose, ça lui fait moins que rien. Il disait en outre que sa force est utile à tout le monde, et donc tout à fait nécessaire.

Br. N’hésites-tu pas à plaisanter avec des énigmes fabuleuses à la manière d’Œdipe et du Sphinx ? {a}

Ph. Je ne manigance aucune fable : si tu veux qu’on mette cette chose devant toi, tu constateras de tes propres yeux qu’elle est parfaitement véritable.

Br. Il faut alors que ce soit un insecte ou un petit oiseau d’un nouveau genre.

Ph. Ni l’un ni l’autre, car la chose est absolument inanimée et muette.

Br. Voilà bien quelque chose de nouveau et d’admirable qui ne ressemble certainement à rien de connu ; il faut y reconnaître une qualité occulte. Et ne lui a-t-on pas donné de nom ?

Ph. Si, le feu, la flamme !

Br. Tu m’as bien eu, je ne suspectais pas assez qu’il y eût là quelque fourberie cachée.

Ph. Pourquoi m’accuses-tu de duperie ou de mensonge ? Je t’ai parlé d’une chose qui est tout à fait vraie.

Br. Mais pourtant fort coutumière et des plus banales. Le seul point de ton histoire qui a semé le trouble dans mon esprit, c’est que tu aies dit la chose venue d’Inde.

Ph. Du seul fait que quelque chose de rare et cher ait été apporté d’Inde, tous devraient naturellement s’en étonner et vanter ses qualités occultes ; sous prétexte que la voilà commune et disponible à vil prix, devient-elle méprisable et perd-elle toute valeur ? Si, comme l’a justement déclaré Avicenne, le feu avait été extrêmement difficile à inventer, et nous avait été apporté de régions lointaines et inconnues, nous admirerions tous sa force et ses qualités au delà de tout ce qu’il y a d’autre, nous examinerions avec attention ses causes, et ses effets nous plongeraient dans une admiration beaucoup plus grande que ceux de l’aimant. Si je demandais d’où vient que le feu brûle ou d’où il a reçu ce que j’ai appelé ses forces, tu ne pourrais rien dire d’autre qu’il est doué d’une immense chaleur, et qu’en cela réside sa nature et sa qualité. C’est en effet ce que je te réponds et tu conviendras sagement en avoir été satisfait. Et pourtant, quand je dis que l’aimant attire le fer ou que la pivoine guérit l’épilepsie par une qualité qui est lui est innée, il ne me semble pas t’en exprimer la cause de manière assez claire].


  1. V. notes [28], lettre 226, et [33] des triades du Borboniana manuscrit.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 18 janvier 1658, note 8.

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(Consulté le 20/04/2024)

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