À Charles Spon, le 27 août 1658

Note [9]

« il a été nul en pratique, ou du moins y a-t-il eu grand besoin du nageur de Délos. »

Le nageur de Délos (Δηλιος κολυμβητης, Delius natator) est un personnage proverbial venant au secours des lecteurs qui se noient dans les complexités d’un livre (ou, comme ici plutôt, au secours des praticiens perdus dans celles de leur art). Piochant dans Diogène Laërce, Érasme (adage no 529) a attribué l’expression à Socrate : {a}

Cum enim huic Euripides librum obtulisset Heracliti, cui cognomen additum σκοτεινω ptopter affectatam scriptorum obscuritatem, rogaretque cujusmodi videretur, respondisse fertur hoc pacto : Α μεν συνηκα γενναια οιμαι δε και α μη συνηκα πλην Δηλιου δειται κολυμβητου εις το μη αποπνιγηναι εν αυτω, id est Quæ quidem intellexi, præclara ; arbitror autem et ea, quæ non intellexi, quamquam natatore Delio opus, ut ne quis in eo præfodetur. Hæc Socrates alludens simul et ad proverbium est ad Heracliti sensus nimium abstrusos ac profundos. Ut nisi natator insignite peritus contigisset, periculum esset ne lector in eo libro suffocaretur mergereturque. Laertius in Heraclito refert hoc dictum ad Cratetem quemdam, qui primus Heracliti librum de natura Græcis invexerit et hoc elogio commendarit.

[Comme Euripide {b} lui avait montré un livre d’Héraclite, {c} auquel il avait ajouté le surnom de ténébreux, à cause de l’obscurité étudiée de ce qui y était écrit, et lui avait demandé ce qu’il en pensait, on raconte que Socrate répondit : « Ce que j’en ai compris est bien fait ; ce que je n’ai pas compris aussi, me semble-t-il ; sauf qu’il faut être un nageur de Délos pour ne pas s’y noyer. » Socrate ici s’amusait à la fois du proverbe, et des pensées trop abstruses et trop profondes d’Héraclite, au point qu’à moins de tomber sur un nageur extrêmement adroit, il y avait danger pour le lecteur d’en être submergé et de s’y noyer. Laërce {d} dans Héraclite attribue ce dicton à un certain Cratès qui a le premier apporté aux Grecs le traité d’Héraclite sur la Nature et l’aurait accompagné de ce commentaire].


  1. V. note [4], lettre 500

  2. V. note [16], lettre 290

  3. V. note [8], lettre latine 326.

  4. Diogène Laërce, ix, 12.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 27 août 1658, note 9.

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(Consulté le 14/12/2024)

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