À André Falconet, le 5 décembre 1659

Note [3]

Augier Ghislen de Busbecq (Bousbecq ou Bousbecque ; Comines, Flandre 1522-près de Rouen 1592) fut ambassadeur de la cour impériale auprès de Sélim ii, {a} gouverneur des fils de Maximilien ii, {b} intendant de l’archiduchesse Élisabeth, épouse du roi de France Charles ix, enfin ambassadeur de l’empereur germanique Rodolphe ii {c} près de la cour de France (G.D.U. xixe s.). Il est auteur de quatre lettres en latin relatant ses ambassades :

Ambassades et voyages en Turquie et Amasie {d} de M. Busbequius : nouvellement traduites en français par S.G.{e} et divisées en quatre livres. {f}


  1. Ou Soliman ii, v. note [14] du Borboniana 4 manuscrit.

  2. V. notule {g}, note [24] du Borboniana 5 manuscrit.

  3. V. note [39] du Borboniana 3 manuscrit.

  4. Amasée ou Amasia, ville natale de Strabon (v. note [5], lettre 977), se situe au nord de l’Anatolie.

  5. S. Gaudon a dédié sa traduction à son cousin, Samuel Gaudon de La Rallière (v. note [42], lettre 166).

  6. Paris, Pierre David, 1646, in‑8o de 698 pages, parmi plusieurs autres éditions, dont celle, latine, parue à Francfort, chez Claud. Marnius et Ioann. Aubrius, 1595 (in‑8o de 360 pages) contient deux lettres supplémentaires.

Je n’y ai pas lu ce que disait Guy Patin. Le récit porte seulement sur la manière dont Sélim a exempté les chrétiens de l’interdit que Mahomet a prononcé contre le vin (pages 504‑506) :

« Quelques Grecs en cette rencontre voulurent tenter l’esprit de Soliman par ce stratagème : ayant su assurément qu’il devait passer par des lieux plantés de vignes, ils s’assemblent en grand nombre pour les arracher dès la racine ; les uns en font des fagots, les autres en remplissent les chemins, {a} et quelques-uns en chargent leurs charrettes. Ce prince étant arrivé auprès d’eux s’étonna de la nouveauté de cette entreprise, appela les plus proches et leur demanda ce qu’ils faisaient. Les Grecs répondirent que le vin leur ayant été défendu pas ses ordonnances, ils arrachaient les vignes qui leur dévaient être désormais inutiles, pour en faire du bois à chauffer. Alors Soliman : “ Vous ne faites pas bien mes amis, dit-il, et vous n’avez pas compris mes intentions. Lorsque j’ai commandé l’abstinence du vin, je n’ai pas défendu l’usage des raisins. Je crois que c’est un fruit qui doit être mis au nombre des plus excellents que Dieu a donné à la race des hommes. Personne ne vous empêche d’en manger les grains et d’en boire le suc, pourvu que, par une invention pernicieuse, vous ne le corrompiez pas dans vos tonneaux et que vous ne le fassiez pas servir à d’autres usages. Croyez-vous donc aussi qu’il faille couper les arbres parce qu’ils ne produisent jamais de vin ? Arrêtez-vous, pauvres que vous êtes ! et pardonnez à vos vignes qui vous rendent des fruits si délicieux. ” L’artifice des Grecs leur fut par ce moyen inutile. » {b}


  1. Pour en stabiliser le sol, comme avec des pierres.

  2. Conclusion ambiguë que le latin original ne permet pas de mieux comprendre : Ita Græcis sine effectu suum commentum fuit [Ainsi son commentaire fut-il sans effet pour les Grecs].

L’opinion des Turcs de l’usage du vin (pages 22‑24), ne parle pas du Grand Turc :

« Il y avait toujours à ma table plusieurs Turcs que le vin y attirait. La passion qu’ils ont d’en boire est d’autant plus grande qu’ils n’en ont pas la liberté, et lorsqu’ils en trouvent, ils en prennent avec excès et s’en remplissent. La nuit se passe à boire et lorsqu’étant las de leur débauche, je me retirais dans ma chambre, la tristesse paraissait sur leur visage d’être obligés de se lever de table devant que d’être saouls ; tellement que, pour avoir la permission de boire tant qu’ils voudraient, ils m’envoyaient incontinent un homme pour me demander du vin et des tasses d’argent ; ce que leur faisant donner incontinent, ils passaient toute la nuit dans quelque lieu du logis à s’enivrer, jusqu’à ce que le vin les couchât par terre et les endormît. Ils s’estiment très coupables d’en boire, et les vieillards plus que les jeunes, qui pèchent avec plus d’espérance de pardon que les autres. Comme c’est leur croyance que les peines sont égales aussi bien pour ceux qui prennent peu de vin que pour ceux qui en prennent beaucoup, depuis qu’ils ont commencé de boire, ils continuent jusques à crever, comme si l’excès et l’ivrognerie ne leur étaient point imputés. Ils ont ces opinions extravagantes, et beaucoup d’autres plus absurdes. J’ai vu un vieillard à Constantinople qui faisait des cris horribles tenant un verre à la main ; ses amis m’expliquèrent ces cris et me dirent qu’il avertissait son âme de se retirer dans quelque coin de son corps ou de s’en séparer tout à fait, de peur qu’elle ne fût souillée par le vin qu’il devait boire et qu’elle ne participât au crime qu’il devait commettre. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 5 décembre 1659, note 3.

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(Consulté le 28/03/2024)

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